L'art de l'échec

Photo Genaro Bardy - Cartagena, 2019

La photographie de rue est à 99,9% une série d'échecs. Très souvent j'ai un sentiment de défaite, je crois que mes photos ne sont pas assez bien composées ou totalement banales. Cependant je sais aussi que la photographie est une recherche, que c'est le procédé d'essai et d'erreur répété à ce qui semble l'infini qui amène quelques moments de grâce.Il s'agit d'essayer encore et encore.

Peut-être que cet angle fonctionnera, peut être qu'ici je verrais mieux. Je sais qu'en continuant à chercher, éventuellement quelque chose d'intéressant apparaitra. C'est parfois une scène inattendue, une composition sublimée par un geste que je ne pouvais même pas voir à la prise de vue.

Parfois à la fin d'une longue journée, après un long voyage, dans un lieu que j'ai vu mille fois, je me laisse abattre par la fatigue et la paresse, je n'ai plus envie, j'ai faim, je veux aller diner et rentrer dormir, ça suffit maintenant je connais cet endroit. C'est à ce moment là, si je résiste à ma négativité et que je continue qu'une photo inespérée apparait.C'est comme si la frustration était nécessaire à cette photo, l'échec sur les précédentes photos était utile. C'est parfois quand je perds tout espoir que tout se met en place. Apprenez à aimer l'échec.

—Extrait de VA, Lettres à un.e jeune photographe

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Comment débuter en photographie de rue ?

Voici le 2ème article consacré à la photographie de rue, ça avait commencé ici avec les questions Quoi ? et Pourquoi ?

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Comment ?

La question du comment va mécaniquement nous amener sur votre appareil photo. Je voudrais prendre le temps ici de parler des optiques, notamment des focales que vous utilisez en photographie de rue. Je vous conseillerai toujours d'utiliser des focales fixes, d'éviter les zooms en photographie de rue. Déjà le zoom rend paresseux, et la photographie de rue est une exigence qui demande un certain effort. Ensuite je crois sincèrement qu'il est préférable de s'habituer à voir avec un cadre, une focale précise. Le regard se développera avec un angle particulier, ira chercher certains détails ou verra des scènes sans avoir besoin de viser et de lever l'appareil. Avec une focale fixe je crois que vous verrez plus et mieux.

Arrive donc la question de savoir quelle focale est la "meilleure" pour la photographie de rue ? 3 focales sont classiquement utilisées en photographie de rue : le 28mm, le 35mm et le 50mm. Evidemment il n'y a pas de réponse toute faite, chacune possède ses avantages et inconvénients. (Notez que je fais référence à des focales 'plein format', si votre capteur est de taille APS-C les équivalents sont 18mm, 24mm et 35mm, si votre capteur est un micro 4/3 les équivalents sont 14mm, 18mm et 24mm)

Le 28mm est très large pour la photographie de rue, il déformera légèrement les visages et vous aurez parfois l'impression d'être loin de votre sujet. Ce dernier point est en réalité une bénédiction, car le 28mm vous obligera à vous rapprocher toujours plus pour remplir votre cadre et c'est une démarche à encourager en photographie. Le 28mm vous permettra également de plus facilement capturer des scènes, ce qui peut être très agréable mais aussi difficile à maîtriser. Le 28mm est la focale d'un appareil expert prisé par de nombreux photographes de rue, le Ricoh GR.

Sélection de photos réalisées au 28mm :

Le 50mm est l'optique qui se rapproche le plus de notre vision, de là où nous concentrons notre regard. C'est une optique parfaite pour les portraits mais exigente pour l'architecture ou pour apporter du contexte à une photo. C'était la focale de choix du grand maître de la photographie de rue Henri Cartier Bresson, ce ne peut pas être un mauvais choix.

Sélection de photos réalisées au 50mm :

Le 35mm est intermédiaire, vous l'aurez compris. C'est une optique qui fonctionne bien en portrait, mais déjà assez large si vous avez besoin de voir plus et d'inclure du contexte. Le 35mm est certainement la focale que je croise le plus souvent pour le reportage ou en photographie de rue, justement parce qu'elle est versatile. Le 35mm est la focale choisie pour un autre boitier classique en photographie de rue, le X100 de Fujifilm.

Personnellement j'ai une préférence pour le 35mm, mais je peux parfois trouver cette focale juste un peu trop large. Pour moi le parfait compromis pour la photographie de rue est le 40mm que j'ai adopté depuis 5 ans. Malheureusement cette focale n'existe pas dans tous les systèmes, mais elle présente également l'avantage d'être généralement très courte, sur des optiques dites 'Pancakes' qui sont discrètes (par exemple chez Canon). Et la discrétion peut être primordiale en photographie de rue si vous souhaitez capter des scènes naturelles.

Sélection de photos réalisées au 40mm :

Voilà pour le matériel. Je tiens à vous dire que j'ai cité quelques marques ou systèmes, mais qu'en réalité il n'existe pas de mauvais boitier pour la photographie de rue, tous peuvent être suffisamment discret pour pratiquer sans problème. D'une manière générale je vous inviterai toujours à pratiquer la photographie de rue avec ce que vous avez, et à éviter de vous donner des causes matérielles à votre absence de pratique.

Pour ce qui est de la prise de vue, je reviens aux grands classiques. Si vous débutez en photographie de rue. Vous aurez 2 manières principales de composer en photographie de rue :

  • Trouver un cadre et attendre

  • Trouver un sujet et le suivre

Trouver un cadre et attendre : c'est la technique la plus simple à utiliser lorsque l'on débute. Choisissez un cadre en vous servant de ce que vous avez appris en composition, puis attendez que la scène soit parfaite à vos yeux. Généralement il ne suffit pas d'attendre quelques secondes, souvent plusieurs minutes sont nécessaires pour que chaque élément soit en place.

Trouver un sujet et le suivre : c'est une technique de prise de vues beaucoup plus difficile. Mais j'espère que vous vous rendrez compte avec l'expérience qu'il n'y a rien de dramatique à suivre quelqu'un pour les besoins d'une photo, même sans prévenir, et que dans 99% des cas cela ne pose aucun problème à la personne concernée si une fois découvert vous expliquez votre démarche, montrez vos photos et commencez à échanger amicalement avec elle. J'ai longtemps dit que j'étudiais la photographie, même quand elle est devenue mon métier. Dans tous les cas l'idée est de garder le sourire, d'être transparent sur votre pratique et les raisons qui vous poussent à photographier.

Si vous avez trop de difficultés à vous lancer sans demander la permission, commencez par réaliser des portraits. Je me souviens encore de ma première sortie photo, de cette montée d'adrénaline lorsque je demandais à un parfait inconnu si je pouvais lui tirer le portrait. Il m'a répondu oui avec un grand sourire. Vous éprouverez les plus grandes difficultés à recevoir des réponses négatives. Et réaliser des portraits vous obligera à aller vers les gens que vous croisez, avec l'expérience vous pourrez commencer à prendre quelques photos avant même d'avoir demandé la permission, sans vous en rendre compte vous serez déjà passé du côté du chasseur de photos.

Qui ?

La question de 'qui ?' en photographie est essentielle, sinon centrale. Parmi les milliers de personnes que vous pouvez être amenés à croiser dans la rue, vous allez devoir choisir. Pourquoi cette personne et pas une autre ? cette réponse vous appartient et peut être que vous ne chercherez même pas à comprendre. Peut être chercherez vous des scènes particulières, des cadrages spécifiques, des moments précis, des histoires qui vous tiennent à coeur. Mais quelque soit la photographie de rue que vous pratiquerez, elle en dira beaucoup sur vous, tout autant que sur les sujets que vous choisirez.

Que vous le vouliez ou non la photographie de rue vous amènera vers les autres, et je trouve cela formidable. Je prends un plaisir immense aux discussions qui suivent une photo, qu'elles soient furtives ou sans fin. J'ai rencontré certains de mes meilleurs amis en photographiant dans les rues de Paris, en me laissant porter par l'instinct ou l'envie.

Il se trouve que ce sentiment est appuyé par la science. Des chercheurs de l'université de Chicago ont montré que parler à des inconnus était une source de bonheur sous-estimée :) C'est pour moi une des conséquences de la pratique de la photographie, une incidence heureuse qui rajoute un peu plus de plaisir à cette merveilleuse activité.

VA, Lettre à un(e) jeune photographe est un livre disponible selon le modèle "Payez ce que vous voulez".

 

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Un grain de toute beauté - Le mini-guide de la sensibilité

3ème élément du triangle d'exposition, la sensibilité est indiqué sur les réglages de votre appareil photo avec l'unité ISO.Plus le nombre d'ISO est élevé, plus votre capteur numérique sera "sensible" à la lumière, plus il captera d'information.Pour essayer de faire simple quand votre environnement est sombre, vous voulez tout de même avoir une photographie convenablement exposée, mais peut être que votre optique sera limitée en ouverture ou déjà à son maximum - ou la scène que vous photographiez vous limitera en vitesse et vous ne pourrez pas ralentir plus. Une seule solution alors pour obtenir plus de lumière : augmenter la sensibilité de votre capteur, augmenter les ISO. En augmentant vos ISO vous aurez la possibilité d'avoir une vitesse plus rapide et d'éviter des flous de bouger ou de fermer votre diaphragme pour une plus longue profondeur de champ.

Si ce dernier paragraphe n'est pas clair je vous invite à lire ces 3 articles :

Pour changer vos ISO, vous aurez besoin d'être dans l'un des "bons" modes de prise de vue : (P), 'Priorité Vitesse' ou 'Priorité Ouverture' (ou 'Manuel' bien sûr).Les appareils photo numériques commencent généralement  avec une valeur minimum de 100 ISO, mais cela peut être différent notamment à cause de la taille de votre capteur.Enfin il est important de savoir que vous gagnerez un indice de lumination (IL) lorsque vous doublez la valeur ISO. Ceci veut dire que vous gagnerez autant de lumière entre 100 et 200 ISO qu'entre 200 et 400 ISO ou qu'entre 400 et 800 ISO, l'unité ISO n'est pas linéaire par rapport à la quantité de lumière captée.

Je dois avoir un grain

Comme chacun des éléments du triangle d'exposition, ce qu'il est important de retenir est que la sensibilité doit avant tout être un outil créatif.La principale conséquence créative de la montée en sensibilité / ISO est l'apparition d'un grain numérique. Ce grain peut être chromatique ou de luminance mais cela a peu d'importance, le principe est que plus vos ISO seront bas / faibles, meilleure sera la netteté de votre cliché. C'est cette raison pour laquelle en photographie de paysage il pourrait vous être parfois recommandé de rester à ISO 100 (ou le plus faible possible) et de capter plus de lumière par l'utilisation d'un trépied qui vous permettra de baisser votre vitesse sans avoir de flou de bouger.

Vous noterez que j'utilise ici le conditionnel. Je connais de remarquables photographes qui ne souhaitent pas s'encombrer de trépied en situation de paysage, qui préfère garder leur mobilité, varier les compositions et donc qui n'hésitent pas à monter en sensibilité : Rosalynn Tay pour n'en citer qu'une que j'ai eu le plaisir d'emmener dans les collines de Toscane.

D'autres situations vous empêchent l'utilisation d'un trépied en demandant des vitesses élevées, la photographie de concert est un bon exemple. Et puis vous avez tout à fait le droit d'apprécier le grain, notamment en noir et blanc, et de souhaiter augmenter les ISO avec une intention créative. La photo en en-tête de cet article est par exemple à 4000 ISO et cela ne me pose aucun problème.

Comment utiliser les ISO ?

Contrairement à l'ouverture ou la vitesse, vous ne disposez pas sur votre appareil de mode de prise de vue "priorité sensibilité", et c'est très bien comme ça. L'impact créatif de la sensibilité est nettement moins remarquable (jeu de mots volontaire) et je vous conseillerai de toujours définir une sensibilité avant de commencer à photographier, en fonction de la scène qui se présente à vous.Vous pouvez toujours réglez votre appareil sur 'sensibilité automatique' mais je crois que cela vous donnera moins de contrôle, et donc moins de latitude créative.

Il serait préférable de retenir quelques niveaux de sensibilité, puis d'adapter votre réglage en début de shooting, et ainsi garder le contrôle créatif de vos photos. La sensibilité classique pour un 'extérieur jour nuageux' est de 400 ISO. Ainsi demandez-vous comment sont les conditions de lumière par rapport à un 'extérieur jour nuageux' : Grand soleil ? 100 ISO / Intérieur jour éclairage limité ? probablement ISO 800 à 1200 / Concert à éclairage faible ? ISO 6000 à 12000.Comme pour la 'vitesse' l'expérience sera précieuse avec la 'sensibilité', mais à priori vous aurez beaucoup moins d'ajustements à effectuer.

Enfin je me dois de reconnaitre qu'il m'arrive de passer en ISO automatique, notamment en photographie de rue si les conditions de lumières peuvent être changeantes et que je n'ai pas envie d'y penser. Le plus important est de rester concentré sur votre sujet, sur votre composition, la sensibilité ne doit certainement pas être un obstacle.

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Photographie de rue - Sortez de chez vous

La photographie de rue est une activité passionnante pour beaucoup de photographes. Pour moi c'est la seule photographie que je voudrais pratiquer, celle à laquelle je reviens encore et encore et j'aimerais tenter ici de vous expliquer pourquoi.

Quoi ?

Avant toute chose essayons de définir la photographie de rue. Je ne crois pas en une définition définitive de la photographie de rue. Chaque photographe y développera des techniques différentes, y trouvera son regard, mais aucun n'expérimentera cette pratique exactement de la même manière.J'aime assez la définition de wikipedia :

La photographie de rue est une pratique de la photographie en extérieur, dont le sujet principal est une présence humaine, directe ou indirecte, dans des situations spontanées et dans des lieux publics comme la rue, les parcs, les plages ou les manifestations.

Mais cette définition pose un problème. Si je réalise une photo en pose longue d'une skyline à New-York, est-ce encore de la photographie de rue ? Certains vous diront que c'est un paysage. Mais ce paysage urbain est-il vraiment dissocié d'une activité humaine ? Il parait évident que ces gratte-ciels n'existeraient pas sans les hommes et les femmes qui les occupent ou qui y vivent. Je crois aussi que mes villes désertes ont un sens par l'absence qu'elles évoquent : l'absence d'humains. Les villes désertes sont un paradoxe parce qu'elles sont désertes, alors que techniquement on pourrait rapprocher ce projet de la photographie d'architecture.Pour moi cette phrase de Joel Meyerovitz tombe en plein dans le mille :

Un photographe de rue n'a aucune idée de ce qui va arriver chaque jour. Nous sortons dans les boulevards du monde, juste pour être dehors, et juste pour regarder la manière dont le monde continue à se présenter à nous avec des idées, des incidents et des moments de conscience

Si vous ne connaissez pas Joel Meyerovitz, arrêtez ce que vous faites et cliquez sur ce lien. Vous pouvez également vous procurer la bible de la photographie de rue : Bystander, a History of Street PhotographyQuant à moi je me lance dans une définition aussi incomplète qu'inexacte :

La photographie de rue est une méthode d'observation du monde et de ceux qui y vivent. Elle utilise la composition et le cadre pour mettre en évidence des moments de grâce qui ont la fonction de documenter et de révéler.

La vache c'est pas mal pour un premier jet.C'est certainement l'occasion de vous dire de sortir de chez vous. Pas ce week-end, pas demain. Pas quand vous aurez un autre appareil. Maintenant. Posez-ce livre (ou votre téléphone si vous me lisez sur mon blog) et sortez autour de chez vous pendant 20 minutes pour prendre des photos. Vous me remercierez plus tard.Pourquoi ?La question du pourquoi dépend beaucoup du photographe. Pour moi la photographie de rue EST la photographie. La photographie de commande est devenu mon métier et ce que j'y produis utilise les mêmes outils ou les mêmes techniques, mais mon seul vrai grand plaisir en photographie est d'aller voir le monde.Si vous débutez en photographie et souhaitez progresser, la rue est toujours là, elle vous attend. Vous souhaitez progresser en portraits ? en paysages ? en architecture ? pourquoi pas en macro ? Vous avez des aspirations artistiques ? ou documentaires ? Toutes les techniques, tous les genres, tous les styles peuvent se pratiquer dans la rue en bas de chez vous, il serait impossible de les nommer tous ici. Vous avez des volontés de journalisme ou d'auteur ? Les meilleures rencontres que vous ferez sont probablement derrière votre porte.Il est tout à fait possible de rester chez soi pour pratiquer la photo, et pas seulement dans un studio, je vous y encouragerai toujours d'ailleurs. Mais la photographie de rue est cette activité merveilleuse où vous n'avez qu'à sortir de chez vous et à vous exprimer en photographie, à devenir vous-même avec vos photos et ce qu'elles diront de vous.La photographie de rue a également une vocation à être la mémoire de notre temps, à être une expression artistique pour les meilleurs qui seront exposés. Mais je voudrais vous dire que la photographie de rue est aussi une activité merveilleuse même si vous ne publiez jamais vos photos.La photographie de rue est une manière de sortir de sa zone de confort, d'aller vers l'inconnu et les inconnus et de voir le monde d'une manière nouvelle. La contrainte du cadre photographique vous entrainera à chercher des détails, de la lumière, des contrastes, des gestes et des attitudes, tous ces moments furtifs qui peuvent vous appartenir si vous le décidez.Nous verrons dans les prochains articles quelques techniques, recommandations ou réflexions relatives à la photographie de rue, en continuant avec les questions "Qui ?", "Comment ?", "Où ?" et "Quand ?".--Vous avez continué à lire cet article jusqu'au bout ? Il est temps de sortir de chez vous, de commencer à photographier, et de laisser votre instinct vous guider.Si vous débutez en photographie, réglez votre appareil :

  • en mode "priorité vitesse" avec une vitesse de 1/200e de secondes (c'est mon réglage de base dans la rue)
  • ou en mode "priorité ouverture" avec un réglage d'ouverture à F8.0

... et sortez de chez vous, en partant de là où vous êtes, 20 minutes suffisent. Et n'hésitez-pas à décrire votre expérience en commentaires ou dans le groupe facebook ici.—VA est un programme de 25 articles qui a pour objectif d’enseigner à un(e) photographe débutant à prendre de grandes photos. Rien que ça 🙂

Ces articles et le livre dans lequel ils seront regroupés sont en libre accès. Mais si vous voulez m'encourager et m'offrir le café : cliquez ici

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Comment éditer ses photos

Nous voici sur une des parties les plus dures de ce livre pour moi : l'édition de vos photos. Cette section est difficile parce que :

  • Il y aurait beaucoup à dire sur la partie technique d'un logiciel comme Lightroom, mais ce livre n'a pas du tout cette vocation.

  • J'ai peu enseigné sur cette question. L'édition fait partie de mes ateliers de photographie à Paris, mais sous un angle différent et pas à destination de débutants.

  • L'édition est une partie TRÈS importante en photographie.

Pourquoi l'édition est importante ?

Commençons par définir le terme, quand je parle d'édition c'est au sens de l'éditeur, je parle de sélection et publication de photos. Je ne parle pas du développement d'une ou plusieurs photographie, bien que le développement soit généralement intégré dans les logiciels qui vous permettront d'éditer.

L'édition est importante avant tout parce qu'elle prend un temps conséquent. Quand je parle de mon métier, à un client pour me vendre ou à un autre photographe pendant un voyage-photo, j'ai pour habitude de dire que je passe autant de temps en post-production qu'en prise de vues. Cette répartition moitié prise de vue / moitié édition n'est qu'une approximation. Avec les années de pratique je réalise que le temps d'édition est beaucoup plus important en volume, à cause du besoin de revenir encore et encore sur d'anciens travaux. Voilà pour le volume.

Mais l'édition est également cruciale pour la qualité de vos photos car c'est là que vous pourrez travailler sur des projets photographiques, et surtout pour vous qui débutez c'est devant vos anciennes photos que vous devez progressez le plus sur la qualité de vos futures photos. C'est à l'édition que votre oeil critique (de vos propres photos) doit s'exercer. Nous verrons plus tard que cet oeil critique progressera également avec la l'observation et l'analyse du travail d'autres photographes, mais l'objectif est ici d'apprendre à éditer vos photos pour que votre prochaine session de photo soit meilleure que la précédente. Vous avez la chance du débutant : celle de progresser beaucoup et vite. Mon but est ici de vous donner une méthode d'édition qui vous permettra d'éviter quelques erreurs ou pertes de temps.

Bon cette introduction est beaucoup trop longue. Je l'éditerai certainement quand je rassemblerai tout pour le livre.

Méthode simplifiée d'édition d'une session photo à l'usage des débutants en photographie

Manifestement, je dois aussi travailler mes titres.

Commençons par le début, vous revenez d'une sortie photo, ou bien d'un shooting d'un concert, d'une épreuve sportive, d'une planque pour capturer le brame du cerf, vous revenez de vacances ou de l'anniversaire de votre neveu. Bref, vous êtes devant votre ordi et vous allez vider une carte mémoire.

Les captures d'écran que je présenterai ici sont issues de Lightroom que j'utilise depuis mes débuts en photographie, mais ces principes fonctionnent avec tous les logiciels de traitement et d'édition de photos. J'ai simplement été trop paresseux (ou désintéressé du sujet) depuis des années pour effectuer ou chercher un comparatif valable entre les différents logiciels et suis resté fidèle à Lightroom.

Etape 1 - Videz la carte mémoire et classez par date

Mon conseil le plus important ici sera de vous suggérer d'importer vos photos dans un dossier qui contient la date de vos prises de vues. Pendant les 4 premières années de ma photographie j'importais par dossier thématique et le seul classement que j'ai de cette époque est un ordre alphabétique (PAS pratique du tout).

Vous pourrez classer vos photos par événement, thématique ou projet ultérieurement, grâce aux collections. C'est d'ailleurs tout l'objet du travail d'édition. Mais si vous importez par date, puis renommez votre dossier pour y inclure la thématique à la suite de la date, vous obtiendrez un deuxième classement très pratique.

Mon conseil subsidiaire serait de renseigner un maximum de mots clés génériques qui s'appliquent à toutes les photos que vous importez. Dans le cas de l'anniversaire du neveu : "anniversaire" / "nom de votre neveu" / "ville" / "année" / "soirée" etc. Vous pourrez ensuite renseigner les mots-clés photo par photo ou par sélection multiple à l'issue de votre travail d'édition. Ce sera facilité si vous renseignez un maximum de mots-clés dès l'importation.

Etape 2 - Notez tout ce qui vous intéresse

Dans le module d'édition de Lightroom, chaque photo est associée à une "note" de 1 à 5 étoiles. Ce système est utilisé de manière universelle pour classer vos photos, vous pouvez d'ailleurs noter vos photos directement sur votre appareil si ça vous chante (ou si c'est votre métier et que ça vous facilite votre travail, ou si vous avez un assistant mais là je vais commencer à être jaloux).

Je note toutes mes prises de vues sur une journée ou un événement, en regardant l'intégralité de ce que j'ai pris car je ne jette rien. Je n'efface aucune photo pendant les prises de vues de peur d'effacer une photo dont je n'aurais pas vu l'intérêt sur un tout petit écran. Les cartes mémoires modernes sont suffisantes maintenant pour ne rien jeter.

Sur mon premier passage je note TOUT ce qui m'intéresse avec un classement 1*.

Etape 3 - Editer c'est comparer

Vous vous rendrez compte avec l'expérience que c'est toujours par comparaison que vous allez décider de garder une photo plutôt qu'une autre. Quand j'ai un doute sur la première étape, je garde la photo car je sais que je reviendrai dessus. Ainsi j'ai souvent des "doublons", plusieurs versions d'une photo, ces clichés se ressemblent à quelques détails près.

Une fois ma première sélection de photos 1* faite, je trie ma bibliothèque pour n'afficher que les photos sélectionnées.

Puis je recommence, avec pour idée de ne garder que les meilleures, en les notant 2*.

C'est également à cette étape que j'applique généralement un "pré-réglage" ou "preset" sur Lightroom, pour avoir des versions des photos quasiment définitives.

Etape 4 - Créez un ensemble cohérent

Vous avez compris, je vous recommande de visionner 5 fois votre session, à chaque fois en ne gardant que les meilleures.

Lors de mon 3ème passage sur les photos, j'ai un objectif éditorial, ce sont les photos que je vais utiliser ou transmettre. C'est à ce moment que j'essaye d'éviter les doublons et de décider quelle version d'un cadrage je vais garder. C'est la phase où j'élimine plus que je ne choisis.

L'ensemble de mes photos 3 étoiles sont susceptibles d'être transmises, il ne doit rester ici que des photos qui servent l'objectif de ma session photo (pour un client ou pour moi). Ce sont les photos qui me font le plus réagir, pour lesquelles j'ai le plus d'affection.

Lors de vos premiers shootings ne soyez pas surpris de n'obtenir qu'une seule photo 3* tous les 10 clichés, voire moins. Avec les expériences qui s'accumulent vous pourrez probablement vous approcher d'1 sur 5.

Attention je parle de photos que vous POUVEZ utiliser, mais en pratique je vous conseillerais de n'utiliser que des 4 étoiles.

Etape 5 - Ne publiez que des 4*

Vous allez recommencer une 4ème fois. Puis une 5ème. A chaque étape la sélection deviendra meilleure que la précédente, comme une sorte de tournoi dans lequel serait engagées vos photos pour gagner votre coeur.

4* : Les photos remarquables, parfaites techniquement et en composition, tout à fait en ligne avec ce que vous essayez de raconter ou avec la commande qui vous est passée.

5* : les photos exceptionnelles. Ce sont celles qui me bouleversent pour une raison inexpliquée. Elles sont rares. Très rares. Certains disent qu'on en prend une sur 10 000 clichés. Je suis assez d'accord, j'ai plutôt pour habitude de dire qu'on en prend une par an, mais c'est peut être un peu plus que ça pour moi. Mais quand je débutais en photographie, avant d'être professionnel, je prenais à peu près 10 000 clichés par an. Donc tout ça me parait à peu près cohérent.

Je ne rentrerai pas ici dans le débat de ce qu'est une "bonne" photo, mais reconnaissons que certaines photos sont tout de même "meilleures" que d'autres, pour des raisons parfois objectives, parfois subjectives.

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En réalité je passe maintenant rarement 5 fois sur mes photos, du fait de l'expérience. Mais je le faisais au début. Vous verrez le bénéfice de passer plus de temps sur vos photos, de passer plus de temps à les comparer, à les évaluer, à noter les détails rédhibitoires sur des photos qui paraissaient intéressantes.

Toutes les erreurs que vous observerez vous serviront au prochain shooting. Vos décisions de déclenchements se passent souvent en une fraction de seconde, malgré tout ce que je pourrai écrire vous n'aurez jamais le temps de penser à tout, c'est votre travail antérieur, à l'édition, qui vous permettra d'obtenir de meilleur clichés.

Mon conseil est d'être dur avec vos photos, soyez intransigeant et vos prochaines photos n'en seront que meilleures. Et s'il vous plait ne publiez que des photos qui représentent votre meilleur travail. Ne partagez publiquement que des 4*, même si elles sont peu nombreuses.

Je suis le premier à me dire que je n'aurais pas dû publier telle ou telle photo parce qu'elle n'est pas parfaite ou incohérente avec ce que j'essaye de faire globalement dans ma photographie. Ne tombez pas dans le piège du like, ne publiez que vos meilleures photos.

Etape 6 - Choisir c'est renoncer

En éditant vous apprendrez à voir ces petits détails qui feront une différence, par exemple que certaines positions des jambes sont plus équilibrées que d'autres, que certains cadrages fonctionnent mieux avec quelques millimètres de différence, vous verrez des détails d'expressions sur des visages qui sont totalement incompatibles ou simplement sans intérêt.

Et vous éliminerez des photos. Beaucoup de photos. Notamment des photos qui vous semblaient intéressantes à la prise de vue, ou quand elles étaient mélangées avec des 1*. Mais vous devrez couper, souvent.

La règle en édition est que s'il y a un doute, il n'y a pas de doute : vous ne gardez pas cette photo. Une "bonne" photo est une évidence, immédiate, qu'elle soit au milieu d'autres photos ou toute seule sur un mur. Et les photos qui tiennent au mur sont rares.


Cet article est une section du livre VA - Lettre à un(e) jeune photographe.

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Le conte de la cage vide

Un homme s’était vu lancer un pari par un ami : « Si tu accroches aujourd’hui chez toi une cage vide, tu peux être sûr que, dans quelques jours, tu te retrouveras à t’occuper d’un oiseau. » Ce à quoi il avait répondu : « Comment serait-ce possible ? Il n’y a aucun lien de cause à effet entre accrocher une cage vide et s’occuper d’un oiseau. » Son ami répliqua : « Je lance le pari. Accroche la cage, et on verra bien. » L’homme le prit au mot et accrocha une cage vide dans sa maison.

Peu de temps après, il reçut un visiteur qui, apercevant la cage, lui demanda : « Où est passé ton oiseau ? Il est mort ? Il s’est enfui ? C’était quoi comme oiseau ? Je peux t’en offrir un autre si tu veux. » L’homme tenta de lui expliquer toute l’affaire. Le lendemain, il reçut un nouveau visiteur : « Tu gardes une cage vide comme ça ? Tu dois être bien triste ! Il est mort quand, ton oiseau ? Ne serait-ce pas que tu ne sais pas t’y prendre avec les oiseaux ? Je t’achèterai un livre qui explique comment s’en occuper, ça te sera très utile. » Le troisième jour passa un nouveau visiteur. Celui-là tenait un oiseau entre ses mains. Il dit : « Tout le monde a vu que ta cage était vide. Comme c’est dommage que ton oiseau soit mort ! Je t’offre cet oiseau et aussi des graines pour le nourrir. Et puis je vais t’expliquer comment tu dois t’en occuper. »

Un oiseau, des graines, un livre : l’homme commençait à trouver la situation bien lourde. Et ce n’était pas fini. La semaine n’était pas terminée qu’il déclara : « J’abandonne. Je prends un oiseau. Comme ça, ça m’évitera de me voir demander à longueur de journée où est passé mon oiseau. » Et c’est ainsi que la cage vide se trouva un nouvel occupant.

Si je suis devenu photographe, c’est parce que j’ai commencé à avoir un appareil photo avec moi tous les jours, tout le temps. Mon appareil photo est devenu ma cage vide.

Être photographe, ce n'est pas forcément photographier tout le temps, mais c'est pouvoir photographier constamment. Votre photographie commence autour de vous, où que vous soyez, peut-être en bas de chez vous. Je ne saurai trop vous recommander d'explorer votre quartier, de sortir de chez vous juste pour photographier. Ce peut être vos amis, votre famille, vos connaissances, vos rencontres, je ne connais pas de petite histoire qui ne soit intéressante à photographier.

En vous donnant toujours un possible, vous pratiquerez plus votre composition, vous approfondirez vos histoires, vous vous poserez peut-être plus souvent la question d'Henri Cartier Bresson, celle que se posera celui qui regardera vos photos : "de quoi s'agit-il ?".

Avoir un appareil photo en permanence sur soi est une contrainte, mais c'est aussi une liberté : la liberté de toujours pouvoir être créatif. Et je ne vois rien de plus merveilleux.

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Nota Bene : un téléphone est aujourd'hui un appareil photo. Disons que je ne considère ce conseil valable pour votre téléphone que si vous vous en servez effectivement pour pratiquer votre photographie quotidiennement :)

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Contrôlez le mouvement - le mini-guide de la vitesse

Lorsque vous prenez une photo, l'obturateur de votre appareil photo s'ouvre et laisse passer la lumière. Il reste ouvert pour une certaine durée, en général simplement un fraction de seconde, puis se referme et s'interpose avec la lumière. Cette durée exprimée comme une fraction de seconde ou en secondes est appelée : Vitesse.

Pour différentes raisons que nous verrons plus bas, vous voudrez parfois contrôler cette "vitesse". Le meilleur moyen est alors d'utiliser le mode de prise de vues "Priorité Vitesse", S ou Tv sur votre molette de mode de prise de vues.Le mode 'Priorité Vitesse' vous permettra de contrôler la vitesse dans votre exposition, alors que l'ouverture sera réglée par votre appareil photo.Votre appareil photo indique la vitesse :

  • soit comme une fraction : 1/500 - 1/250 - 1/125 - etc.

  • soit avec le dénominateur de cette fraction : 500 - 250 - 125 - etc.

  • si vous réduisez votre vitesse suffisamment, le sigle des secondes apparaitra : 0.5" - 1" - 2" - etc.

Dans tous les cas, le rapport à la lumière est inversé : plus la vitesse est 'rapide' (1/500 de sec est plus rapide qu' 1/125 de seconde), moins vous laisserez passer de lumière.Comme chacun des membres du triangle d'exposition, votre réglage de vitesse sera d'abord une contrainte vis-à-vis de la quantité de lumière disponible.

Selon le principe général du triangle d'exposition, s'il fait plus sombre et que la quantité de lumière disponible est moins importante, vous devrez utiliser des vitesses plus lentes pour capter la lumière plus longtemps. À l'inverse si la quantité de lumière est plus importante, vous devrez choisir une vitesse plus rapide. Si pour une raison créative vous souhaitez maintenir votre vitesse, vous devrez alors compenser avec les autres réglages du triangle d'exposition : l'ouverture ou la sensibilité.

Le contrôle du mouvement

Bien sûr, le contrôle de la vitesse d'obturation est d'abord un outil créatif. La vitesse vous servira avant tout à contrôler, je vous le donne en mille : le mouvement. Vous voudrez être suffisamment rapide pour figer une scène en mouvement, ou suffisamment lent pour réaliser un 'filé' ou utiliser une pause lente avec ses effets si particuliers.

Il n'y a malheureusement pas de raccourci dans ce domaine, vous devrez apprendre les effets de chaque niveau de vitesse.

Mais puisque la vitesse est dans le triangle d'exposition, vous voudrez parfois utiliser une pause lente pour pouvoir fermer votre diaphragme. Par exemple un matin avec peu de lumière, si vous réalisez un paysage avec une ouverture F16 pour avoir une longue profondeur de champ et une sensibilité faible pour minimiser le bruit, vous n'aurez plus qu'un moyen d'avoir une photo convenablement exposée : en rallongeant le temps de pause. A l'inverse dans des conditions de lumière en plein soleil du midi, vous utiliserez parfois des vitesses très rapides pour limiter la quantité de lumière, et ne pourrez pas utiliser certaines vitesses sans l'utilisation de filtres.

Pose lente : 20 secondes

Filé : 1/15e de secondes

Filé : 1/30e de secondes

1/250e de secondes

1/400e de secondes

1/250e de secondes

1/1000e de secondes

Attention à votre focale

La vitesse est également une contrainte vis à vis de la focale que vous utilisez. Si vous n'êtes pas assez rapide et que vous utilisez une focale très longue (un niveau de zoom très élevé), vous aurez le risque d'obtenir un 'flou de bougé' sur votre photo.

Il est compliqué de donner une règle exacte sur les flous de bougé, puisque votre focale réelle dépend aussi de la taille de votre capteur, et que les stabilisateurs de capteurs rentrent également en ligne de compte...

Pour faire simple, faites attention à avoir un niveau de vitesse au moins équivalent à votre focale :

  • si vous avez un objectif 50mm, votre vitesse minimum devrait être au moins 1/50, ou plus rapide (1/100 - 1/125 - etc.)

  • si vous utilisez un téléobjectif 200mm, votre vitesse devrait être au moins 1/200, ou plus rapide (1/400 - 1/1000 - etc.)

  • si vous avez monté un zoom sur votre appareil, cela dépend du niveau de zoom que vous êtes en train d'utiliser :)

Quand utiliser le mode 'Priorité Vitesse' ?

J'utilise personnellement le mode priorité vitesse dans deux principaux domaines :

  • le reportage

  • la photographie de rue

En utilisant le mode priorité vitesse avec une vitesse de 1/250e de secondes, je peux figer la majorité des scènes que je croise, cela me permet le plus souvent possible de ne pas penser à mes réglages. En reportage comme en photographie de rue, cela me permet de capturer des scènes qui passent très vite, dont l'intérêt que j'ai vu peut être très éphémère.

C'est en fait mon réglage de base, qui est par défaut sur mon appareil. Si je dois contrôler ma profondeur de champ pour un portrait ou un paysage, je passe en mode priorité ouverture ou en manuel.

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Ce que j'ai appris au Mali

Ce récit date de 2013, quand j'essayais de devenir photographe professionnel. Ses enseignements sont toujours valables, mêmes si vous n'êtes pas professionnels, notamment sur le besoin de préparation pour le reportage.

Vite, vite, vite.

Le 8ème jour - Sur la route de Djibo à Mentao, Burkina Faso. Et voilà que maintenant j'ai soif, il ne manquait plus que ça. Je suis assis à l'ombre d'un acacia, la température extérieure est proche des 50 degrés, il est bien normal que la soif vienne. Devant moi je regarde le scooter loué le matin même à Djibo avec honte. Évidemment j'aurais dû faire le plein avant de partir vers le camp de Mentao, évidemment. David qui occupait le siège arrière est reparti en stop vers la ville pour y remplir une bouteille d'essence, pendant que je garde l'objet de ma honte.

"Vite, vite, vite". Voilà les seuls mots que je suis sûr d'avoir compris de cet enfant qui est venu me voir il y a quelques minutes. Il est apparu derrière moi, sans que je sache bien d'où il venait. Il semblait vouloir aller vers Djibo et que je l'y accompagne, je lui répondis que sans essence ce serait compliqué. Il me proposa alors d'aller cherche de l'essence à son village, pour une somme qui me paraissait honnête. Mais devant sa main tendue qui attendait son dû, je tentais de lui expliquer de revenir avec l'essence et de la monnaie, n'ayant qu'un billet de 10 000 CFA sur moi (Environ 15€). L'enfant me répondait à chaque tentative "vite, vite, vite", en me montrant son village.

Je finis par lui laisser mon gros billet en me disant que de toute façon il ferait un heureux si je ne le revoyais pas. Vite, vite, vite. Tu parles, ça fait 15 minutes que j'attends, et maintenant j'ai soif. Combien de temps faut-il pour aller jusqu'au camp de réfugiés de Mentao ? 15 minutes tout au plus, quand on a de l'essence. Voilà ce que je me dis en pestant contre ma bêtise qui me parait grandir à chacune de mes décisions.

Et combien de temps pour venir jusqu'à cette route ? Pour y laisser un scooter, un camarade en stop et un billet dans les mains d'un enfant ? Depuis Paris je n'ai fait que cela, perdre du temps sur la route qui me parait bien plus longue maintenant que je suis tout proche du but. Une journée perdue à Alger pour avoir laissé trainer mon passeport à Orly, une journée à Bamako pour obtenir le laisser-passer nécessaire pour remonter au nord du Mali, 15h de Bus pour remonter vers Mopti et retrouver David, 2 jours de trajet en voiture jusqu'à Djibo, et 2 jours de plus pour obtenir les autorisations de travailler du Burkina. 8 jours de trajet non-stop, pour finir avec un scooter en rade et un enfant qui me répond "vite vite vite".

Première leçon : Voyager prend du temps. Beaucoup de temps.

Depuis que j'ai décidé de rejoindre David qui est en reportage au Mali pour y produire des photos, je n'ai quasiment fait que ça : voyager. Et pendant ce temps là je n'ai pas beaucoup de photos susceptibles d'être intéressantes. A ceux que je croise qui me demandent ce que je fais là, je leur réponds que j'apprends le métier. Il est bien normal que cet apprentissage passe par quelques leçons, même un peu douloureuses.

David reviendra avec de l'essence, derrière une moto d'un Touareg qui faisait le même trajet que nous vers le camp. Mais l'enfant était déjà revenu. J'attendais David avec ma soif étanchée, ma poche remplie de monnaie, et un réservoir déjà plein d'un litre. Et nous avons pu enfin commencer à travailler, pour ma part à produire quelques photos.

Le raccourci

Le 15ème jour - Sur une pirogue entre Mopti et Tombouctou, Mali. Il n'y a pas de raccourci. On ne peut pas apprendre ce métier aussi vite, en passant simplement 3 semaines sur le terrain. Mais cette fois je vais avoir le temps de méditer cette nouvelle leçon : il n'y a pas de raccourci. Pendant 3 jours et 3 nuits sur un sac de riz.

Il est 17h, une heure avant le coucher du soleil l'heure magique commence et avec elle sonne l'appel de mon boitier photo. Je me retourne de mon inconfortable position, la meilleure que j'ai trouvée, et je cherche dans mon sac mon appareil. Avec David et notre guide nous occupons presque 1/3 de l'espace disponible dans la pirogue, nous avons la place pour allonger nos jambes quand la trentaine d'autres occupants est entassée dans des positions que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Femmes et enfants sont à l'arrière, prêt du moteur.

Je sors mon reflex du sac, enroule la bandoulière autour du cou, et je grimpe sur le toit de la pirogue, entre un matelas et un meuble qui y sont attachés. Avec le peu d'arrêts que nous avons effectué en deux jours, pas facile de se dégourdir les jambes et c'est une belle occasion car le coucher de soleil s'annonce magnifique. Les quelques clichés que je prendrai ce soir là sont probablement les plus spectaculaires qu'il m'ait été donné de réaliser. Pour cela j'en suis heureux et peut-être qu'un jour pas si lointain la route de Mopti à Tombouctou en pirogue redeviendra touristique et que ces clichés prendront quelque valeur. Mais pour l'instant ils ne valent rien, et nous avons manqué notre sujet. Notre objectif était de remonter vers Tombouctou en accompagnant une personne qui remonte vers cette région pour la première fois après s'être enfuit.

Mais la faute à une trop grande précipitation de notre part, et à un fixer qui passait son temps à mentir dans ses commentaires ou traductions, les personnes rencontrées ne permettaient pas de réaliser le sujet. 3 jours et 3 nuits sur un sac de riz, et pas de boulot possible au bout. Assez de temps pour méditer et repenser à ce que me disait le chef de la gendarmerie à la frontière du Burkina quand nous revenions de Djibo : "C'est le raccourci qui a tué le rat".

Le 12ème jour - Djibo, Burkina Faso. Le chef de la gendarmerie me disait cette expression chatoyante avec un large sourire, juste après avoir accepté mes excuses : "c'est le raccourci qui a tué le rat". Il faisait référence à un défaut d'autorisations que nous avons dû attendre 2 jours à Djibo. Devant notre absence d'autorisation, le chef de la gendarmerie locale nous imposa pendant 2 jours une escorte armée 24h/24 et des formalités qui allongeaient notre voyage d'une heure à chaque gendarmerie... Il y a quelque chose de cocasse à voir un gendarme Burkinabé en chemise à fleur épier tous ses faits et gestes, mais sur le moment je l'ai assez mal pris.

Lors du retour par ce poste de douane, je présentais donc mes excuses pour n'avoir pas compris ce qui nous arrivait et protesté contre ces attentions sécuritaires que je voyais comme un boulet de plus à nos pieds. Et dans un éclat de rire le chef de gendarmerie me répondit ce proverbe. C'est le raccourci qui a tué le rat, car en quittant sa route le long du mur pour aller directement au fromage, il s'est fait attrapé. Je ne crois pas avoir beaucoup apprécié d'être comparé à un rat, mais la truculence du chef l'emporta, nous rions aux éclats. Et la leçon était là.

Deuxième leçon : Etre prêt. Que ce soit pour une autorisation ou un voyage en pirogue, il faut être prêt. Donc préparé.

Les 10 000

le 20ème jour - Bamako, Mali. Je reviens de ma dernière chance de produire des photos à Bamako. Nous avons passé 2 heures sur la décharge publique du quartier de Doumanzana, où les personnes qui y travaillent gagnent 100 CFA (15 cts €) par jour. Ces 2 heures ont donné combien de photos potables ? Une douzaine selon mes critères. Mais est-ce un sujet qui pourrait intéresser un magazine, un titre de presse ou des agences de photographes qui les fournissent ? Probablement pas.

En sélectionnant et en éditant mes photos je me dis que je suis encore loin du compte. Et je pense aux 10 000 photos d'Henri Cartier Bresson, aux 10 000 de son expression : "Vos 10 000 premières photos sont les plus mauvaises". Et en parcourant mes photos réalisées en presque trois semaines, je me dis que je suis loin du compte, même avec 30 000 déclenchements l'année dernière. Je n'avais jamais pris autant de photos qu'en 2012 et je pensais m'approcher d'une certaine qualité. Mais combien sont publiables ?

Ce nombre 10 000 me renvoie à une connexion que je n'avais jamais faite. La règle des 10 000 heures de Malcolm Gladwell. L'auteur d'Outliers y explique que 10 000 heures sont nécessaires dans une pratique pour être qualifié d'expert, pour maitriser un domaine. A raison d'une bonne photo par heure, il va m'en falloir du temps pour devenir photo-journaliste. Devant l'ampleur de la tâche, mes bras tombent. Je repense à mon départ, à l'arrivée à Bamako les yeux et le coeur vaillant, ambitieux. Je revois quelques instants à Djibo, je me repasse les longues conversations avec Clare Morgana Gillis un matin où pendant que nous attendions nos autorisations du Burkina, Clare se préparait pour continuer son travail sur les camps. Alors que j'essayais de lui expliquer qu'un blog pouvait être une source de travail s'il était alimenté régulièrement, elle me racontait comment tout avait commencé pour elle, en Lybie l'année dernière. N'ayant pas eu avant l'occasion d'une connexion internet décente, je cherche donc ses textes sur le web.

Je crois avoir senti des larmes 2 ou 3 fois à la lecture du texte de Clare : What I lost in Lybia - Elle y raconte dans un texte d'une force incroyable sa captivité en Libye dans une prison de Khadafi, et la perte d'un confrère qui était avec eux au moment de l'assaut fatidique. Les quelques mots que nous partagions avec Clare à Djibo prennent un autre sens. Comment Clare a-t-elle commencé ses aventures journalistiques ? En restant en Libye du côté des rebelles quand tous les journalistes fuyaient la percée de l'armée de Khadafi. Un de ses compagnons d'infortune, James Foley, a depuis à nouveau été capturé en Syrie.

Au coeur du texte de Clare se trouve le sens de ce métier : "Etre le témoin de l'histoire au moment où elle se déroule". Si la littérature se consacre au "temps qui reste", le journalisme lui serait dédié au "temps qui passe". Et il n'y a qu'une seule manière d'être témoin, à plus forte raison pour un photographe.

Troisième leçon : Etre là.

Mon temps est passé. Les 3 semaines que j'ai vécues au Mali me paraissent bien courtes. Elles sont un enseignement, sur le Mali, sur le métier de journaliste, et sur moi-même. Une fois ces leçons apprises, je n'ai qu'une envie : me préparer, être là-bas, et recommencer.

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Le Triangle d'Exposition - Un triangle pour les gouverner tous

Le triangle d'exposition est un outil de compréhension de votre appareil photo. Rien de plus.

Il permet d'appréhender plus facilement la manière dont votre appareil photo capte la lumière et de synthétiser le rapport entre ses trois composantes :

Le principe général du triangle d'exposition est de représenter ces trois réglages comme un surface, avec plusieurs conséquences :

  1. ces trois réglages sont intimement liés

  2. si vous en modifiez un, pour maintenir une quantité de lumière suffisante, vous devrez compenser avec l'un des deux réglages

Ainsi les 3 réglages de base de votre appareil photo sont interdépendants et une contrainte pour exposer suffisamment votre capteur. Mais ce que nous verrons et répéterons est également que ces trois réglages sont des outils créatifs, que nous verrons en détail dans les pages suivantes.

Ce qui est important de comprendre pour l'instant est que pour une certaine quantité de lumière disponible, vous aurez des dizaines de triangles d'exposition différents, selon ce que vous voudrez réaliser créativement.

Pour une quantité de lumière donnée, vous devrez compenser la modification d'un des 3 réglages d'ouverture, vitesse ou sensibilité par l'un des deux autres si vous souhaitez conserver une exposition constante.

Ainsi sur une scène, vous pourrez modifier l'un des trois réglages selon votre intention créative, mais pour une exposition constante cela aura une conséquence sur les deux autres réglages du triangle d'exposition.

Vous voulez une plus faible profondeur de champ ? Vous réglerez votre ouverture. Une ouverture plus grande vous donnera plus de lumière sur votre capteur/pellicule, vous aurez besoin d'une vitesse plus rapide pour compenser.

Vous voulez augmenter votre ouverture sans une vitesse plus rapide ? Vous devrez baisser votre sensibilité, si vous en avez la capacité.

Sur les 3 réglages présentés ici la quantité de lumière captée est strictement identique :

  1. sur le premier la profondeur de champ est raisonnable, avec un léger risque de bruit numérique

  2. sur le second en ouvrant jusqu'à f/4, cela impose une vitesse d'obturation de 1/500 de seconde

  3. à l'inverse sur le troisième réglage une vitesse d'obturation lente au 1/30 de seconde permet de fermer le diaphragme jusqu'à f/16 et ainsi d'avoir une plus longue profondeur de champ.

L'important est de bien comprendre que chacun des 3 éléments du triangle d'exposition sont :

  • soit une contrainte vis-à-vis de la quantité de lumière disponible

  • soit un outil créatif, et c'est bien là l'essentiel

Pour aller plus loin :

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Qu'est-ce que je vois ?

Vous ne pourrez ni la prendre, ni tomber dessus. Vous voudrez peut être l'attraper ou l'amadouer, mais elle est fondamentalement insaisissable : la lumière.

Quand je commençai mon activité de photographe professionnel, presque chaque commande était une situation nouvelle. Alors que je produisais quelques photos et vidéos pour les réseaux sociaux d'un salon porte de Versailles, j'ai eu la chance de partager mon temps avec Svend Andersen dont la phrase reste marquée au fer rouge dans ma mémoire.

Quelques jours plus tard je devais réaliser des portraits en studio pour une équipe nationale de sport en prévision des jeux olympiques de Rio, ces portraits devaient être utilisés dans toutes les communications de la Fédération. Je savais travailler en studio, mais je manquais clairement de confiance pour ce projet qui me paraissait ambitieux pour mes compétences encore un peu jeunes.

Pendant une pause, alors que Svend enchainait les portraits toute la journée dans le studio qu'il avait installé sur place, je lui fis part de mes doutes et de mon envie de bien faire, je lui demandai conseil. Il eu cette phrase toute simple, apprise lui-même de son mentor dans ses jeunes années de photographe : "Qu'est-ce que je vois ?".

Svend me dit de me poser cette question, et que ce serait probablement une solution à mon problème. Quand il a prononcé cette phrase tout m'apparut immédiatement, comme une évidence. Comme si j'avais toujours su que c'était la seule question à se poser. Cela peut vous paraître absurde car justement trop évident, mais prenons le temps de considérer cette question.

- Qu'est-ce que je vois ? répétais-je.
- De cette question, tout découle
- La lumière, bien sûr. C'est la lumière.
- Cette machine à café manque de lumière, il y a simplement une petit ampoule très jaune au dessus. Mais là, regarde. La lumière de la mi-journée est forte, elle entre par cette grande fenêtre dans le hall d'exposition, et crée cette sorte de brume dans la poussière des stocks qui sont remués dans la pièce à côté.

Je regardais cette immense fenêtre et cette lumière qui créait des petites arabesques de poussière par dessus les cloisons comme si j'avais eu une épiphanie. Cet affreux hall d'exposition de la Porte de Versailles était le plus bel endroit au monde. Et je savais instantanément comment réaliser mes photos quelques jours plus tard. Comment est la lumière ? Quelles sont les conséquences sur mes réglages, sur ce que je veux en faire ? Comment modifier la lumière avec les sources disponibles dans le studio ? Dans quelle direction, avec quelle intensité ?

Qu'est ce que je vois ? Cette phrase s'applique aussi à mes portraits, quel est le regard, quelle est l'attitude ? Je n'avais plus qu'à indiquer ce que je souhaitais.

Vous êtes le roi d'un seul sujet

La lumière est vraiment le seul sujet en photographie. Pour prendre de meilleures photos, vous devez  tout le temps considérer la lumière, et commencer à penser à elle comme un objet qui a le pouvoir de tout changer. Tout dépend de la lumière dans votre photographie. Un endroit éclairé peut paraître incroyable une minute, et sans aucun intérêt la suivante, simplement à cause de la lumière.

Posez-vous cette question, vous verrez que les réponses sont toujours dans la lumière. Quelle ambiance la lumière crée-t-elle ? Est-elle dure ou douce ? Intense ou légère ? Comment affecte-t-elle l'espace ou l'atmosphère autour de moi ? Notez comment la lumière change les couleurs ou les textures, pendant un lever de soleil par exemple. Regardez comment la lumière va attirer votre attention sur un élément ou un autre. Bien sûr vous pourrez l'utiliser vous-même et attirer l'oeil de celui qui verra votre photo sur un sujet ou un autre.

Vous ne pouvez pas vraiment la saisir, mais vous pourrez la capturer et la diriger grâce à la composition photographique. La lumière est votre seul sujet.

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