11 citations sur la photographie de rue - Streetwise
11 photographes, 11 citations, 22 photos issus du livre Streetwise de l’agence Magnum. Difficile de commencer par quelqu’un d’autre :
Henri Cartier Bresson
Gueorgui Pinkhassov
Herbert List
Christopher Anderson
Sergio Larrain
Bruno Barbey
Elliott Erwitt
Nikos Economopoulos
Bruce Gilden
Bruce Davidson
Jonas Bendiksen
5 leçons de photographie avec Raymond Depardon
Raymond Depardon, né le 6 juillet 1942 à Villefranche-sur-Saône, est un photographe, réalisateur, journaliste et scénariste français. Considéré comme l'un des maîtres du film documentaire, il a créé l'agence photographique Gamma en 1966 et est membre de l’agence Magnum depuis 1979.
Je ne prétends pas ici explorer sa carrière de manière exhaustive, je retiens simplement les textes et réflexions qui ont particulièrement résonné en moi. Ces textes sont principalement tirés du livre Histoires de l’agence Magnum.
Photographier son quotidien
Quelqu’un à qui on n’a jamais dit : “Viens à mon anniversaire, et prends ton appareil photo” ne devrait pas vraiment être autorisé à s’appeler photographe. Mais la photographie est pour moi d’abord un plaisir quotidien, une excuse pour voir ou vivre, une raison de créer un peu tout le temps.
Et puis, une belle photo est aussi une œuvre d’art, au sens qu’elle a le pouvoir “d’arrêt esthétique” dont parle si bien Joseph Campbell. Le photographe a le même pouvoir qu’un guitariste : il peut inspirer et transporter, uniquement par la pratique de son art. Oui, je rêve parfois avoir été photographe pendant mon adolescence.
La photographie est un moyen d’expression, c’est une raison de vivre et la création d’un lien social. La seule vraie question, c’est pourquoi tout le monde n’est pas photographe ? OH WAIT.
La photographie est une résistance
Raymond Depardon était autant photographe que journaliste, ce qu’il dit très bien plus bas. Cette résistance qu’il évoque est-elle une opinion ou une révolte ? Est-ce que Raymond Depardon montrerait son engagement dans les sujets qu’il traite, plutôt que dans la pratique de la photographie comme art ? Faire de la photographie sa vie, professionnelle ou non, est pour moi une forme de résistance. On ne choisit pas de consacrer sa vie à la photographie par hasard, j’y crois profondément.
Je pense avoir fait le choix de la photographie pour des raisons très personnelles, voire spirituelles, parce que cette pratique est pour moi le chemin qui m’apporte le plus de joie dans ma vie. Mais je l’ai choisie aussi pour résister à ce que je croyais devenir. Les choix au début de ma vie professionnelle correspondait à ce que mes tuteurs voulaient de moi, ou plutôt à ce que j’imaginais qui leur ferait plaisir ou les rendraient fier. Je me souviens avoir voulu travailler dans la communication et la publicité parce que je me disais que je pourrais être au contact de personnes créatives, sans même me rendre compte que je pourrais être cette personne créative.
Quand j’y repense, le plus drôle dans mon parcours est d’avoir travaillé comme commercial pour un studio de photographie sans jamais toucher un appareil ! Quelques années plus tard, je choisissais la photographie comme résistance à la caricature de vie de bureau d’un jeune cadre dynamique qui était devenue mon quotidien.
La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur
La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur.
La lumière, c’est le bonheur et le cadre, c’est la douleur.
[Répéter 10X]
Histoire ou instant décisif
Cette distinction entre ces “écoles” de photographies est intéressante. Est-ce que vous cherchez la photographie parfaite ou est-ce que vous cherchez à mieux raconter des histoires et des histoires plus intéressantes ? Cela me renvoie à cette discussion avec un ami photographe dont je tairai le nom puisque nous parlions d’autres. En quelques mots, d’autres commentaient son travail en disant qu’il ne cherchait qu’à “faire des plaques”, qu’il était un photographe de “singles”. Je ne trouve pas qu’il y ait un quelconque problème avec le fait de chercher des photos uniques, fortes, et d’assembler des livres qui aient des structures narratives qui ne soient pas classiques, comme le ferait plutôt un photojournaliste ou un photographe documentaire.
Pour moi cette distinction est exactement la même qu’en littérature où vous trouverez des écrivains de romans et des poètes. Reproche-t-on à Alex Webb de ne faire que des singles ? Je crois qu’il y a la place pour des dramaturges et des romanciers, pour des Alexandrins et des Haïku. J’aime autant Victor Hugo ou James Joyce que William Shakespear. De même, je respecte autant Alec Soth que Jonas Bendiksen, qui ont pourtant des méthodes narratives assez différentes.
Le récit que contient une série d’images
Quand Raymond Depardon parle de son retour à la ferme de ses parents, dont il tirera le livre La ferme du Garet, je retrouve cette prise de conscience essentielle qui nous amène à photographier ce que nous connaissons le mieux. Ce sont ces photos qui ont le plus de profondeur, et finalement le plus d’intérêt pour les autres.
Si l’on est pas capable de photographier en bas de chez soi, dans son jardin ou dans sa cuisine, comment peut-on prétendre photographier ailleurs ? Un livre photo ne se fait pas en 15 jours de vacances dans un pays plus ou moins exotique. Un projet photo révèle le cœur secret de ce qui est connu.
Brûler les ponts
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être photographe professionnel pour une seule raison : avoir la possibilité de marcher et photographier pour moi, où que je sois. J’aime photographier des craquelures sur le béton, une lueur dans un nuage, un bout de papier ou un pot de peinture qui a une drôle de forme. J’aime photographier les gens, tous les gens. Mais parce que je n’ai qu’une vie, je dois choisir. Souvent, je me laisse porter par une intuition totale, sans aucune sophistication intellectuelle. Je vais parler à tout le monde, et de préférence n’importe qui.
Bien sûr, ce que je viens de décrire est tout sauf la photographie professionnelle. Mais si ma vie professionnelle m’empêchait un jour de prendre les photos que j’aime, j’arrêterais immédiatement. J’ai eu la chance de pouvoir atteindre certains de mes rêves, notamment me présenter comme “Photographe de voyage” en travaillant essentiellement avec des agences ou des magazines de voyages. Au delà du plaisir mésestimé de rendre jaloux quelques rageux, accomplir ce type de rêve est tout sauf un chemin droit, lisse et bordé de petits anges tous nus qui chantent vos louanges en Indou. C’est dur, émotionnellement choquant, souvent tragique. Et pourtant, non seulement je recommencerais sans aucune hésitation, mais en plus je le conseille à ceux qui sont prêts à l’entendre.
Je ne crois pas qu’il faille suivre ses rêves aveuglément, bien au contraire. Mais si vous découvrez quelque chose qui vous accomplit pleinement, je suis convaincu qu’il n’existe qu’un seul moyen d’atteindre ses rêves : brûler les ponts qui vous y mènent. Je m’explique.
Premier conseil, qui peut-être vous explosera le cerveau comme moi quand je l’ai réalisé : un objectif, c’est un rêve avec une date. Je vais vous faire une confidence, je me suis longtemps cru incapable d’être indépendant, de travailler pour moi ou chez moi. Je me disais que ça n’était tout simplement pas mon caractère. Ce qui m’a sauvé : être une tête de mule. Et brûler des ponts. J’y viens.
Si vous voulez atteindre vos rêves, notez-les tous sur un carnet en les classant par catégories : développement personnel, vie professionnelle, loisirs (les voyages ou jouets viennent ici), et enfin comment vous pouvez aider un peu les autres. Reprenez vos quatre pages de notes, et mettez une date raisonnable pour réaliser chaque rêve. Choisissez-en un seul par catégorie pour l’année à venir. Et voilà ! Ces rêves sont maintenant des objectifs à atteindre, pour lesquels je vous conseille d’inscrire instantanément le plan d’actions qui doit vous y mener.
D’après Ralph Waldo Emerson :” à partir du moment où vous prenez une décision, l’univers va conspirer pour que cela se réalise“. Mais comment est-ce que vous pouvez effectivement prendre une décision qui vous mette sur ce chemin ? En brûlant les ponts, c’est à dire en étant absolument et totalement investi dans votre décision. Un autre penseur nous éclaire ici, Robert Brault, quand il dit : “ce qui nous empêche d’atteindre nos objectifs majeurs, c’est un chemin plus facile vers un objectif mineur”.
Brûler les ponts, c’est s’empêcher de faire demi-tour et être obligé de réussir. Alors évidemment, vous n’êtes pas forcé de suivre mon exemple quand je démissionnais de mon dernier job, sans chômage et sans client. Vous n’êtes pas obligé non plus de sortir un livre tous les ans quoi qu’il en coûte, comme je m’y suis résolu il y a maintenant trois ans. Mais vous pouvez vous investir tellement dans votre décision, dans la photographie ou non, pour atteindre ce point de non-retour que connaissent tous les entrepreneurs et qu’ignorent ceux qui ne font qu’en rêver.
Bien sûr, mon programme de mentorat a aussi cette fonction : vous mettre dans une position d’investissement personnel qui va tout accélérer. J’y développe aussi des méthodes qui doivent vous faire grandir tout en gardant une photographie qui vous soit personnelle, intime, unique.
Parce que je suis convaincu qu’on ne peut s’épanouir en photographie qu’en gardant ce qui en fait la flamme pour nous, et rien que pour nous. Rien ne remplace mon plaisir de sortir de chez moi et d’aller faire des photos dans la rue. Même si cela fait plusieurs mois que je passe tout mon temps devant mon ordinateur pour préparer des voyages, des ateliers et des formations. Je suis en train de brûler mes ponts, pour pouvoir continuer à vivre mes rêves.
L’homme orchestre
Un photographe professionnel est un homme orchestre. Quelle que soit sa spécialité, les genres pratiqués ou les clients qui lui font confiance. C’est vrai en 2021, mais c’était certainement le cas depuis les débuts de la photographie, en tout cas pour des photographes indépendants.
Il faut être capable de mener une activité d’entreprise seul en gardant une démarche personnelle, puisque elle seule permet de se différencier, ou simplement d’avoir des photographies à montrer.
Depuis 10 ans, les métiers que j’ai occupé sont nombreux :
Photographe de voyage, de rue, de villes, d’événements, de voitures, de mariages, culinaire, portraitiste, journaliste et combien d’autres…
Écrivain, journaliste, blogueur quand j’ai besoin d’écrire pour moi ou pour les autres.
Community Manager, ce mot fourre-tout pour dire qu’il faut savoir créer un site web et développer une présence, voire une communauté sur les réseaux 365 jours par an.
Entrepreneur, commercial, comptable, mais surtout stratège ou marketeur (quel horrible mot) quand il s’agit d’atteindre des objectifs de chiffre d’affaires.
Et aussi, travailler avec des galeries, monter des expos, développer des projets avec des startups (Artpoint) ou des grosses machines (Yellow Korner), éditer des livres ou des magazines.
Guide de voyage dans une dizaine de pays.
Enseigner, écrire des cours, développer la créativité chez d’autres et accompagner le développement personnel en photographie, amateure ou professionnelle.
Jamais je n’aurais imaginé être capable de faire tout cela, JAMAIS. Tout ce que je voulais, c’était faire des photos et espérer que certains soient assez fous pour m’en commander. J’ai réalisé très tard dans ma vie que c’était tout ce que je voulais faire, et rien d’autre. Dix ans plus tard, j’ai toujours mon appareil à portée de main et le même plaisir d’essayer de voir des belles choses ou de les montrer quand une photo est réussie.
Ce que cette liste ne dit pas, c’est d’abord que ces métiers ne se font pas tous en même temps, dans la même année ce serait impossible. Ensuite, ce qu’elle ne montre pas c’est l’aide que j’ai pu trouver chez d’autres photographes. Dans des livres souvent, et dans des discussions parfois. J’ai eu la chance de passer du temps avec beaucoup de photographes qui ont réussi, grâce à eux je me suis forgé des convictions et ai trouvé des méthodes que j’ai pu adapter à ma pratique ou à mes besoins.
On a toujours besoin d’un plus grand que soi, c’est ce que décrit très bien Robert Greene dans le livre “Mastery - Atteindre l’excellence” : pour progresser, il faut absolument s’appuyer sur d’autres. Encore cette année, j’ai choisi d’être aidé pour le projet développé pendant ma résidence artistique à Port-Fréjus, pour son écriture et pour l’édition du livre qui sortira l’année prochaine.
L’année dernière, je profitais du premier confinement pour demander une lecture de portfolio à un photographe que j’admire absolument. Cette lecture de portfolio m’a coûté cher, mais je n’en regrette pas un seul centime, elle a été l’occasion d’une prise de conscience qui m’a fait franchir une nouvelle étape.
Et depuis cette année, j’ai la chance d’avoir pu me mettre dans la peau de celui qui enseigne, de celui qui aide d’autres photographes à progresser. Quand je proposais mon programme de Mentorat, j’allais dans l’inconnu. Je n’avais jamais eu ce rôle et j’espérais que tout le monde puisse progresser de manière notable. Je peux maintenant dire que tous les participants ont progressé, d’abord dans leur photographie. Pour certains, leur carrière à décollé grâce aux projets développés pendant ce mentorat.
Je sais que ce programme peut faire une différence.
Et si vous êtes curieux, vous pouvez commencer par une lecture de votre portfolio.
Une photo par an
Je suis un photographe “de la nouvelle génération”, c’est à dire que je suis arrivé dans ce métier avec les réseaux sociaux, avec l’habitude d’y publier régulièrement. J’ai croisé beaucoup de photographes qui se grattaient la tête en se demandant pourquoi ou comment ils devaient y consacrer du temps. De mon côté, j’ai commencé à partager des photos bien avant d’avoir le moindre client.
Je ne crois pas être un expert, je n’ai jamais vraiment réussi à exploser sur un réseau comme certains que j’ai pu observer. Mais je me souviens de ce voyage au Rajasthan où un photographe qui enchaînait les couvertures de magazine depuis des décennies me demandait comment se servir d’Instagram. Pendant ce temps, la photo que j’avais postée ce jour-là connaissais un petit succès (à mon niveau), mais surtout je vendais 4 tirages de la dite photo dans le mois qui suivait.
J’ai eu la chance de choisir des projets ou des activités avec des destinations qui sont largement connues et visitées, et pendant quelques années je voyageais 10 fois par an, avec en moyenne une photo par mois qui trouvait preneur. Ces photos étaient toujours découvertes sur les réseaux sociaux.
Depuis que j’enseigne la photographie, j’ai pour habitude de dire qu’avec une photo intéressante par jour de production, on peut être content. À vrai dire, les photographies excellentes, si j’en ai une par mois je considère que c’est réussi. Mais quand je regarde en arrière, après des années dans les avions, avec ces disques dur aux milliers de photos sur lesquelles je n’ai jamais eu le courage de retourner, il me reste combien de photos qui comptent vraiment ? Une par an, tout au plus.
Je parle des photos qui restent, dont on me parle ou que j’ai plaisir à revoir. Il me parait toujours étrange de proposer des articles sur de grands photographes et de résumer leur carrière en 10 ou 15 photos. Je peux vous dire qu’un photographe professionnel qui travaille convenablement, c’est plus de 100 000 clichés par an. Quand je travaille pour un client, je suis heureux de garder 1 photo sur 5. En photographie de rue, j’ai pour habitude d’être à 1 sur 100. C’est la loi du genre, nous faisons des photos pour espérer qu’une photo sur 100 000 soit assez marquante pour que quelqu’un ait envie de l’accrocher au mur.
Voici une sélection de ce que je considère être mes meilleures photos, ou plutôt celles qui m’ont le plus été demandées pour accrocher sur un mur. Mais comme disait ce photographe dont je tairai le nom :
Si vous voulez vous faire plaisir à noël ou offrir une de mes photos, tout en soutenant un (jeune) photographe, voici une sélection des photos qui m'ont été le plus demandées.
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La photographie change tout
Lors de la formation L’Étincelle, j’ai parfois des participants qui m’écrivent parce qu’ils ne savent pas comment interpréter les exercices que je leur propose. Ils doutent de ce qu’ils font, se bloquent ou ne savent plus comment avancer. J’aime alors leur rappeler que la photographie doit d’abord être un plaisir, celui d’enregistrer le monde et de se créer des souvenirs.
Pour la prise de vue, quand on ne sait pas par où commencer, je pense que le mieux est d’avoir une base de travail applicable tout le temps : chercher trois valeurs de plan, plan large, plan moyen, plan serré, et tourner autour de son sujet pour chercher le meilleur angle ou la meilleure lumière.
La photographie est finalement assez simple : on photographie ce que l’on vit. Si vous voulez des photos intéressantes, vivez intéressant.
Mais je crois aussi que la photographie est beaucoup plus que simplement “enregistrer le monde”. Et c’est justement le postulat du livre “Photography Changes Everything” édité en 2012 par la fondation Aperture. Photography Changes Everything explore le fond photographique du Smithsonian Institute, avec de nombreux textes de photographes, tous plus intéressants les uns que les autres, qui commencent tous par la phrase “Photography changes…”. Je vous propose ici l’un de ces textes qui m’a particulièrement intéressé, peut-être qu’il pourra vous inspirer.
La photographie change l’histoire de nos vies
par Marvin Heiferman, traduit par mes soins.
Parfois, les photographies les plus simples sont celles qui deviennent les plus fortes. Les instantanés sont comme ça : clic, un volet s'ouvre et se ferme ; et une image réalisée en une fraction de seconde transforme un instant de la vie quotidienne en quelque chose de spécial, voire de magique. Les expériences banales se transforment en souvenirs. Ce qui était vivant devient immobile. Le présent devient le passé. Depuis l'introduction des premiers appareils photo Kodak en 1888, nous sommes tous devenus des photographes, autorisés et encouragés à enregistrer la vie non pas telle qu'elle est vécue, mais telle que nous voulons la voir représentée.
La photographie instantanée est devenue abordable au début du XXe siècle, lorsque l'envoi et la réception de cartes postales illustrées était une nouveauté, alors que les photos de stars de cinéma déclenchaient des fantasmes selon lesquels n'importe qui pouvait devenir célèbre, et que des pages de magazines remplies de publicités séduisantes montraient la vie ordinaire de personnes normales, des images parfois sensationnelles rendaient publique la vie privée de personnes connues ou ordinaires. Un débat animé s'est développé autour de toutes ces photographies - sur la façon dont la photographie accordait l'autorité à certains, la célébrité à d'autres, et la visibilité et la promesse d'immortalité à tous.
La photographie instantanée a permis aux amateurs de réaliser leurs propres images d'actualité, de publicité ou documentaires, le tout au cours de leur vie quotidienne. Des photographies d'êtres chers, d'objets précieux, d'événements spéciaux, d'expériences inédites et de lieux préférés ont été réalisées puis envoyées à des laboratoires pour être traitées. Une fois revenues, ils s'émerveillaient, parlaient, se moquaient, pleuraient. Ensuite, ces photos ont été collées dans des albums, placés dans des cadres et rangés dans des portefeuilles, des boîtes à chaussures et des sacs en papier. Examinez n'importe quel instantané d'assez près et vous vous souviendrez des défis et du plaisir de distiller les grands moments et les petites victoires de la vie en images emblématiques.
L'image suivante (provenant d'une collection d'instantanés du Smithsonian de personnes et de leurs automobiles) en est un exemple parfait et complexe : une journée ensoleillée, une femme souriante, la brise qui lui décoiffe les cheveux, une voiture impressionnante et dans l'arrière-plan une rangée de monuments de cimetière.
La qualité de la compression et la juxtaposition surréaliste de nombreux instantanés expliquent en grande partie leur signification et leur impact hors du commun. Les instantanés peuvent nous rappeler ce qui est ou était autrefois. Ils peuvent submerger la mémoire et même la logique. Les instantanés, qu'ils soient les nôtres ou qu'ils soient anonymes comme celui-ci nous excusent brièvement du présent et nous permettent de repenser au temps et à la mortalité. Les instantanés nous fascinent parce qu'ils sont incomplets ; ils exigent notre interaction. Nous les regardons à la recherche d'indices, essayant de nous souvenir ou de confirmer qui nous étions, ce qui comptait pour nous, où nous étions et ce que nous sommes devenus.
Au cours des décennies qui ont suivi la prise de cette image charmante et curieuse, notre rapport aux instantanés et à la technologie photographique a changé. Aujourd'hui, les instantanés ne sont plus des souvenirs fragiles et uniques que nous fabriquons pour documenter des occasions spéciales. Nous sommes allés au-delà de simplement prendre des photos et de poser pour des photos lors de fêtes d'anniversaire, de remises de diplômes et de voyages. Nous prenons et partageons des images numériques de tout ce que nous trouvons provocateur, étrange, amusant ou embarrassant. Aujourd'hui, la photographie n'est pas spéciale ; elle est là tout le temps. Et les instantanés ne sont plus par nature privés ; ils peuvent atteindre et atteignent parfois des publics inattendus, inimaginables et sans aucune frontière en quelques secondes.
Des clichés réalisés en 2004 par des soldats américains travaillant comme gardiens dans la prison d'Abou Ghraib en Irak ont circulé rapidement et dans le monde entier, déclenchant un scandale international. Les réseaux sociaux, les sites de rencontres et les sites de pornographie amateur encouragent la publication et la visualisation d'images à des niveaux inimaginables il y a dix ans. Au fur et à mesure que vous lisez ceci, les êtres chers, les proches, les amis, les rivaux, les familles, les employeurs potentiels, les prédateurs sexuels, les banques, les bureaux d'admission des universités, les agents des forces de l'ordre et les agents politiques explorent tous Internet pour voir comment les gens sont représentés dans leurs instantanés, dont beaucoup ont survécu ou sont devenus beaucoup plus que leur contexte d'origine et leur public cible. Les vieux clichés, eux aussi, ont de nouvelles vies et de nouveaux publics alors que les clichés papier du XXe siècle sont jetés, deviennent rares et finissent dans les collections des musées, preuve poignante de notre besoin primordial et constant d'être vus, reconnus et mémorisés.
MARVIN HEIFERMAN est conservateur indépendant, écrivain et éditeur, il a été directeur créatif Smithsonian Photography Initiative (2005-10). Ses projets de conservation et de publication incluent : Bill Wood's Business (2008), Now Is Then (2008), John Waters: Change of Life (New Museum, 2004), Paradise Now: Picturing the Genetic Revolution (2000), Fame After Photography (1999 ), Talking Pictures (1994), I'm So Happy (1991), Image World: Art and Media Culture (1989) et The Family of Man, 1954-84 (1984). Éditeur collaborateur à Art in America, Heiferman écrit également sur la culture visuelle pour des catalogues et des publications de musées, notamment Artforum, Bookforum et BOMB.
Le syndrome du bâtard
Il existe des amitiés qui transcendent la distance et la séparation, et je suis heureux de vous parler aujourd’hui de mon amie Marie. Aujourd’hui sort en librairie le livre qui est autant un récit qu’un essai intitulé Le Syndrome du Bâtard.
Dans une vie qui me semble si lointaine aujourd’hui, je rencontrai Marie dans un dîner où j’étais accompagné de mon nouveau grand amour : mon appareil photo. Marie est une des premières personnes que j’ai photographié “en essayant de faire des photos”, c’est à dire en prenant un appareil photo avec moi toute une soirée et en consacrant effectivement du temps à capturer des instants sans demander un sourire convenu.
Marie riait fort, elle était joyeuse, et quand je photographie je regarde mais surtout j’écoute. Photographier me permet de me mettre dans le trou de la serrure d’une pièce, je suis celui qui fait des photos qu’on oublie assez vite, alors j’entends tout et j’essaye d’attraper le rythme des voix. Marie avait ces cheveux blonds qu’on a besoin de ne voir qu’une fois pour s’en souvenir. Ils attirent d’autant plus l’oeil quand ils sont haut perchés. Marie était belle, alors je prenais des photos de la jolie blonde au bout de la pièce.
Quand nous nous sommes parlés, je crois que nous avons connecté instantanément. Rencontrer une amie, c’est rencontrer une âme complice. Les quatre cents coups, elle les avait déjà faits. Je m’apprêtais à les faire en quittant tout, en vivant de fêtes, de blogs et de voyages, alors nous pouvions bien rire de toutes nos futilités, passées et à venir.
Quand nous avons parlé sérieusement, je découvrais que chacun d’entre nous n’avait aucune autre limite que notre volonté. Grâce à mes patrons qui m’ouvraient les yeux et mes lectures qui m’ouvraient la voie, je me rendais compte que je pourrai vraiment faire ce que je voudrais si j’en avais l’absolue volonté. Et parce que je ne suis pas avare en prétentions, je pensais que tout le monde pouvait faire pareil. Marie me disait qu’elle aimait lire par dessus tout et qu’elle aimerait écrire : “ouvre un blog”.
En matière de projets, Marie a tout ce qui me manque : la patience de l’excellence. Quand je commence dix projets pour en terminer un, Marie met dix ans pour en rendre un seul parfait. J’exagère à peine. Car pour écrire un livre, un seul, le chemin est vertigineux, périlleux et tellement long. Marie pèse chaque mot, cuisine le moindre paragraphe, elle assemble d'allers et retours et dresse un titre comme personne. Je suis convaincu que ce livre est le début d’une carrière d’autrice sublime.
Parce que nous avons été proches tout le long de ce chemin, je sais toute la difficulté de sortir de soi cette histoire, tellement dure dans ses prémices mais tellement belle dans son déroulement. Marie a lutté chaque phrase et chaque virgule, parce que cette histoire est une tragédie qui nous concerne tous en nous renvoyant à notre identité : notre filiation, notre rapport à nos parents. Même si ces sujets ne remplissaient déjà les salles d’attente des psychanalystes, ce serait facile à comprendre : ce que nos parents font de nous, ce que nos parents disent et taisent nous définissent. Le secret tue, malgré tout.
Le livre Le syndrome du bâtard est l’aboutissement de ce chemin pris par Marie pour découvrir son histoire et révéler les conséquences de ces secrets sur les enfants illégitimes ou naturels.
Quelle drôle d’expression. Qui donc aurait le droit de déclarer un enfant illégitime ? Qui pourrait croire qu’un enfant ne soit pas naturel, pour avoir besoin de le préciser ?
Aller lire le livre de Marie, c’est tout ce que je trouve naturel dans cette histoire.
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Les photos à suivre sont de Svend Andersen, elles participent au projet Bande de Bâtard qui recueille des témoignages d’enfants illégitimes.
À la recherche du meilleur cacao au monde
Voulez-vous goûter le meilleur chocolat au monde ? C’est en ces termes qui paraissent toujours étonnants que commence mon aventure devant un carré de chocolat Équatorien. Est-il possible de déterminer quel est le meilleur chocolat du monde ? Tous les ans des scientifiques, gastronomes, chefs et des amoureux de chocolat se réunissent pour mettre en compétition des chocolats du monde entier. Ces mêmes scientifiques ont analysé les propriétés gustatives des différentes fèves de cacao qui composent ces chocolats et ont déterminé que parmi les 5 grandes variétés de cacao, la plus savoureuse et la plus riche gustativement se trouve dans la forêt tropicale sud-américaine à l’est de Quito en Equateur. S’il existe un meilleur cacao au monde qui permet de produire le meilleur chocolat au monde, je le trouverai sur ma route et je le goûterai.
C’est ainsi décidé et sûr de moi que je prends la route depuis Quito, en direction de la Cordillère des Andes. Cette route depuis Quito vers les plantations de Cacao de la communauté Santa Rita est un merveilleux parallèle des paradoxes de l’Equateur. Quito est dense, agité, parfois majestueux dans son cœur historique. Son identité est difficile à synthétiser, mélange d’architecture coloniale qui nous transporte dans l’Europe de la renaissance, d’une capitale vivante enclavée au coeur des montagnes, de rites africains importés par les bateaux remplis d’esclaves et de ce regard que je croise si souvent, le regard d’un montagnard qui parle peu parce qu’il manque d’air. Quito est à 3 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, la moindre marche vous essouffle et depuis que je suis arrivé il m’est difficile de dormir ou simplement de m’acclimater à une vie normale quand chaque geste est un effort.
Je quitte donc Quito et son manque d’air vers ce qui constitue certainement la plus grande réserve d’oxygène de notre planète, la forêt Amazonienne qui déborde du Brésil vers l’est de l’Equateur. Je laisse derrière moi les 2 millions d’habitants de Quito pour un village de 800 personnes. J’abandonne le poids de notre histoire, de nos colonies et de nos guerres pour une tribu ancestrale où les légendes ont des centaines de milliers d’années.
En sortant de Quito, la route de montagne se transforme en quelques kilomètres. L’industrie périphérique de Quito disparaît comme par magie et laisse place à une montagne fascinante, totalement recouverte d’une végétation extrêmement dense, colorée d’un vert foncé qui est bien sombre dans cette journée sans soleil. Ce que je croyais être une brume est en réalité beaucoup plus grand, nous sommes au milieu des nuages, au plus haut point de notre route. A plus de 4000 mètres, nous traversons la Cordillère des Andes. C’est la route que créèrent les conquistadors espagnols à dos de cheval dans l’espoir de découvrir l’El Dorado, ces montagnes d’or que des équatoriens d’aujourd’hui disent avoir inventées pour éloigner l’envahisseur.
Sur l’autre versant, je découvre la forêt Amazonienne. Jusque là je trouvais déjà la végétation dense, mais je comprends très vite qu’ici il est impossible de faire un pas sans un coup de machette. Pendant notre descente chaque kilomètre semble abîmer la route, en quelques minutes nous avons basculé vers un chemin creusé par l’abandon, puis sur une simple piste en terre. Les quelques maisons qui bordent la route ne sont pas terminées, les murs n’ont ni fenêtres ni peintures. A l’approche du village de Santa Rita, je comprends que ce ne sont pas des maisons à l’abandon, mais un village en construction. La civilisation telle que je la connais est en train de sortir de terre. Et au bout d’un ultime chemin où notre voiture ne peut plus avancer, je mets pied à terre et serre la main de Bolivar, mon guide qui m’ouvrira les portes du mode de vie ancestral de sa tribu, les Kichwas.
“Au delà de ce rocher, c’est interdit”
Je suis accueilli dans un baraquement en bambou où les femmes préparent notre déjeuner. Quelques légumes et graines de Jacquier accompagnent un poisson mariné dans une large feuille de palmier. Une fois refermé, l'ensemble est posé sur un feu de bois recouvert de pierres qui réchaufferont nos plats. Tous ceux que je croisent m’accueillent avec un “Aly Puncha”, qui signifie “Que la lumière t’accompagne” et que mon hôte résume en “Bonjour”.
Devant notre poisson cuit, Bolivar m’explique qu’ici à Santa Rita les 800 hommes, femmes et enfants qui vivent sont “100% Kichwas et 100% producteurs de cacao”. Ils exportent dans 48 pays pour les marques de chocolat les plus prestigieuses. Bolivar ne me parle pas seulement comme un chef d’entreprise qui conquiert des marchés, il est vêtu du costume traditionnel imposé pour l’accueil des visiteurs étrangers. Il représente aussi une passerelle entre son territoire, son peuple, et le monde moderne.
Le cacao n’a pas toujours été une fève nécessaire à la transformation en chocolat. Pour les Mayas d’Amérique Centrale les fèves de cacao, l’écorce de l’arbre et la tisane qu’ils en tiraient permettait de combattre différentes affections. Le cacao était un produit précieux qui était réservé aux nobles et aux guerriers, c’était la boisson amère et épicée des dieux. Le cacao est devenu une passerelle avec l’Europe pendant la colonisation des Amériques en devenant le premier ingrédient du chocolat.
En quelques mètres, nous sommes sortis du village qui est la seule zone habitée d’un territoire préservé. Après un pont de liane sur une petite rivière chantante, la dernière hutte du village perchée sur un arbre et quelques pilotis borde un petit lac et domine la vallée. Bolivar m’explique que ce lieu est sacré et que la cabane sert au rituel des chamanes. Je comprends à demi-mot que lui-même devient guerrier chamane quand des visiteurs veulent expérimenter ce voyage spirituel. Bolivar serait un chef de village, guide, exploitant de cacao, guerrier chamane, tout à la fois ? En réalité, très peu de Kichwas s’aventurent jusqu’à la ville la plus proche, encore moins parlent convenablement espagnol. Bolivar est simplement ce lien avec le monde extérieur, pour chaque occasion.
Après une petite côte, la nature est luxuriante, brillante. Les dégradés de verts se perdent à l’infini avec les premiers rayons de soleil de la journée. L’horizon montagneux a disparu, nous sommes totalement entourés de feuilles et de branches sans que je puisse distinguer un arbre d’un autre. La forêt me semblait calme, elle est maintenant franchement bruyante. Les oiseaux, les insectes, quelques animaux que je vois remuer derrière des branchages rivalisent de cris ou de chants pour signaler notre présence.
Au plus haut de la colline, quelques rochers semblent hors de propos, comme posés là s’il était possible de les soulever, plus probablement expulsés il y a quelques millions d’années par un volcan éteint. Mais ces rochers ressemblent à des totems, on peut circuler autour. Bolivar me montre des inscriptions gravées dans la roche depuis 100 000 ans, du temps où les Kichwas étaient nomades, chasseurs et cueilleurs. Ce sont des symboles de fertilité pour les Kichwas qui marquent la fin du territoire. "Au-delà de ce rocher, c’est interdit. Là-bas, c’est le territoire d’une tribu avec qui nous n’avons pas de contact, franchir ce rocher serait vu comme un acte de guerre”.
Le meilleur cacao au monde
Devant ce rocher, à l’ombre d’immenses arbres qui tutoient le ciel, un cacaoyer. Chaque jour, les membres de la communauté de Santa Rita viennent recueillir à l’ombre de ces arbres géants des cabosses jaunes et rouges qui contiennent les fèves de cacao. Bolivar transperce le feuillage et attrape une cabosse. D’un mouvement rapide et calme il la transperce d’un coup de machette et révèle les fruits, les fèves, et un jus de cacao blanc et crémeux. Ce jus est fruité, suave, il nous apporte une fraîcheur nécessaire. Nous n’avons marché que quelques kilomètres mais l’humidité est telle que je suis déjà liquide de chaleur, je bois ce jus comme si ma survie en dépendait.
Une fois rafraîchit, j'observe le cacaoyer, ce petit arbre dont je peux toucher les branches en tendant le bras. Il paraît fragile, chétif par rapport aux arbres qui l’entourent, son bois semble délicat et précieux. J’apprends que cette variété de cacao tient son goût réputé de son mode de culture, cet arbre ne grandit qu’à l’abri de la canopée amazonienne, impossible d’en faire une culture intensive. Ce cacaoyer est dit “Nacional” par les équatoriens qui exportent en Europe et achètent les graines de cacao, pour Bolivar c’est la seule source de vie de sa tribu.
Pour moi, c’est une émotion incroyable. Ce jus de cabosse est mon Eldorado, ce goût précieux que je n’attendais pas. Je pensais explorer un monde d’épices et de saveurs boisées, je découvre un jus vivifiant et sucré. De retour aux abords du village, Bolivar prend une poignée de fèves séchées au soleil et me dit “nous allons faire du chocolat”. Je vais de surprise en surprise, alors que je croyais le chocolat réservé à des processus complexes de torréfaction et de conchage, je vais pouvoir transformer moi-même ces fèves de cacao en chocolat artisanal.
Les fèves de cacao sont chauffées sur le feu de bois qui a servi à notre déjeuner, elles sont ensuite épluchées de leur coque qui craquelle au-dessus du feu, enfin elles sont pilées dans un pot de roche volcanique. Les fèves concassées sont remises au-dessus du feu et mélangées avec de la “Panela”, un sucre de canne naturel, et de la Guayusa, une plante qui ne se trouve que dans cette vallée. Le mélange est chauffé encore quelques minutes et placé sur une feuille de Guayusa que je prends entre mes mains.
Le goût de ce chocolat artisanal est exceptionnel, une explosion de saveurs unique. La sensation est brute, comme si je goûtais à la forêt amazonienne elle-même. Je reconnais des fruits secs comme la noisette, par moment des notes florales, clairement fruitées, et aussi une épice d’un monde inconnu, alors que le sucre s’est transformé en caramel boisé. C’est une saveur incomparable, qui me renvoie instantanément à la raison de mon voyage.
Quelques années plus tôt, dans un hôtel à Paris, je découvrais le travail d’un pâtissier Français qui avait gagné les championnats du monde de pâtisserie. En lui parlant, je découvre que certains cacao proposent des saveurs plus intéressantes que d’autres, du fait de leur origine. J’ai depuis goûté des milliers de chocolats du monde entier, et le meilleur que je connaisse je le découvre à Quito, dans les locaux de Pacari. De Pacari je pars explorer leur plantations de cacao à Santa Rita et découvre la simplicité de la vie des producteurs de l’or brun. J’ai effectué le chemin inverse de ces fèves de cacao, jusqu’au cœur de la forêt amazonienne, pour trouver un arbre, une fève, une tribu et une culture uniques au monde. J’ai entre mes mains le meilleur cacao au monde, celui qui n’existera que pour un instant, le temps que je le savoure.
5 leçons de photographie avec Ernst Haas
Je suis heureux de pouvoir vous présenter une sélection de photos d’un des photographes que je préfère, qui fait partie des artistes dont j’essaye humblement de m’inspirer dans ma photographie. Les photos d’Ernst Haas sont plus que des photos extraordinaires, ce sont des émotions que j’aimerais arriver parfois à transmettre. Étudier le travail d’Ernst Haas est un plaisir infini, j’espère que ces quelques citations pourront également vous inspirer.
Ernst Haas est un photographe autrichien et américain précurseur de la photographie couleur. Entré dans l’agence Magnum par l’intermédiaire de Robert Capa, Ernst Haas est particulièrement connu pour avoir offert une vision unique et intemporelle de New York en couleur. C’est d’ailleurs le titre du dernier livre assemblé par le Ernst Haas Estate, qui est malheureusement déjà épuisé. Son livre ayant connu le plus grand succès est nommé The Creation, qui fut tirée à plus de 350 000 exemplaires.
Voici une sélection de mes photographies préférées d’Ernst Haas, et de quelques unes de ses citations inspirantes.
La photographie est un voyage dans le temps
La photographie est un art extraordinaire qui peut permettre d’aller très au-delà d’un simple souvenir. Une seule photo peut me transporter dans une rêverie lointaine, dans une ambiance et et une émotion indescriptible. Et en même temps, je suis aussi capable de littéralement voyager dans le temps et de me remettre dans un état d’esprit passé depuis longtemps, simplement en parcourant les photographies que j’ai prises d’une période donnée. Créer des photos intemporelles et chargées en émotion comme celles d’Ernst Haas est une de mes chimères en photographie.
La photographie est facile, l’art est difficile
C’est une réalité que j’ai eu du mal à comprendre pendant longtemps : à tout moment, à chaque instant, uniquement autour de moi, là où je suis et pas ailleurs, j’ai une possibilité infinie de photographies et des images extraordinaires qui attendent d’être prises. On a pas besoin d’aller là ou ailleurs pour prendre des photos, même si je trouve mon environnement proche banal et sans intérêt. C’est uniquement une manière de se projeter, le regard que je peux poser sur ce qui m’entoure, qui fera une photo digne d’intérêt. Si je ne sais pas voir des photos dans mon salon, dans mon jardin ou dans ma rue, des sujets que je connais le mieux, je ne peux pas espérer voir des photos intéressantes dans un lieu que je découvre.
C’est ce qui rend la photographie passionnante : faire une photo convenable, pour ne pas dire banale, est extrêmement facile. Et créer une image fascinante est extrêmement difficile, rare, précieux, souvent chanceux. Pourtant, ces deux photos sont exactement au même endroit.
La photographie comme un nouveau langage
Comment décrire un poème de Baudelaire sans en détruire tout ce qui en fait un texte fabuleux ? C’est aussi toute la difficulté avec des photographes comme Alex Webb ou Ernst Haas, où la principale caractéristique est de proposer des images avant tout poétiques. On peut décrire, on peut analyser, mettre des mots sur ce que l’on ressent devant une image, mais rien ne rendra pleinement justice à la photographie d’Ernst Haas.
Au sujet du style, j’ai toujours du mal à fixer un photographe dans un seul genre de photos ou dans une seule manière de voir. Avec un peu d’expérience derrière moi, je suis aussi incapable d’établir un lien entre des projets anciens et ce qui m’occupe aujourd’hui. Les photos que j’ai déjà faites n’ont rien à voir avec celles que j’espère assembler, tout comme ma personnalité a évolué au fil du temps. Ainsi, je crois que ce n’est pas à moi de définir à proprement parler un style, je préfère travailler par projet et sur ce que j’espère raconter ou montrer. En tout cas, les projets sur lesquels je travaille, les photos que je suis amené à produire, et donc le style que je pourrais adopter à un moment donné, sont directement liés à ma personnalité.
Proposer une vision du monde
Il est difficile d’identifier la vision ou la volonté globale d’un photographe en analysant des photos uniques, aussi parfaites soient-elles. Mais simplement en assemblant une courte série comme celle de cet article, je crois pouvoir identifier une sensibilité et une intention créative, même si j’aurai du mal à le formuler avec des mots. Et puis, dès que vous ouvrez un livre pensé, écrit, assemblé par Ernst Haas, sa vision devient beaucoup plus claire avec la séquence de photos, la manière qu’il a de choisir et de séquencer ses histoires.
Je dois reconnaître ne travailler avec une vision globale que depuis peu de temps. Pour ce faire, je me suis fait aider par un spécialiste, Marc Prüst, qui accompagne des photographes dans leur démarche ou pour l’écriture ou l’édition d’un livre, entre autres activités. Cette démarche fut difficile, un chemin personnel ardu, où j’ai dû me regarder dans le miroir et me demander ce que je voulais vraiment raconter, pourquoi et comment. Je ne saurais trop vous recommander de vous faire aider si vous ne savez pas par où commencer.
L’art est une nécessité personnelle
En enseignant la photographie, et plus spécifiquement en accompagnant des photographes sur une longue période, j’ai pris un plaisir infini à voir émerger des artistes. Au-delà de la partie financière et commerciale en photographie professionnelle, trouver la photographie qui vous intéresse change complètement votre perspective par rapport à votre pratique. À titre personnel, j’ai le sentiment d’avoir longtemps produit des photos d’abord pour ceux qui étaient mes clients ou mes partenaires, j’essayais de deviner les photos qui les intéresseraient eux.
J’avais déjà ressenti cela en écriture, mais en réalité rien ne remplace les photos que vous ferez si vous ressentez une absolue nécessité. Cela n’améliorera pas votre ratio de bonnes photos, mais vous irez chercher ces photos plus personnelles qui ne ressemblent qu’à vous.
Et parce que je ne peux me résoudre à m’arrêter là, voici d’autres photos.
Je pourrais continuer pendant des heures. Si vous en voulez plus, abonnez-vous au Ernst Haas Estate sur Instagram.
5 manières de combattre la peur en photographie de rue
La peur est notre principal adversaire quand on photographie dans la rue, même pour les meilleurs d'entre nous. Que ce soit la peur de gêner, la peur de rater, la peur de ne pas avoir le droit de prendre des photos, ou toutes les raisons que l’on se donne de ne pas aller faire une photo. Nous avons tous connu la peur à un moment de notre vie de photographe et cela peut être un véritable blocage qui nous empêche de progresser.
Il existe plusieurs manières de vaincre la peur, en voici quelques unes que j’apprécie particulièrement pour les avoir vu réussir chez quelques photographes.
1. Séparez la réalité de la perception
Dans la grande majorité des cas, les photographes que j’accompagne me donnent des raisons pour leur peur de photographier qui ne sont que des idées préconçues. Ces raisons sont déconnectées de la réalité, de ce qui se passe quand on va effectivement prendre ces photos au plus proche des gens.
Vous avez peur de ne pas être dans votre droit ? Si vous êtes dans un lieu public, connaissez votre droit à photographier. Vous avez peur d’être pris à partie ou d’une réaction violente de la part de vos sujets. Cela arrive, c’est incontestable, mais c’est extrêmement rare. Préparez-vous à répondre aux différentes situation qui se présentent à vous en photographie de rue en commençant par demander la permission.
La réalité de la pratique de la photographie de rue est beaucoup plus facile et agréable que ce qu’elle peut paraître, et il n’y a qu’un seul moyen de le constater : essayer.
2. Identifiez ce qui déclenche votre peur
Analysez et déterminez ce qui a déclenché votre peur de photographier dans une situation particulière. Apprendre à l'identifier vous aidera à la combattre.
Personnellement, je me suis retrouvé il y a peu à devoir photographier au milieu d’une plage bondée. La plage était beaucoup trop courte pour que je puisse me balader discrètement. Je n’ai pas trouver de moyen d’arrêter la peur qui était la mienne : je craignais d’avoir l’air totalement déplacé, au milieu des bains de mer et de soleil de familles et d’enfants.
J’ai tout de même pris des photos, en demandant la permission, en expliquant ma démarche et en proposant des portraits à ceux qui étaient là et que je trouvais intéressants.
3. Pensez à un moment réussi
Quand je photographie dans une situation où je sais pouvoir avoir peur de m’approcher, je pense à mes photos préférées, à celles que j’ai réussies parce que j’ai su apprivoiser ma peur. D’une manière assez évidente, je remarque que je génère plus de réactions positives chez ceux que je croise en photo si je suis de bonne humeur, souriant et avenant.
C’est simplement de la pensée positive et de la gratitude qui aide à transformer son état esprit. Cela aide à surmonter la peur, et généralement à passer un autre bon moment.
4. Créez une nouvelle association
Rappelez-vous que le moment passera, et que la peur que vous ressentez passera également. Concentrez-vous sur l'issue positive de la situation, sur la photographie que vous pourriez réaliser, plutôt que sur ce qui est effrayant.
Faites attention à vos conversations intérieures, à ce que vous vous dites quand vous photographiez. Si vous ne le diriez pas à un ami, ne le dites pas à vous-même. Parlez-vous positivement et rappelez-vous de vos points forts, pourquoi vous aimez la photographie et ce que cela vous permet d’accomplir.
5. Prenez ça comme un jeu
Trop souvent, j’ai pris la photographie sérieusement parce que j’ai décidé d’en faire ma vie professionnelle. Et aussi souvent, je repense à mes années de jeux-vidéo, une photo exceptionnelle est mon boss de fin de niveau et je suis dehors pour aller la chercher.
Amusez-vous, prenez simplement du plaisir à constater que le moment que vous passez et les rencontres que vous ferez en photographie de rue sont plus importantes que les photos elles-mêmes. Et cherchez des moyens de faire de meilleures photos en explorant de nouvelles manières de faire. La récompense est souvent proche quand on prend la photo comme un jeu.
Vous voulez progresser en photographie de rue, trouver le style qui vous ressemble ou simplement surmonter vos peurs et réaliser de meilleures photos ?
J’anime un atelier de photographie de rue à Paris.