Les rêves adolescents
Je suis tombé dans la photo par hasard.
Que fait-on de ses rêves d'adolescent ? On les avale, on les vomit. On les ravale, et on oublie.
À 20 ans, je suis sur le point d'être diplômé d'une école de commerce que j'ai choisie pour être avec mes amis. Stage de fin d'études, marketing, réunions, stratégies pour des hôtels du groupe Accor. Et le week-end, je ne rêve que d'une chose : à la prochaine rentrée scolaire, je suis inscrit en 1ere année de Cinéma à Paris 8. Je vais être cinéaste.
Pourquoi nous pousse-t-on à poursuivre des études ? Pour assurer nos arrières. "Au cas où". Mais je ne veux pas assurer mes arrières. Si je tombe, je veux tomber en avant, la tête la première.
Ça a fait splash. Traumatismes de l'enfance, trop de drogues, dépression, thérapie. Mon derrière dans le canapé, une télécommande à la main.
À 25 ans, j'ai faim. Et pour payer les pâtes il faut bosser. Alors je commence par ceux qui prennent tout le monde : porte à porte dans des pavillons de banlieue pour vendre des alarmes. Toujours pauvre et en surpoids, mais au moins je suis bronzé.
De sauts de puces en CDI, j'atterris commercial pour un studio de... photographes. C'est là que j'ai pris le virus, hein ? Elle est bientôt finie cette histoire ? Nada. Rien. Je vendais des shootings, mais j'ai jamais touché un boîtier. En revanche, ça m'a servit plus tard, pour devenir professionnel.
Mon premier appareil photo m'était offert par les collègues d'EuroRSCG, alors que je m'étais fait lourdé avec une violence extrême. Pas la faute à Havas, mais à ma boss qui n'avait que moi pour passer ses nerfs et son incompétence. Les copains d'Euro, je vous ai pour toujours dans mon cœur.
Avec mon chèque cadeau en main, je m'avance dans les allées de la FNAC des Ternes. Et là, devant moi... un Pentax K200. La liberté retrouvée. Et les rêves d'adolescents qui remontent à la surface. La suite, dans cette vidéo :
Cliquez ici pour rejoindre le programme : 5 Semaines pour Maîtriser la Photo de Rue
Manières de voir - de John Berger
Ce texte est une traduction libre par votre serviteur des premières pages de l'essai de John Berger dans le livre 'Ways of Seeing'. Si vous voulez poursuivre la lecture, je ne saurai trop vous recommander de vous procurer Ways of Seeing en version originale ou en Français.
Voir vient avant les mots. Un enfant regarde et reconnaît avant de parler.
Mais il y a aussi un autre sens à cette proposition selon laquelle voir vient avant les mots. C’est la vue qui établit notre place dans le monde qui nous entoure ; nous expliquons ce monde avec des mots, mais les mots ne pourront jamais dépasser le fait que nous sommes entourés par ce monde. La relation entre ce que nous voyons et ce que nous savons n’est jamais figée. Chaque soir nous voyons le soleil se coucher. Nous savons que la terre tourne pour cacher le soleil. Et pourtant, le savoir, l’explication, ne correspondent jamais vraiment à ce que nous pouvons voir.
Le peintre surréaliste Magritte montra ce décalage permanent entre les mots et la vue dans une peinture appelée “La clef des rêves”.
La manière dont nous voyons les choses est transformée par ce que nous savons ou ce en quoi nous croyons. Au moyen-âge, quand les hommes croyaient en l’existence physique de l’enfer, la vue du feu devait signifier quelque chose de différent du sens que nous lui donnons aujourd'hui. Ainsi, leur idée de l’enfer devait beaucoup à la vue du feu brûlant et des cendres qui en résultent, ainsi qu’à leur expérience de la douleur d’une brûlure.
En amour, la vue de l’être aimé est une expérience entière dont les mots ne pourront jamais rendre compte. Seul l’acte d’amour peut temporairement s'accommoder temporairement de ce sentiment.
Et pourtant cette vue qui vient avant les mots, et qui ne peut jamais être pleinement décrite par eux, n’est pas seulement une réaction mécanique aux stimuli. On ne peut penser à la vue mécaniquement que si l’on isole de la vue la petite partie qui concerne la rétine. On ne voit que ce que l’on regarde. Voir est un choix. La conséquence de ce choix est que ce que nous voyons devient accessible, et je ne parle pas ici d’accessibilité par le toucher. Toucher quelque chose, c’est entrer en relation avec cet objet.
Fermez les yeux, déplacez-vous dans la pièce et notez comment la faculté de toucher est une forme statique et limitée de la vue. Nous ne regardons jamais juste une seule chose ; nous sommes toujours en train de regarder la relation entre ce que nous regardons et nous-mêmes. Notre vue est toujours active, en mouvement constant, elle contient en permanence les choses dans un cercle autour d’elle-même, la vue constitue ce qui est présent pour nous tels que nous sommes.
Rapidement après notre capacité à voir, nous réalisons que nous pouvons également être vus. L'œil des autres se combine avec le nôtre pour rendre complètement crédible que nous faisons partie du monde visible.
Si nous acceptons le fait de pouvoir voir cette colline là-bas, nous acceptons le fait de pouvoir être vus depuis cette colline. La nature réciproque de la vue est plus fondamentale que celle du dialogue écrit ou parlé. Et souvent, le dialogue est une tentative de verbaliser ceci, une tentative d’expliquer comment “vous voyez les choses”, littéralement ou métaphoriquement, et une tentative de découvrir comment “l’autre voit les choses”.
Au sens que nous emploierons ici, une image est toujours fabriquée par un être humain.
Une image, c’est la vue qui a été recréée ou reproduite. C’est une apparence, ou une série d’apparences, qui a été détachée du lieu et du temps dans lesquels elle fit son apparition et fut préservée - ce temps peut aussi bien être quelques jours ou quelques siècles. Chaque image contient une manière de voir. C’est également vrai pour une photographie.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une photographie n’est pas un enregistrement mécanique. Chaque fois que nous regardons une photo, nous sommes conscients, quand bien même infiniment peu, que le photographe choisit de voir ainsi parmi des possibilités infinies.
Ceci est également vrai pour les photos les plus triviales, avec des instantanés dans un cadre familial. La manière de voir du photographe se réfléchit dans son choix du sujet et ce qu’il inclut ou exclut du cadre. Et pourtant, alors que chaque photo contient une manière de voir, notre perception ou appréciation d’une photo dépend aussi de notre propre manière de voir.
Les images ont d’abord été faites pour conjurer l’apparence de quelque chose d’absent. Progressivement, il parut ensuite évident qu’une image pourrait survivre à ce qu’elle représente; ainsi elle montrait comment quelque chose ou quelqu’un apparaissait auparavant, et donc comment il avait été vu par d’autres personnes.
Plus tard encore, la vision spécifique du fabricant de l’image fut également reconnue comme faisant partie de l’image. Une image devint un enregistrement de comment X a vu Y. Ceci était le résultat d’une conscience individuelle toujours plus importante, accompagnée d’un sens de l’histoire lui aussi toujours plus grand. Il serait difficile de dater précisément cette prise de conscience, mais elle existe certainement en Europe depuis le début de la Renaissance.
Aucune autre relique, aucun autre texte venus du passé ne peut offrir un témoignage plus direct du monde qui entourait nos ancêtres d’une autre époque. Les images sont plus précises et plus riches que la littérature. Dire ceci ne nie en rien la qualité expressive ou imaginative de l’art en question, en ne le considérant que pour son témoignage documentaire. Plus l’art est expressif et imaginatif, plus nous pouvons partager l’expérience et la vision particulière de l’artiste.
Ce texte est une traduction libre par votre serviteur des premières pages de l'essai de John Berger dans le livre 'Ways of Seeing'. Si vous voulez poursuivre la lecture, je ne saurai trop vous recommander de vous procurer Ways of Seeing en version originale ou en Français.
Cinéma et Photographie - Les Couleurs dans The Joker de Todd Phillips
La manière dont sont utilisées les couleurs en photographie est un sujet trop peu étudié et commenté. Dans cette série d'articles sur le cinéma et la photographie, je vous propose de voir comment les couleurs sont exploitées dans le film The Joker de Todd Phillips. J'aime voir et revoir ce film, pour son histoire d'abord, mais aussi pour le travail remarquable de Lawrence Sher, le directeur de la photographie qui a travaillé avec Todd Phillips.
Nous verrons ici quatre manières classiques d'exploiter les couleurs dans un film, et donc dans vos images. Cela ne constitue en rien une règle, c'est tout au plus un outil d'analyse. En connaissant et analysant les couleurs qui fonctionnent bien ensemble, vous pourrez chercher les bonnes combinaisons, par exemple si vous pratiquez comme moi beaucoup de photographie de rue.
Pour les besoins de l'exercice, nous utiliserons ici une roue chromatique. Si vous voulez créer des palettes de couleurs et poursuivre votre réflexion sur le sujet, vous pouvez utiliser l'outil d'Adobe et appliquer différentes harmonies chromatiques à partir d'une couleur.
Couleurs Complémentaires
Dans une roue chromatique, les couleurs complémentaires sont opposées, de part et d'autre de la roue. Associer des couleurs complémentaires est la manière la plus évidente de créer une harmonie chromatique.
Schéma Monochrome
Un schéma de couleur monochrome va utiliser une seule et même teinte de couleur (duh), éventuellement avec différents niveaux de saturation pour conserver du contraste.
Pour des films comme en photographie, la couleur utilisée aura une forte valeur symbolique. La technique la plus facile pour obtenir une teinte monochrome est par l'éclairage.
Couleurs Analogues
Les couleurs analogues sont les couleurs directement adjacentes de votre couleur principale dans la roue chromatique. Utiliser deux couleurs complémentaires et leur couleur analogue est un excellent moyen de créer une harmonie visuellement puissante.
Couleurs Tétradiques
Si vous utilisez une couleur principale et les deux couleurs analogues de sa couleur complémentaire, on dit que ces 3 couleurs sont Triadiques. Si vous utilisez les 4 couleurs analogues de 2 couleurs complémentaires, elles sont alors tétradiques. C'est subtil, mais particulièrement efficace pour obtenir une palette harmonieuse.
Si vous cherchez à vous inspirer des couleurs d'un grand maître en photographie, je ne saurai trop vous conseiller de poursuivre avec l'article remarquable du Photographe Minimaliste. Il détaille et analyse notamment le travail sur les couleurs d'Alex Webb, à mon avis l'un des plus grands artistes vivants travaillant en couleur.
à bientôt pour une nouvelle analyse de film dans cette série Cinéma et Photographie (cliquez ici pour lire tous les articles).
.via Logline
Réussir une lecture de Portfolio
Si vous n'avez pu voir cet épisode de la Petite Fabrique de Photographies en direct, voici le replay. Si vous voulez éviter l'introduction, ça commence vraiment à 4´:30´´.
Ce live est encore une fois (très) long, mais je propose trois analyses de portfolio, alors que je prends habituellement une heure pour une seule lecture de Portfolio. L'exercice est ici un peu particulier, les photographes concernés ne pouvaient répondre que dans les commentaires.
Et puis, si vous ne voulez pas vous frapper toute la vidéo, je remets ici mes quelques conseils à tous pour réussir une lecture de portfolio. Ces conseils sont évidemment très subjectifs, ils n'engagent que moi et probablement que si vous vous adressez à quelqu'un d'autre il aura des critères spécifiques, notamment si cette lecture de portfolio a un objectif précis, pour un concours ou la sélection pour une résidence artistique par exemple.
Quels sujets sont abordés pendant une lecture de portfolio ?
- Pourquoi la photographie pour vous ?
- Quelle est l’histoire des travaux ou projets présentés
- Quelles sont vos motivations à produire ces photos ?
- Edition et séquençage des photos
- Quels sont les objectifs de votre photographie
- Possibilités de financement, opportunités pour des prix, résidences…
- Publications et promotion de ce travail
Comment obtenir le maximum d’une lecture de portfolio ?
- Présentez un maximum de 30 photos. Idéalement toutes les photos sont issues d’un même projet.
- Notez les points importants que vous souhaitez adresser ou les questions auxquelles vous attendez des réponses.
Par exemple : Édition et séquençage, sujet ou angle du projet, biographie, identification de plateformes de publications, production des photos, idées techniques ou esthétiques. - Évitez de parler en permanence :) Écoutez les commentaires et remarques sur vos photos.
Comment présenter ses photos ?
- Limitez votre présentation à 30 photos, si possible avec un seul projet.
- Cherchez la cohérence sur la série de photos. Si vous présentez des portraits, de la photographie de rue, de l’architecture et un projet personnel, vous aurez du mal à laisser un souvenir marquant.
- Une série photos est au niveau de ses moins bonnes photos. Dans le doute, gardez moins de photos, seulement les meilleures !
- Commencez fort et terminez fort, pensez l’ordre et la séquence de photos.
Pour conclure, je tiens à vous dire que mon programme de Mentorat commence par une lecture de Portfolio, afin de définir ensemble vos objectifs du travail que nous accomplirons ensemble. Il reste encore deux places, je ne peux que vous encourager à tenter votre chance, ou plutôt à tenter votre talent :)
Les meilleurs podcasts sur la photographie
Image de couverture par Florante Valdez de Pixabay
À la lecture des réponses à une question du remarquable photographe Théo Giacometti, je me suis dit que je ne connaissais pas de bonne liste de podcasts sur la photographie.
Je reprends donc ici les réponses qui m'ont paru les plus intéressantes et le résultat de quelques recherches. Cette liste sera mise à jour au fil de mes découvertes. Si vous connaissez d'autres podcasts que j'aurais oublié, les commentaires vous attendent :)
Vision(s) par Aliocha Boi
Pour écouter Vision(s) sur toutes les plateformes : https://visionspodcast.fr
Perspective par Cécile Lombardie
Pour écouter Perspective sur toutes les plateformes : https://www.podcastics.com/podcast/perspective/
Les Minutes Photographiques par Romain Esteban
Pour écouter tous les épisodes des minutes photographiques : https://shows.acast.com/les-minutes-photographiques
Photographe Pro 2.0 par Fred Marie
Pour écouter Photographe Pro 2.0 sur toutes les plateformes : https://photographe-stratege.com/podcast/
France Culture
Séries d'émissions sur Henri Cartier Bresson : https://www.franceculture.fr/emissions/series/la-presence-dhenri-cartier-bresson
Bonus - Le Film Koudelka Shooting Holy Land
Cinéma et Photographie - Les valeurs de plans
Le cinéma est pour moi la plus grande source d'inspiration pour la narration. Les techniques narratives peuvent paraître éloignées de la photographie si l'on ne pense qu'à la production d'une seule image, fixe. À plus forte raison si vous pratiquez la photographie de rue, où vous n'aurez aucun contrôle sur ce que vous trouverez ou sur les sujets que vous photographierez.
Et pourtant la photographie s'expérimente très rarement avec une seule photo. Pour la photographie en commande cela paraît une évidence. Quelque soit le sujet, quelque soit le client, vous aurez toujours à communiquer une histoire, même triviale, pour que le client puisse communiquer en s'appuyant sur les photos.
En photographie documentaire, le besoin de travailler la narration est une évidence. En photojournalisme, parfois une seule photo illustre l'ensemble d'un article, mais au moment de la prise de vues ce sont bien des techniques narratives qui sont employées.
Enfin, dans ce que je crois être le meilleur véhicule pour la photographie, le livre, si vous ne pensez pas la narration vous passez certainement à côté de l'exercice.
Ainsi, l'étude de la cinématographie ou de la photographie en cinéma, selon l'appellation que vous préférez, permettra de comprendre les techniques narratives et comment le cadrage permet de raconter une histoire. Quelque soit le sujet que vous travaillez en photographie, quelque soit le média que vous choisissez pour montrer une série de photos, vous pourrez vous servir de cette série d'articles pour améliorer votre narration.
Dans ce premier article, nous verrons les différentes valeurs de plans les plus utilisés en cinématographie, à quoi ils servent dans la narration et comment composer pour les exploiter dans votre photographie.
Quasiment tous les exemples ici seront avec des personnages. Cela ne veut pas dire que cela ne peut servir qu'à la composition en portrait, dans des conditions où tout est maîtrisé. Les principes narratifs exposés ici fonctionnent avec d'autres sujets, du moment qu'une série photographique est envisagée.
Plan d'ensemble - Plan général - Establishing shot
En cinématographie, le plan d'ensemble sert avant tout à présenter un environnement, à situer le contexte ou les conditions atmosphériques. Il sera souvent utilisé au début d'une séquence.
En science-fiction, le plan d'ensemble est crucial et souvent exploité plus longtemps pour introduire et présenter un monde nouveau. Il permet alors de donner un maximum d'informations visuelles sur l'architecture ou les technologies utilisées dans un monde imaginaire.
Blade Runner 2049 - Le plan général est particulièrement utile en science fiction pour montrer un monde dont on ne connaît rien
Django Unchained - Le paysage, c'est quand même plus classe avec un cheval qu'un trépied
Mad Max Fury Road - Le plan d'ensemble qui résume tout le film
North by Northwest - Le paysage utilisé comme symbolique
En photographie, le plan d'ensemble me paraît indispensable à la narration. Évidemment, vous trouverez des livres photo qui ne sont qu'une série de portraits en studio, mais pour toute histoire qui a un début et une fin, vous aurez besoin de contexte et de situer.
À titre personnel, je pourrais parler (encore) de mes villes désertes qui ne seraient que des plans d'ensemble, que des plans très larges. Je vous répondrais que l'idée initiale c'était de réaliser des portraits de villes, et que si mon personnage est la ville, j'ai différentes valeurs de plans dans ce livre. Mais c'est peut-être un peu capillotracté.
Plan Demi Ensemble- Master Shot
L'appellation en Anglais "Master-Shot" me paraît beaucoup plus pertinente. Cette valeur de plan est très utile pour décrire un contexte pour une scène plutôt qu'une séquence. Les personnages y prennent plus de place, ce plan est particulièrement utile en narration pour voir les interactions entre différents personnages.
Certaines scènes se passent intégralement en Master-Shot, pour montrer des dynamiques de groupe. Le bon exemple ici est la scène du Parrain Deuxième Partie où toute la famille se réunit autour de la table. On voit qu'elle est soudée, tout le monde est proche et enjoué. La scène est coupée par un plan rapproché sur Al Pacino qui lâche une bombe (verbale). Il se retrouve seul sur le "master-shot" initial pour une symbolique évidente.
En photographie, c'est une valeur de plan essentielle pour montrer les interactions de personnages avec leur environnement, ou pour montrer des dynamiques de groupe.
2001, L'Odyssée de l'espace
Roma
Le Parrain, Deuxième Partie
Le Parrain, Deuxième Partie - Coupe sur Al Pacino plan moyen où il exprime son désaccord.
Le Parrain, Deuxième partie
Plan Pied - Full Shot
Le plan pied va être utilisé très différemment en cinéma, essentiellement à cause des différences de format. Les formats les plus communs en photographie sont 3/2, 4/3 et 5/4, beaucoup plus serrés que les formats classiques de films 1,85/1 et cinémascope 2,35/1, plus allongés, qui donnent plus de contexte.
Notez comment le plan de plein pied est souvent utilisé au cinéma avec les personnages en plein centre. En photographie, ce sera essentiellement une technique utilisée en portrait, pour montrer le sujet dans son environnement.
Pulp Fiction
Django Unchained
Plan Américain - Cowboy Shot
Le plan américain a été popularisé, je vous le donne en mille, par les films de cowboys. Cette valeur de plan permet de montrer le ceinturon et l'arme des protagonistes d'un duel, dans des moments à forte tension narrative.
Pour votre cadrage en photographie, notez comment les coupes sont précisément au milieu de la cuisse. Les cadrages qui coupent les articulations sont particulièrement déplaisants, ce sera une constante pour tous les personnages, en portrait comme en documentaire ou en photographie de rue.
L'intérêt de ce type de plan est particulièrement limité en photographie si ce qui se passe au niveau de la ceinture n'a aucun intérêt, ce qui est tout de même la majorité des cas. En photographie de rue, ce sera parfois un indicateur que le photographe ne s'est pas assez rapproché de son sujet. Je vous recommanderais de ne l'utiliser qu'avec plusieurs personnages, auquel cas ce cadrage devient plus justifié si vous voulez inclure plus de monde.
Le Bon, La Brute et Le Truand
Terminator 2
King's Speech - Le plan Américain marche bien à plusieurs
Plan Moyen - Medium Shot
Nous voici au plan qui est probablement le plus utilisé au cinéma, et que je vous recommanderai de travailler le plus dans votre photographie pour obtenir des résultats satisfaisants : le plan moyen.
Si cette valeur de plan est très commune, c'est pour une raison très simple : le plan moyen correspond à ce que nous voyons la majeure partie du temps quand nous interagissons avec quelqu'un. C'est donc le type de plan qui permet la plus grande empathie avec le sujet, ou de mieux s'identifier au personnage.
En photographie, notez comment le cadrage est précisément entre la ceinture et la poitrine, plutôt sur la partie haute du ventre, pour un bon équilibre.
Quelque soit le genre photographique que vous pratiquez, il y a de fortes chances que vos meilleures photos soient des plans moyens.
Pulp Fiction
Eyes Wide Shut - Dis-donc Tom, tu as mis les talonnettes ?
Eyes Wide Shut - J'ai fait ma capture en pleine transition entre le plan moyen et le plan serré
No Country for Old Men - Le titre de film qui va le mieux à l'année 2020
Her
Plan Demi Serré - Medium Close Up
J'aurais pu vous épargner cette transition et passer directement au plan serré, mais vous allez voir que la distinction est plutôt utile en photographie.
Le plan serré va permettre de transmettre un maximum d'émotion. En cadrant juste en dessous de l'épaule au lieu de juste au dessus, cela permet de donner juste un peu plus de contexte, ou de montrer une action avec les mains.
En photographie, je trouve cette valeur de plan particulièrement utile en reportage, pour montrer en même temps les yeux et les mains de la personne photographiée.
Mad Max Fury Road
The Shining
Roma
Blade Runner 2049
Avengers Endgame - Le Medium Close Up dans le MCU ;)
Plan Serré - Close Up
Le plan serré est l'outil indispensable pour transmettre une émotion, révéler les sentiments d'un personnages. Au cinéma il est utilisé à des moments précis, notamment au moment d'une révélation ou d'un twist dans le scénario.
Notez comment l'émotion est transmise de manière très subtile, les visages sont rarement très expressifs. L'effet Kuleshov est souvent exploité avec le scénario ou le contre-champ qui révèlent l'émotion du personnage, qui a lui une expression en apparence très neutre.
Pour votre cadrage, le plan serré est positionné juste au dessus de l'épaule. La nuance est fine avec la valeur de plan précédente, mais nous sommes ici en présence du Headshot en photographie, classiquement utilisé en format vertical.
En photographie, il est intéressant de constater que sur un plan serré vous aurez beaucoup de mal à obtenir une attitude ou une expression qui sonne juste si vous n'êtes pas avec un(e) professionnel(le). Utilisez l'effet Kuleshov en narration en associant un cadrage serré avec une autre photographie qui transmettra l'émotion que vous souhaitez attribuer à votre personnage.
Westworld - Saison 1
The Force Awakens
The Shining - Les plans serrés révèlent le talent de Jack Nicholson
The Usual Suspects
Plan Très Très Serré - Extreme Close Up
Le plan serré extrême, c'est la Macro appliquée à la narration. Il est utilisé au cinéma dans principalement deux cas de figure :
avec les yeux et les mains. Ou une oreille ou le nez, mais bien plus souvent un œil ;
avec un détail qui va révéler une information cruciale pour le scénario.
Dans ce deuxième cas, on peut aussi avoir à faire à un plan de transition, mais le détail montré aura toujours une importance essentielle.
En photographie, vous pouvez choisir de ne faire que de la macro, notamment si vous êtes dans la team #passionfleur ou #lesinsectessontnosamis ; mais si vous voulez raconter une histoire ce sera à utiliser avec parcimonie, et toujours sur un détail important.
Little Miss Sunshine
The Shining
Terminator 2
Memento - Le plan qui est passé à l'envers commence ici. Du coup c'est la fin du film, je crois.
J'espère que cette exploration de la cinématographie pourra vous aider dans vos prochaines compositions, surtout si vous travaillez sur un projet de narration.
Prochain sujet de cette série d'articles, les angles et points de vue en cinéma, et donc aussi en photographie.
Comment améliorer ses compositions ?
Voici le premier épisode de la série d'ateliers de formation à la photographie que je propose sur Facebook, La Petite Fabrique de Photographies.
La suite du programme continue mardi 18 août à 19h (heure Française) avec l'analyse des photos des participants au exercices. Ce sera toujours sur mon groupe Facebook https://www.facebook.com/groups/genarobardy/
Si vous voulez participer aux exercices, envoyez vos photos au plus tard lundi 17 août au soir dans ce dossier Drive.
Ou envoyez vos photos par email genarobardy@gmail.com
Ce qui a fait la plus grande différence dans ma photographie
Avril 2011. Après 3 ans dans l'entreprise qui m'emploie alors, je n'ai compté ni les heures ni les jours pour les projets passionnants auxquels je participais pour le Salon du Chocolat. Après avoir travaillé d'arrache-pied pour la filiale US et le salon de New York, nous avons monté un salon à Shanghai en 4 mois depuis Paris, puis enchaîné les franchises et les nouveaux salon en France à Lille, Marseille et Bordeaux notamment.
À quelques semaines du mois de mai, j'ai des semaines de congés à récupérer, puis suivent un déplacement de 3 semaines au Brésil et 3 semaines de vacances en août puis 10 jours à New York. Je suis séparé depuis peu d'une longue relation et me remet alors d'une rupture du tendon d'Achille. J'ai vécu de longues semaines sur le canapé de mes amis avec des béquilles. Tu parles d'une croisée des chemins. Pour la petite histoire c'est également pendant cette période que je visitais Salvador de Bahia pour la première fois où je décidais de m'installer 7 ans plus tard.
D'avril à fin août pour tous mes déplacements ou vacances, c'est décidé j'aurai mon appareil photo, à l'époque un Sony Nex5 avec une optique Voigtlander 35mm. C'est la première fois de ma vie que j'ai pu consacrer tout mon temps à la photographie et dire que cela m'a plu serait le plus grand des euphémismes. Une révélation. Une passion instantanée, immense, avec au bout l'envie que ça devienne mon quotidien. Je ne l'ai révélé à personne pendant longtemps, j'étais en plein conflit intérieur, pensant que ce ne serait jamais possible.
Ce qui a fait la différence dans ma photographie n'est pas la capacité à voyager et à voir du pays, cette chance n'est qu'une circonstance. Ce qui a radicalement changé mon regard, c'est le fait de pratiquer et de m'entraîner tous les jours. La pratique quotidienne, intensive et répétée m'a fait basculer dans ce moment magique où l'on commence à voir des photos partout.
Le chemin vers la photographie professionnelle est une autre histoire, avec le besoin d'investir, de construire un portfolio et de développer un réseau qui permette de trouver des clients. J'ai eu alors une envie irrépressible de réussir dans la photographie professionnelle. C'est un chemin connexe et facultatif pour progresser en photographie. Mais le challenge de réussir en photographie professionnelle, là encore, m'a poussé à photographier autant que je pouvais, pour tous les projets que je pouvais trouver.
La pratique quotidienne sur une longue période avec le rythme des prises de vues, le développement et l'édition, la publication et la communication avec des objectifs professionnels, m'a fait franchir un cap. Je devais impérativement devenir meilleur pour pouvoir faire envie. Un photographe professionnel, tout comme certains corps de métiers artistiques ou dans l'artisanat, dépend du désir des autres.
Après cette période fabuleuse de quatre mois en Sicile, au Brésil, à Barcelone et à New-York, j'ai compris que la photographie me correspondait plus que toute autre activité. J'ai tout de même mis plusieurs années avant de pouvoir dire que la photographie était mon métier. Mais ces voyages et mes premiers clients de l'époque m'ont montré la clé essentielle pour progresser en photographie :
Photographier beaucoup et régulièrement,
avec l'envie sinon le besoin de s'améliorer.
Et je ne connais pas de meilleur moyen que de travailler sur un projet, que ce soit un projet personnel ou celui d'un client qui a effectivement besoin des photos.
De tout vers soi
La photographie est un art analytique, contrairement à la peinture, l'écriture ou la musique.
Si vous écrivez, vous commencez par une page blanche. En peinture vous commencez par un canevas. En musique vous commencez par ce que vous voudrez, mais vous partirez de rien, ou d'une intuition.
Partir de rien et faire ce que l'on veut est merveilleux, vous pouvez ainsi façonner ce que vous souhaitez, et continuer à construire, étape par étape. Vous obtiendrez exactement votre vision. Vous pourrez ajouter, couper, effacer, mélanger.
La photographie en revanche, commence avec tout. Votre palette, c'est le monde qui vous entoure. Vous devrez le réduire à ce que vous souhaitez montrer. Dans le maelstrom de la vie et de toutes ces choses qui existent devant vous, vous devrez choisir ce qui provoque une émotion. Quelque chose provoquera le déclenchement, cela vous appartient et vous représente. Votre cadre en dira autant sur vous que sur ce qu'il montre ou cache.
Que voudrez vous montrer, transformer ou sublimer ? Votre photographie peut être monumentale ou triviale. La photographie est une sélection. Une fraction de seconde qui réduit, et montre une vérité. En photographie vous partirez de tout, et vous irez vers vous-même. Votre photographie sera en même temps une fenêtre sur le monde et un miroir.
La photographie est une intervention.
Photo Genaro Bardy - Out of Lockdown, July 2020
Photo Genaro Bardy - Out of Lockdown, July 2020
La photographie est l'expression d'un désir
Alors que j'étais en train de préparer le dernier module de formation du programme L'Étincelle, je tombe dans mes recherches deux fois sur la notion de désir en photographie, à quelques heures d'intervalle dans "On Composition and Improvisation" de Larry Fink et "How I Take Photographs" de Daido Moriyama.
Ces deux passages m'ont intéressé, chacun à leur manière. C'est donc l'occasion pour moi de vous les retranscrire et de partager quelques photos des deux remarquables photographes qui en sont les auteurs.
Larry Fink et l'immédiateté du désir
J'aime m'approcher, donner un sentiment d'intimité. Ce n'est pas seulement à quel point je suis proche de mon sujet, mais aussi à quel point je me sens proche. Le critique John Berger écrivait ceci dans son essai à propos de Caravage. Il suggère que son travail est à propos de l'immédiateté du désir, et je dirais que cela est également vrai dans mon travail. L'appareil photo peut faire ressortir un antagonisme ou le narcissisme intense du sujet. Le sujet peut faire l'amour à la caméra. Le sujet peut faire la haine à la caméra. Ils peuvent lui faire nombre de choses.
Ce que j'essaye de faire est de percer ce qui est hostile ou harmonieux dans notre relation et d'aller au cœur de ce qui crée cette énergie. Ceci implique d'être connecté à l'émotion ou à la sensualité. Je ne parle pas de sensualité comme un désir sexuel ou d'une répulsion à un niveau superficiel. Je parle des sens - tous les sens - du bout des doigts jusqu'au bout de la langue.
Larry Fink
Daido Moriyama dans ce monde inconnu et étranger
Quelles capacités sont les plus utiles à un Photographe de rue, dans ce monde inconnu et étranger ? [...] Bien sûr un œil aiguisé est fondamental. Et bien sûr vous devez être vigilant, sensible, réactif, à l'aise dans votre corps, pour pouvoir répondre aux stimuli autour de vous immédiatement.
Mais au-dessus de tout, vous devrez avoir du désir. Ce désir que le photographe doit sentir au moment où il déclenche. Si vous n'avez pas de désir, vous ne verrez pas ce qui est devant vous. Je parle du désir que l'on ressent au moment qui vous pousse à déclencher. Le désir est tout autour de nous, il y en a une quantité disponible gigantesque, infinie.
Il est important d'être vrai vis-à-vis de ce désir. Pour prendre une photographie qui est digne de tout cet intérêt et pleine de sens, vous devez devenir un avec ce désir quand vous déclenchez.
Daido Moriyama
Que serait la photographie, si elle n'était pas l'expression d'un désir de son auteur ?