Aurez-vous toujours peur de photographier dans la rue ?
Depuis quelques jours il est à nouveau possible en France de sortir de chez soi sans permission. Pas pour toutes les régions, dans un rayon de 100km et sous certaines conditions pour les transports publics ou les écoles. On est pas sortis des ronces.
La bonne nouvelle, c'est qu'une bonne partie d'entre vous avez maintenant la possibilité de sortir de chez vous pour photographier. Fini les séances d'auto-portraits à la fenêtre ou de lamentation sur notre appareil photo qui prend la poussière.
Est-ce que ce déconfinement amènera plein de photographes dans la rue ? Probablement pas. Et ce pour une raison très simple : la peur.
La photographie de rue est la raison d'être principale de mes formations, c'est une expertise qui est peu enseignée. Et dans cette discipline, le principal frein au progrès ou même à simplement essayer est LA PEUR. Oui, j'aime bien penser que la photographie est un sport, qu'un genre photographique est une discipline et une photo une performance. Ça ne change rien à l'histoire, c'est juste une manière de me motiver.
Je suis donc prêt à parier que nous ne verrons pas beaucoup plus de photographes de rue dans les jours à venir. Mais si je peux vous aider sur la peur, je ne vais pas me priver.
Voici 3 méthodes qui doivent vous aider sur vos peurs. Je limite à 3 pour que vous puissiez les pratiquer rapidement.
Demandez la permission
Il pourrait paraître étonnant de conseiller de demander la permission en photographie de rue. Est-ce que je ne perds pas un moment authentique en réalisant un portrait ?
Alors, déjà non. Qui a dit que la photographie de rue devait toujours être volée ? Personne. Ou j'men fous.
Et puis nous sommes là pour travailler sur la peur de photographier des inconnus. Le meilleur moyen de progresser sur la peur est de s'y confronter, d'aller vers les autres, vers quelqu'un qui vous intéresse, sans forcément lever son boitier ou lui mettre dans le nez.
Allez vers quelqu'un dont vous aimeriez une photo et dites :
- "Bonjour, j'étudie la photographie. Est-ce que je pourrais prendre une photo de vous ?"
Ou toute autre version que vous trouvez polie et agréable. Vous avez le droit de sourire quand vous vous approchez ;)
Quand vous aurez demandé 10 fois la permission, vous verrez que la peur de photographier commencera à s'atténuer.
Posez des questions
Passez du temps avec les personnes que vous photographiez. Vous en apprendrez plus sur eux, vous verrez plus d'attitudes et de détails dans leur comportement, tout ce que vous pourrez utiliser dans vos photos.
Posez des questions simples, comme si vous essayez de comprendre en 5 minutes qui ils sont et ce qui les intéresse. Ce sera perçu de manière amicale dans 90% des cas, et dites-vous que c'est légitime puisque vous avez déjà demandé si vous pouviez prendre des photos. Vous êtes photographe :)
Proposez toujours d'envoyer la photo plus tard, prenez les coordonnées des personnes dont vous avez le portrait. Et puis envoyez effectivement la photo ! Je suis parfois coupable sur cette partie.
L'idée ici est de vous faire travailler votre scène pour aller chercher de meilleurs clichés.
La règles de 3
La règle de 3 est simple :
- Quand vous voyez quelqu'un d'intéressant, vous avez 3 secondes pour faire 3 pas en avant et déclencher
Les moments intéressants en photographie de rue passent trop vite :
- Soyez prêts sur vos réglages,
- Observez avec toute votre attention,
- Quand vous avez une intuition, ne réfléchissez pas,
- Marchez en direction de votre sujet et déclenchez.
L'idée est de ne pas laisser le temps à de fausses excuses. La peur viendra toujours par des chemins de travers : "j'ai pas le bon réglage", "il avait l'air bizarre", "je suis trop loin"...
Ne laissez pas le temps à la peur de s'installer et de justifier l'abandon de cette pratique. C'est difficile, mais ça ira mieux à partir de la 3ème fois.
1 pas en avant, 2 pas en avant, 3 pas en avant, déclenchez. En 3 secondes.
Si vous ne le faites pas pour vous, faites le pour moi
Ironie de l'histoire, alors que nous sommes à la maison depuis deux mois, le confinement strict arrive à Salvador de Bahia, dans notre quartier. Les statistiques du Covid-19 ne faiblissent pas, malgré la fermeture de tous les commerces et écoles. Je vais donc continuer à shooter à la maison...
Mais j'espère bien voir vos photos, où que vous soyez ! Vous avez un site ou un compte Instagram où vous partagez vos photographies de rue ? Laissez-le en commentaire, je serai heureux d'aller voir ça.
Comment travailler votre jeu de jambes en photographie de rue
La principale caractéristique de la photographie professionnelle qui me surpris quand je commençais à vivre de la photo : sa physicalité. C'est aussi pour cette raison que j'ai choisie et poursuivie cette carrière, mais j'ai tout de même été étonné par ce que les prises de vue peuvent demander en énergie, à quel point elles peuvent être épuisantes.
La photographie de rue est une performance physique
En photographie de rue, une des premières vidéos que j'ai regardé sur le sujet montrait Henri Cartier-Bresson en train de danser comme un pantin funambule autour d'un passant dans les rues de Paris. J'étais débutant en photographie et passionné par Henri Cartier-Bresson, je regardais ses arabesques du corps comme un moustique fasciné par une flamme d'allumette.
J'y vois maintenant autre chose : de la composition. Pour mieux connaître la photographie, je reconnais maintenant la recherche d'un moment, d'un bon cliché pour un sujet qui l'a intéressé.
Regardez ses jambes, ses pieds, vous verrez le lien direct entre la composition et le mouvement du corps. Les photos, c'est comme les crêpes, elles ne vont pas se faire toutes seules. Et comme une poêle a besoin d'être bien beurrée, le photographe a besoin de travailler son jeu de jambes.
Le moment parfait est une recherche
Contrairement au peintre qui plante ses pieds dans la vase en misant tout sur son jeu d'index, l'auriculaire levé vers le ciel, le photographe est un animal prédateur. L'oeil vif, la bave aux lèvres et parfois le flash haut perché, il chasse le 1/125 de secondes qui fera mouche.
Si la photographie est physique, le cliché parfait, lui, est une recherche permanente. La cause est toute simple, expliquée dans cette phrase de Raymond Depardon qui devrait être tatouée sur l'épaule, à côté d'un triangle d'exposition :
Si je savais comment faire des grandes photos, je ne ferais que ça.
Raymond Depardon
La pratique de la photographie est une recherche, on ne décide pas d'avoir une grande photo. On en a l'intuition, mais en réalité chacun de nos déclenchements est un espoir. Quiconque a édité quelques milliers de clichés sait qu'une grande photo est une rareté, dont on ne maîtrise pas vraiment la production.
Pour chercher, il faut marcher. Si je voulais vous donner une méthode simple de recherche et de composition en photographie de rue, quelle que soit la scène, l'événement ou la situation :
Commencez par déclencher tout de suite tout droit ce que vous avez vu d'intéressant, en essayant de composer à la volée. Le Giga Octet ne vaut rien, profitez-en ;
tournez autour de votre sujet. L'angle à 45° de chaque côté, plongée, contre plongée, 90° de chaque côté et puis allez vérifier de l'autre côté, selon d'où vient la lumière ;
combinez tout cela avec 3 valeurs de plan : plan large, plan moyen, plan serré. Avoir un zoom ne facilitera rien, il faudra souvent vous approcher, parfois vous éloigner.
Voilà comment pour une seule et unique photo, je viens de résumer 37 clichés différents, tous pris depuis un endroit différent (vous pouvez compter). Évidemment cette théorie est impossible, pour la simple raison que les moments intéressants passent trop vite.
En réalité, avec l'expérience vous aurez travaillé un arsenal de compositions avec lesquelles vous serez à l'aise et vous arriverez à réduire le nombre de clichés à prendre, parce que vous saurez quand vous en aurez un bon instantanément, au déclenchement. Vous travaillerez seulement quelques valeurs de plan pour pouvoir éventuellement raconter cette petite histoire de différentes manières. Et puis vous aurez rarement plus de deux angles intéressants sur une scène.
La composition, c'est le jeu de jambes
Mais le jeu de jambes, lui, sera toujours là. Il sera au service de votre composition, de cette recherche. On pourrait même juger du talent d'un photographe uniquement en le regardant bouger.
Et d'ailleurs, c'est possible et c'est même tout simple. Le jeu de jambes d'un photographe peut et doit s'étudier. Tout comme je vous conseillerais de vous entraîner à regarder des photos en analysant les éléments techniques employés, notamment la focale ou la distance au sujet ; je vous recommande d'étudier et d'analyser le jeu de jambes d'autres photographes.
Comment ?
Et bien la qualité d'un photographe se juge sur une planche-contact, ou sur une série de 36 déclenchements si vous travaillez avec un appareil électrique et une carte mémoire plutôt qu'une pellicule.
La planche-contact dit tout du photographe. Comment il a bougé, ce qu'il a vu, quand il a déclenché, s'il a eu besoin de rafale. Plan large, plan moyen, plan serré, tout y est.
Pour commencer à étudier des planches contact, je vais vous renvoyer vers un livre, encore. Il vous permettra d'étudier le travail, et donc aussi le jeu de jambes de certains des plus grands photographes au monde : ceux de l'agence Magnum dans le livre Contact Sheets. (Le lien est vers la version US, la VF étant à plus de 200€).
La planche-contact pour étudier le mouvement du photographe
À force de recommander des livres, je vais finir par créer un Photo-Book Club par abonnement avec un livre par mois. Et si c'était une bonne idée ? Note pour plus tard : créer un Photo-Book Club.
Commençons par étudier une photo iconique d'un de mes photographes préférés, le Chihuahua d'Elliot Erwitt.
Elliot Erwitt, contact sheet for “Chihuahua,” New York City (1946) (© Elliot Erwitt / Magnum Photos)
La séquence est merveilleuse. Elle commence par deux femmes qui se parlent devant un diner (restaurant) au coin d'une rue de Manhattan, l'une d'elle portant son adorable petit chien. Le premier cliché capturé est un plan moyen, testé en plusieurs versions. Les premières photos ont manifestement déclenché une discussion du photographe avec ces deux femmes, s'ensuit une série de plans serrés, avec la complicité de la propriétaire du Chihuahua qui participe à la séance photo en le posant au sol.
Notez que le cliché retenu par Elliot Erwitt est très largement recadré, au nom d'une composition parfaite. Cette planche-contact me replonge dans mes innombrables rencontres en Toscane ou à New-York qui ont eu pour cause ma passion infinie pour les canidés, mais je m'égare.
Poursuivons sur un sujet plus difficile, avec les évènements de mai 1968, sous l'oeil de Bruno Barbey.
Bruno Barbey, contact sheet for student protests in Paris (1968) (© Bruno Barbey/Magnum Photos)
La séquence permet d'appréhender le travail dans le cas d'un événement, où les scènes sont en mouvement permanent.
La planche-contact commence au plus près des policiers, dans leur dos. Elle se poursuit avec une série de plans larges interrompus par quelques manifestants qui passent devant le photographe. Puis une charge de police occupe le photographe sur 4 clichés. La séquence se termine sur une barricade.
Notez déjà comment chacune des photographies est rigoureusement composée, quelle que soit la valeur de plan. Vous pouvez ensuite apprécier directement le travail d'édition, le choix des photos les plus fortes et le ratio, implacable : 6 photos retenues sur une séquence de 36. C'est le ratio d'un grand maître, à plus forte raison quand j'aurais aisément gardé les 32 autres.
Terminons enfin l'exercice sur une photo du premier livre de Martin Parr, Last Resort.
Martin Parr, contact sheet for The Last Resort (1985) (© Martin Parr / Magnum Photos)
Cette mini planche-contact montre en huit photos comment Martin Parr a travaillé les scènes et exploité la sérendipité inhérente au procédé photographique. Il utilise ici cinq clichés en étant positionné au même endroit. Il travaille la scène avec une seule valeur de plan, et ne garde qu'un cliché, celui où la femme se retourne.
Appliquez ces principes dans l'analyse de vos photos
Il ne vous reste plus qu'à vous procurer Magnum Contact Sheets si vous souhaitez étudier la manière de travailler de certains des plus grands photographes du 20e siècle.
Vous pouvez également analyser vos séries de clichés pour identifier les manques en composition ou les mouvements que vous auriez pu créer. Puis vous pourriez commencer à identifier votre ratio de photos gardées, non pas pour moins déclencher, plutôt pour varier les valeurs de plan et mettre en pratique lors de votre prochaine session, avec votre jeu de jambes.
Ce que j'ai découvert en photographiant comme Alex Webb
Je considère que le travail de recherche et d'inspiration comme une des meilleures méthodes de progression en photographie, avec la construction de projets photographiques.
Je poursuis mon exploration du travail des grands photographes de rue que j'admire en essayant de m'inspirer directement de leur travail. Après vous avoir effectivement montré leurs photos ou projets (ici pour Alex Webb), je tente à mon humble niveau de reproduire leur type de composition emblématique, ou du moins ce que je peux analyser ou en percevoir.
Alex Webb est le photographe dont le travail m'obsède le plus depuis l'année dernière, il est naturel pour moi de continuer cette série avec lui.
Commençons par définir "photographier comme Alex Webb". Il est impossible de synthétiser le travail d'Alex Webb de plusieurs décennies en un seul type de composition, tout comme il serait stupide de prétendre arriver à atteindre la même qualité. Mais on peut retrouver un terme qui qualifie le travail d'Alex Webb dans la plupart des livres ou articles que j'ai trouvé sur lui : "Complexe".
Une photographie complexe, ça pourrait vouloir dire tout et son contraire. Ce que j'ai essayé de faire ici et depuis plusieurs mois à différents endroits, est de combiner plusieurs scènes ou sujets distincts dans une même photographie, au moins 3, en essayant également de combiner un arrière-plan et un avant-plan pour donner de la profondeur à la photographie et donc... de la complexité.
Voyons maintenant ce que cela m'a permis de découvrir :
Une composition complexe est une recherche active
Le moment parfait ne m'attend pas pas au coin de la rue, il va falloir aller le chercher, ça va demander du travail et un investissement personnel.
Les photographies complexes ont demandé un gros effort parce qu'il m'a fallu en même temps :
commencer par voir une scène qui rentrerait dans un cadre assez large,
tout en "reniflant" un potentiel de premier plan,
ou en espérant des scènes multiples, en anticipant des mouvements qui rentreraient dans le cadre.
Je ne pouvais voir aucun de ces éléments avant parfois de m'approcher très près de mes sujets. Ces compositions sont une exigence et un travail de recherche extrêmement prenant, elles demandent une attention totale.
J'ai eu du mal à m'y consacrer pleinement avec des personnes qui m'accompagnaient, que ce soit un groupe de Photographes du Monde ou un ami à Salvador quand j'ai le sentiment que je dois avancer. Ce type de composition me prend encore pas mal de temps, je suis totalement mobilisé par cette recherche probablement parce que je n'y suis pas encore habitué.
Ce qu'il est important de retenir ici est que travailler sur un type de composition prend du temps et du travail, je ne peux pas y arriver du premier coup ou avec une sortie ou deux.
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - Boipeba, Jan 2020
Photo Genaro Bardy - Bogota Colombia, Sep 2019
Les compositions complexes ont amélioré mon "jeu large"
Je ne sais pas comment définir ce point autrement qu'avec une analogie au sport. Ce que j'essaye de dire ici est que j'avais une certaine tendance à toujours travailler avec la même distance avec mes sujets, à partir de 5 ou 10 mètres.
Ceci pouvait avoir pour conséquence qu'en photographie de rue je privilégiais un zoom pour isoler un sujet ou tout simplement que j'avais abandonné purement et simplement la photographie de rue avec des scènes de vie telle que je la pratique aujourd'hui.
J'avais été aspiré par les commandes où je travaillais toujours avec un zoom 24-70 pour le boîtier avec une focale large, ou par les paysages et l'architecture qui peuvent être prisés dans les voyages-photo.
Je réalise maintenant que j'avais oublié ce qui m'avait passionné initialement en photographie et que j'ai retrouvé en m'inspirant d'Alex Webb : une pratique très proche des sujets avec un "oeil" large, la majeure partie du temps avec une focale fixe de 28mm. En pratiquant à répétition ainsi, j'ai le sentiment d'avoir très nettement amélioré mon "jeu large", alors qu'avec Bruce Gilden j'ai pu exploré le "jeu proche" voire le jeu dangereux.
Toutes les photos montrées ici, je ne les aurais pas faites avant, ni même cherchées, ce sont des compositions qui viennent compléter mon arsenal à disposition quand je suis dans la rue.
Photo Genaro Bardy - Cidade Baixa Salvador, Jan 2020
Photo Genaro Bardy - Carnaval Salvador Fuzuê, Feb 2020
Photo Genaro Bardy - Festa Iemanjá Salvador, Feb 2020
Ne pas avoir peur du regard caméra
Cette recherche de compositions complexes m'a aidé à comprendre un autre élément en photographie de rue : qu'il le veuille ou non, le photographe fait toujours partie de la photo.
Je m'explique. En m'approchant très près de mes sujets en essayant de remplir le cadre avec différentes scènes, j'ai souvent des regards dans ma direction au moment de mon déclenchement. Intuitivement je pourrais me dire qu'un regard caméra fait franchir au sujet le 4eme mur, on "voit que le sujet me voit", ce qui pourrait faire croire que le moment naturel est perdu. Ce n'est absolument pas le cas.
Quelle que soit la photographie, le photographe fait partie du message, de l'émotion qui est transmise. Quand on observe une photo, quelle que soit la scène, naturelle ou pas, on sait que le photographe était là. On réagit bien sûr à une construction picturale, à une composition, aux couleurs, au moment représenté, mais on sait toujours qu'il y avait un photographe pour déclencher.
Certaines photographies d'Alex Webb sont fascinantes pour moi, même avec un regard caméra, ou peut-être même à cause du regard caméra ! La photographie n'a pas à être impérativement naturelle, prise sur le vif et non posée ("candid" en anglais qui n'a pas d'équivalent) pour être réussie et transmettre une émotion forte.
Photo Genaro Bardy - Salvador, Feb 2020
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - Salvador, Feb 2020
Les compositions d'Alex Webb demandent beaucoup de pratique
J'ai commencé à pratiquer ce type de compositions en Colombie au mois de septembre dernier et j'ai continué depuis à New York et chez moi à Salvador. J'ai eu plus de succès à Salvador, j'ai pu croire à un moment que les compositions d'Alex Webb soient plus adaptées à un climat tropical. C'est vrai d'un certain point de vue, les forts contrastes et les ambiances tropicales sont mis en valeur par cette approche, mais je crois surtout que j'ai progressé avec la mécanique et pris l'habitude d'aller chercher ce type de composition.
Je comprend maintenant que je ne peux pas simplement décider de réaliser des photographies comme Alex Webb, comme une envie de photographier. Par opposition il est relativement "facile" de décider de se positionner à un mètre de ses sujets, avec ou sans flash, la contrainte est tellement forte qu'elle impose presque un type de cadrage et donne un résultat immédiat.
Les compositions "complexes" d'Alex Webb sont un heureux hasard qui résulte de quantité de paramètres. Non seulement il me faut décider de m'approcher ou d'avoir un point de passage très près de ma caméra, mais je dois travailler encore et encore mon regard avec ce petit mantra qui l'accompagne en permanence : "More", plus de gens, plus de scènes, plus d'éléments qui rentrent dans le cadre.
Photo Genaro Bardy - Cidade Baixa Salvador, Fev 2020
Photo Genaro Bardy - Cidade Baixa Salvador, Fev 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador, Fev 2020
Une inspiration vient compléter votre photographie
Si vous vous inspirez du travail d'un photographe, vous ne remplacerez pas ce que vous photographiez déjà, ça viendra en plus. Je ne crois pas que l'on puisse dire qu'une seule de ces photographies ressemble vraiment à celles d' Alex Webb. Elles restent représentatives de mon regard, et de personne d'autre.
Par ailleurs travailler comme cela ne m'a jamais empêché de continuer à photographier comme j'en ai l'habitude. Quand je vois une scène, un regard ou un geste que j'ai l'habitude de photographier, je continue à le prendre. Mon inspiration d'Alex Webb m'a simplement permis de voir plus et plus souvent, dans des moments où je ne serais jamais allé chercher des photos auparavant. Et quel bonheur de voir plus souvent, d'aller renifler une scène que je crois complexe et après quelques mouvements de trouver un moment où tout se met en place.
Le résultat n'est jamais celui que j'aurais pu espéré, il y a un élément de surprise encore très fort pour moi, certainement parce que je pratique depuis relativement peu de temps. Mais c'est aussi parce qu'une "bonne" photographie est un moment rare, un cadeau que le présent fait au photographe qui décide d'aller le chercher.
Photo Genaro Bardy - Salvador, Fev 2020
Photo Genaro Bardy - Cartagena Colombia, Sep 2019
Photo Genaro Bardy - Salvador, Fev 2020
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
L'effet Kuleshov et ce qu'il révèle sur la photographie
L'effet Kuleshov est un principe d'édition en cinématographie, il vous permettra de comprendre l'un des outils les plus puissants pour raconter une histoire. Alors qu'il représente pourtant une caractéristique qui distingue la cinématographie d'autres arts, notamment de la photographie, nous verrons qu'il permet également d'expliquer des principes essentiels pour un projet photographique, ou même pour toute photographie.
Qu'est-ce que l'effet Kuleshov ?
Lev Kuleshov est un des premiers théoriciens du cinéma qui posa ce principe : vous trouverez une plus grande signification dans une série d'images que dans une image seule.
L'effet Kuleshov est un biais cognitif de type mnésique (effet de récence, mémoire à court terme) qui caractérise le spectateur d'un film ou d'une histoire. Je sais que j'en ai déjà perdu la moitié, mais restez avec moi vous allez comprendre par l'exemple. Sur la séquence suivante le spectateur d'un film attribuera une émotion au personnage différente en fonction de l'image qui est montrée juste après :
Selon l'image qui est montrée juste après cet homme à l'expression neutre, on lui attribuera une émotion radicalement différente. L'ensemble raconte plus que chacune de ses parties.
Ainsi l'effet Kuleshov est essentiellement utilisé au montage d'une séquence ou d'un film pour faire passer ou contrôler les émotions du spectateur. En cinématographie l'effet est utilisé au service d'une histoire, d'une narration.
Mais que nous apprend l'effet Kuleshov sur la photographie ?
Le contexte d'une photographie est essentiel
Il me semble important de comprendre qu'une photographie ne sera pas lue de la même manière selon qu'elle soit vue par exemple :
sans légende et sur internet, donc à 80% de chances sur un téléphone entre deux swipes sur des sujets qui n'ont rien à voir.
entourées des photos prises au même moment, par exemple si la séquence est chronologique.
dans le contexte d'un beau livre ou d'une exposition où le message et la qualité de tirage sont à priori maîtrisés.
Le contexte me parait crucial, mais pas uniquement sur la qualité de visionnage. Je pense à une photographie réalisée récemment pour un client lors d'un cours de boxe, sur celle-ci une jeune femme en mouvement pourrait paraitre très joyeuse, mais l'émotion est radicalement différente si le mouvement est interprété avec la symbolique du combat de boxe.
De la même manière une photo d'une maison à Provincetown de Joël Meyerowitz ne serait pas vue de la même manière si elle se retrouvait dans la brochure commerciale d'une agence immobilière plutôt qu'une galerie d'art. Ou encore la photo la plus chère du monde d'Andreas Gursky pourrait paraître banale si elle n'est pas remise dans son contexte technique - c'est une photographie du Rhin retouchée, ou dans le contexte du travail de son auteur.
Une photographie est d'abord une émotion
L'effet Kuleshov nous apprend qu'une photographie va d'abord provoquer une émotion chez celui qui la regarde, quelle que soit la manière dont elle sera produite. Vous affichez un visage neutre, l'émotion sera neutre chez celui qui l'observe, si comme nous l'avons vu le contexte ne donne pas plus d'information.
Du point de vue du photographe, il m'apparait essentiel de bien saisir la différence radicale entre l'émotion de la prise de vue, celle que vous ressentez quand vous prenez la photo, et celle qui sera transmise à son spectateur. Cette différence se constate simplement on observant le temps passé sur la photo.
Le photographe passera un temps considérable sur une photo jusqu'à sa publication, alors que nous savons tous parce que nous regardons beaucoup de photos que nous y consacrons quelques secondes à peine, à quelques rares exceptions. Je caricature parce que nous produisons plusieurs photos en même temps, y compris à la prise de vue, mais entre le moment que nous passons à la prise de vue, à l'édition et à la retouche, à la publication ou la construction d'un ensemble plus grand dans un projet photographique, nous sommes beaucoup plus investis émotionnellement dans une photo que son spectateur.
Mais cela doit nous rappeler tout de même qu'une photo sera toujours interprétée comme une émotion, même si nous passons une fraction de seconde à l'observer. Pour vous en rendre compte je vous propose l'exercice suivant : sur vos derniers travaux ou sur vos photos les plus représentatives de votre travail, essayez d'associer une émotion ou un ressenti à chaque photo, en un mot. Puis demandez à quelqu'un de votre entourage de jouer le jeu et comparez.
Certaines émotions peuvent paraitre banales sur certaines photos parce qu'elle seront avant tout descriptives, mais chaque photo est bien une émotion.
Vous pouvez contrôler les émotions par la séquence
C'est le principal enseignement de l'effet Kuleshov : l'émotion ressentie sur une photographie sera transformée par la photo qui la précède ou qui la suit.
En réalité on publie rarement, pour ne pas dire jamais, une photo seule et unique. J'irais même jusqu'à dire que si vous publiez par exemple une photo par jour sur un réseau social, celui qui vous suit assemblera de lui-même les petits cailloux pour en faire un chemin. Sans vous en rendre compte, vous publiez probablement déjà des photos en séquence, même involontairement.
Ainsi le principal enseignement est qu'il me parait indispensable de travailler en séquence ou en série photographique. Commençons pas le début, combien de photos faut-il pour avoir un bon nombre sur une série ? Combien de photos sont trop ? Je pense qu'au delà de 25 on atteint déjà le maximum et s'il n'y a pas de raison valable de poursuivre pour le spectateur (dans un livre par exemple), il n'ira pas au delà. 15 me parait être un bon chiffre.
Bien sûr pour une commande photographique vous pourrez livrer vos photos de manière chronologique et certainement plus de 15 ou 25. Mais c'est simplement parce que c'est le client qui assemble les séquences et transmet les émotions (le plus souvent "aimez-moi" est l'émotion souhaitée par le client, et les photos sont un moyen de la suggérer).
Mais assez vite vous vous rendrez compte que la séquence chronologique n'est que très rarement adoptée dans une série de photos. L'enchaînement des photos doit impérativement être pensé, comme une séquence d'émotions qui se répondent entre elles. Par exemple d'abord un plan large pour situer, puis une photo majeure qui caractérise la série, puis un détail qui donne de la profondeur. Et vous commencerez alors à regarder chaque photo individuelle différemment selon son emplacement dans la séquence.
Cette photo serait interprétée différemment selon le contexte et la séquence
Un projet photographique est une histoire
Si vous ne devez retenir qu'une seule chose de l'effet Kuleshov, c'est que si vous voulez progresser vous finirez tôt ou tard par travailler sur un projet photographique. Nous avons vu que ce projet serait le contexte que vous donnerez à vos photos, et que par la séquence chaque photo verra l'émotion qu'elle provoque transformée. C'est ainsi parce que vous ne trouverez pas de différence fondamentale entre un film et un projet photo, si ce n'est que dans ce dernier vous devrez tourner des pages ou bouger vos pieds dans une expo. Un projet photo est une histoire.
Tous les photographes ne conçoivent pas la prise de vue en fonction d'un projet, avant d'effectivement photographier. Gary Winogrand par exemple a continué toute sa vie à photographier dans les rues de New York, abandonnant le travail par projet de ses débuts. Il finit sa vie avec plus de 100 000 clichés non développés, qui ont fait le bonheur de ceux qui ont pu s'y plonger, mais tout son travail n'en reste pas moins une histoire : celle du photographe, de là où il était, de ce qu'il a vu et su capturer. La valeur documentaire de son travail est indéniable.
Ainsi même si vous décidez d'assembler des photos dans un projet photographique à partir d'une série de photos qui "se ressemblent" ou adoptent la même technique, le projet restera une histoire. À minima l'histoire racontée sera celle du photographe.
Les méthodes de narration sont innombrables et sont directement accessibles par un moyen simple : les livres photo :) Mais si vous voulez progresser en photographie, il me semble que vous ne pouvez y couper : vous devrez apprendre les méthodes de narration pour choisir celle qui convient le mieux à votre histoire.
Pour aller plus loin sur l'effet Kuleshov
Surmonter ses peurs en photographie de rue
La peur est le premier frein à la photographie de rue, commençons par vous en affranchir pour photographier plus libéré.
Toute la difficulté en photographie de rue réside dans sa pratique, dans le fait de surmonter la peur de photographier des inconnus sans leur demander la permission.
Personnellement j'ai loupé des dizaines, des centaines, probablement des milliers de photographies depuis que j'ai commencé la photographie de rue il y a 12 ans, uniquement parce que j'ai eu peur. Cela peut prendre plusieurs formes :
"je n'ai pas osé"
"je n'ai pas voulu le/la déranger"
"le moment est passé"
Parfois je prendrai l'excuse d'avoir à avancer parce que je suis en route vers une destination, d'autres fois parce que mon appareil photo n'est pas prêt. Toutes ces raisons sont en réalité des expressions de la peur. La peur de photographier dans la rue ne disparait jamais vraiment pour moi, j'ai juste appris à composer avec.
En d'autres termes, si vous voulez progresser en photographie de rue, vous devez avant toute chose prendre confiance en vous et surmonter vos peurs.
Connaissez vos peurs
La première étape pour surmonter ses peurs de la photographie de rue est de verbaliser ces peurs et d'effectivement les noter sur un bout de papier.
Allez-y je vous laisse 5 minutes.
Je suis sympa vous pouvez même écrire ici :
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Toutes les peurs que j’entends exprimées lors de mes workshops tournent toujours autour des mêmes éléments, qui sont des variations des mêmes peurs que voici avec mes réponses :
Peur d’être ridicule
Cette peur est normale, naturelle. Les photographes de rues sont des bêtes curieuses avec leur appareil qui ne sert pas aux selfies, dirigé vers les autres. Ils s'approchent et s'immiscent parfois dans la vie des gens.
Le ridicule, vraiment ? Si vous prenez deux secondes pour réfléchir au ridicule de la situation vous verrez que le ridicule est rare. Et quand bien même vous vous trouviez ridicule, vous savez que cela n'a jamais tué personne.
Quand j'entends cette peur exprimée, je sais qu'elle correspond à un(e) photographe qui a très peu pratiqué, qui débute en photographie de rue.
Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse Paris, 2011
Peur d’être agressé
La peur d'une réaction violente de la part des sujets en photographie me semble beaucoup plus légitime à priori. On sait instinctivement que certaines personnes ne veulent tout simplement pas être photographiés dans leur quotidien.
Mais de là à être agressé ? Non, je peux vous assurer je n'ai JAMAIS été physiquement agressé en pratiquant la photographie de rue. J'ai vécu pendant des années dans le 18ème arrondissement de Paris, pas très loin d'un quartier nommé 'La Goutte d'Or' réputé pour ses fréquentations peu recommandables. C'est le seul endroit en 12 ans où j'ai eu une réaction violente par un couple, l'homme clairement éméché ou drogué qui menaçait de me casser mon appareil. J'ai effacé la photo et passé mon chemin.
La pire des pires situations pour moi a fini en menaces. Et je peux vous assurer que de Rio de Janeiro à Johannesburg, j'ai photographié dans certaines des villes les plus dangereuses au monde. Vous pouvez rencontrer des réactions inconfortables en photographie de rue, même arriver jusqu'à une certaine forme de violence verbale.
La réalité c'est que 95% des gens que je croise ne font même pas attention à moi, ou s'ils me voient ne prennent pas le temps de s'arrêter et de me parler. Une personne me demande parfois si je l'ai prise en photo, mais la plupart du temps en continuant à marcher. Je réponds "oui" et "merci", et si la personne s'arrête j'explique ma démarche : je suis photographe et je travaille sur un projet dans la ville où nous nous trouvons. Parmi ceux qui me parlent, 95% comprennent et sont plutôt amicaux.
On me demande parfois d'envoyer la photo si elle est réussie. On me demande ce que je vais en faire, si je travaille pour la presse. Mais d'agression ? Jamais.
Photo Genaro Bardy - Parisiens, 2019
Peur d’importuner
On peut avoir peur de déranger la personne qui est photographiée, surtout si la distance laisse penser qu'elle pourrait être reconnaissable sur la photo. Encore une fois ceux qui seront vraiment importunés représentent à peu près 5% de ceux qui s'arrêteront, eux-même représentant 5% des personnes photographiées.
Pratiquez une séquence de discussion que vous répéterez encore et encore pour vous y habituez :
Souriez en permanence.
Engagez la conversation avec ceux qui viennent vers vous. Surtout ne fuyez pas en cachant votre appareil.
Expliquez votre démarche : "je suis photographe" - "je suis étudiant en photographie" - "je travaille sur un projet personnel" ...
Personnellement je profite de la situation pour savoir si je peux réaliser un portrait de la personne qui s'est arrêtée.
Vous avez toujours la possibilité d'effacer la photo si la personne n'est vraiment pas contente (encore une fois c'est rare). Personnellement j'essaye de ne jamais effacer mes photos, avant tout parce que j'en ai le droit, ce qui nous amène au point suivant.
Peur de ne pas avoir le droit
Connaissez vos droits : vous avez le droit de photographier dans un lieu public, même si les personnes sont reconnaissables sur les photos !
Pour élaborer un peu plus votre discours, je vous renvoie à cet article :
Photo de rue et droit à l’image
On peut photographier des inconnus sans demander la permission
En France vous avez le droit de prendre des personnes en photographie dans des lieux publics sans leur demander la permission. C'est aussi vrai dans la plupart des pays que j'ai pu visiter. Mais l'utilisation d'un discours sur mon bon droit est RA-RI-SSIME.
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, 2019
Commencez par demander la permission
Cela pourrait paraître paradoxal, mais demander la permission est probablement le meilleur moyen de s'habituer à ne plus la demander.
L'objectif de cette méthode est de :
vous habituer à aller vers des inconnus et à engager la conversation
vous habituer à être rejeté, à ce qu'on vous dise "non"
réaliser que lorsque vous ferez un portrait, vous n'êtes pas obligé de ne déclencher qu'une seule fois. Vous pouvez chercher le meilleur cliché, travailler votre scène et attraper des moments naturels.
Commencez par réaliser des portraits dans la rue. Cela vous habituera à parler à des inconnus, à vous approcher, cela vous obligera à vous lancer avec des mots avant de vous lancer avec un boitier.
Le meilleur exercice est d'essayer d'obtenir 5 OUI et 5 NON, 5 personnes qui acceptent que vous réalisiez un portrait, et 5 qui refuseront. Vous verrez que vous aurez beaucoup de mal à obtenir 5 refus :)
Photo Genaro Bardy - Bahianos, 2019
Pêcher avant de chasser
Les techniques de prises de vue en photographie de rue peuvent se classer en deux grandes catégories :
Trouver un cadre et attendre -> aller à la pêche
Trouver un sujet et le suivre -> aller à la chasse
Il va sans dire que chasser est beaucoup plus difficile parce que la peur est encore plus grande. J'y trouve personnellement une adrénaline qui participe à mon plaisir, mais ce serait un autre sujet.
Mon propos ici est de vous dire de trouver un cadre intéressant et d'attendre que des personnes traversent votre cadre. Si vous choisissez un lieu très fréquenté ce sera plus facile de vous habituer à être proche de vos sujets.
Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse Paris , 2012
Photo Genaro Bardy - Primal NYC, 2019
C'est en forgeant
C'est en photographiant dans la rue que la peur de photographier dans la rue disparait.
Le peintre Edgar Degas, bien que connu pour ses magnifiques tableaux impressionnistes de danseuses, s'est entiché brièvement de la poésie. Edgar Degas était un esprit créatif brillant, tout le potentiel pour de magnifiques poèmes à disposition, il avait de l'inspiration sans difficulté. Et pourtant vous ne trouverez pas de poèmes d'Edgar Degas. Une fameuse conversation pourrait en être l'explication. Un jour, Degas se plaignait auprès de son ami le poète Stéphane Mallarmé à propos de ses difficultés à écrire. "Je n'arrive pas à dire ce que je souhaite, et pourtant je suis plein d'idées". La réponse de Mallarmé est passée à la postérité :
"Ce n'est pas avec des idées qu'on fait des vers,
c'est avec des mots".
Alors oui, nous pouvons conceptualiser la peur en photographie de rue autant que nous le souhaitons. Mais à un moment il va falloir prendre votre appareil photo et vous y confronter, il va falloir effectivement prendre des photographies dans la rue pour que vous réalisiez que la peur existe, que ce n'est pas si grave et qu'on arrive à s'en accommoder.
Combien de fois avons nous pensé : "ça ferait une bonne idée de film", "j'aimerais écrire un livre un jour", "si je faisais plus d'efforts j'y arriverais". Et combien de livres avons-nous écrit ? Combien de ces films ont été réalisés ? Uniquement ceux qui se sont retroussés les manches peuvent en parler.
Allez photographier dans la rue. Pas demain, pas la semaine prochaine, pas quand vous n'aurez plus peur. Vous aurez toujours peur. Si vous sortez photographier maintenant je peux vous assurer que vous serez un(e) meilleur(e) photographe en revenant.
Comme le dit si bien Austin Kleon :
"Beaucoup de personnes veulent être le nom,
sans faire le verbe".
Ce n'est pas avec des intentions que l'on devient photographe de rue, c'est avec du travail.
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, 2019
Apprenez à aimer la peur
En fin de compte, vous vous intéressez probablement à la photographie de rue parce que vous êtes un(e) humaniste. Vous vous intéressez à ceux qui vous entourent ou que vous croisez, vous devez savoir que c'est une empathie particulière, pas si fréquente. Cette empathie participe bien sûr complètement à la fabrication de vos peurs. Au final vous vous mettez à la place des personnes que vous prenez en photo.
Je répèterai cette phrase autant que nécessaire : la peur ne part jamais vraiment. Avec la pratique je dirais même que la peur est un bon signe. Si j'ai peur de prendre une photo, je prends ça comme le signe qu'en réalité c'est parce que la photo est intéressante, parce que la scène vaut le déplacement. Si la scène n'était pas intéressante, il va sans dire que je n'aurais pas peur d'y aller.
Utilisez votre peur, appréhendez-la et essayez de reconnaître le positif : vous avez peur parce que vous vous apprêtez à prendre une bonne photo.
La peur est ce qui rend la photographie de rue difficile, mais c'est aussi tout son sel, toute son adrénaline. Sans la peur, vous n'y prendriez probablement aucun plaisir. Apprenez à aimer la peur.
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, 2018
Le Ricoh GR II est le meilleur appareil pour la photo de rue
Je sais que je ne devrais pas parler de matériel. Un autre appareil photo que celui que vous avez déjà ne vous rendra pas un.e meilleur.e photographe. Mais chaque appareil présente tout de même quelques avantages, et je n'ai pas trouvé mieux que le Ricoh GR II pour la photographie de rue.
J'ai essayé un grand nombre d'appareils pour la photographie de rue, des réflex, des hybrides, des compacts, des moyen-format, des télémètres, avec mise au point manuelle ou automatique. J'ai eu un Leica M8 avant qu'il ne plante et prenne la poussière parce que sa réparation coûte la moitié de sa valeur. J'ai essayé dans la rue tous les appareils que j'ai eu la chance d'avoir entre les mains, et rien n'atteint le plaisir que je prends en photographie de rue avec le Ricoh GR.
Voici 5 raisons qui en font pour moi le meilleur appareil photo que vous puissiez trouver pour la photo de rue :
Discret
C'est une évidence, l'appareil a été conçu pour cela. Mais quel plaisir d'avoir une telle performance et vitesse d'exécution dans un appareil aussi petit, et donc discret. Le Ricoh GR II tient littéralement dans la main et il est conçu pour n'être opéré que d'une main. Le pouce et l'index de la main droite suffisent pour tout régler, c'est un régal.
Si vous cherchez à être invisible en photographie de rue, le Ricoh GR est l'appareil idéal. Il s'allume plus vite que vous y pensez et Ricoh a intégré un système merveilleux pour la photographie de rue : le mode "Snap Focus". Le principe est de régler à l'avance une distance de mise au point, par exemple de 1m50 que j'utilise beaucoup, si vous déclenchez en appuyant sur le bouton de déclenchement au maximum l'appareil se mettra au point directement à la distance prédéfinie.
En d'autres termes vous avez un autofocus performant, et quand vous le souhaitez vous pouvez passer en "Zone Focus". C'est redoutable, tellement malin et sacrément utile en photographie de rue. Je me surprends à décider de déclencher plus tardivement sur certaines scènes, je suis plus réactif et j'ai accès à plus de photos qu'auparavant.
Attention, mon but n'est pas de vous dire de pratiquer la photo de rue comme un ninja (quoique l'idée me plait déjà) et de vous cacher. Je montre toujours que je suis en train de faire de la photo, j'ai une dragonne autour du cou ou du poignet, je garde le sourire et discute quand je suis repéré. Je suis juste beaucoup moins repéré qu'avec un autre appareil.
Le Ricoh GR II est pour moi le meilleur 2ème appareil photo. Je l'appelle 2ème parce que je ne pourrais pas travailler en commande avec, mais en réalité c'est vraiment le 1er parce que je l'ai TOUT LE TEMPS avec moi.
Photo Genaro Bardy - New York, 2019
Photo Genaro Bardy - New York, 2019
Photo Genaro Bardy - New York, 2019
Focale fixe de 28mm
Je suis un amoureux du Fujifilm X100 qui a une focale de 35mm. J'ai longtemps pesté contre Sony qui ne proposait pas d'équivalent sur A7 à l'optique 35mm F2.0 du Sony RX1R. Ils ont réparé cette offense depuis avec le 35mm F1.8 qui est une merveille (je l'ai essayé à Photoplus), mais l'optique seule est quasiment au prix du Ricoh GRIII...
Et puis je me suis rendu compte en sortant quelques exemples pour un article que toutes mes photographies de rue préférées depuis 2 ans étaient toutes réalisées au 28mm, focale que j'utilise sur mon Sony A7. Je croyais l'angle trop large pour mon goût mais en réalité j'arrive à faire plus et mieux avec cette focale. La plupart du temps j'ai juste besoin d'un pas en avant si je suis trop large.
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Qualité d'Image
Seuls 2 éléments sont à prendre en compte pour la qualité d'image : le capteur et l'optique. L'optique du Ricoh GR II est remarquable, le résultat est pour moi excellent. Quant au capteur il est de taille APS-C, ce qui est notable pour un appareil si compact.
J'avais peur en arrivant d'un Sony A7R de manquer de pixels, le capteur du Ricoh GR II n'en proposant que 16M. Alors oui ça se ressent sur la plage dynamique et la capacité à ajuster le développement, mais ce n'est pas fondamental pour moi. Et en réalité je ne recadre ni plus ni moins avec le Ricoh GR.quand j'ai besoin de recadrer j'essaye de toute façon d'éviter de dépasser 15-20% de la taille de l'image, 16M de pixels sont largement suffisants.
Enfin les profils colorimétriques pour les fichiers Jpeg sont excellents. J'adore les différents noir et blanc, je passe des journées entières avec le "High Contrast Black and White". Le profil "Positive" ressemble à une pellicule Portra et j'ai apprécié jouer avec le "Bleach Bypass" (ce qui m'a permis au passage de découvrir cette technique créative de développement, dont le profil s'inspire). Vous pouvez de toute façon ajuster chaque "pellicule" selon votre goût, pour beaucoup de photos récentes je n'utilise que le Jpeg.
Si vous ressentez le besoin de pixels, vous avez toujours le Ricoh GR III qui est sorti l'année dernière avec 24M de pixels et une nouvelle optique.
Flash
J'ai longtemps pris le flash pour une bête curieuse en photographie, surtout parce que j'étais un idiot. La vérité c'est que le flash rend tout plus beau. Ou différent hein, je vais pas me battre avec les goûts de chiotte. Et en photographie de rue le flash me permet de conserver des réglages fixes quand je veux m'approcher très près de mes sujets.
C'est un style différent, mais le flash intégré du Ricoh GR II est parfait, lui aussi très discret. Il suce un peu plus la batterie qui est déjà très juste, mais de toute façon il est recommandé d'avoir une seconde batterie sur soi en permanence, la taille du Ricoh GR ne permet pas les longues sorties.
Si vous avez vos yeux sur le Ricoh GR III, pour ses 24M de pixels, le stabilisateur d'image ou le nettoyeur de poussières (un reproche récurrent du GR II), vous devez savoir qu'il n'a pas de flash. Et personnellement j'adore le flash.
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Nouvelles perspectives
Entre la discrétion extrême et le flash, j'ai déjà beaucoup de choses avec lesquelles jouer sur le Ricoh GR II. Mais le mode qui m'a le plus surpris est le mode Macro. Il est maintenant tout le temps enclenché et je n'hésite plus à m'approcher de manière indécente de tout ce que je peux trouver de curieux dans la ville. Le terrain de jeu est immense et j'ai l'impression de découvrir un pan entier de la photographie de rue auquel je n'avais jamais eu accès.
Le premier modèle de GR était un argentique et avait été conçu avec l'aide de Daido Moriyama. Quand on connait son travail et son goût de l'étrange dans la ville, on comprend mieux pourquoi le mode Macro devait lui paraître indispensable. C'est mon cas maintenant, je ne pourrais plus m'en passer. Le mode Macro ouvre de nouvelles perspectives, et c'est drôlement amusant.
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Comment commencer un projet en photographie de rue
Photographier en série est la recette du bonheur. Voir un projet éclore, s'accomplir, est le summum du plaisir en photographie. Certains vous diront que c'est la seule manière de procéder, je suis en désaccord avec cette assertion radicale.
La photographie peut être extrêmement simple et rester un petit journal de votre vie quotidienne. La photographie peut aussi être utile de manière tout à fait pratique pour communiquer l'existence ou l'avancée d'une activité. Quand je photographie mon fils, je n'ai pas d'intention de publier, d'exposer ou d'assembler les photos dans un livre, ce n'est pas un projet et ça reste pour moi de la photographie.
Mais si vous voulez aller plus loin dans votre expression artistique, une seule voie : le projet photographique, quelque soit la forme finale qu'il prenne.
Explorons ici quelques moyens d'initier un projet photographique.
Une obsession
Un projet photographique devrait commencer par ce que vous pouvez photographier pendant 5 ans sans jamais vous lasser. Un projet est avant tout une obsession.
J'ai personnellement une obsession avec New York que je n'aurai jamais fini d'explorer, si je ne m'y installe pas un jour je sais que j'ai encore quelque chose à aller chercher. Dès que mon projet "Ville Déserte" a commencé j'ai eu mes yeux sur New York qui est pour moi la capitale du monde. J'ai commencé un autre projet à New York avec une autre obsession, concentrée sur les couleurs primaires. Quand j'ai un projet en tête et qu'il s'accroche, j'ai l'impression qu'il me reste à l'esprit en permanence, que je ne peux plus le lâcher tant que je n'en ai pas sorti un objet fini. Pour moi cet objet fini est un livre, mais cela pourrait prendre d'autres formes : un diaporama, un film, pourquoi pas un Leporello.
Alex Webb parle de l'obsession dans son livre On Street Photography and the Poetic Image, quand il décrit son processus d'écriture de livres. Il explique qu'une grande partie du projet est de découvrir la nature particulière de son obsession, sans vraiment en connaître la fin. La plupart de ses projets commencent par une phase exploratoire autour d'une destination particulière. Puis l'obsession nait et grandit après une découverte.
Photo Genaro Bardy - Primal NYC
Photo Genaro Bardy - Primal NYC
Photo Genaro Bardy - Primal NYC
Photo Genaro Bardy - Primal NYC
Le succès
Pour débuter un projet, commencez par analyser vos photos qui ont eu du succès dans le passé. Quelles en sont les caractéristiques ? Que racontent-elles ? Pourriez-vous réaliser cette même série là où vous vous trouvez maintenant ? Dans d'autres endroits ?
Mes villes désertes ont commencé parce que je suis arrivé pour une semaine de travail (dans ma vie passée) à New York la veille de l'ouragan Irene en 2011. Toutes les télés étaient en boucle, Brooklyn avait déjà des zones inondées par les pluies incessantes et le couvre-feu était recommandé à partir de la fin de journée. J'ai descendu Manhattan le long de la 5ème avenue depuis Mid-Town vers le quartier financier à travers Greenwich Village. Plus j'avançais, plus la ville se vidait de ses habitants. J'ai édité mes photos pendant la nuit de l'ouragan et publié mes photos le lendemain matin sur mon blog, Facebook et Flickr. Ce projet était tout simple et s'appelait alors "Le Calme avant Irene". À l'époque c'était mes photos qui avaient été le plus partagé, et probablement la seule fois où l'une d'elles était en page d'accueil de Flickr.
3 ans plus tard, alors que je commençais mon activité de photographe professionnel, je me suis demandé comment je pouvais reproduire ce type de photos, sans personne. Parce que je voulais travailler à Paris et que je ne pouvais pas prévoir les ouragans, j'ai essayé de me demander quelle serait la nuit la plus calme de l'année. Noël était un mois plus tard, j'ai fait un rapide repérage et tracé un parcours pour la nuit de noël pour réaliser un maximum de photos, c'était un essai. L'ouragan est alors arrivé pour mes photos qui ont été reprises dans des dizaines d'articles. Une fois le principe éprouvé à Paris, j'ai eu mes yeux sur Londres, Rome, Tokyo, et bien sûr New York pour continuer le projet.
Photo Genaro Bardy - Le Calme avant Irene - New York, 2011
Photo Genaro Bardy - Le Calme avant Irene - New York, 2011
Une histoire
C'est ici que vous devez prendre conscience qu'un projet photographique peut simplement être un projet d'auteur, indépendamment du moyen qui est utilisé pour raconter une histoire, en l'occurence des photos.
Nous avons tous des histoires que nous racontons à des amis ou des nouvelles connaissances. Quelqu'un dans votre famille qui a un parcours étonnant ? C'est une histoire. Un lieu pour lequel vous avez un attachement particulier ? Vous connaissez certainement des dizaines d'histoires de ceux qui le peuplent.
La particularité d'une histoire est à priori la notion temporelle. Une histoire ça commence par "il était une fois" et ça finit par "ils vécurent heureux" si vous vous appelez Disney. Vous aurez des personnages dont vous voudrez réaliser des portraits, des lieux dont vous aurez besoin de paysages ou de détails, quantité d'éléments qui composeront votre histoire, ils seront toujours liés par le temps : vous aurez un début, un incident, un sujet, qui évoluera dans le temps. L'ensemble va constituer un arc narratif.
Et puis vous trouverez des histoires qui ne respectent aucun code, qui ont des manières originales d'être racontées. En cinéma par exemple Christopher Nolan est connu pour jouer avec les codes narratifs en modifiant les structures temporelles classiques.
Vous trouverez autant de manières de raconter une histoire que d'histoires, vraiment. Mais si vous voulez débuter un projet, commencez par l'histoire que vous connaissez et qui fascine quand vous la racontez. Photographiez ses personnages, ses lieux, et utilisez l'évolution dans le temps pour la développer.
Le hasard
Marchez de manière aléatoire, perdez-vous en prenant des directions au hasard, au fil d'inspirations spontanées. Robert Adams explique qu'il ne pourrait jamais commencer un projet en écrivant à l'avance ce qu'il devait photographier. Ce sont les photos issues d'explorations aléatoires qui donneront une idée à posteriori.
Pour Robert Adams la plupart des livres commencent par une marche et des photos, sans aucun plan. Quand on connait le travail dantesque réalisé pour ses livres, on pourrait dire que le hasard se transforme alors... en obsession.
Photo Genaro Bardy - My Soul so Cool from the Bath of Light - Salvador de Bahia, 2018
Photo Genaro Bardy - My Soul so Cool from the Bath of Light - Riohacha, 2019
Photo Genaro Bardy - My Soul so Cool from the Bath of Light - Bogota, 2019
L'ancien
Revisitez d'anciennes séries de photos et demandez-vous ce que certaines pourraient avoir en commun. Pourquoi avoir choisi une photo plutôt qu'une autre ? Est-ce que cette raison tient encore aujourd'hui ? Et si vous commenciez à assembler certaines photos de séries qui n'ont rien à voir, comment pourriez vous continuer ce que vous commencez à raconter ?
Un projet photo ne va pas révolutionner le monde de l'art, il ne doit pas être un statut ou une épreuve de vanité. C'est simplement un assemblage de photos, accompagné de textes plus ou moins longs. Cela peut paraître basique, mais je suis convaincu que vous aurez besoin de pratique en projets photographiques pour progresser, que vous avez besoin d'éprouver et de rater des projets comme on rate des photos. Commencez par un projet basique en re-visitant des photos déjà réalisées.
Photo Genaro Bardy - Underdogs - New York, 2010
Photo Genaro Bardy - Underdogs - New York, 2011
Un titre
Notez des titres dans un carnet, dès que vous voyez un assemblage de mots qui feraient un bon titre de projet. Un titre que vous auriez envie d'explorer comme lecteur, un bon mot, un jeu de mots, une phrase qui chante, une poésie en prose, tout ce qui vous passe sous les yeux et qui ferait un bon titre.
Je crois qu'il n'y a rien de plus beau qu'un joli carnet avec une belle écriture, mais j'écris de manière totalement désordonnée mes carnets ne ressemblent à rien. Personnellement j'utilise Google Keep (Application Android et Web), qui me permet de synchroniser entre mon ordinateur et mon téléphone. Puisque j'ai pris la fâcheuse habitude de lire tout ce qui n'a pas de photos sur l'application Kindle de mon téléphone, je copie les passages qui m'intéressent dans Keep.
Puis demandez-vous comment vous pourriez réaliser un projet photo à partir de chaque titre. Commencez à établir la liste de photos dont vous pourriez avoir besoin pour développer un titre. Marie Lemeland avec qui nous avons réalisé La Ville Miraculeuse y explique avoir pris ce titre d'un poème de Paul Nougé. Ce poème serait d'ailleurs une excellente source pour plein de projets photo :)
Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse - Paris, 2018
Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse - Salvador, 2019
Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse - Shanghai, 2015
L'inspiration
Le moyen le plus facile de commencer un projet photographique est de s'inspirer des grands maîtres. Prenez un projet qui vous intéresse ou vous fascine et demandez-vous : si je devais réaliser un projet similaire, à ma manière, comment est-ce que je ferais ?
Est-ce que c'est un plagiat ? de la copie ? du vol ? Bien sûr que non. Partez du principe que toutes les photos on été faites et que tous les projets ont été réalisés. Ce que vous pouvez proposer sera toujours une adaptation d'un principe déjà vu ailleurs. Me concernant j'ai découvert après "Desert in Paris" que Masataka Nakano avait déjà proposé ce principe avec Tokyo Nobody. Si le principe est identique, les différences sont majeures : Masataka a réalisé son livre sur 10 ans essentiellement le matin, alors que chacune de mes villes désertes sont capturées sur une seule nuit, toujours pendant une fête familiale (Noël à Paris, Londres ou Rome, Thanksgiving à New York, le jour de l'an à Tokyo). Et ça n'a pas empêché d'autres photographes de proposer Paris désert, à d'autres occasions.
https://www.youtube.com/watch?v=nJPERZDfyWc
Tout est remix. Inspirez-vous des plus grands photographes et adaptez les projets que vous aimez à votre sauce, avec votre patte, votre oeil. Si vous croyez en une histoire, c'est une raison suffisante pour commencer à la raconter. Si vous étiez écrivain, vous ne vous empêcheriez pas d'écrire un roman policier parce que ça a déjà été fait.
Pour nourrir votre inspiration, je vous propose deux livres qui contiennent quantité de projets passionnants :
The Photobook: A History Volume III by Martin Parr - Une histoire des livres photo par le génial Martin Parr. Les premiers volumes feraient l'affaire mais celui-ci est plus récent et donc à mon avis plus pertinent.
Magnum histoires - Ce livre est nettement moins cher et regroupe les histoires de séries de photos des grands maîtres de l'agence Magnum. Chaque histoire pourrait être une inspiration pour vous, et ce prix pour un livre si gros et beau c'est le meilleur cadeau que vous pouvez vous faire.
L'ennui en photographie de rue
Il est facile de s'ennuyer en regardant de la photographie de rue. L'offre est devenue pléthorique avec l'explosion du nombre incalculable de photographes que l'on peut suivre, que ce soit sur Flickr, 500px ou maintenant Instagram. Mais ce sont surtout des photographes moyens ou en cours de progrès qui publient leur photos. Croyez bien que je m'inclus dans ce phénomène. J'ai commencé la photographie avec l'avénement des réseaux sociaux et trop longtemps j'ai partagé des photos que je trouve maintenant médiocres.
L'objet ici n'est pas de vous faire prendre conscience de la médiocrité ambiante, c'est une évidence. Ce dont il faut à mon avis prendre conscience et qui peut vous faire gagner un peu de temps et progresser :
On ne sait pas à quel point
on est un mauvais photographe
tant qu'on a pas progressé.
Heureusement en photographie vous n'aurez pas de ceinture jaune, rouge ou bleue, vous n'aurez pas de division 1, de district ou de compétition régionale. C'est notamment pour cette raison que je ne recommande absolument pas de participer à un club photo local qui ne vous permettra jamais de dépasser le niveau de ceux qui l'animent. À la limite si c'est pour vous donner des occasions de sorties et des thèmes pourquoi pas, mais s'il vous plait ne participez pas à des concours jugés par des photographes médiocres. VOUS devez être le seul juge de vos progrès, en vous comparant aux grands maîtres dont les travaux sont accessibles notamment par leurs livres.
Si vous vous donnez pour objectif de progresser, vous verrez les progrès, mais seulement au bout du chemin... Vous ne verrez vos défauts actuels qu'après avoir franchit un cap.
Pourquoi l'ennui
L'ennui en photographie de rue est si vite arrivé, il peut avoir différentes raisons :
- un passant qui marche de dos dans un lieu touristique.
- un cadrage mal maîtrisé.
- un sujet totalement banal.
- le cliché exotique pendant un voyage.
- un geste interrompu au mauvais moment. Certaines démarches fonctionnent, d'autres non, apprenez à les reconnaitre.
- un développement extrême ou à l'inverse extrêmement simple et sans relief. (je vous ai dit pour les profils colorimétriques ?).
- Une scène que vous êtes le/la seul.e à voir. Ne confondez pas le moment que vous avez passé avec la photo qui en est le résultat.
Les exemples sont sans fin. Il me parait essentiel de toujours se demander comment améliorer une photo, tout comme dans le doute il vaut mieux ne pas publier.
Développez un regard personnel
Nous avons tous un message important, mais uniquement s'il vient du fond du coeur. Plusieurs éléments peuvent vous permettre de progresser vers une photographie plus personnelle, qui sera toujours le meilleur moyen de lutter contre l'ennui du spectateur :
- Apprenez le langage visuel. Comment se transmet un message dans une image ? Quel est le signifié (ce que vous voulez dire) de votre signifiant (votre photo).
- Verbalisez vos photos pour les étudier. Commencez par les décrire dans le moindre détail, puis à en expliquez le sens, et enfin ce que vous ressentez en la voyant. Je vous recommande de parler à voix haute, comme si vous parliez à un ami, pour vous forcer à mettre des mots sur vos photos.
- Étudiez la symbolique. De quoi cette photo est-elle le symbole ? Comment feriez-vous si vous deviez photographier la séparation ? Le deuil ? Comment s'exprime la joie en dehors d'un sourire ? Exercice : choisissez un Emoji et essayez d'en faire une photo.
- Montrez vos photos à vos proches. Par exemple entre deux photos qui auraient un sens similaire, mais une composition légèrement différente, demandez-leur celle qu'ils préfèrent, et surtout demandez-leur pourquoi. Une personne ne fera pas de différence, vous resterez le/la seul.e juge, mais vous verrez le chemin que fait votre photo ou plutôt son sens chez quelqu'un d'autre.
- Ne sortez pas "pour faire des photos de [centre de la ville]", plutôt essayez de suivre un sujet. Quelques exemples pour commencer :
- Quelqu’un dans l’eau
- Quelqu’un d’intimidant
- Quelqu’un d’irritant
- Quelque chose de furtif
- Quelque chose d’intemporel
- Quelque chose que vous ne comprenez pas
- Quand vous revenez de votre shooting, demandez-vous ce que vous avez vraiment envie de photographier. Cela n'a pas besoin d'être profondément intellectuel ou compliqué.
- N'oubliez pas que le/la photographe de rue est avant tout un.e sociologue.
5 leçons sur la photographie de rue avec Elliot Erwitt
Elliot Erwitt est un photographe mondialement connu basé à New York mais constamment en voyage. Il est membre de l'agence Magnum depuis 1958, sa carrière continue depuis plus de 60 ans et il a été exposé dans de nombreux musées prestigieux. Elliott Erwitt est une sommité de la photographie et un grand maître de la photographie de rue.
Ces enseignements seront souvent illustrés par des photographies issues du livre Elliott Erwitt's NEW YORK dont je prends conscience à l'instant en commençant cet article que je possède un exemplaire signé. Je pense en avoir fait l'acquisition lors de l'une de ses expositions à Paris, mais rien n'est moins sûr. Je suis en tout cas un fan absolu du travail d'Elliott Erwitt, de son regard et de sa drôlerie, je ne peux pas imaginer présenter certains grands maîtres de la photographie de rue sans Elliott. Il représente une de mes inspirations majeures en photographie.
Eloge de la sérendipité
La sérendipité est la conjonction du hasard heureux qui permet au chercheur de faire une découverte inattendue d'importance ou d'intérêt supérieurs à l'objet de sa recherche initiale, et de l'aptitude de ce même chercheur à saisir et à exploiter cette « chance ». (Wikipédia)
Les photos d'Elliott Erwitt sont un éloge de la sérendipité, un hymne au hasard heureux et à la chance provoquée. La photographie de rue est une pratique qui est pleine de petits moments anodins, intéressants, curieux. La curiosité, voilà, c'est la qualité du photographe de rue. Et notre curiosité, notre soif de voir est étanchée par la sérendipité qui ne manquera pas d'arriver, si et seulement si nous sortons de chez nous pour faire des photos.
Photo Elliott Erwitt
USA. New York City. 1949.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1968.
Déambuler sans direction ou plan
Que vous soyez en train de découvrir une nouvelle ville ou que vous exploriez en bas de chez vous, laissez-vous porter par l'instinct, ne faites aucun plan. Elliott Erwitt explique régulièrement ne faire aucun plan quand il explore une ville, je crois que c'est la meilleure manière de pratiquer la photo de rue.
Trop souvent j'ai une idée pré-conçue de là où je souhaite aller, de ce que je voudrais voir ou photographier. Mais chaque fois que je décide d'aller photographier et d'avancer sans but ni trajectoire je découvre des scènes merveilleuses, une lumière incroyable ou un sujet inattendu. Ne soyez pas un touriste, restez un explorateur.
Quand j'emmène des groupes à New York, j'aime improviser en fonction de la météo, d'un ferry raté qui me fait aller dans une autre direction, d'envies soudaines ou d'inspirations sur des lieux photographiés par certains que j'admire. Je laisse toujours une place à l'inattendu, je crois que la photographie de rue devrait toujours être pratiquée ainsi.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1953.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1954.
Ne pas se soucier de la technique
Certaines des photos du livre Elliott Erwitt's New York ne sont tout bonnement pas justes techniquement. Mise au point approximative, notamment sur la photo de couverture ! Flou avec une vitesse qui pourrait paraître trop lente. Les exemples sont nombreux et ne posent aucun problème.
L'émotion passe devant la technique, le moment est plus important que la photo elle-même. C'est une leçon d'humilité et de curiosité, regardons avant de déclencher, observons plutôt que de régler. Et ne regardons pas nos photos quand nous sommes dehors, nous pourrions laisser passer un moment merveilleux.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Travailler toute sa vie
Tous les moments sont bons, même lors de commandes et de travaux qui peuvent paraître inintéressants. On retrouve dans Elliott Erwitt's New York quantité de clichés issus de son activité de photographe professionnel, des photos qui sont clairement des commandes. Et on trouve des moments de tendresse de son quotidien, des moments de vie de tous les jours. La photographie peut être tellement personnelle, intime, simple et profondément subtile en même temps. La photographie ne s'arrête jamais. C'est pourquoi je croie que pour devenir un meilleur photographe il faut se servir de son appareil tout le temps, toute sa vie.
Elliott Erwitt travaillera littéralement toute sa vie, aussi. Lors d'une interview en 2017 il explique alors à l'âge de 88 ans que ses 4 ex-femmes et 6 enfants ne lui laisseront jamais le temps d'une retraite pourtant bien méritée. Je me sens totalement concerné par cette observation, j'ai commencé bien trop tard et je ne mets jamais d'argent de côté, je sais que j'irai au bout et travaillerai tout ce que je pourrai. Ce qui ne me pose aucun problème, à part de ne pas pouvoir travailler en permanence sur des projets personnels. Mais les commandes sont aussi des occasions de voir autrement et différent.
Photo Elliott Erwitt
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1954. Jazz alto saxophonist Paul DESMOND.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York, New York. 1954. Third Avenue El.
Ne pas se prendre au sérieux
Les livres d'Elliott Erwitt sont pleins de drôlerie, de moments facétieux. Ces photos ne sont jamais des situations inconfortables ou honteuses, juste une pointe d'amusement souvent mêlée à une infinie tendresse. Ou parfois simplement un chien qui a une sacrée gueule.
Je partage avec Elliott un amour infini des chiens, dont nous sommes les meilleurs amis (et pas l'inverse). Je lui dois également la popularisation du 'Dogview', principe de prise de vues où le photographe se met à la hauteur d'yeux du chien.
La photographie n'est pas une question de vie ou de mort, c'est bien plus sérieux que ça ! Travailler sérieusement sans se prendre au sérieux, voilà un mantra fabuleux à garder des photos d'Elliott Erwitt.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1977.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo de rue et droit à l'image - Peut-on photographier des inconnus sans demander la permission ?
Oui, tant que c'est dans un espace public.
C'est la principale question de débutants dans mes workshops et certainement la question la plus posée à propos de la photographie de rue : Peut-on photographier des inconnus sans demander la permission ? Alors attaquons cette réponse en essayant d'être le plus concis possible, c'est à dire un peu plus qu'un "oui" qui devrait pourtant suffire. Les informations présentées ici sont issus d'articles et interviews de Manuel Dournes et Joëlle Verbrugge, juristes spécialisés et reconnus sur la question.
Le droit à l’image est régi par plusieurs textes :
Règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, Droit à l'effacement (article 17)
Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 - Informatique et libertés - Article 110
Code civil : articles 7 à 15, respect de la vie privée (article 9)
Code pénal : articles 226-1 à 226-7, Atteinte à la vie privée
Code pénal : articles 226-8 à 226-9, Atteinte à la représentation de la personne
Code de procédure civile : articles 484 à 492-1
Ces textes ne contiennent pas d'élément qui encadre directement le droit à l’image, c’est donc par jurisprudence que les désaccords sont réglés. En pratique le droit à l’image est en conflit avec le droit d’auteur, le droit qu’a le photographe de s’exprimer par la photographie. En cas de plainte, c’est donc au magistrat de décider s’il faut donner la priorité au droit d’auteur du photographe ou au droit à l’image de la personne photographiée.
Le droit à l'image n'intervient qu'à la publication
Sur le principe, on ne peut pas empêcher la prise de vue. Le droit à l’image intervient à la publication. À ce titre, Joëlle Verbrugge conseille de toujours déclencher d'abord, puis de se poser la question du droit de publication. La question du droit de la diffusion ne vient que dans un deuxième temps. C’est là qu’il est intéressant de garder un contact ou l'autorisation de ceux que l’on a pris en photo, surtout si le cliché est polémique.
En réalité à part dans le cas d'une diffusion qui amène un préjudice à la personne photographiée, vous avez tout à fait le droit également de diffuser les images sur Internet si vous n'êtes pas photo-journaliste ou photographe professionnel.
Légalement, les personnes photographiées ne peuvent obliger à effacer une photo sur le boitier
Selon Manuel Dournes des poursuites ne peuvent être engagées que s’il y a diffusion ou publication effectives. La prise de vue n’est pas en soi illicite, tant que les images ne circulent pas aucune poursuite ne peut être engagée. Les personnes qui s’estiment lésées doivent démontrer l’intention coupable de celui qui diffuse les images sauf en matière de diffamation où la charge de la preuve est renversée.
Ainsi selon Joëlle Verbrugge le photographe doit faire preuve de bon sens, si la personne photographiée est dans une situation peu enviable elle peut s'opposer à la diffusion de l'image. Son argument est alors que la photo porte atteinte à sa dignité, ce cas est protégé par le droit à l’image.
Ainsi on ne peut pas interdire l’acte de photographier lorsqu’il se déroule dans un lieu public. C’est la diffusion qui nécessite l’autorisation, pas la prise de vue tant que vous ne pénétrez pas dans un espace privé. Vous pouvez toujours expliquer à quelqu’un votre bon droit de prendre une photo, dont seule la diffusion nécessiterait (éventuellement) son accord.
Si le droit à l’image des personnes semble complexe, c’est parce qu’il est à la fois mal défini et protégé en France. Sa première apparition remonte à 1803 avec l’inscription de l’article 9 au Code civil : “Chacun a droit au respect de sa vie privée.” Toute personne physique a donc le droit d'autoriser ou non la diffusion des photos et vidéos sur lesquelles elle figure.
En deux siècles, la juridiction a autant évolué que les modes de diffusion des images. Ainsi, depuis 2008, pour que quelqu’un réussisse à faire interdire une publication, il faut qu’il prouve ce qui lui porte préjudice. Le simple fait de se reconnaître sur une image ne suffit pas.
Au-delà de cette jurisprudence, plusieurs cas de figure tempèrent l’article 9 depuis longtemps. Si la personne est non reconnaissable – lorsqu’un individu est flou, de dos, dans une foule, ou encore à contre-jour... –, l’autorisation n’est pas nécessaire. Il ne suffit pas que quelqu’un se reconnaisse sur une image parce qu’il se savait présent sur les lieux, par exemple ; il faut qu’il puisse être clairement identifiable par un tiers.
Les photographes de rue ont le droit de diffuser et vendre les photos
Joëlle Verbrugge l’explique également en citant le verdict d’un procès, la personne photographiée peut faire condamner la diffusion d'une photo :
quand l’image de la personne est contraire à sa dignité
quand la personne démontre que la diffusion lui cause « des conséquences d’une particulière gravité »
Elle donne un exemple : si vous photographiez un couple qui s’embrasse, mais qu’il s’agit d’un homme et de sa maitresse. La femme s'identifie sur votre cliché et demande le divorce à son mari. Ce dernier peut porter plainte pour préjudice moral et éventuellement financier.
S’il n’y a aucun préjudice, aucune conséquence sur la personne photographiée, le photographe est dans son droit. La liberté d’expression artistique prime sur le simple désir d’une personne qui ne souhaite pas voir son image diffusée.
Ce même droit d’expression artistique nous autorise également à vendre nos photos et les tirages, à les exposer, à éditer et vendre un livre photographique.
Connaissez votre droit
Il me parait crucial en photographie de rue de bien connaître ces éléments pour pouvoir réagir à certaines situations qui peuvent être un peu tendues quand une personne vous identifie en train de la prendre en photo. Le droit à l'image est systématiquement évoqué et si vous pratiquez la photo de rue suffisamment proche de vos sujets ces discussions finiront par arriver.
Gardez le sourire, présentez votre travail, demandez la permission de garder la photo ou de réaliser des portraits. Mais connaissez votre droit, vous avez le droit de garder cette photo.
Si vous voyagez, un droit différent s'applique dans chaque pays bien que ces principes soient largement partagés, la prise de photos dans un lieu public est très rarement interdite. Tout de même, renseignez-vous avant de partir en voyage.