7 conseils pour débuter dans la photographie en noir et blanc
La photographie en noir et blanc est l'une des formes de photographie les plus classiques et anciennes de représentation du monde. Même si notre réalité est est perçue en couleurs, la réduire en monochrome peut faire ressortir des émotions complètement différentes. À l'origine, les photographes étaient contraints d'utiliser des pellicules noir et blanc en raison de limitations techniques, c'est aujourd’hui désormais un choix. Et pour cause, la photographie en noir et blanc présente de nombreux avantages. Il est possible et même recommandé d'être créatif en monochrome, il ne faut pas penser que la photographie en noir et blanc est une technique utilisée uniquement lorsque les couleurs ne sont pas présentes ou vives.
J’ai commencé à photographier presque exclusivement en noir et blanc, pendant les 5 premières années où je me suis mis sérieusement à la photographie. Je disais à l’époque préférer le noir et blanc, que les photographes qui m’inspiraient travaillaient exclusivement en noir et blanc. Rétrospectivement, je vois cela comme le signe que je débutais, travailler en couleur est plus difficile et demande je crois une attention différente à son environnement. J’ai d’abord basculé dans la photographie en couleur quand j’ai voulu intéresser des clients bien précis, il m’apparaissait difficile de vouloir travailler pour des agences de voyage sans vraiment maîtriser la couleur… Mon deuxième choc en couleur est arrivé quand je me suis installé à Salvador, la lumière est vraiment différente. Mais je n’ai jamais abandonné le noir et blanc, j’en ai même fait une des spécificités de mon 2ème livre, La Ville Miraculeuse.
Et j’ai encore des séquences à New York ou Paris ou je retourne à mes premières amours monochromes. Alors si vous débutez dans cette photographie, voici 7 conseils pour améliorer vos images en noir et blanc.
1- Observez la lumière
Si vous photographiez en noir et blanc, l'une de vos principales préoccupations doit être de savoir d'où vient la lumière. La lumière est toujours importante en photographie (duh!), mais l'absence de couleurs en monochrome ne lui donne que plus d’importance. Par conséquent, la lumière est l'un des principaux sujets de l'image et vous devez observez sa qualité, son intensité et sa direction pour vous en servir dans votre composition.
2- Créez des contrastes
Le meilleur moyen d’identifier la lumière dans une photo en noir et blanc, c’est par les ombres, en jouant avec les contrastes. Ce sont les contrastes qui attirent l'œil du spectateur. Pour accentuer les contrastes à la prise de vue, je vous recommande d’essayer de faire votre mesure d’exposition sur les hautes lumières, ou de sous-exposer assez nettement vos photos (jusqu’à -1 IL) pour rendre les ombres plus présentes. En post-traitement, toutes les ombres peuvent être récupérées, vous aurez plus de latitude pour créer des constastes saisissants.
3- Photographiez la nuit
Puisque la plupart des couleurs disparaissent pendant la nuit, le monochrome est parfois la meilleure façon de capturer la nuit. Vous pouvez créez des ambiances étonnantes avec le noir et blanc.
4- Appréciez les lignes et les formes géométriques
Il y a du potentiel photographique dans tout ce que nous voyons chaque jour en marchant dans la rue. Si vous prenez un moment pour observer, vous pouvez cherchez des lignes et des formes géométriques à exploiter dans vos compositions.
Qu'il s'agisse d'un motif architectural ou d'une rue pavée avec son contraste naturel, ce type de scène aura parfois un impact plus intense en noir et blanc, en accentuant ces formes ou cadres de votre scène. Les escaliers, les rampes, les passages piétons, il y a un nombre infini de formes géométriques que vous pouvez exploiter pour encadrer ou pour créer une répétition.
Vous serez peut-être surpris de la différence entre le noir et blanc et la couleur dans la scène que vous avez photographiée.
5- Profitez des jours de pluie
En plus de créer de superbes textures, la prise de photos en noir et blanc par temps de pluie transmet un sentiment de calme. Les jours de pluie peuvent donner lieu à d'excellentes photos en noir et blanc si l'éclairage est approprié. Vous pouvez prendre d'étonnantes photos en noir et blanc même avant ou juste après la pluie. Vous obtiendrez des motifs et des textures qui ne se produisent pas très souvent.
6- Rien ne remplace une bonne scène
Si vous faites attention, vous trouverez toujours des scènes intéressantes. J’irais même jusqu’à dire que c’est tout ce que vous devriez chercher en photographie de rue. Une scène originale ou étonnante aura toujours une plus forte connection émotionnelle pour le spectateur, et le noir et blanc peut parfois renforcer cette connexion directe avec le sujet en simplifiant la lecture de la photo.
7- Pratiquez le portrait
Les portraits en noir et blanc soulignent les expressions. Un portrait monochrome met également en valeur d'autres caractéristiques du visage, comme les yeux par exemple. La photographie est toujours un travail sur la question d’identité, c’est naturellement encore plus vrai en portrait. Les portraits en noir et blanc ont ce “je ne sais quoi”, qui les rendent intemporels.
5 manières de combattre la peur en photographie de rue
La peur est notre principal adversaire quand on photographie dans la rue, même pour les meilleurs d'entre nous. Que ce soit la peur de gêner, la peur de rater, la peur de ne pas avoir le droit de prendre des photos, ou toutes les raisons que l’on se donne de ne pas aller faire une photo. Nous avons tous connu la peur à un moment de notre vie de photographe et cela peut être un véritable blocage qui nous empêche de progresser.
Il existe plusieurs manières de vaincre la peur, en voici quelques unes que j’apprécie particulièrement pour les avoir vu réussir chez quelques photographes.
1. Séparez la réalité de la perception
Dans la grande majorité des cas, les photographes que j’accompagne me donnent des raisons pour leur peur de photographier qui ne sont que des idées préconçues. Ces raisons sont déconnectées de la réalité, de ce qui se passe quand on va effectivement prendre ces photos au plus proche des gens.
Vous avez peur de ne pas être dans votre droit ? Si vous êtes dans un lieu public, connaissez votre droit à photographier. Vous avez peur d’être pris à partie ou d’une réaction violente de la part de vos sujets. Cela arrive, c’est incontestable, mais c’est extrêmement rare. Préparez-vous à répondre aux différentes situation qui se présentent à vous en photographie de rue en commençant par demander la permission.
La réalité de la pratique de la photographie de rue est beaucoup plus facile et agréable que ce qu’elle peut paraître, et il n’y a qu’un seul moyen de le constater : essayer.
2. Identifiez ce qui déclenche votre peur
Analysez et déterminez ce qui a déclenché votre peur de photographier dans une situation particulière. Apprendre à l'identifier vous aidera à la combattre.
Personnellement, je me suis retrouvé il y a peu à devoir photographier au milieu d’une plage bondée. La plage était beaucoup trop courte pour que je puisse me balader discrètement. Je n’ai pas trouver de moyen d’arrêter la peur qui était la mienne : je craignais d’avoir l’air totalement déplacé, au milieu des bains de mer et de soleil de familles et d’enfants.
J’ai tout de même pris des photos, en demandant la permission, en expliquant ma démarche et en proposant des portraits à ceux qui étaient là et que je trouvais intéressants.
3. Pensez à un moment réussi
Quand je photographie dans une situation où je sais pouvoir avoir peur de m’approcher, je pense à mes photos préférées, à celles que j’ai réussies parce que j’ai su apprivoiser ma peur. D’une manière assez évidente, je remarque que je génère plus de réactions positives chez ceux que je croise en photo si je suis de bonne humeur, souriant et avenant.
C’est simplement de la pensée positive et de la gratitude qui aide à transformer son état esprit. Cela aide à surmonter la peur, et généralement à passer un autre bon moment.
4. Créez une nouvelle association
Rappelez-vous que le moment passera, et que la peur que vous ressentez passera également. Concentrez-vous sur l'issue positive de la situation, sur la photographie que vous pourriez réaliser, plutôt que sur ce qui est effrayant.
Faites attention à vos conversations intérieures, à ce que vous vous dites quand vous photographiez. Si vous ne le diriez pas à un ami, ne le dites pas à vous-même. Parlez-vous positivement et rappelez-vous de vos points forts, pourquoi vous aimez la photographie et ce que cela vous permet d’accomplir.
5. Prenez ça comme un jeu
Trop souvent, j’ai pris la photographie sérieusement parce que j’ai décidé d’en faire ma vie professionnelle. Et aussi souvent, je repense à mes années de jeux-vidéo, une photo exceptionnelle est mon boss de fin de niveau et je suis dehors pour aller la chercher.
Amusez-vous, prenez simplement du plaisir à constater que le moment que vous passez et les rencontres que vous ferez en photographie de rue sont plus importantes que les photos elles-mêmes. Et cherchez des moyens de faire de meilleures photos en explorant de nouvelles manières de faire. La récompense est souvent proche quand on prend la photo comme un jeu.
Vous voulez progresser en photographie de rue, trouver le style qui vous ressemble ou simplement surmonter vos peurs et réaliser de meilleures photos ?
J’anime un atelier de photographie de rue à Paris.
La peur est un bon signe
Place des abbesses, septembre 2008. Je m’en souviens comme si c’était hier, la peur m’a tellement marquée que je n’ai pas besoin de voir la photo pour sentir l’adrénaline monter. C’est pourtant la plus simple ou la plus idiote des anecdotes. Pour la première fois de ma vie, je m’apprêtais à demander à un jeune homme bien plus grand que moi si je pouvais le prendre en photo.
Je ne sais pas bien pourquoi je lui ai demandé à lui, spécifiquement. Il est peut-être juste passé au moment où j’ai pris mon courage à deux mains. Peut être que je le trouvais élégant ou original, peut-être avait-il un visage amical et une démarche pas trop pressée.
Il s’est arrêté, s’est retourné, a souri en répondant un simple : “si tu veux”. Dans mon souvenir, il aurait presque haussé les épaules. J’ai fait la première photo qui m’est passée devant les yeux, le coeur à cent mille. Je suis reparti surpris par tant de facilité, souriant à ce qui s’ouvrait maintenant devant moi.
Treize ans plus tard, après quelques centaines de milliers de photos, régulièrement dans la rue ou un lieu public, je peux vous dire que cette peur initiale est toujours là. Elle est amoindrie, elle est apprivoisée, je sais comment la surmonter, mais elle est toujours là. Cette peur est celle qui me souffle à l’oreille les mauvaises excuses pour ne pas aller faire ces photos : “je ne veux pas les déranger, je ne voudrais pas être vu, cette photo ne vaut pas le coup”. Je pourrais en citer deux cents autres, on trouve toujours des raisons de ne pas y aller, c’est toujours la peur qui nous freine.
C’est certainement une question de personnalité, je connais des photographes qui n’ont aucune peur apparente, ou qui se foutent éperdumment de comment les autres pourraient réagir. Pour moi, la photographie est un moyen de m’ouvrir sur les autres. Je parle, j’explique, je commente la scène, je pose des questions. Racontez-moi votre histoire, si vous avez le temps je l’aurai toujours pour vous.
Après avoir initié à la photographie de rue des centaines de photographes en voyage, dans les rues de New York, de Sienne ou de Paris, je sais que cette peur est toujours présente. La peur est le principal objet de mon travail de formateur pour les débutants en photographie de rue, quelle que soit la personnalité qu’ils adoptent une fois cette difficulté initiale franchie.
Il y a quelques semaines, au début du second jour de ma formation à Paris, j’identifiais Maria, une participante qui n’avait pas réussi à surmonter sa peur sur la première journée. Ses photos de la veille en étaient de faciles témoins. Je lui proposais de l’accompagner lors du d’ébut de notre marche, rue des petits carreaux, pour lui montrer la méthode et l’inciter à procéder elle-même juste après. Je cherchais à la débloquer, je n’ai pas été déçu.
La méthode lorsque l’on débute est toujours la même : demandez la permission de faire un portrait. Quand vous aurez demandé dix fois la permission, vous serez plus à l’aise pour passer à l’étape suivante : faire la photo PUIS demander la permission de garder la photo.
Je m’exécutais donc, Maria juste à mes côtés, je cherchais un personnage qui m’intéresse assez pour lui demander une photo. Avec l’expérience, j’ai appris à toujours aller vers celui ou celle qui me fait le plus peur. Non pas parce que la personne est menaçante, je cherche en réalité à écouter ma peur, parce qu’elle est toujours un signe.
La peur est le signe que j’ai vu une photo intéressante, que j’ai vu un personnage qui m’intrigue, pour des raisons que je n’ai même pas besoin d’analyser. J’ai peur de faire la photo justement parce que je sens qu’il y a une bonne photo à faire. Si je n’ai pas peur d’y aller, et bien c’est que je peux passer mon chemin et que le sujet ou la scène ne m’intéresse pas. Le monsieur d’un certain âge en train de boire un whisky en terrasse de la rue Montorgueil a été charmant, et je crois bien que la photo n’est pas mauvaise du tout.
La réaction de Maria a été foudroyante. Elle a commencé par aborder un couple d’américains qui lui ont signifié qu’elle pouvait photographier si elle ne les interrompait pas dans leur conversation. Une heure plus tard, je retournais chercher Maria tous les 1/4 d’heure pour qu’elle rattrape le groupe. Elle donnait ses coordonées à une jeune femme pour aller photographier un événement ou prenait le téléphone d’un basketteur dont elle avait mitraillé le match. Maria était débloquée et partait en souriant à l’aventure, quand quelques heures plus tôt elle n’osait pas lever la tête de l’appareil pour parler à des inconnus.
C’est aussi simple que ça. Une fois apprivoisée, la peur devient le signal qu’une photo qui m’intéresse se cache quelque part par là. À chaque fois que je cède à la peur, en réalité je manque une occasion d’avoir une excellente photo. Présentée ainsi, la peur est ma meilleur alliée en photographie de rue.
La peur est un bon signe.
Prochain atelier à Paris : 16-17 Avril 2022
5 Leçons de Photographie de rue avec Andre D. Wagner
Olivier Laurent a dit de lui après la revue de son portfolio au New York Times : "Il a l'œil. Il est le futur.".
Andre D. Wagner est un photographe qui vit et travaille à Brooklyn, New York. Il explore la vie quotidienne, en utilisant les rues de la ville, les quartiers, les manifestations, les transports en commun et la jeunesse de son quartier dans ses photographies. Son travail et sa pratique s'inscrivent dans la lignée de la photographie de rue qui explore le paysage social américain, concentrant souvent son objectif sur les thèmes de la race, des classes sociales, de l'identité culturelle et de la communauté. Il a travaillé pour les plus prestigieuses publications dont le New York Times, le Wall Street Journal, le Washington Post et Vogue, parmi tant d'autres.
Si Andre D. Wagner est un futur grand, il a sûrement beaucoup à nous apprendre. Je suis heureux de vous proposer ces 5 leçons de photographie avec un jeune photographe contemporain, que vous pourrez probablement croiser dans les rues de Bushwick, son quartier à Brooklyn, quand nous aurons enfin la possibilité d'y retourner.
Suivez Andre D. Wagner : Site web - Instagram
Discipline
Je dis toujours que j'ai un gros appétit pour la photographie. J'adore faire des photos, que ce soit en commande ou lorsque j'avance sur un travail personnel. Mais il y a aussi la chambre noire et mon studio qui me donnent du travail. J'ai trouvé des astuces, comme utiliser mes matins à bon escient. J'essaie de passer du temps dans la chambre noire ou en studio la plupart des jours de pluie. Pendant l'été, je me lève généralement vers 5 h 45. Donc, si je peux être prêt à 8 ou 9 heures du matin, après avoir fait du sport, pris mon café et envoyé quelques emails, alors je peux développer des films ou photographier toute la journée.
Andre D. Wagner
Devenir photographe impose une discipline, pour continuer à produire longtemps. C'est pour moi le seul moyen de progresser et d'atteindre les 10 000 heures de pratique nécessaires à sa maîtrise.
Je suis un boulimique de la photographie pour une seule raison, parce que j'ai une passion tellement grande pour les photos qui m'émeuvent. Elles me mettent dans un état indescriptible, je ne vois nulle part ailleurs ce sentiment poétique, lyrique, d'harmonie totale.
Je suis déterminé à essayer de produire ce genre de photos moi-même, cela demande beaucoup de travail, donc de la discipline.
Photo Andre D. Wagner
Photo Andre D. Wagner
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Photographier n'importe où
Si je photographie le matin, je veux essayer de sortir assez tôt pour photographier les gens qui vont à l'école ou au travail. Mais en même temps, l'endroit où je photographie n'a pas d'importance. Je fais des images très variées, donc ma pratique est de photographier où que je sois. Cela pourrait être à l'aéroport, à la fenêtre de ma chambre, dans un ascenseur ou dans une station-service.
Andre D. Wagner
Je crois également qu'il n'y a pas de mauvais endroit pour photographier. Ma pratique s'est trouvée transformée le jour où j'ai décidé de garder tout le temps un appareil avec moi et de pratiquer autant que je le pouvais, tout le temps, partout, quelles que soient les conditions météo.
Photographier est d'abord un processus mental, dirigé autour de soi. On se projette dans sa photographie, c'est pour moi un acte de méditation, d'observation et de pleine conscience. Si je garde un état d'esprit positif, en toutes circonstances, je ferai de meilleures photos.
Photo Andre D. Wagner
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Observation et intuition
La photographie est incroyable. Les photos vieillissent incroyablement bien, même si je ne me soucie pas de photographier en pensant à l'avenir. J'essaie d'être en phase et concentré quand je travaille, donc lorsque je suis dans certaines situations, je peux reconnaître quand ce qui se passe est spécial. Vous ne savez jamais ce que les gens vont faire, où ils pourraient aller, ce qui va changer, ce qui restera identique.
Je ne me force pas à comprendre les photographies lorsque je les réalise. Je veux juste m'assurer de bien faire les choses; de cette façon, tout le reste se met en place, inévitablement. Il est très facile de devenir laxiste dans sa pratique.
Parfois, vous vous perdez dans une pensée ou en marchant. Vous regarderez quelque chose et au début, cela vous semblera spécial ou vous donnera simplement une sorte de secousse. Et alors, votre cerveau commence à fonctionner, essayant de comprendre ce qui se passe. Un aspect important de la photographie est qu'elle peut être immédiate. Vous pouvez prendre votre cerveau de vitesse, pour ainsi dire.
Parfois je sors, et puis boum, la photo est là. Je n'ai pas besoin d'utiliser mon cerveau pour attraper ce que j'ai ressenti. C'est une femme, il y a ce poteau, les autres femmes sont blanches, maintenant cette image fait allusion à l'idée de séparation - je n'ai pas besoin de comprendre tout cela quand je photographie. J'ai juste besoin de ce boum initial. Ca suffit pour moi. Évidemment, si l’opportunité se présente, j’essaierai de faire plus de photographies, mais la première est généralement meilleure.
Andre D. Wagner
Hindsight est un terme anglais difficilement traduisible qui représente parfaitement la photographie, il désigne une "sagesse rétrospective". En photographie, la prise de vue est par essence intuitive. La vision et la compréhension du monde que l'on a lorsque l'on se concentre pour prendre des photos est instantanée. On a pas le temps de verbaliser, encore moins de penser ou réfléchir à ce que l'on fait. L'analyse des photos et l'identification d'un message, d'une symbolique ou d'une harmonie graphique vient à l'édition et à la sélection de photos.
L'édition de ses photos et le travail d'analyse d'autres photographes est un conditionnement qui me permet d'affuter mes intuitions à la prise de vue.
Photo Andre D. Wagner
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Être présent
Si vous faites les choses correctement, vous aurez une image à regarder pour toujours. C'est pourquoi j'aime travailler avec des appareils argentiques, car je n'ai pas d'écran qui m'oblige à essayer de comprendre les images alors que je suis en train d'essayer de les faire. Lorsque je suis en studio ou en chambre noire pour regarder les images, c’est là que je critique les photographies; c’est là que je modifie. La vie n'est pas la photographie. La vie est là où vous voulez être.
Andre D. Wagner
Je travaille peu en argentique et n'ai aucune expérience de développement en chambre noire. Mais je me sens totalement concerné par cette philosophie de la photographie. Il est plus important de vivre l'instant dans lequel je suis que de le photographier. Si je n'ai pas réussi la photo que j'espérais, ce n'est pas grave. Il en viendra d'autres, j'ai appris à les laisser passer. Je préfère toujours passer un bon moment, et si une image qui mérite le détour vient avec, c'est un beau cadeau.
Mon seul moyen pour me forcer à être plus présent est de désactiver complètement l'affichage des photos sur l'écran de mon appareil, et j'essaye de ne pas le regarder, même quand je crois avoir une bonne image. J'attends éventuellement une pause pour regarder les photos en lot.
Photo Andre D. Wagner
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Rester ouvert
Je pense à ma position dans le monde et aux expériences que j'ai vécues. Mais je ne me promène pas dans les rues à la recherche d'une image qui crie "racisme" ou qui est à propos de la race. Cela fait partie de l’absorption du monde et de l’utilisation de ce qui se présente ou, je suppose, de ce qui est caché dans le flux du temps. Je suis coincé avec moi-même, donc je sais que mes photos viendront. Si je me mets à la recherche de certaines images, je me fermerais aux découvertes.
Je suis ici en respectueux désaccord. Il me semble tout à fait compatible de chercher des images dans un style particulier ou destinées à un projet spécifique tout en restant ouvert aux découvertes. Je suppose que c'est simplement une manière différente d'appréhender la pratique du travail en projet.
Ce qui m'intéresse ici est ce qu'évoque Andre D. Wagner quand il dit qu'il est "coincé avec lui-même". Nous sommes tous coincés avec notre ego, même si nous n'en sommes pas tous autant conscients. Je crois profondément qu'il est important de travailler sur un projet qui m'est personnel pour des raisons intimes, qui raisonne avec qui je suis et mon histoire.
Dans cet esprit, il me semble essentiel de photographier autour de chez moi, là où je vis. Mon quartier, ses habitants, mes voisins, ma famille, seront toujours mes premiers sujets en photographie, parce que je suis coincé avec moi-même.
Photo Andre D. Wagner
Photo Andre D. Wagner
La Permission en Photographie de Rue
Ai-je besoin d'une autorisation écrite pour publier la photo d'un inconnu sur les réseaux sociaux ? Et pour l'exposer ou commercialiser ? Est-ce que je serai poursuivi si j'utilise cette photo que j'ai prise ? D'une manière générale, a-t-on le droit de "voler des photos" ? Ou plutôt, doit-on demander la permission avant de prendre une photo dans la rue ou dans un lieu public ? Ces questions sont tout à fait légitimes et extrêmement fréquentes chez les photographes qui débutent dans la pratique la plus fascinante à mes yeux et en même temps la plus facile à commencer : la photographie de rue.
J'évoquerai ici ma manière personnelle de pratiquer la photographie de rue, ce qui ne constituera en rien une règle ou une obligation. Si vous êtes curieux sur le cadre légal de ce que vous pouvez faire ou ne pas faire, soyons très clair : vous avez le droit de prendre des photographies d'inconnus dans un lieu public, d'exposer et de commercialiser ces photos sans demander la permission. Si vous voulez savoir pourquoi je vous invite à lire cet article qui en détaille les raisons :
Vous n'avez donc aucune obligation de demander la permission pour prendre des photos, même si ces personnes sont reconnaissables. Mais à mon avis, ce n'est pas parce que vous n'êtes pas obligés que vous ne devriez pas le faire de temps en temps.
Demander la permission par écrit
Dans un lieu public, que la personne soit reconnaissable ou non, demander la permission par écrit est absurde. Voir l'article mentionné plus haut. Si vous travaillez avec un ou une modèle (professionnelle ou amateure), pour une photographie mise en scène et dirigée, alors oui cette permission écrite est indispensable. Mais on ne parle plus ici de photographie de rue.
Demander la permission pour s'approcher
Le principal enjeu dans cette demande de consentement à être photographié est pour moi d'abord un moyen de m'approcher au plus près des personnes que je souhaite photographier. En allant demander la permission et en expliquant ma démarche, je m'approche à une distance raisonnable pour dire à cette personne qui m'intéresse : "je suis photographe, je suis en train de photographier [ceci ou cela], est-ce que je pourrais faire un portrait de vous ?". J'ai toujours mon téléphone de prêt pour montrer une série de photos ou mon compte Instagram ´pour rassurer sur la nature des photos que je produis.
Je n'arrive pas à être en permanence discret, et lorsque je croise quelqu'un qui m'intéresse pour une raison ou une autre, je suis parfois instantanément repéré comme photographe. Je procède alors ainsi et vais parler à la personne en question. Quand je me dirige vers elle, je peux toujours prendre des photos qui seront naturelles. Et lorsque je commence mon portrait, c'est à moi de mettre mon sujet suffisamment à l'aise pour que les attitudes soient naturelles, je peux aussi cadrer de manière à ce que la photo ne ressemble pas à un portrait classique "posé".
S'approcher en photographie de rue est pour moi la principale difficulté qui repousse les photographes qui débutent dans cette pratique. Demander la permission et probablement le meilleur moyen de s'habituer à aller vers les autres, et donc de s'approcher.
Demander le consentement pour être respectueux
Quand je photographie dans un lieu public, je cherche parfois à être discret pour être vu le plus tard possible, mais je met un point d'honneur à toujours être transparent sur ma démarche et sur le fait que je suis en train de photographier.
Si je suis vu ou si l'on me pose la question, j'explique ce que je fais. Je sais que je suis dans mon droit quand je photographie ainsi, mais je tiens à être respectueux des personnes qui deviennent mes personnages. Par exemple, j'essaye de ne jamais prendre en photo des personnes qui seraient dans une situation difficile. Si je n'aimerais pas être pris en photo ainsi, je ne déclenche pas.
De la même manière, je veux toujours expliquer ma démarche de photographe lorsque l'on m'en donne l'occasion. C'est d'abord une histoire de respect. Je sais que certains n'ont aucun problème avec le fait de prendre une photo et de partir sans rien dire, personnellement je préfèrerai toujours le dialogue. Ceci étant, je rentre parfois dans un dialogue conflictuel où la personne refuse obstinément que je garde une photo déjà prise. Je met aussi un point d'honneur à ce que mon travail soit respecté et à expliquer le cadre légal qui me permet de garder cette photo.
Comme vous le voyez, j'ai beau parler de respect je suis plein de contradictions. Mais par principe, je préfère toujours un dialogue et une rencontre pour essayer de mieux comprendre les personnes que je photographie.
Demander le pardon
Plus ma pratique de photographie de rue évolue, moins je demande la permission avant de prendre une photo. En réalité ce que je demande, c'est de garder une photo qui a déjà été faite. Plutôt que de demander la permission, je préfère demander pardon.
Demander la permission est un bon exercice pour un photographe débutant, essentiellement parce qu'il a besoin de s'habituer à se confronter aux autres. Mais ce que j'ai constaté avec les années de pratique, c'est simplement que mes photos sont meilleures si je m'approche, je déclenche et travaille ma scène au maximum avant d'être repéré, PUIS je demande la permission de garder les photos.
Savoir être chanceux
Tous les conseils que vous pourrez trouver pour améliorer vos photos sont acceptables, intéressants à explorer. Améliorer ses photos est une recherche fastidieuse. C'est aussi l'intervention de la chance. La chance suprême, magique. Pas le hasard. Une photo exceptionnelle est à la fois provoquée et imperceptible.
Ne cherchez pas trop à réaliser une image parfaite. Tous les principes que vous étudierez pour améliorer vos photos seront soudainement anecdotiques à la prise de vue, où le temps manquera toujours. La chance vous informera de sa présence si vous savez reconnaître des bonnes photos. La chance vous dira : "tiens, regarde". Comme une flèche en plein cœur, vous saurez. Mais uniquement si vous savez aussi reconnaître la chance et son intervention.
Pour provoquer la chance, travaillez vos prises de vue à l'édition en devenant le plus exigeant possible. Même si c'est impossible, essayez d'oublier le moment que vous avez passé et regardez vos photos pour ce qu'elles sont, pas pour ce qu'elles représentent seulement pour vous. Est-ce que ce que vous ressentez est effectivement présent et bien décrit par la photo ? Si vous avez un doute, c'est qu'il n'y a pas de doute : la photo est ratée.
Afin de laisser la chance vous informer de sa présence, vous devez être ouvert et capable de réagir à une action en mouvement perpétuel. Et vous devez apprendre à disqualifier une photo si la chance n'est pas intervenue.
Photo Genaro Bardy - Salvador da Bahia - Nov 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador da Bahia - Nov 2020
Le mariage des coïncidences
La vie est souvent une comédie, et la photographie peut en révéler des scènes fascinantes par la juxtaposition. Je propose rarement des photos avec des scènes explicitement drôles ou avec des associations comiques. Quand je photographie dans la rue, je cherche à assembler, à lier des éléments qui sont sur différents plans ou qui coexistent dans le cadre.
Avec un peu de chance, un heureux hasard et l'habitude de la pratique, on peut juxtaposer et trouver un rythme ou un motif dans une photographie. À la prise de vue je n'ai pas le temps d'y penser, je fonctionne purement à l'instinct. Mais à l'édition rien ne me semble plus important que l'analyse et la recherche de moments synchrones.
Je me demande : est-ce que cette photo représente une harmonie ? Une tension ? Un conflit ? Parfois, je trouve des éléments ou des personnages qui se répondent sans le savoir.
Une juxtaposition est souvent un mariage de coïncidences.
Comment s'approcher en Photographie de Rue
S'approcher des inconnus que l'on rencontre en photographie de rue est l'une des choses les plus difficiles à accomplir dans tout type de photographie, pour une raison simple: la peur.
Quand nous débutons en photographie de rue, nous ne savons pas comment les gens vont réagir, nous ne voulons pas gêner ou être vus comme des intrus. Et surtout, cela peut sembler bizarre d'admettre que oui, nous sommes en train de prendre cette photo. Même si nous en avons le droit, même si c'est dans un lieu public, nous ne voulons pas ressembler à ce que certains prennent pour un voleur.
Alors pourquoi recommander de s'approcher de plus en plus de vos sujets en photographie de rue ? Pour une autre raison simple : l'empathie. Vous rapprocher de vos sujets vous permettra de montrer plus d'empathie dans votre photographie. On perçoit mieux ce que ressent le sujet dans ce type d'images. On se sent plus proche (duh!), plus intime, on peut tellement mieux comprendre la personne ou à la scène que l'on regarde. C'est vrai en portrait, c'est vrai pour toute photographie éditoriale, et c'est vrai en photographie de rue, où le sujet principal n'est pas la rue mais ceux qui la fréquentent.
Le photographe légendaire de l'agence Magnum Robert Capa a eu cette phrase restée à la postérité :
Si vos photographies ne sont pas assez bonnes, vous n'êtes pas assez près.
Robert Capa
Alors, comment vous rapprochez-vous des personnes que vous croisez en photographie de rue ? Vaincre cette peur est aussi l'un des thèmes principaux des ateliers de photographie de rue que je mène à Paris, Londres ou New York, et je voulais vous donner aujourd'hui 3 conseils que vous pouvez appliquer rapidement dans votre photographie.
Les photos sur lesquelles je m'appuie et que vous pouvez voir ici ont été prises la semaine dernière dans le quartier de Bonfim à Salvador de Bahia où je vis, mais vous pouvez appliquer ces principes n'importe où. Je vous montre dans la vidéo beaucoup de photos que je ne garderai pas, pour que vous puissiez voir à quel point il est possible de s'approcher.
3 conseils pour s'approcher en photographie de rue
Faites partie de la scène
Parlez aux gens, obtenez des informations sur ce qui se passe devant vous. Les autres vous verront en train de photographier mais si vous faites connaître votre présence, vous faites maintenant partie de la scène, vous devenez un personnage de l'histoire. Vous êtes le photographe.
Je ne suis pas quelqu'un qui reste silencieux ou neutre quand je photographie, je vais parler aux gens autant que je peux. Pour clarifier les choses, je ne parle pas tout le temps à tout le monde et la plupart du temps je prends ma photo et passe mon chemin. Mais si je veux me rapprocher, j'irai souvent parler aux gens et je demanderai simplement ce qui se passe.
Plus vous en saurez sur un sujet, meilleures seront vos photos. Si vous voyagez et que vous photographiez dans une nouvelle ville, demandez simplement aux personnes qui y vivent de vous raconter leur histoire ou celle du lieu, et continuez à photographier tout en parlant. Vous serez surpris par le genre d'images que vous obtiendrez ainsi.
Pour mieux capturer cette scène avec ce cheval abandonné, je suis simplement allé parler aux gens.
Ne ressemblez pas à un photographe
Si vous vous approchez très près des gens pour prendre des photos, cela vous aidera tellement de NE PAS ressembler à un photographe. Si vous ressemblez à ce que les gens pensent être un photographe professionnel, ils vous demanderont pourquoi vous photographiez et ils risquent de gâcher une scène simplement en étant conscient de votre présence.
C'est la raison pour laquelle les appareils compacts sont si populaires en photographie de rue. Si vous êtes discret et que vous ressemblez à n'importe qui, vous n'aurez généralement aucun problème à prendre des photos très près.
En ce qui me concerne, je suis un gringo à Slavador et mon portugais n'est pas parfaitement courant. Avec un appareil photo compact, je ressemble à un touriste et la plupart des gens ne font pas attention au fait que je prenne des photos.
Utilisez donc des appareils compacts, et éventuellement un sac photo très léger, évitez les gros reflex et les zooms. Quant à moi, j'essaye de ne prendre aucun sac. J'ai juste un Ricoh GRII et maintenant une Gopro sur la poitrine pour pouvoir vous montrer ma production.
Une bonne tête de touriste masqué
Commencez par demander la permission
Si vous avez trop peur de vous lancer et de vous rapprocher des gens, mon conseil serait de commencer par demander la permission. Si vous débutez en photographie de rue, commencez simplement par faire des portraits. Lorsque vous voyez quelqu'un d'intéressant, allez le voir, montrez votre appareil photo et demandez en souriant si vous pouvez faire un portrait.
Déjà, vous serez surpris du nombre de personnes qui seront simplement d'accord et vous demanderont probablement d'envoyer la photo. Ensuite, cela vous habituera à parler et à interagir avec des inconnus.
Lorsque vous avez fait cela plusieurs fois et que vous êtes plus à l'aise avec le processus, arrêtez de demander la permission avant de photographier. Commencez à prendre des photos pendant que vous approchez quelqu'un, si vous êtes repéré en train de prendre des photos, alors vous demandez la permission de photographier et de faire un portrait. Et juste comme ça, vous serez passé de l'autre côté du miroir, où vous serez très proches de vos sujets.
Quand vous serez à l'aise pour demander des portraits, arrêtez de demander la permission.