Qu'est-ce que je vois ?

Vous ne pourrez ni la prendre, ni tomber dessus. Vous voudrez peut être l'attraper ou l'amadouer, mais elle est fondamentalement insaisissable : la lumière.

Quand je commençai mon activité de photographe professionnel, presque chaque commande était une situation nouvelle. Alors que je produisais quelques photos et vidéos pour les réseaux sociaux d'un salon porte de Versailles, j'ai eu la chance de partager mon temps avec Svend Andersen dont la phrase reste marquée au fer rouge dans ma mémoire.

Quelques jours plus tard je devais réaliser des portraits en studio pour une équipe nationale de sport en prévision des jeux olympiques de Rio, ces portraits devaient être utilisés dans toutes les communications de la Fédération. Je savais travailler en studio, mais je manquais clairement de confiance pour ce projet qui me paraissait ambitieux pour mes compétences encore un peu jeunes.

Pendant une pause, alors que Svend enchainait les portraits toute la journée dans le studio qu'il avait installé sur place, je lui fis part de mes doutes et de mon envie de bien faire, je lui demandai conseil. Il eu cette phrase toute simple, apprise lui-même de son mentor dans ses jeunes années de photographe : "Qu'est-ce que je vois ?".

Svend me dit de me poser cette question, et que ce serait probablement une solution à mon problème. Quand il a prononcé cette phrase tout m'apparut immédiatement, comme une évidence. Comme si j'avais toujours su que c'était la seule question à se poser. Cela peut vous paraître absurde car justement trop évident, mais prenons le temps de considérer cette question.

- Qu'est-ce que je vois ? répétais-je.
- De cette question, tout découle
- La lumière, bien sûr. C'est la lumière.
- Cette machine à café manque de lumière, il y a simplement une petit ampoule très jaune au dessus. Mais là, regarde. La lumière de la mi-journée est forte, elle entre par cette grande fenêtre dans le hall d'exposition, et crée cette sorte de brume dans la poussière des stocks qui sont remués dans la pièce à côté.

Je regardais cette immense fenêtre et cette lumière qui créait des petites arabesques de poussière par dessus les cloisons comme si j'avais eu une épiphanie. Cet affreux hall d'exposition de la Porte de Versailles était le plus bel endroit au monde. Et je savais instantanément comment réaliser mes photos quelques jours plus tard. Comment est la lumière ? Quelles sont les conséquences sur mes réglages, sur ce que je veux en faire ? Comment modifier la lumière avec les sources disponibles dans le studio ? Dans quelle direction, avec quelle intensité ?

Qu'est ce que je vois ? Cette phrase s'applique aussi à mes portraits, quel est le regard, quelle est l'attitude ? Je n'avais plus qu'à indiquer ce que je souhaitais.

Vous êtes le roi d'un seul sujet

La lumière est vraiment le seul sujet en photographie. Pour prendre de meilleures photos, vous devez  tout le temps considérer la lumière, et commencer à penser à elle comme un objet qui a le pouvoir de tout changer. Tout dépend de la lumière dans votre photographie. Un endroit éclairé peut paraître incroyable une minute, et sans aucun intérêt la suivante, simplement à cause de la lumière.

Posez-vous cette question, vous verrez que les réponses sont toujours dans la lumière. Quelle ambiance la lumière crée-t-elle ? Est-elle dure ou douce ? Intense ou légère ? Comment affecte-t-elle l'espace ou l'atmosphère autour de moi ? Notez comment la lumière change les couleurs ou les textures, pendant un lever de soleil par exemple. Regardez comment la lumière va attirer votre attention sur un élément ou un autre. Bien sûr vous pourrez l'utiliser vous-même et attirer l'oeil de celui qui verra votre photo sur un sujet ou un autre.

Vous ne pouvez pas vraiment la saisir, mais vous pourrez la capturer et la diriger grâce à la composition photographique. La lumière est votre seul sujet.

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