Inspiration Inspiration

5 photographes inspirants pendant le confinement

J'ai cru pendant plusieurs semaines que tout allait revenir à la normale, je ne voulais pas voir que la situation actuelle allait durer. Puisque j'écrivais essentiellement sur la photographie de rue en ce moment, j'ai arrêté net d'écrire. Et puis j'étais occupé entre mes affaires personnelles qui ont pris un coup d'arrêt brutal, ma vie familiale qui a pris une place dominante dans les quelques heures que nous avons chaque jour, enfin avec les formations en direct et le programme l'Étincelle qui me prenait le reste jusqu'à son lancement.

Mais la photographie n'est pas sortie de ma vie, au contraire. Jamais je n'arrêterai, j'irai au bout en continuant à déclencher parce que j'aime trop voir, chercher, composer, raconter. Alors oui, ma famille a une place très importante dans les clichés que je sors, mais c'est très bien comme ça.

Ainsi donc voici 5 photographes que j'ai trouvé particulièrement inspirants pendant le confinement. Il semblerait que le sujet soit plutôt au déconfinement en France, mais je suis à peu près certain que nous passerons encore beaucoup de temps chez nous dans les mois à venir, ça ne peut être qu'utile. Je n'ai pas suivi toutes ces photographes dans leur démarche, mais j'ai trouvé tous ces projets ou clichés très inspirants, et quand j'ai produit quelques photos en pensant à eux je les partagerai également.

1. Elliott Erwitt

Le photographe légendaire New Yorkais Elliott Erwitt est connu pour sa photographie de rue, mais il a également publié quantité de photographies de sa famille, prises chez lui. Elles sont d'une douceur étonnante, tellement intimes en en même temps avec une pudeur bouleversante. Elliott Erwitt me pousse à prendre mon appareil aussi souvent que possible quand mon fils se réveille.

Photo Elliott Erwitt - Magnum

Photo Elliott Erwitt - Magnum. New York City. 1950.

Nous avons en commun avec Elliott d'avoir des chats à la maison, ce qui rend les sujets faciles à trouver :)

Photo Genaro Bardy

2. Martin Argyroglo

En référence à la Tentative d'épuisement d'un lieu Parisien de Georges Pérec, le photographe Martin Argyroglo photographie au jour le jour la place des fêtes du 19ème arrondissement de Paris. Il en produit beaucoup d'autres, allez voir son travail sur son site.

Photo Martin Argyroglo

Photo Martin Argyroglo

Photo Martin Argyroglo

Vivant au 14ème étage d'un immeuble, je me suis prêté également à l'exercice, mais je dois reconnaître avec moins de régularité.

Photo Genaro Bardy

Photo Genaro Bardy

Photo Genaro Bardy

3. Daido Moriyama

Le photographe originaire d'Osaka est souvent présenté comme le "Pape de la photographie de rue Japonaise". Il est notamment connu pour s'approcher plus que de raison de ses sujets, on pourrait dire qu'il pratique une sorte de "Macro urbaine", où les signes et symboles abstraits se mélangent à des affiches ou mots trouvés dans son quotidien.

Photo Daido Moriyama

Photo Daido Moriyama

Photo Daido Moriyama

Sans aller dans son côté brutal, je trouve intéressant de m'approcher et d'essayer de voir des formes à des distances nouvelles. Daido Moriyama a participé au développement du Ricoh GR que j'utilise aussi dans mon quotidien, avoir une optique macro a ouvert de nouvelles perspectives dans ma photographie.

Photo Genaro Bardy

Photo Genaro Bardy

Photo Genaro Bardy

4. Richie Lema

Les portraits de Richie Lema sont drôles, originaux, percutants. Je ne me lasse pas de me replonger dans les films dont il s'inspire et qu'il utilise pour ses auto-portraits... dans sa baignoire !!!

Ce projet est fascinant, fabuleux. Je serais bien incapable de m'inspirer de son travail, mais l'idée est remarquable et parfaitement exécutée, ça peut orienter les amateurs de portraits sur de nouvelles pistes.

https://www.instagram.com/p/B_fATOIIB6J/

https://www.instagram.com/p/B-UX_7yIEB9/

https://www.instagram.com/p/B-ezSm_o-iH/

https://www.instagram.com/p/B-rxTA8ITPj/

5. Erin Sullivan

Enfin terminons cette série d'inspirations par Erin Sullivan, photographe de voyages qui a décidé de mettre en scène son intérieur et de minuscules figurine pour reproduire des ambiances d'exploration et de grands espaces. Le résultat est spectaculaire, quel boulot !

https://www.instagram.com/p/B_AdfZppAE1/

https://www.instagram.com/p/B-uo3H4poLg/

https://www.instagram.com/p/B-YH5vIJl7R/

Lire la suite
Inspiration Inspiration

5 exercices pour photographier à la maison

Comme plus de la moitié de la population mondiale, je suis à la maison depuis un mois. Le jour de l'annonce du confinement à Salvador était identique à celui de la France, alors que la propagation du coronavirus était nettement moins avancée. Cette décision du gouverneur de Bahia (le Brésil est un état fédéral) a certainement sauvé beaucoup de vies et soulagé un système de santé qui ne pourrait probablement pas encaisser le choc vécu en Europe ou en Amérique du nord. Ce n'est pas l'objet de cet article, je souhaite juste vous donner un peu de contexte personnel car on me pose beaucoup la question en privé.

À titre personnel mon activité professionnelle prend un coup d'arrêt brutal. Je travaille avec quelques magazines et agences de voyages, pas du tout avec la presse quotidienne ou dans l'actualité. Je ne suis pas journaliste, je reste donc à la maison. La seule activité que je peux continuer à distance est l'éducation à la photographie. J'ai décidé dès le premier jour de confinement de proposer deux ateliers en direct-live par semaine sur mon groupe Facebook. Mon temps disponible avec un enfant en bas-âge à la maison s'est nettement réduit, j'essaye de produire quelques vidéos pour Youtube (je les publierai quand j'aurai accepté que c'est mauvais et que j'ai besoin de progresser), mais il m'est impossible de prendre du temps pour écrire ici.

Et puis je dois reconnaître prendre beaucoup de plaisir à ces lives, c'est un exercice intéressant et j'apprécie les nombreux échanges avec ceux qui les suivent régulièrement.

Une fois sur deux, je commente les photos des participants aux exercices proposés la semaine précédente, puis propose 3 nouveaux exercices pour la semaine suivante. J'essaye moi aussi de produire des photos pour ces exercices, entre la sieste et le biberon. J'y trouve de l'inspiration et de la motivation à continuer à pratiquer notre passion dévorante. Peut-être que vous pourriez aussi vous prendre au jeu ?

Voici donc 5 des nombreux exercices proposés pendant mes lives, si vous voulez voir les photos des participants, ou que je commente vos photos dans le prochain live, il va falloir aller sur le groupe Facebook. Mais si vous voulez juste participer sur Instagram, utilisez #PhotographionsALaMaison ou mentionnez mon compte @naro1 - J'irai tout voir, même si je ne m'attends pas à avoir des milliers de participants. Mais sait-on jamais, vous pourriez peut-être y prendre du plaisir :)

5 exercices #PhotographionsAlaMaison

1. La Mouche

  • Mettez-vous à la place d’une mouche.
  • Que voit-elle ?
  • Comment pourriez-vous représenter son point de vue ?
  • Par quel artifice technique ?

Exercice inspiré par Martin Parr

2. La couleur c'est l'émotion

  • Choisissez une couleur primaire Rouge / Bleu / Jaune / Vert ;
  • Pendant une période fixe (1 heure / 1 jour ?), si vous croisez cette couleur, vous DEVEZ faire une photo.
  • Composez avec la couleur telle qu’elle se présente.

Exercice inspiré par Alex Webb

3. L'ascenseur

  • Photographiez un environnement clos et restreint, comme un ascenseur,
  • Prenez l’exercice comme un paysage abstrait,
  • Travaillez votre scène, une seule photo ne suffit pas.

4. 20-40-10

  • Photographiez « 20 Pellicules de 36 », Soit 720 photos ;
  • Si vous ne pouvez pas sortir, Photographiez chez vous. Le sujet est libre, c’est en photographiant que vous le trouverez ;
  • Sélectionnez 40 photos dignes d’intérêt, imprimez-les ;
  • Ne gardez que 10 photos et créez un ensemble cohérent.

Exercice inspiré par Jessica Lancaster

5. Dominos

  • Retournez sur vos anciennes photos,
  • Parmi celles que vous préférez, créez une série de 10 Photos,
  • Chaque nouvelle photo répond à la précédente comme un domino : une couleur, une forme géométrique, un sujet, un signe, un symbole, une technique de composition, un élément technique…
  • Essayez de rendre la série de + en + complexe :
    une couleur + un sujet
    puis répétition + profondeur de champ + symbole

Inspiré par Jason Fulford

Comment participer ?

Si vous voulez que je commente vos photos dans un prochain live, participez aux exercices sur le groupe Facebook ici : https://www.facebook.com/groups/genarobardy

Ou utilisez le #PhotographionsALaMaison sur Instagram

Bonnes photos ;)

Lire la suite
Inspiration Inspiration

Qu'est-ce qu'une grande photo ?

De temps en temps, je prends une photo qui me marque, dont le sentiment reste longtemps après la prise de vue. Cette photo m'obsède, elle reste gravée dans ma mémoire et mes pensées sans que je puisse la laisser de côté.

Qu'est-ce qu'une grande photo ? Déjà commençons par la définir, l'adjectif "grande" ne me convient pas forcément, c'est simplement le meilleur terme que j'ai trouvé pour l'instant, rien ne traduit parfaitement l'adjectif anglais "great". J'ai hésité avec une photo "forte", pour qualifier ce sentiment qui persiste, et j'ai rejeté une "bonne" photo qui pour moi va être beaucoup plus fréquente. Une bonne photo, c'est une photo que j'ai sélectionnée pour l'utiliser. Certains photographes professionnels, dont je suis, disent qu'une bonne photo est une photo vendue. Cette définition est parfaite, une bonne photo répond à un besoin de communiquer. Mais une grande photo, ou une photo forte, c'est en réalité une photo exceptionnelle, qui arrive rarement.

Je souhaite ici vous partager mes réflexions et mes lectures sur le sujet. Je ne crois pas que nous arrivions à la définition parfaite d'une grande photo, ni à déterminer comment la réaliser. Nous allons tourner autour sans l'identifier. Nous allons le voir, une grande photo est une sorte de MacGuffin de la photographie : on la cherche constamment, sans vraiment pouvoir la saisir. En réalité Hitchcock le disait très bien, un MacGuffin ce n'est rien, et pourtant tout le monde court après.

Donnez-moi une raison de me souvenir de cette photo

Commençons par l'essai de Sophie Howarth et Stephen MacLaren dans 'Street Photography Now'. Le passage est traduit par mes soins de la version anglaise, mais vous pouvez trouver le livre en Français (donc avec une autre traduction) :

Une grande photographie de rue doit susciter plus qu'un regard rapide et un moment de reconnaissance de la part du spectateur. Un sens de mystère et d'intrigue doit rester, et ce qui est caché est souvent aussi important que ce qui est montré. [...] Donnez-nous une raison de nous souvenir de cette photo. C'est la bonne question à poser, mais aussi celle à laquelle il est impossible de répondre. Comme le disait le grand photographe Robert Doisneau 'si je savais comment prendre une bonne photo, je le ferais à chaque fois'.

Sophie Howarth et Stephen MacLaren dans 'Street Photography Now'

Nous sommes en plein dedans. Une photo est exceptionnelle parce qu'elle donne au spectateur une raison de se souvenir d'elle au delà des deux secondes (deux dixièmes ?) que nous passons habituellement à regarder une photo. Puis Robert Doisneau nous dit simplement qu'une grande photo est un cadeau, et donc que la pratique photographique est une recherche parsemée d'échecs innombrables pour atteindre son but.

Virtuosité technique, composition originale et contenu captivant sont tous essentiels, même s'ils ne garantissent pas nécessairement une grande photographie de rue. Des trois, ce qui fait un contenu captivant est celui qui prête le plus à débat. [...] Parfois un photographe de rue capture quelque chose de vraiment inhabituel - un visage étonnant, un accident ou un crime. Mais plus souvent une photo de rue est remarquable parce qu'elle rend l'ordinaire extraordinaire.

Sophie Howarth et Stephen MacLaren dans 'Street Photography Now'

Voilà nos trois suspects : technique, composition et contenu. Il est évident qu'un contenu extraordinaire est le plus difficile à formaliser, à moins que vous ne pratiquiez de la pure mise-en-scène.

Mais je trouve ici une piste intéressante : rendre l'ordinaire extraordinaire. Cet aspect est intéressant car il implique fortement le spectateur, et donc aussi le photographe. Ce qui est ordinaire pour certains ne l'est pas forcément pour d'autres. On touche ici à une forme de subjectivité très utilisée en journalisme : la loi de proximité. La loi de proximité est le principe suivant lequel les informations ont plus ou moins d'importance suivant leur proximité par rapport au lecteur. Cette proximité est généralement décomposée en quatre axes : géographique, temporel, affectif et sociétal/socio-professionnel.

Je m'explique, en tête d'article cette photo de deux enfants à Salvador de Bahia n'aura pas la même résonance pour quelqu'un qui découvre Salvador en visite, pour celui qui y vit comme moi depuis presque 2 ans, ou pour quelqu'un qui y aura passé toute sa vie. Ce qui est ordinaire pour l'un est exotique pour l'autre, notamment pour celui qui n'y a jamais mis les pieds.

Si une grande photo rend l'ordinaire extraordinaire, alors ce qui la rend extraordinaire est par essence très subjectif, cela dépend fortement du spectateur.

Une grande photo doit être “dure”

J'aime particulièrement l'approche de Joël Meyerowitz, traduite ici depuis le livre Bystander :

Tant qu'il y aura la photographie, il y aura des personnes qui essaient de faire des photos "dures", comme celles que Garry Winogrand et moi essayions de faire il y a 25 ans. "Dur" est un terme que nous utilisions beaucoup. [...] "Dur" voulait dire que la photo était sans compromis. C'était quelque chose qui venait des tripes, de l'instinct, et c'était lourd d'une certaine manière, impossible de le caractériser selon les standards habituels. Donc c'était dur. Dur à aimer, dur à regarder, dur à réaliser, dur d'y trouver du sens. Ce n'était pas ce à quoi ressemblait les autres photos. [...] Vous ne pouviez pas vraiment le comprendre.

Joël Meyerowitz dans 'Bystander'

C'est à la fois limpide et parfaitement mystérieux. Une grande photo est une épreuve, la prise de vue implique le photographe et lui demande d'aller chercher, à l'extérieur et au plus profond de lui-même, en même temps.

Si une grande photo est incompréhensible, pourquoi chercher, pourquoi photographier ? Il suffirait de laisser le hasard s'en charger ? Bien sûr que non. C'est en cherchant, en composant, en racontant, que parfois les planètes, les étoiles, le soleil, les yeux et le coeur s'alignent. Pour obtenir une photo dure, il faut chercher des photos dures à réaliser. Je trouve ici un encouragement à aller photographier plus, plus souvent, à repousser mes petites limites pour aller chercher cette grande photo.

Obvie et Obtus

Poursuivons avec Roland Barthès et le passage du livre L'Obvie et L'Obtus. Essais critiques, livre qui ne traite pas seulement de la photographie mais également de la peinture ou de la musique. Dans la partie qui concerne la photographie :

Il me semble distinguer trois niveaux de sens. Un niveau informatif, ce niveau est celui de la communication.

Un niveau symbolique, et ce deuxième niveau, dans son ensemble, est celui de la signification. Est-ce tout ? Non.
Je lis, je reçois, évident, erratique et têtu, un troisième sens. Je ne sais quel est son signifié, du moins je n'arrive pas à le nommer, ce troisième niveau est celui de la signifiance.

Roland Barthès dans 'L'Obvie et L'Obtus. Essais critiques'

Roland Barthès n'évoque ici que le contenu de la photo et tente d'aller au delà du signifiant, le niveau physique et technique de la photo, ou du signifié, ce que représente effectivement la photo, pour introduire le terme de 'signifiance'. Ce n'est pas seulement la symbolique, ce que peut vouloir dire le contenu d'une photo, c'est autre chose. Peut-être à chercher du côté de l'essai plus connu de Roland Barthes, La Chambre Claire . Il y fait la distinction entre deux types de photos et leurs caractéristiques : le Studium et le Punctum :

Le Studium, c’est une photo que l'on peut lire

selon les règles du savoir courant. On la regarde, mais on ne la mémorise pas.

[...]

Le Punctum, c'est l'élément imprévisible de l'image qui touche le spectateur. Car pour décrire ce genre de photo,
celles du punctum, il faut dire "je". Le punctum c'est "ce qui me point" Le Punctum n'est pas intentionnel. Il n'est pas composé volontairement, il n'est pas analysable.

Roland Barthès dans 'La Chambre Claire'

Je ne sais pas si je suis beaucoup plus avancé. J'ai plutôt ici des confirmations de ce que je pressentais. Déjà une grande photo, à supposer que j'y associe le Punctum de Barthes, c'est "ce qui me point", ce qui me touche. C'est éminemment personnel, et donc subjectif. Ce qui sera une grande photo pour moi, ne le sera pas forcément pour les autres.

Et enfin le mystère s'épaissit puisque le Punctum ne serait pas composé volontairement, ne serait pas analysable. Il serait alors impossible à reproduire. C'est en phase avec ce que nous avons vu jusqu'à présent.

Je reconnais instantanément une grande photo

Et moi dans tout ça ? Déjà, je dois reconnaître que je sais au moment du déclenchement quand je vais avoir une photo que je trouve extraordinaire. Je vois la scène se dérouler, je suis dans la zone, dans cette recherche ou tout mon esprit est concentré vers une photo que j'espère. J'ai une sorte d'intuition, les éléments se placent de manière harmonieuse, et un incident particulier arrive qui place la scène parfaitement dans le cadre et lui donne une tournure forte.

Ainsi donc, je sais instantanément que je vais avoir une photo que je vais adorer. Cela me plonge dans un état d'excitation intense, probablement parce que je suis passionné par cette activité, j'ai l'impression d'avoir atteint un sommet.

Et pourtant je dois reconnaître que ce sentiment si particulier d'être arrivé à quelque chose d'extrêmement satisfaisant m'est arrivé également au développement, pas à la prise de vue. Mais je sais aussi que la photo concernée avait été prise le jour même et que je l'ai développée parce que j'avais l'intuition d'un bon potentiel. En fait, je crois que c'est avec l'expérience que j'arrive à reconnaître ces moments-là.

Pour moi, c'est un moment de grâce, où on reconnait que la photo que l'on a prise transcende simplement le sujet, le lieu ou l'instant qui ont été choisis. La photo est convenablement exposée, les éléments qui composent la photo semblent parfaitement alignés, tout cela est un pré-requis. Et puis il y a un petit quelque chose en plus.

Ce petit quelque chose en plus, pour moi c'est un incident. Un regard qui révèle, un geste physique caractéristique ou l'esprit du lieu qui est parfaitement représenté.

Le point de connection émotionnelle

Je conclurai cette réflexion sur la grande photo ou la photo forte par les mots de Susan Meiselas, photographe de l'agence Magnum. Elle parle bien de ce mystère, par essence subjectif, que j'appelle parfois incident ou moment de grâce, qui caractérise une grande photo. Elle parle de "point de connection émotionnelle" :

Qu’est-ce qui fait une bonne photo ? C’est une question difficile, pourtant il y a quelques principes fondamentaux - par exemple les règles de composition, le nombre d’or, les lignes directrices et ainsi de suite - même si vous exécutez une photographie à la soit disante perfection technique, il n’y a pas de garantie que cela résulte en une photo engageante.
Ce qui est souvent cité comme élément clé d’une photo réussie est un point de connection émotionnelle, en combinaison avec un puissant sens de la forme.

Susan Meiselas

Parfois, que vous photographiez dans la rue, pour un projet, pour quelqu'un ou pour vous-même, une photo touchera un point sensible. Une vibration particulière dans un cadre parfaitement composé, dans un instant qui révèle tout ce que vous vouliez exprimer. C'est ce point de connection émotionnelle qui sera reconnu par d'autres qui regardent votre photo et qui voudront encore y passer quelques secondes de plus. C'est la photo qui vous fait vous arrêter dans une expo. C'est une grande photo.

Je terminerai avec les mots de Martin Parr qui répondent parfaitement à ceux de Robert Doisneau cités plus haut :

Si je savais comment prendre une grande photo, j'arrêterais.

Martin Parr

Lire la suite

Comment travailler votre jeu de jambes en photographie de rue

La principale caractéristique de la photographie professionnelle qui me surpris quand je commençais à vivre de la photo : sa physicalité. C'est aussi pour cette raison que j'ai choisie et poursuivie cette carrière, mais j'ai tout de même été étonné par ce que les prises de vue peuvent demander en énergie, à quel point elles peuvent être épuisantes.

La photographie de rue est une performance physique

En photographie de rue, une des premières vidéos que j'ai regardé sur le sujet montrait Henri Cartier-Bresson en train de danser comme un pantin funambule autour d'un passant dans les rues de Paris. J'étais débutant en photographie et passionné par Henri Cartier-Bresson, je regardais ses arabesques du corps comme un moustique fasciné par une flamme d'allumette.

J'y vois maintenant autre chose : de la composition. Pour mieux connaître la photographie, je reconnais maintenant la recherche d'un moment, d'un bon cliché pour un sujet qui l'a intéressé.

Regardez ses jambes, ses pieds, vous verrez le lien direct entre la composition et le mouvement du corps. Les photos, c'est comme les crêpes, elles ne vont pas se faire toutes seules. Et comme une poêle a besoin d'être bien beurrée, le photographe a besoin de travailler son jeu de jambes.

Le moment parfait est une recherche

Contrairement au peintre qui plante ses pieds dans la vase en misant tout sur son jeu d'index, l'auriculaire levé vers le ciel, le photographe est un animal prédateur. L'oeil vif, la bave aux lèvres et parfois le flash haut perché, il chasse le 1/125 de secondes qui fera mouche.

Si la photographie est physique, le cliché parfait, lui, est une recherche permanente. La cause est toute simple, expliquée dans cette phrase de Raymond Depardon qui devrait être tatouée sur l'épaule, à côté d'un triangle d'exposition :

Si je savais comment faire des grandes photos, je ne ferais que ça.

Raymond Depardon

La pratique de la photographie est une recherche, on ne décide pas d'avoir une grande photo. On en a l'intuition, mais en réalité chacun de nos déclenchements est un espoir. Quiconque a édité quelques milliers de clichés sait qu'une grande photo est une rareté, dont on ne maîtrise pas vraiment la production.

Pour chercher, il faut marcher. Si je voulais vous donner une méthode simple de recherche et de composition en photographie de rue, quelle que soit la scène, l'événement ou la situation :

  • Commencez par déclencher tout de suite tout droit ce que vous avez vu d'intéressant, en essayant de composer à la volée. Le Giga Octet ne vaut rien, profitez-en ;

  • tournez autour de votre sujet. L'angle à 45° de chaque côté, plongée, contre plongée, 90° de chaque côté et puis allez vérifier de l'autre côté, selon d'où vient la lumière ;

  • combinez tout cela avec 3 valeurs de plan : plan large, plan moyen, plan serré. Avoir un zoom ne facilitera rien, il faudra souvent vous approcher, parfois vous éloigner.

Voilà comment pour une seule et unique photo, je viens de résumer 37 clichés différents, tous pris depuis un endroit différent (vous pouvez compter). Évidemment cette théorie est impossible, pour la simple raison que les moments intéressants passent trop vite.

En réalité, avec l'expérience vous aurez travaillé un arsenal de compositions avec lesquelles vous serez à l'aise et vous arriverez à réduire le nombre de clichés à prendre, parce que vous saurez quand vous en aurez un bon instantanément, au déclenchement. Vous travaillerez seulement quelques valeurs de plan pour pouvoir éventuellement raconter cette petite histoire de différentes manières. Et puis vous aurez rarement plus de deux angles intéressants sur une scène.

La composition, c'est le jeu de jambes

Mais le jeu de jambes, lui, sera toujours là. Il sera au service de votre composition, de cette recherche. On pourrait même juger du talent d'un photographe uniquement en le regardant bouger.

Et d'ailleurs, c'est possible et c'est même tout simple. Le jeu de jambes d'un photographe peut et doit s'étudier. Tout comme je vous conseillerais de vous entraîner à regarder des photos en analysant les éléments techniques employés, notamment la focale ou la distance au sujet ; je vous recommande d'étudier et d'analyser le jeu de jambes d'autres photographes.

Comment ?

Et bien la qualité d'un photographe se juge sur une planche-contact, ou sur une série de 36 déclenchements si vous travaillez avec un appareil électrique et une carte mémoire plutôt qu'une pellicule.

La planche-contact dit tout du photographe. Comment il a bougé, ce qu'il a vu, quand il a déclenché, s'il a eu besoin de rafale. Plan large, plan moyen, plan serré, tout y est.

Pour commencer à étudier des planches contact, je vais vous renvoyer vers un livre, encore. Il vous permettra d'étudier le travail, et donc aussi le jeu de jambes de certains des plus grands photographes au monde : ceux de l'agence Magnum dans le livre Contact Sheets. (Le lien est vers la version US, la VF étant à plus de 200€).

La planche-contact pour étudier le mouvement du photographe

À force de recommander des livres, je vais finir par créer un Photo-Book Club par abonnement avec un livre par mois. Et si c'était une bonne idée ? Note pour plus tard : créer un Photo-Book Club.

Commençons par étudier une photo iconique d'un de mes photographes préférés, le Chihuahua d'Elliot Erwitt.

Elliot Erwitt, contact sheet for “Chihuahua,” New York City (1946) (© Elliot Erwitt / Magnum Photos)

La séquence est merveilleuse. Elle commence par deux femmes qui se parlent devant un diner (restaurant) au coin d'une rue de Manhattan, l'une d'elle portant son adorable petit chien. Le premier cliché capturé est un plan moyen, testé en plusieurs versions. Les premières photos ont manifestement déclenché une discussion du photographe avec ces deux femmes, s'ensuit une série de plans serrés, avec la complicité de la propriétaire du Chihuahua qui participe à la séance photo en le posant au sol.

Notez que le cliché retenu par Elliot Erwitt est très largement recadré, au nom d'une composition parfaite. Cette planche-contact me replonge dans mes innombrables rencontres en Toscane ou à New-York qui ont eu pour cause ma passion infinie pour les canidés, mais je m'égare.

Poursuivons sur un sujet plus difficile, avec les évènements de mai 1968, sous l'oeil de Bruno Barbey.

Bruno Barbey, contact sheet for student protests in Paris (1968) (© Bruno Barbey/Magnum Photos)

La séquence permet d'appréhender le travail dans le cas d'un événement, où les scènes sont en mouvement permanent.

La planche-contact commence au plus près des policiers, dans leur dos. Elle se poursuit avec une série de plans larges interrompus par quelques manifestants qui passent devant le photographe. Puis une charge de police occupe le photographe sur 4 clichés. La séquence se termine sur une barricade.

Notez déjà comment chacune des photographies est rigoureusement composée, quelle que soit la valeur de plan. Vous pouvez ensuite apprécier directement le travail d'édition, le choix des photos les plus fortes et le ratio, implacable : 6 photos retenues sur une séquence de 36. C'est le ratio d'un grand maître, à plus forte raison quand j'aurais aisément gardé les 32 autres.

Terminons enfin l'exercice sur une photo du premier livre de Martin Parr, Last Resort.

Martin Parr, contact sheet for The Last Resort (1985) (© Martin Parr / Magnum Photos)

Cette mini planche-contact montre en huit photos comment Martin Parr a travaillé les scènes et exploité la sérendipité inhérente au procédé photographique. Il utilise ici cinq clichés en étant positionné au même endroit. Il travaille la scène avec une seule valeur de plan, et ne garde qu'un cliché, celui où la femme se retourne.

Appliquez ces principes dans l'analyse de vos photos

Il ne vous reste plus qu'à vous procurer Magnum Contact Sheets si vous souhaitez étudier la manière de travailler de certains des plus grands photographes du 20e siècle.

Vous pouvez également analyser vos séries de clichés pour identifier les manques en composition ou les mouvements que vous auriez pu créer. Puis vous pourriez commencer à identifier votre ratio de photos gardées, non pas pour moins déclencher, plutôt pour varier les valeurs de plan et mettre en pratique lors de votre prochaine session, avec votre jeu de jambes.

Lire la suite
Inspiration Inspiration

3 obstacles à votre photographie

L'ennemi est bien souvent au creux de la poche, les internets mondiales et le web-deux-points-zero regorgent de contenus qui vous feront perdre votre temps, ou qui iront à l'encontre de vos progrès en photographie. Je suis le premier concerné par ces obstacles, plus souvent qu'à mon tour je me suis pris les pieds dans ces pièges à vieux loup de mer. Ça me gonfle d'être l'idiot qui se tait, alors dégommons, ça va me détendre et faire un peu de trafic.

1. Les vidéos de test matériel

Regarder des vidéos présentant du matériel photo n'aidera pas votre photographie, ça ne vous aidera qu'à vous renseigner sur vos futurs achats. C'est une évidence qu'il est toujours bon de rappeler, surtout parce que certains Youtubeurs sont pleins de second degré, comme Kai Wong qui est probablement le meilleur dans le domaine. Je me marre bien devant ses vidéos, mais à chaque fois j'ai l'impression d'avoir perdu 10 minutes sur Youtube. C'est bon enfant mais ça sert à rien.

https://youtu.be/zg8EWDjfXTw

Le danger peut venir de la chaîne "The Art of Photography" dont le contenu était initialement remarquable et qui a bifurqué vers les commentaires des sorties du dernier compact, reflex ou moyen format. Et pourtant certaines de ses vidéos les plus vues ne parlent pas de matériel, mais je suppose que nous devons tous trouver une méthode pour générer des revenus.

https://youtu.be/n-1tq0FEBV4

Je dois reconnaître, quand j'ai voulu acheter un appareil spécialisé dans la photographie de rue, le Ricoh GR, j'ai bien dû regarder toutes les vidéos disponibles sur les différentes versions du GR. En fait, nous sommes responsables de cette déviance de certains Youtubeurs. Acheter du matos, c'est grisant, ça fait du bien. La séquence qui s'en suit est logique : recherche > google > trafic pour ceux qui en parlent > recommandations de Youtube sur le matos. Répétez à l'envie, et l'envie peut venir souvent sur le matériel.

https://youtu.be/qRF0LoAQERU

Non seulement nous entretenons ce cercle vicieux, mais en regardant les vidéos nous incitons les créateurs de contenu à continuer. Pour eux trafic égale revenu, même indirect. Là aussi je parle en connaissance de cause, il y a quelques années, avant d'être photographe, mon blog a pu financer ma vie dissolue, mes voyages et la chasse aux clients, uniquement parce que je faisais un peu de trafic. J'ai largement profité (financièrement) du système mais c'était clairement une impasse créative. J'ai fini par fermer mon blog parce qu'il ne corresondait plus à mes aspirations, j'ai pourtant encore une petite nostalgie sur quelques belles histoires que j'y avais raconté.

Bon, je crois que je m'égare un peu. Revenons à nous moutons galeux. Vous pouvez trouver plein de contenus passionnants pour votre photographie sur Youtube. Si vous débutez et explorez des techniques de prises de vue, en studio, en portrait ou quelque soit le genre, les "making of" et "behind the scenes" sont légion.

https://youtu.be/KTgB0djLUkY

Si vous aimez la photographie de rue, passez plutôt du temps avec Joe Greer ou Samuel L. :

https://youtu.be/JAmxr129mwc

Joe Greer c'est un peu l'exemple inverse de The Art of Photography, il exploite une audience accumulée grâce à sa participation à une émission de TV pour partager des contenus très pertinents.

https://youtu.be/zeUG8PhrY98

Et en français les meilleurs ne sont pas forcément les plus suivis. Richie et Thomas, c'est la nouvelle vague qui souffle un vent de fraîcheur sur le Youtube game :

https://youtu.be/7s37nBTJJbk

Abonnez-vous aux producteurs de contenus qui vont dans le bon sens. Ça leur permettra peut-être de se professionnaliser, si tant est qu'ils en aient envie (rien n'est moins sûr).

https://youtu.be/L9s1Jl1acmo

En résumé, regardez des contenus qui aident votre photographie ou qui documentent le travail de photographes inspirants.

Cette remarque fonctionne avec tous les contenus qui commentent les accessoires, notamment les sacs photo. Le matériel est le principal ennemi de votre art, vous ne serez jamais un chef 3 étoiles en passant votre temps à comparer les casseroles. Les peintres, eux, n'ont pas ce problème, car les marchands de pinceaux n'ont pas de chaînes Youtube dédiées. #OHWAIT

2. Les concours payants

Les concours comme Lifeframer et LenseCulture sont redoutables dans leur marketing, et c'est bien ce qui les rend dangereux pour votre photographie. En leur accordant de l'importance, du temps ou de l'argent, vous payez un prix cher pour la promotion de vos travaux.

Ces concours sont jugés par des photographes, éditeurs, iconographes, galeristes ou curateurs de musées de grand talent, et promettent une exposition internationale, ce qui est incontestable. Mais bien sûr ce dernier point ne concerne que les vainqueurs.

Et avec plusieurs centaines de milliers de participants à 15$ la photo ou 50$ le projet, il est facile de voir que comme à Las Vegas, celui qui gagne le plus dans cette histoire c'est le casino, ici les organisateurs des concours.

D'autant que la communication agressive de Lifeframer ou Lenseculture, comme tous les ersatz qui pullulent sur le web, les rend incontournables. Vous tomberez forcément sur une de leur pub, et si vous espérez percer un peu en photographie au delà de vos proches, sans même parler de devenir professionnel, ces concours donneront forcément envie. Oui, ceux qui gagnent ont de bonnes chances de percer, mais à quel prix ?! Je suis convaincu que les projets des vainqueurs auraient percé d'une autre manière, sans avoir à jouer à la loterie.

Par ailleurs je me dois de parler ici des concours de clubs photo, repésentés par la Fédération Photographique de France. Là, les concours sont gratuits, mais se pose le problème fondamental des juges et des orientations artistiques qui sont données à ces concours.

À plusieurs reprises j'ai eu dans mes voyages-photo des membres de clubs photo. Certains étaient des photographes remarquables dont les clichés montraient une grande maîtrise et confiance en leur pratique. Mais j'ai également rencontré des personnes qui débutaient en photographie et qui se contraignaient en fonction de critères abracadabrantesques, purement techniques, voire farfelus. S'il vous plaît, choisissez bien en qui vous mettez votre confiance. La Fédération Photographique de France est certainement peuplée de brillants photographes, mais rien que le nom devrait mettre la puce à l'oreille. La photographie n'est pas un sport et ne peux absolument pas se juger comme tel. Imaginez 2 secondes une compétition de peinture et vous verrez le grotesque de la situation, si vous deviez être jugé par l'animateur du club de peinture du coin de la rue.

Pour approfondir, Thomas détaille bien la situation ici : Quittez votre club photo.

La photographie a pour moi 3 fonctions principales : renseigner, informer ou émouvoir. Si vous n'êtes pas photo-journaliste ou photographe commercial, la pratique artistique est la voie.

Quels sont les concours intéressants auxquels participer ? Ceux qui donnent accès à une bourse pour poursuivre un projet ou l'exposer, jugés par des personnes reconnues dans leur profession, et gratuits. C'est à ceux qui exposent vos photos de payer pour avoir le droit de les exploiter.

Pour trouver les bourses et prix intéressants, vous pouvez :

3. La chasse au likes

Le seul vrai ennemi de ma photographie, c'est mon ego. Celui-là même qui me donne des aspirations démesurées, des prétentions idiotes avec d'immenses photographes comme références, et me fait plonger dans la recherche de validation sociale sur Facebook, Instagram ou sur des plateformes qui paraissent plus expertes comme Flickr ou 500px.

Le nombre de likes qu'obtient une photo sur Instagram est beaucoup plus fonction de son marketing que de sa qualité intrinsèque : l'heure de publication, l'utilisation intelligente des hashtags en fonction de son audience participent grandement à la performance.

Tout le monde n'est pas photographe. Comme le dit si bien Joseph Koudelka : "tout le monde sait appuyer sur un bouton, ça ne fait pas de tout le monde un.e photographe". Vous ne pouvez décemment pas faire confiance aux résultats obtenus sur les réseaux sociaux pour évaluer vos progrès, ils indiqueront uniquement votre performance en marketing. Le marketing est sûrement important pour la photographie professionnelle, mais je préfèrerai toujours un talent ignoré aux photos de certains "instagrammeurs" les plus connu.

Les plus performants sur tous les réseaux sont souvent ceux qui ont été suggérés aux utilisateurs au début de la plateforme. J'ai eu la chance de l'être à un moment sur Twitter, je sais que ça n'amène bien souvent qu'une audience très éphémère. Quant à Instagram 80% viennent des lecteurs de mon ancien blog, le reste de mes passages télés lors de la promotion des villes désertes. Sinon j'ai la lucidité de reconnaître être une bille sur Instagram.

Comment obtenir 100 likes sur Instagram

Pour se perfectionner, il faut pratiquer parfaitement

Pour conclure, je voudrais garder une note positive. J'ai écarté de cet article beaucoup de négativité, à commencer par le titre. J'avais commencé par chercher des impostures, mais ça m'amenait sur les stratégies SEO de photographes médiocres et je ne voudrais ni y consacrer du temps, ni leur envoyer du monde.

J'ai aussi écarté les presets Lightroom payants, ils peuvent être utiles mais les bonnes méthodes pour les créer sont très très rares... Enfin les logiciels de remplacement de ciel ne concernent pas la photographie mais le design numérique, s'il y a une frontière en retouche elle est dépassée ici depuis longtemps.

L'idée ici est de reconnaître que nous sommes notre principal obstacle à nos progrès, par la procrastination ou le gonflement de nos égos. Progresser en photographie est difficile, parce que cela demande une énergie et une volonté farouche. Le meilleur moyen de progresser, c'est de pratiquer en se demandant constamment comment devenir meilleur, ou en cherchant la pratique parfaite. La pratique parfaite n'est pas quantifiable par un réglage, par des spécifications techniques ou par des likes sur Instagram.

Pour se perfectionner, il faut s'entraîner parfaitement, comme l'explique très bien le magicien Richard Turner :

https://youtu.be/s2nmCyKa1KM

Lire la suite
Inspiration Inspiration

5 photographes découverts dans l'Atlas mondial de la Photographie de Rue

Je dois commencer par vous dire qu'à la première lecture j'ai été déçu par l'Atlas Mondial de la Photographie de rue, et ce pour 2 raisons principales :

  • Je trouvais qu'il y avait beaucoup de portraitistes représentés.

  • L'Amérique du Sud et l'Afrique ont une portion congrue, à la fois en nombre de photographes et en nombre de pages.

Et puis j'ai réalisé que ce livre devrait forcément prendre parti, malgré son nom il ne peut être exhaustif. Force est de reconnaître que si l'on limite les photographes à ceux qui sont contemporains et ont été exposés dans des musées ou obtenus des publications majeures, comme cela semble être le cas, on se limite forcément à un filtre très Europe / US. Et puis je crois que j'ai aussi une dent contre les travaux des photographes présentés à New York, je ne les trouve pas forcément les plus représentatifs de la Mecque de la photo de rue.

Cet ouvrage présente d'autres avantages, notamment pour préparer un voyage et explorer une destination avant d'y déclencher vos premières photos. Même si vous l'avez compris si vous voulez aller en Colombie, au Mozambique ou au Maroc, il vous faudra trouver d'autres moyens.

Ceci étant établi, j'ai découvert dans cet ouvrage quelques photographes merveilleux que j'aurais dû connaître depuis longtemps, cela m'a permis de me rattraper. Je ne pourrai pas (moi non plus) être exhaustif sur cet article, et puisque je vous conseille tout de même d'acquérir ce livre pour parfaire votre culture en photographie de rue, j'ai choisi 5 photographes dont il me semble passionnant d'explorer les travaux.

Uta Barth

Les photos d'Uta Barth m'emportent dans des rêveries qui paraissent durer une éternité. Son projet "Fields" est une merveille, chaque scène est sortie d'un songe dans un flou qui donne envie de simplement profiter de la lumière et de l'ambiance urbaine à peine suggérée. Je n'ai été que peu de fois à Los Angeles, mais ce projet touche exactement l'émotion que l'on pourrait décrire dans cette ville.

Dans le travail d'Uta Barth, artiste californienne née à Berlin, les rues de Los Angeles se métamorphosent. La série Fields, qu'elle démarre en 1995, se compose de scènes urbaines ordinaires prises à différentes heures et sous différentes lumières. Pourtant, à l'aube ou au crépuscule, inondées de soleil ou de pluie, toutes les photos sont floues. Des tâches de couleurs diluées apparaissent, des détails ressortent, tandis que l'ensemble reste insaisissable.

in Atlas Mondial de la Photographie de Rue

Quelques enseignements :

  • Nous le verrons plusieurs fois ici, un projet photographique qui attire l'attention est d'abord un ensemble cohérent.

  • La technique employée est la même sur toutes les photos, en bougeant l'appareil au moment du déclenchement.

  • La contrainte technique est au service du message : un "non-événement", un "non-endroit", "une certaine forme de détachement".

  • L'inspiration en photographie peut évidemment prendre racine dans la Peinture, Uta Barth cite le peintre expressionniste abstrait Clement Greenberg.

Photographie Uta Barth - Fields 1995-1998

Photographie Uta Barth - Fields 1995-1998

Photographie Uta Barth - Fields 1995-1998

Photographie Uta Barth - Fields 1995-1998

Trente Park

Mon coup de coeur de l'Atlas Mondial de la photographie de Rue. Son nom me disait vaguement quelque chose, j'ai pris une grosse claque en découvrant ses photos. Trente Parke utilise les moments les plus ensoleillés de Sydney pour créer des scènes brutales dans leurs contrastes, tellement douces et réelles en même temps. Son niveau de maîtrise dans son style est incomparable, pas surprenant qu'il lui ait ouvert les portes de l'agence Magnum.

À travers l'objectif, Sydney semble sombre. Les bâtiments sont indistincts, flous, comme en cours de dématérialisation. Les individus traversent le cadre telles de faibles lueurs spectrales, et lorsque de rares puits de lumière percent l'obscurité, ils irradient, presque incandescents. Trent Parke explique : "je chasse en permanence la lumière. Je dépends d'elle [...] la lumière transforme l'ordinaire en magie.

in Atlas Mondial de la Photographie de Rue

Quelques enseignements :

  • Chercher la lumière. On l'oublie trop souvent, surtout un jour gris d'hiver, mais si vous avez le bonheur d'être entouré de puits de lumière, servez-vous en et recherchez ses effets.

  • Travailler intensément. Trent Parke admet avoir utilisé jusqu'à 100 pellicules pour une seule photo à un seul endroit, 10 à 15 minutes par jour pendant plusieurs mois. Passez 5 minutes, vous aurez (peut-être) une bonne photo. Mais si vous voulez des grandes photos, il va falloir bosser.

  • Donner le meilleur de soi-même. Je l'ai découvert ici, Trent Parke était un sportif de haut niveau qui a bifurqué et dû faire un choix à un moment de sa vie. Son éthique de travail dans le sport se retrouve dans sa photographie. Il exprime son désir non pas d'être le meilleur, mais plutôt "la meilleure version de soi-même, dans la limite de ses capacités".

Photographie Trent Parke

Photographie Trent Parke

Photographie Trent Parke

Photographie Trent Parke

Polly Braden

Ce photographe travaille des compositions qui m'ont instantanément parlées. Je dois dire que j'aurais pu me retrouver dans certaines des scènes, nous avons parfois un oeil familier. Mon retour à Londres dans quelques semaines me réjouit d'autant plus, même si je n'irai probablement pas dans les mêmes endroits que Polly Braden. Il s'est fait connaître pour son regard sur la City, le quartier financier de Londres, ses photos montrent comment la ville peut parfois paraître absurde, surtout dans les rues où se croisent tellement d'inégalités.

La série London's Square Mile de Polly Braden est consacrée à la City [...] ce centre financier est aussi surnommé "le mille carré le plus riche de la Terre". [...] Les photos montrent l'éclectisme de l'architecture ultramoderne de la City : du béton texturé côtoie les façades de métal poli ; les formes et les motifs se reflètent sur d'immenses parois de verre ; les ombres et les lumières jouent sur les surfaces.

in Atlas Mondial de la Photographie de Rue

Quelques enseignements :

  • L'isolement, le sentiment de solitude dans la ville et les contrastes, qu'ils soient picturaux ou conceptuels, sont des sujets passionnants.

  • La lumière, encore une fois, est au coeur des compositions de Polly Braden. Cherchez la lumière, observez-là, et servez-vous en.

  • L'architecture est souvent un personnage dans la ville. Répétitions, symétries, lignes de fuites, diagonales... sont des outils puissants pour vos compositions.

Photo Polly Braden

Photo Polly Braden

Photo Polly Braden

Photo Polly Braden

Ana Carolina Fernandes

Les photos d'Ana Carolina Fernandes posent une question à laquelle je ne cherche pas de réponse : la beauté formelle est-elle au service de l'histoire en photographie documentaire ?

Le titre le la série photographique Mem de Sá 100 désigne une adresse à Lapa, un quartier de Rio de Janeiro réputé pour sa vie nocturne. Elle mène au domicile de Luana Muniz, un travesti très influent dans la communauté et qui travaille dans les clubs du quartier. Il loue des pièces de sa magnifique demeure à des collègues et des amis. L'une de ces amies est la photographe Brésilienne Ana Carolina Fernandes. Pendant deux ans, ils cohabitent, et par son objectif, Fernandes saisit les allées et venues, mais aussi les crises qui surviennent dans la maison.

in Atlas Mondial de la Photographie de Rue

Quelques enseignements :

  • Une histoire représente souvent un temps long. Deux ans de travail pour un projet photographique, ça me parait être plutôt dans le haut de la fourchette pour un travail documentaire, mais cela n'a rien de choquant.

  • Un projet photographique, c'est ce à quoi vous avez accès. Il me semble primordial de poursuivre un projet photographique qui peut se réaliser en bas de chez soi, ne serait-ce que pour pouvoir y travailler régulièrement.

  • L'émotion d'une photo unique n'est pas importante en soi, c'est la série qui raconte l'histoire. Je trouve les photos d'Ana Carolina Fernandes particulièrement fortes en émotion, pour une histoire qui m'est totalement inaccessible. L'aspect impossible, inaccessible du projet me parait aussi important que la beauté formelle de chaque photo.

  • Raconter une histoire est parfois un travail de journaliste, mais toujours un travail d'auteur. C'est en tout cas souvent représentatif de la vie même de la photographe, de son quotidien et de ses explorations.

Photo Ana Carolina Fernandes

Photo Ana Carolina Fernandes

Photo Ana Carolina Fernandes

Photo Ana Carolina Fernandes

Naoya Hatakeyama

Dans mes explorations sur la ville, j'ai pensé un moment utiliser exactement la même technique pour révéler des ambiances : avec une vitre perlée de pluie au premier plan. Naoya Hatakeyama le réalise avec une telle finesse dans les compositions et les couleurs que je croie qu'il a mis la barre très haut. Ce niveau sera dure à atteindre, il faudrait certainement changer de sujet pour exploiter cette technique, car pour l'architecture je reste bouche bée devant le travail de Naoya Hatakeyama.

Naoya Hatakeyama est passé maître dans l'art de trouver des perspectives originales révélant la beauté des villes. Sa série Slow Glass est consacrée aux immeubles et aux rues de Tokyo, tels qu'ils nous apparaîtraient derrière une vitre de voiture recouverte de gouttes de pluie. Il a construit un boitier d'appareil doté d'une vitre afin de faire la mise au point sur la pluie tombant sur la plaque.Les gouttes de pluie fracturent, fragmentent et transforment le paysage urbain.

in Atlas Mondial de la Photographie de Rue

Quelques enseignements :

  • L'esprit du lieu trouve parfois son chemin dans une série photographique uniforme, avec une contrainte formelle forte.

  • La répétition d'un principe harmonieux accentue son effet.

  • Si vous avez une idée qui implique un artifice fort et contraignant, vérifiez si cela a déjà été employé, pour essayer de pousser le concept ou de changer de sujet.

Photo Naoya Hatakeyama

Photo Naoya Hatakeyama

Photo Naoya Hatakeyama

Photo Naoya Hatakeyama

Conclusion

Je résumerais en 2 lignes :

Lire la suite
Inspiration Inspiration

Wim Wenders réalise un court-métrage sur les toiles d'Edward Hopper

La Fondation Beyeler à Bâle, en Suisse, propose une exposition des paysages du peintre américain Edward Hopper. À cette occasion, le cinéaste allemand Wim Wenders a réalisé un court-métrage qui plonge le spectateur dans les toiles du peintre américain.

https://youtu.be/wxRT_eXGYvg

Ce court-métrage en 3D, intitulé "Deux ou trois choses que je sais sur Edward Hopper", le réalisateur allemand l’a conçu pour plonger les visiteurs de l'exposition dans les peintures d'Edward Hopper, avec des acteurs.

"La lumière chez Hopper est très cinématographique, et presque toujours avec le soleil. Il fait des cadrages que l'on ne connaît pas dans la peinture, même le format c'est du cinémascope ! Tout d'un coup, il y a un peintre qui prend les cadrages du cinéma".

Wim Wenders

Ce film est malheureusement seulement disponible en projection pour l'instant à l'occasion cette exposition. Espérons que cela ne soit que temporaire pour ceux qui ne peuvent s'y rendre.

EDWARD HOPPER, GAS, 1940 / Huile sur toile / 66.7 x 102.2 cm / The Museum of Modern Art, New York, Mrs. Simon Guggenheim Fund © © Heirs of Josephine Hopper / 2019, ProLitteris, Zurich

Via France Inter

Lire la suite

La bombe sous la table - Comment améliorer une idée de projet

L'atelier 'Développez votre style' en photographie de rue à Paris s'est bien passé, je crois pouvoir dire que les participants sont repartis en ayant appris quelque chose sur eux-même et leur photographie. En tout cas c'est ce qu'ils m'ont exprimé, j'attends encore les réponses au questionnaire que certains ont envoyé à Photographes du Monde.

Pour ma part, ce fut une expérience remarquable à plusieurs titres. Tout d'abord en le préparant j'ai l'impression d'avoir encore franchi quelques pas dans ma photographie. Je voulais tellement que le contenu soit intéressant que j'ai lu à peu près tout ce que j'ai trouvé sur les sujets abordés, notamment sur la manière de raconter une histoire, qui est pour moi très utile à la construction d'un projet photographique. C'est ce qui va nous occuper aujourd'hui, vous allez comprendre pourquoi.

Avant de commencer et puisque nous parlons de projet photo j'aimerais vous inviter à découvrir le travail de Thomas Hammoudi, si vous ne le connaissez pas Thomas est un photographe qui a eu la merveilleuse idée d'écrire sur la photographie en tant que pratique artistique plutôt que de parler matos ou de pratique professionnelle comme le font la plupart (tous?) des blogueurs/youtubeurs. Thomas a écrit un livre sur la construction d'un projet personnel en photographie, l'acquérir serait un très bon moyen de progresser. Il produit aussi des vidéos remarquables sur des photographes de génie ou la photographie en général, allez-y et abonnez-vous, c'est probablement le meilleur contenu que vous pourrez trouver en Français sur Youtube.

Un projet photographique est une histoire

Passons si vous le voulez bien à cette bombe sous la table, celle dont vous entendez le minuteur depuis que vous avez lu le titre. Ce serait bien qu'on la désamorce avant qu'elle n'explose. Car vous savez qu'elle est là, et au delà du clickbait que l'artifice m'a permis, c'est tout le principe de la bombe sous la table dans une histoire : on sait qu'elle est là.

Il est pour moi établi qu'un projet photographique, ou une série si vous préférez, ou un reportage si vous êtes journaliste, EST une histoire. C'est une histoire qui utilise des médias et formats différents d'un film de cinéma (duh), mais qui utilise exactement les mêmes principes et mécaniques pour arriver à ses fins. Ainsi étudier et analyser les grands classiques du cinéma ou certains grands réalisateurs contemporains (je ne te regarde pas Marvel, tu peux passer ton chemin) doit vous permettre de mieux raconter une histoire, et donc d'améliorer votre projet photographique, aussi simple et trivial puisse-t-il paraître.

À titre d'exemple je ne saurais trop vous conseiller d'étudier le concept de 'monomythe', développé par Joseph Campbell à partir de la fin des années 1940, qui avance l'idée que tous les mythes du monde racontent essentiellement la même histoire, dont ils ne seraient que des variations. Dans son livre Le héros aux mille et un visages, paru en 1949, Campbell avance ce qu'il affirme être une structure universelle de tous les mythes du monde, qui relateraient le voyage du héros (The Hero's Journey). J'arrête ici l'analogie, je réalise que cela méritera largement un article que j'ai déjà plaisir à imaginer écrire.

Surprise versus Suspense

Et la bombe me direz-vous ? J'y viens. Elle va bien finir par arriver rassurez-vous. Car une bombe est ainsi faite, on sait que si on ne fait rien pour la désamorcer elle finira toujours par exploser. La bombe sous la table est un principe narratif qui permet de distinguer la surprise du suspense, il a été conceptualisé par le grand maître du suspense Alfred Hitchcock dans le livre de François Truffaut 'Le Cinéma selon Alfred Hitchcock' (1966) :

Alfred Hitchcock : La différence entre le suspense et la surprise est très simple, et j'en parle très souvent. [...] Nous sommes en train de parler, il y a peut-être une bombe sous cette table et notre conversation est très ordinaire, il ne se passe rien de spécial, et tout d'un coup : boum, explosion. Le public est surpris, mais, avant qu'il ne l'ait été, on lui a montré une scène absolument ordinaire, dénuée d'intérêt. Maintenant, examinons le suspense. La bombe est sous la table et le public le sait, probablement parce qu'il a vu l'anarchiste la déposer. Le public sait que la bombe explosera à une heure et il sait qu'il est une heure moins le quart — il y a une horloge dans le décor ; la même conversation anodine devient tout à coup très intéressante parce que le public participe à la scène. Il a envie de dire aux personnages qui sont sur l'écran : « Vous ne devriez pas raconter des choses si banales, il y a une bombe sous la table et elle va bientôt exploser. » Dans le premier cas, on a offert au public quinze secondes de surprise au moment de l'explosion. Dans le deuxième cas, nous lui offrons quinze minutes de suspense. La conclusion de cela est qu'il faut informer le public chaque fois qu'on le peut, sauf quand la surprise est un twist, c'est-à-dire lorsque l'inattendu de la conclusion constitue le sel de l'anecdote.

C'est habile dans son énoncé, c'est merveilleux lorsque c'est bien mis en pratique. En impliquant le spectateur, on l'incite à poursuivre l'histoire avec un intérêt décuplé.

La bombe est dans le titre

Vous commencez peut être à voir comment mettre cela en pratique dans un projet photographique. Cela m'a percuté lorsque j'étudiais (en regardant son film hein, autant travailler en s'amusant) le dernier film d'un autre maître du suspense : Quentin Tarantino avec 'Once Upon a Time in Hollywood'. Si vous n'avez pas vu ce film je vais divulgâcher la fin, revenez lire cet article quand vous l'aurez vu.

L'intégralité du film de Quentin Tarentino est une bombe sous la table. Toute la communication sur le film a été faite autour de l'histoire de la famille Manson. C'est un fait divers US largement connu localement où une starlette de cinéma a été assassinée avec une grande barbarie. Si vous ne saviez pas ça en regardant le film, vous avez pu le trouver très long. Mais si vous connaissez ce fait historique, vous savez qu'il y aura une scène ultra violente à un moment où un autre, la fameuse bombe sous la table qui sublime cette histoire et certains de ses accessoires. On pourrait d'ailleurs tout aussi bien renommer le 'fusil de Tchekov' en 'lance-flammes de Tarantino'.

En fait Quentin Tarantino joue avec les codes du cinéma de genre historique en créant deux personnages fictifs joués par Leonardo di Caprio et Brad Pitt qui vont se retrouver au coeur de l'attaque des Manson dans la maison à côté des faits réels, ajoutant la surprise au suspense dans son dénouement. Une bombe sous la table de 2h30, avec une critique sociale acerbe sur la machine à broyer des acteurs d'Hollywood et Los Angeles, quel génie mes amis. Mais je m'égare encore... voyez comme cette bombe est amusante, je peux parler de n'importe quoi vous aurez toujours envie d'avancer d'un paragraphe pour savoir si oui ou non je vais finir par m'expliquer, bordel. Ça suffit maintenant, pardon mais zut.

La bombe sous la table, pour un projet photographique, où puis-je bien la placer pour le spectateur ? Quel est le seul élément que l'on connaisse systématiquement d'un projet photo, d'un livre photo, d'une série photo, d'un reportage ? Son titre. Sa petite description d'ascenseur si vous êtes plutôt 'startup nation'.

Sans surprise, quelques exemples

Tous les projets qui m'ont fasciné dans leur réalisation, proposés par de grands photographes, ont un titre qui pose une question, tout en disant de quoi il s'agit.

  • L'exploration sociale du métro New Yorkais de Bruce Davidson s'appelle simplement 'Subway' (qui est l'appellation New Yorkaise du métro, à Londres c'est l'underground).

  • Les diptyques et triptyques de Barbara Probst dans lesquels un sujet est pris en photo simultanément selon plusieurs angles sont nommés 'Exposure'.

  • En reportage Matjaz Krivic avec ce titre 'Lithium Road' transforme des photos qui pourraient paraître banales prises individuellement en un sujet puissant sur les mines d'extraction de silicium qui permettent d'équiper nos téléphones intelligents.

  • Allez n'ayons pas peur de donner un point Cartier-Bresson à cet article (le point Cartier-Bresson est l'équivalent du Point Godwin en photographie), 'Images à la sauvette' est une formidable bombe sous la table pour un recueil de photographies de rue qui n'ont en commun que leur parfaite composition.

Vous m'excuserez de parler de mon travail, mais j'ai toujours pensé que 'Désert dans la Ville' (Desert in the City) était une bonne idée te titre, que le principe du projet énoncé dans le titre était une bonne clé d'entrée dans le projet. Cette 'bombe sous la table' donne envie d'en savoir plus. Les exemples sont infinis, j'ai essayé d'en donner quelques anciens comme des contemporains, autant dans la photo purement artistique, de reportage ou sociale. Mais tous ces genres ne sont-ils pas intimement liés ?

Photographier l'impossible

Oui mais et alors bon, c'est bien beau mais c'est à dire que c'est quoi le rapport avec MES photos. Ce qui va nous inciter à suivre un projet, à tourner les pages d'un livre, ce qui constitue en fait la bombe sous la table que nous avons désignée dans le titre de notre projet, est le fait que la réalisation de ces photos semble impossible.

  • Avec Bruce Davidson, son livre a une valeur historique. Mais même à l'époque il était le fruit d'un travail dantesque dans tous les quartiers de la ville, cela parait impossible.

  • Le concept intrigant de Barbara Probst laisse imaginer la complexité de la mise en oeuvre de ces images.

  • Objectivement en reportage vous trouverez toujours des photos fascinantes si le sujet est à la fois exotique dans sa localisation et proche de nous dans son sujet. C'est un travail conséquent et un sujet passionnant, voilà l'impossible de Matjaz Krivic.

  • J'ajouterais que l'impossible est un des éléments qui rend le travail de Bruce Gilden époustouflant. Si vous avez essayé de prendre des photos au flash à un mètre de vos sujets sans demander la permission, vous voyez de quoi je parle. Ça prend aux tripes, c'est dur, c'est 'impossible'.

Enfin je finirai ma boucle en revenant sur ce que me disait l'un des participants à mon atelier de photographie de rue du mois dernier à Paris, il me disait avoir commencé une série sur les lampadaires de Paris. Sans voir son travail je lui disais comment à mon avis on pouvait rendre cette idée plus forte : en passant par exemple un temps long sur un endroit pour voir l'évolution de la vie (ou de son absence) autour et en dessous dudit lampadaire, du jour vers la nuit ; ou encore en faisant un lien avec la fonction sociale du lampadaire, son histoire dans les plans d'architecture urbaine parisienne, ou tout simplement avec de belles photos de nuit sans personne pour en montrer l'absurdité. Je prends le lampadaire comme exemple pour forcer le trait, mais je crois sincèrement qu'il n'y a pas de petit sujet pour un essai photographique. Appelez ce projet "Pollution Lumineuse" et vous aurez à mon avis une belle bombe sous la table.

Lire la suite

Le conte de la cage vide

Un homme s’était vu lancer un pari par un ami : « Si tu accroches aujourd’hui chez toi une cage vide, tu peux être sûr que, dans quelques jours, tu te retrouveras à t’occuper d’un oiseau. » Ce à quoi il avait répondu : « Comment serait-ce possible ? Il n’y a aucun lien de cause à effet entre accrocher une cage vide et s’occuper d’un oiseau. » Son ami répliqua : « Je lance le pari. Accroche la cage, et on verra bien. » L’homme le prit au mot et accrocha une cage vide dans sa maison.

Peu de temps après, il reçut un visiteur qui, apercevant la cage, lui demanda : « Où est passé ton oiseau ? Il est mort ? Il s’est enfui ? C’était quoi comme oiseau ? Je peux t’en offrir un autre si tu veux. » L’homme tenta de lui expliquer toute l’affaire. Le lendemain, il reçut un nouveau visiteur : « Tu gardes une cage vide comme ça ? Tu dois être bien triste ! Il est mort quand, ton oiseau ? Ne serait-ce pas que tu ne sais pas t’y prendre avec les oiseaux ? Je t’achèterai un livre qui explique comment s’en occuper, ça te sera très utile. » Le troisième jour passa un nouveau visiteur. Celui-là tenait un oiseau entre ses mains. Il dit : « Tout le monde a vu que ta cage était vide. Comme c’est dommage que ton oiseau soit mort ! Je t’offre cet oiseau et aussi des graines pour le nourrir. Et puis je vais t’expliquer comment tu dois t’en occuper. »

Un oiseau, des graines, un livre : l’homme commençait à trouver la situation bien lourde. Et ce n’était pas fini. La semaine n’était pas terminée qu’il déclara : « J’abandonne. Je prends un oiseau. Comme ça, ça m’évitera de me voir demander à longueur de journée où est passé mon oiseau. » Et c’est ainsi que la cage vide se trouva un nouvel occupant.

Si je suis devenu photographe, c’est parce que j’ai commencé à avoir un appareil photo avec moi tous les jours, tout le temps. Mon appareil photo est devenu ma cage vide.

Être photographe, ce n'est pas forcément photographier tout le temps, mais c'est pouvoir photographier constamment. Votre photographie commence autour de vous, où que vous soyez, peut-être en bas de chez vous. Je ne saurai trop vous recommander d'explorer votre quartier, de sortir de chez vous juste pour photographier. Ce peut être vos amis, votre famille, vos connaissances, vos rencontres, je ne connais pas de petite histoire qui ne soit intéressante à photographier.

En vous donnant toujours un possible, vous pratiquerez plus votre composition, vous approfondirez vos histoires, vous vous poserez peut-être plus souvent la question d'Henri Cartier Bresson, celle que se posera celui qui regardera vos photos : "de quoi s'agit-il ?".

Avoir un appareil photo en permanence sur soi est une contrainte, mais c'est aussi une liberté : la liberté de toujours pouvoir être créatif. Et je ne vois rien de plus merveilleux.

-

Nota Bene : un téléphone est aujourd'hui un appareil photo. Disons que je ne considère ce conseil valable pour votre téléphone que si vous vous en servez effectivement pour pratiquer votre photographie quotidiennement :)

Lire la suite

Ce que j'ai appris au Mali

Ce récit date de 2013, quand j'essayais de devenir photographe professionnel. Ses enseignements sont toujours valables, mêmes si vous n'êtes pas professionnels, notamment sur le besoin de préparation pour le reportage.

Vite, vite, vite.

Le 8ème jour - Sur la route de Djibo à Mentao, Burkina Faso. Et voilà que maintenant j'ai soif, il ne manquait plus que ça. Je suis assis à l'ombre d'un acacia, la température extérieure est proche des 50 degrés, il est bien normal que la soif vienne. Devant moi je regarde le scooter loué le matin même à Djibo avec honte. Évidemment j'aurais dû faire le plein avant de partir vers le camp de Mentao, évidemment. David qui occupait le siège arrière est reparti en stop vers la ville pour y remplir une bouteille d'essence, pendant que je garde l'objet de ma honte.

"Vite, vite, vite". Voilà les seuls mots que je suis sûr d'avoir compris de cet enfant qui est venu me voir il y a quelques minutes. Il est apparu derrière moi, sans que je sache bien d'où il venait. Il semblait vouloir aller vers Djibo et que je l'y accompagne, je lui répondis que sans essence ce serait compliqué. Il me proposa alors d'aller cherche de l'essence à son village, pour une somme qui me paraissait honnête. Mais devant sa main tendue qui attendait son dû, je tentais de lui expliquer de revenir avec l'essence et de la monnaie, n'ayant qu'un billet de 10 000 CFA sur moi (Environ 15€). L'enfant me répondait à chaque tentative "vite, vite, vite", en me montrant son village.

Je finis par lui laisser mon gros billet en me disant que de toute façon il ferait un heureux si je ne le revoyais pas. Vite, vite, vite. Tu parles, ça fait 15 minutes que j'attends, et maintenant j'ai soif. Combien de temps faut-il pour aller jusqu'au camp de réfugiés de Mentao ? 15 minutes tout au plus, quand on a de l'essence. Voilà ce que je me dis en pestant contre ma bêtise qui me parait grandir à chacune de mes décisions.

Et combien de temps pour venir jusqu'à cette route ? Pour y laisser un scooter, un camarade en stop et un billet dans les mains d'un enfant ? Depuis Paris je n'ai fait que cela, perdre du temps sur la route qui me parait bien plus longue maintenant que je suis tout proche du but. Une journée perdue à Alger pour avoir laissé trainer mon passeport à Orly, une journée à Bamako pour obtenir le laisser-passer nécessaire pour remonter au nord du Mali, 15h de Bus pour remonter vers Mopti et retrouver David, 2 jours de trajet en voiture jusqu'à Djibo, et 2 jours de plus pour obtenir les autorisations de travailler du Burkina. 8 jours de trajet non-stop, pour finir avec un scooter en rade et un enfant qui me répond "vite vite vite".

Première leçon : Voyager prend du temps. Beaucoup de temps.

Depuis que j'ai décidé de rejoindre David qui est en reportage au Mali pour y produire des photos, je n'ai quasiment fait que ça : voyager. Et pendant ce temps là je n'ai pas beaucoup de photos susceptibles d'être intéressantes. A ceux que je croise qui me demandent ce que je fais là, je leur réponds que j'apprends le métier. Il est bien normal que cet apprentissage passe par quelques leçons, même un peu douloureuses.

David reviendra avec de l'essence, derrière une moto d'un Touareg qui faisait le même trajet que nous vers le camp. Mais l'enfant était déjà revenu. J'attendais David avec ma soif étanchée, ma poche remplie de monnaie, et un réservoir déjà plein d'un litre. Et nous avons pu enfin commencer à travailler, pour ma part à produire quelques photos.

Le raccourci

Le 15ème jour - Sur une pirogue entre Mopti et Tombouctou, Mali. Il n'y a pas de raccourci. On ne peut pas apprendre ce métier aussi vite, en passant simplement 3 semaines sur le terrain. Mais cette fois je vais avoir le temps de méditer cette nouvelle leçon : il n'y a pas de raccourci. Pendant 3 jours et 3 nuits sur un sac de riz.

Il est 17h, une heure avant le coucher du soleil l'heure magique commence et avec elle sonne l'appel de mon boitier photo. Je me retourne de mon inconfortable position, la meilleure que j'ai trouvée, et je cherche dans mon sac mon appareil. Avec David et notre guide nous occupons presque 1/3 de l'espace disponible dans la pirogue, nous avons la place pour allonger nos jambes quand la trentaine d'autres occupants est entassée dans des positions que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Femmes et enfants sont à l'arrière, prêt du moteur.

Je sors mon reflex du sac, enroule la bandoulière autour du cou, et je grimpe sur le toit de la pirogue, entre un matelas et un meuble qui y sont attachés. Avec le peu d'arrêts que nous avons effectué en deux jours, pas facile de se dégourdir les jambes et c'est une belle occasion car le coucher de soleil s'annonce magnifique. Les quelques clichés que je prendrai ce soir là sont probablement les plus spectaculaires qu'il m'ait été donné de réaliser. Pour cela j'en suis heureux et peut-être qu'un jour pas si lointain la route de Mopti à Tombouctou en pirogue redeviendra touristique et que ces clichés prendront quelque valeur. Mais pour l'instant ils ne valent rien, et nous avons manqué notre sujet. Notre objectif était de remonter vers Tombouctou en accompagnant une personne qui remonte vers cette région pour la première fois après s'être enfuit.

Mais la faute à une trop grande précipitation de notre part, et à un fixer qui passait son temps à mentir dans ses commentaires ou traductions, les personnes rencontrées ne permettaient pas de réaliser le sujet. 3 jours et 3 nuits sur un sac de riz, et pas de boulot possible au bout. Assez de temps pour méditer et repenser à ce que me disait le chef de la gendarmerie à la frontière du Burkina quand nous revenions de Djibo : "C'est le raccourci qui a tué le rat".

Le 12ème jour - Djibo, Burkina Faso. Le chef de la gendarmerie me disait cette expression chatoyante avec un large sourire, juste après avoir accepté mes excuses : "c'est le raccourci qui a tué le rat". Il faisait référence à un défaut d'autorisations que nous avons dû attendre 2 jours à Djibo. Devant notre absence d'autorisation, le chef de la gendarmerie locale nous imposa pendant 2 jours une escorte armée 24h/24 et des formalités qui allongeaient notre voyage d'une heure à chaque gendarmerie... Il y a quelque chose de cocasse à voir un gendarme Burkinabé en chemise à fleur épier tous ses faits et gestes, mais sur le moment je l'ai assez mal pris.

Lors du retour par ce poste de douane, je présentais donc mes excuses pour n'avoir pas compris ce qui nous arrivait et protesté contre ces attentions sécuritaires que je voyais comme un boulet de plus à nos pieds. Et dans un éclat de rire le chef de gendarmerie me répondit ce proverbe. C'est le raccourci qui a tué le rat, car en quittant sa route le long du mur pour aller directement au fromage, il s'est fait attrapé. Je ne crois pas avoir beaucoup apprécié d'être comparé à un rat, mais la truculence du chef l'emporta, nous rions aux éclats. Et la leçon était là.

Deuxième leçon : Etre prêt. Que ce soit pour une autorisation ou un voyage en pirogue, il faut être prêt. Donc préparé.

Les 10 000

le 20ème jour - Bamako, Mali. Je reviens de ma dernière chance de produire des photos à Bamako. Nous avons passé 2 heures sur la décharge publique du quartier de Doumanzana, où les personnes qui y travaillent gagnent 100 CFA (15 cts €) par jour. Ces 2 heures ont donné combien de photos potables ? Une douzaine selon mes critères. Mais est-ce un sujet qui pourrait intéresser un magazine, un titre de presse ou des agences de photographes qui les fournissent ? Probablement pas.

En sélectionnant et en éditant mes photos je me dis que je suis encore loin du compte. Et je pense aux 10 000 photos d'Henri Cartier Bresson, aux 10 000 de son expression : "Vos 10 000 premières photos sont les plus mauvaises". Et en parcourant mes photos réalisées en presque trois semaines, je me dis que je suis loin du compte, même avec 30 000 déclenchements l'année dernière. Je n'avais jamais pris autant de photos qu'en 2012 et je pensais m'approcher d'une certaine qualité. Mais combien sont publiables ?

Ce nombre 10 000 me renvoie à une connexion que je n'avais jamais faite. La règle des 10 000 heures de Malcolm Gladwell. L'auteur d'Outliers y explique que 10 000 heures sont nécessaires dans une pratique pour être qualifié d'expert, pour maitriser un domaine. A raison d'une bonne photo par heure, il va m'en falloir du temps pour devenir photo-journaliste. Devant l'ampleur de la tâche, mes bras tombent. Je repense à mon départ, à l'arrivée à Bamako les yeux et le coeur vaillant, ambitieux. Je revois quelques instants à Djibo, je me repasse les longues conversations avec Clare Morgana Gillis un matin où pendant que nous attendions nos autorisations du Burkina, Clare se préparait pour continuer son travail sur les camps. Alors que j'essayais de lui expliquer qu'un blog pouvait être une source de travail s'il était alimenté régulièrement, elle me racontait comment tout avait commencé pour elle, en Lybie l'année dernière. N'ayant pas eu avant l'occasion d'une connexion internet décente, je cherche donc ses textes sur le web.

Je crois avoir senti des larmes 2 ou 3 fois à la lecture du texte de Clare : What I lost in Lybia - Elle y raconte dans un texte d'une force incroyable sa captivité en Libye dans une prison de Khadafi, et la perte d'un confrère qui était avec eux au moment de l'assaut fatidique. Les quelques mots que nous partagions avec Clare à Djibo prennent un autre sens. Comment Clare a-t-elle commencé ses aventures journalistiques ? En restant en Libye du côté des rebelles quand tous les journalistes fuyaient la percée de l'armée de Khadafi. Un de ses compagnons d'infortune, James Foley, a depuis à nouveau été capturé en Syrie.

Au coeur du texte de Clare se trouve le sens de ce métier : "Etre le témoin de l'histoire au moment où elle se déroule". Si la littérature se consacre au "temps qui reste", le journalisme lui serait dédié au "temps qui passe". Et il n'y a qu'une seule manière d'être témoin, à plus forte raison pour un photographe.

Troisième leçon : Etre là.

Mon temps est passé. Les 3 semaines que j'ai vécues au Mali me paraissent bien courtes. Elles sont un enseignement, sur le Mali, sur le métier de journaliste, et sur moi-même. Une fois ces leçons apprises, je n'ai qu'une envie : me préparer, être là-bas, et recommencer.

Lire la suite