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5 leçons de composition avec Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson est un photographe légendaire, photojournaliste et dessinateur français. Connu pour la précision et le graphisme de ses compositions, il s'est surtout illustré dans la photographie de rue, la photographie documentaire et la représentation des aspects particuliers ou signifiants de la vie quotidienne. Avec Robert Capa, David Seymour, William Vandivert et George Rodger, ils fondent en 1947 l'agence coopérative Magnum Photos.

C’est probablement le photographe le plus mondialement connu, il a inspiré des générations de grands photographes. Je ne crois pas avoir étudié un photographe qui ne le cite comme référence. Henri Cartier-Bresson est le grand maître des grands maîtres, et je n’ai probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus.

J’ai une relation particulière avec Henri Cartier Bresson. Quand j’ai débuté en photographie et que j’ai suivi mes premiers cours et ateliers de photographie de rue, j’ai commencé à parler autour de moi de cet enthousiasme. Immanquablement, j’ai reçu en cadeau aux fêtes de fin d’année deux livres qui m’ont marqué à jamais : The Americans de Robert Franck et le Photo Poche d’Henri Cartier Bresson, qui retrace également la biographie du photographe. J’ai été subjugué par les images d’Henri Cartier Bresson et par le pouvoir de la photographie, et je me souviens m’être dit après avoir refermé le livre : “c’est ça que je veux faire”.

C’est amusant d’y repenser et de voir la place qu'a pris la photographie dans ma vie… Je n’ai pas pour objectif de vous présenter ici le travail ou l’histoire d’Henri Cartier Bresson. Simplement, je vous propose 5 citations d’Henri Cartier Bresson, parfois très connues, commentées. J’ai décidé de scinder cet article en deux et de vous proposer le premier uniquement sur la composition, puisque c’est ce pour quoi Henri Cartier Bresson est le plus connu : son sens de la géométrie et la qualité exceptionnelle de ses compositions.

5 leçons de composition avec Henri Cartier Bresson

  1. La composition est intuitive

La composition doit être une de nos préoccupations constantes, mais au moment de photographier elle ne peut être qu’intuitive, car nous sommes aux prises avec des instants fugitifs où les rapports sont mouvants.
— Henri Cartier-Bresson

Rien n’est plus important pour progresser que de savoir analyser une photo. Que contient-elle ? Que se passe-t-il ? Quelle est la symbolique du sujet principal qui y est présenté ? Des sujets secondaires ? Quelle relation est établie visuellement entre les différents plans de l’image ? Quel est le sens de lecture ? Qu’est-ce qui est absent du cadre mais contient du sens ?

Pourtant, cette analyse ne peut se faire qu’après avoir pris la photo, devant une planche contact ou devant Lightroom aujourd’hui. C’est en travaillant vos compositions et en analysant en profondeur vos photos, que vous vous donnerez le plus de chances de pouvoir composer de meilleures photos la prochaine fois que vous en ferez. Parce que la prise de vues est absolument intuitive. On a jamais le temps, en photographie de rue mais aussi en studio ou en paysage avec un trépied. Les moments les plus intéressants passent trop vite et la plupart du temps on n’arrive pas à les recréer ou à se remettre dans les mêmes conditions.

Ainsi, la composition est un des éléments les plus importants, sinon le plus important, mais on ne peut le travailler qu’une fois la photo faite et constater qu’on ne pourra jamais faire mieux… mais ce travail nous permet d’entraîner notre oeil à mieux voir et à saisir des compositions à la volée. Ou plutôt à la sauvette, comme le dirait Henri Cartier-Bresson.

2. Reconnaître le rythme du monde

Pour qu’une photographie communique son sujet dans toute son intensité, le rapport de forme doit être rigoureusement établi. La photographie implique la reconnaissance d’un rythme dans le monde des choses réelles. Ce que fait l’œil, c’est trouver et se concentrer sur le sujet particulier dans la masse de la réalité ; ce que fait la caméra, c’est simplement d’enregistrer sur la pellicule la décision prise par l’œil.
— Henri Cartier-Bresson

Cet aspect est particulièrement intéressant, Henri Cartier-Bresson nous propose ici d’apprendre à reconnaître le rythme des choses. II commence par souligner ce que nous connaissons tous de son travail : la rigueur de ses compositions et son sens aigu de la forme. Mais il rattache immédiatement cette forme au message de la photo. Parce que la photographie est une représentation du monde en deux dimensions, on ne peut représenter le mouvement permanent du monde que par un seul instant.

Certains moments représentent mieux le mouvement du sujet que d’autres, apprendre à reconnaître ces instants donnera de meilleures compositions. Ainsi, c’est bien le ou la photographe qui sait observer le rythme du monde. L’appareil n’étant qu’une chambre d’enregistrement des différentes tentatives de saisir l’instant parfait, ou le meilleur représentant de ce rythme.

”La décision prise par l’oeil” d’Henri Cartier-Bresson, c’est notre capacité d’observation et de concentration sur ce qui nous entoure.

3. Trouver l’équilibre

En photographie, il y a une nouvelle sorte de plastique : le produit de lignes instantanées faites par les mouvements du sujet. Nous travaillons avec le mouvement comme s’il s’agissait d’un pressentiment de la manière dont la vie elle-même se déroule. Mais à l’intérieur du mouvement, il y a un moment où les éléments en mouvement sont en équilibre. La photographie doit saisir ce moment et maintenir l’équilibre immobile.

Certains mouvements sont mieux représentés par des images fixes que d’autres
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson parle ici encore d’intuition et de mouvement : on anticipe ce que va donner une scène dans un cadre, on se projette dans un mouvement en espérant capter quelque chose d’intéressant.

Puis, il dévoile un élément fondamental pour la qualité de la composition d’une photo : l’équilibre. Comment est-ce que les lignes sont placées entre elles ? Quel est le rapport entre les formes géométriques et leurs surfaces dans le cadre ? Quel est le “poids” visuel d’un élément ou d’un autre ? Par exemple, si vous avez un personnage ou des lignes directrices, ce sera un point d’attention qui donnera un sens de lecture à la photo.

C’est un des principaux sujet d’étude que je propose chez des photographes expérimentés qui veulent franchir une étape : la capacité à évaluer l’équilibre d’une photo. C’est une notion qui peut paraître abstraite et qui a souvent besoin d’être démontrée par un recadrage qui propose un meilleur équilibre, même si la photo est parfois profondément modifiée.

4. Fixer un motif géométrique

Parfois, il arrive que vous attendiez que quelque chose se produise. Parfois, on a l’impression qu’il y a ici tous les ingrédients d’une image, à l’exception d’une seule chose qui semble manquer. Mais quelle chose ? Peut-être que quelqu’un entre soudainement dans votre champ de vision. Vous suivez sa progression dans le viseur. Vous attendez et attendez, puis finalement vous appuyez sur le bouton - et vous partez avec le sentiment (bien que vous ne sachiez pas pourquoi) que vous avez vraiment quelque chose. Plus tard, pour étayer cela, vous pourrez prendre une empreinte de cette photo, y tracer les figures géométriques qui ressortent à l’analyse, et vous constaterez que, si l’obturateur a été relâché au moment décisif, vous avez instinctivement fixé un motif géométrique sans quoi la photographie aurait été sans forme et sans vie.
— Henri Cartier-Bresson

Cette citation explique plus en détail le concept d’ “instant décisif”, qui est devenu avec les années probablement le plus gros cliché sur Henri Cartier-Bresson ou sur la photographie de rue en général. Certains vous diront que l’instant décisif n’existe pas, d’autres ne jureront que par lui ou diront que c’est simplement le titre en anglais du livre le plus connu d’Henri Cartier-Bresson. Au final, tout cela a assez peu d’importance, je préfère retenir dans cette citation que selon Henri Cartier-Bresson la photographie est d’abord une représentation géométrique.

Ensuite, la photographie est une recherche permanente. On attend, on attend encore, on suit quelqu’un ou un mouvement, on déclenche, on essaye autre chose. Parfois, on a le sentiment d’avoir quelque chose, aujourd’hui il est plus facile de le vérifier sur son écran, mais on en est jamais totalement certain. Henri Cartier-Bresson dit très bien que c’est à l’analyse que l’on peut vérifier que tout est bien en place sur la photo, qu’il ne manque rien ou que rien ne gêne.

Selon que le moment est intéressant ou non, en fonction de la géométrie de la photo, on saura si notre intuition a été décisive, au sens ou tout ce sera bien en place. L’instant décisif n’est pas tant une qualité du photographe, mais décrit plutôt la pratique, faite d’essais et d’erreurs, et cette recherche d’une géométrie parfaite.

5. Ne cherchez pas les effets

Si vous commencez à couper ou à recadrer une bonne photo, cela signifie la mort de l’interaction géométriquement correcte des proportions. D’ailleurs, il arrive très rarement qu’une photographie faiblement composée puisse être sauvée par reconstitution de sa composition sous l’agrandisseur de la chambre noire ; l’intégrité de la vision n’est plus là. On parle beaucoup des angles de caméra ; mais les seuls angles valables qui existent sont les angles de la géométrie de la composition et non ceux fabriqués par le photographe qui tombe à plat ventre ou fait d’autres cabrioles pour se procurer ses effets.
— Henri Cartier-Bresson

Henri Cartier-Bresson était un fervent défenseur de la photo parfaite à la prise de vue, il tenait à ce que ses photos soient publiées telles qu’elles avaient été prises. Le fin cadre noir qui entoure ses photos était la preuve de cette démarche intègre. Cette volonté correspondait au travail de photojournaliste, où un recadrage pouvait modifier le sens de la photo en la plaçant dans un contexte différent.

Le recadrage modifie également les équilibres géométriques, et donc la composition d’une photo. Henri Cartier-Bresson note ici que cela servait rarement la photo, mais surtout cela ne correspondait plus à la vision du photographe. En d’autres termes, un recadrage, c’est comme faire une nouvelle photo. Ce en quoi je suis plutôt d’accord. Mais je dois reconnaître être un pragmatique en la matière. Personnellement, je ne me pose qu’une seule question : est-ce que ce recadrage donne une meilleure photo ? Si la réponse est oui, je recadre.

Avec les années de pratique, j’ai trouvé la focale que je quitterai plus (le 35mm), qui correspond exactement à la manière dont j’aime voir et photographier. Ainsi, je recadre de moins en moins. Mais quand je vois une meilleure photo dans une de mes photos passables, je n’hésite pas, je recadre. Après, je vis assez bien avec ce paradoxe : quand on recadre trop, je trouve que c’est tricher. Quelle est la limite ? À chacun de trouver ce qui lui convient le mieux.

Henri Cartier-Bresson cherchait à donner une vision intègre et fidèle du réel, il disait que le 50mm était le plus proche de la vision humaine. Il nous propose ici de ne pas chercher les effets, par exemple en se mettant au sol. Pour ma part, je garderai les recadrages et les effets, si je crois que cela me permet de proposer une meilleure photo.

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5 leçons, Portraits Genaro Bardy 5 leçons, Portraits Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Hannah Price

Hannah Price est née à Annapolis, dans l’état du Maryland. Aujourd’hui installée à Philadelphie, cette photographe, mais aussi documentariste a consacré des années de sa carrière à saisir les nuances des identités raciales et des perceptions sociétales. 

C’est en 2014 qu’Hannah Price est diplômée du programme de photographie de la Yale School of Art MFA, recevant le prix Richard Benson pour son excellence en photographie. Au cours des dernières années, les photos de Price ont été exposées dans plusieurs villes des États-Unis, quelques-unes résidant dans la collection permanente du Philadelphia Museum of Art. Hannah est devenue membre de l'agence Magnum en 2020.

Hannah Price a crée de nombreux projets qui ont rencontré un succès, notamment City of Brotherly Love, de renommée mondiale, qui montre les harceleurs de rue (“catcalling” en anglais), que la photographe a rencontré à Philadelphie. 

Dans cet article, j’ai envie de vous faire découvrir Hannah Price à travers 5 leçons de photographie inspirantes.

5 leçons de photographie avec Hannah Price

Avant toute chose, il me paraît important de vous en dire davantage sur le projet Cursed by Night qu’a créé Hannah Price. Cette série a fait l'objet d'une exposition au Philadelphia Photo Arts Center. Voici comment la photographe décrit ce travail :

Cursed by Night est une série où j’ai construit un concept où les hommes noirs sont maudits par la société à cause de la couleur de leur peau. Les images sont en noir et blanc et ont toutes été prises de nuit avec la lumière disponible, ce qui fait que mes expositions durent au moins 8 à 12 secondes. La noirceur de la nuit agit comme une toile de fond et un linceul ; visuellement, mes sujets se fondent dans l’obscurité, mais conceptuellement, ils sont obscurcis par elle, ce qui fait allusion à la perception de la société selon laquelle les hommes noirs sont une menace et sont dangereux. De ce fait, mes spectateurs n’ont pas accès à la personne réelle dans chaque photographie, ce qui leur permet de ne voir qu’en noir et blanc ou d’avoir de la sympathie pour une projection d’une personne.
— Hannah Price

1- La photographie est plus qu’un art, c’est un appel au changement

Je pense que la photographie peut contribuer aux perceptions erronées de la société. Tout dépend de l’esprit du spectateur. Les gens font ce qu’ils veulent et nous ne pouvons pas contrôler les expériences des autres - les gens voient en fonction de leur propre expérience. Personne ne choisit sa vie, son lieu ou ses origines. Idéalement, à mon avis, si la société était plus intégrée, un groupe de personnes diverses pourrait avoir des expériences diverses, et il y aurait moins de problèmes sociaux. Comme j’ai choisi de donner aux gens des photographies, j’essaie de les inciter à réfléchir à ce qu’ils voient devant eux : si leur propre projection est vraie ou non, dans leur situation. Et potentiellement, je les aide à réfléchir à la réalité des images, et à la réalité de ce qu’ils voient dans leurs propres expériences, passées ou possibles.
— Hannah Price

Selon Hannah Price, la photographie peut contribuer aux changements des modes de pensée sociétaux actuels, non pas en montrant ou en dénonçant, plutôt en posant une question et en proposant une réflexion. Elle peut, à son échelle, permettre de faire avancer les choses. Cependant, les points de vue sont tellement différents, à travers nos propres expériences passées ou notre éducation, nous développons des idées souvent bien ancrées. La photographie permet tout de même au public de s’interroger, de réfléchir, de percevoir les différences entre la réalité des images et la réalité de ce qu’ils perçoivent eux-mêmes.

2- Le rôle du photographe est de communiquer pour une cause

Mon rôle en tant que photographe est de communiquer visuellement. Et personnellement, pour Cursed by Night, je veux documenter la vie et la politique tout en ajoutant un concept d’horreur. Le noir est inséparable d’un réseau dense de connotations figuratives presque toutes négatives : impureté, péché, mort, mal. Le profilage racial des hommes noirs existe depuis toujours en Amérique. Utiliser des techniques visuelles pour forcer une conversation sur ce problème social particulier était mon objectif personnel. J’espère surtout faire réfléchir les gens sur leur propre réaction face aux hommes noirs, même si l’œuvre est sombre et présente des hommes noirs innocents sous un jour négatif (ce que fait le profilage racial). Cette imagerie flagrante me permet de parler du concept et de la façon dont il affecte la vie de personnes innocentes - parfois en leur ôtant la vie. Je propose également de parvenir à une compréhension de la différence entre la réalité et les perceptions entretenues par les personnes non noire, ce qui est la seule façon pour nous de contribuer à mettre fin à cette malédiction.
— Hannah Price

L’objectif premier d’Hannah Price dans son projet Cursed by Night est de faire réfléchir et de changer les mentalités sur une cause qui lui est importante et très personnelle. C’est aussi ça, la photographie : communiquer visuellement, avec des images plus touchantes, percutantes et significatives. C’est pour elle, une documentation de la vie, et aussi un message politique. Les techniques visuelles qu’Hannah Price utilise dans ses photographies sont là pour accentuer son propos et dénoncer le problème social qu’elle veut montrer. La technique photographique est au service de son message.

3- La photographie s’apprend, mais surtout, elle se ressent

Je crois être très différente de la plupart des photographes ; je ne prête pas intentionnellement attention à ce qui se passe dans la photographie contemporaine. Je la découvre par hasard sur Internet ou lors de visites occasionnelles de musées. Sauf si je donne un cours, où je m’informe pour informer les étudiants. Pour mon travail personnel, je fais ce que j’ai envie d’exprimer et je me soumets parfois à des opportunités, parfois non.
— Hannah Price

Hannah montre une candeur infinie dans le monde de l’art contemporain, mais je ne pourrai jamais vous conseiller de procéder ainsi. Il me semble primordial de connaître les photographes qui ont travaillé sur le sujet ou le projet qui vous occupe. C’est le seul moyen d’évaluer la qualité de son travail et de vérifier l’originalité du message ou de la proposition qu’il porte.

4- Le quotidien comme inspiration

Les artistes qui m’influencent changent tout le temps. Cependant, je m’inspire surtout de la vie de tous les jours, que ce soit la mienne, celle de ma famille, de mes amis ou de ce que je vois sur le plan politique dans les actualités.
— Hannah Price

Avec les années, personnellement je cherche des influences ou des artistes ou photographes que je prends comme modèles en fonction du projet qui m’occupe. Quand j’ai commencé mon livre sur Salvador de Bahia, je suis devenu boulimique du travail d’Alex Webb, notamment au Mexique où je trouvais des lumières et des ambiances tropicales similaires.

Et depuis l’année dernière avec la résidence à Port Fréjus, j’ai travaillé sur un sujet au long cours qui évolue au fur et à mesure de ma pratique et de l’écriture (encore limitée) de mon prochain livre. Mais j’ai toujours deux ou trois photographes qui sont des références pour mon travail, même quand je suis sur un travail plus personnel.

5- Comment approcher ses sujets

Si je suis intéressée pour photographier un inconnu dans la rue, je l’observe discrètement pour avoir une idée de son caractère et je m’approche lentement de lui en disant “excusez-moi”. Je me présente, je lui dis que je suis photographe et pourquoi je suis intéressée pour le prendre en photo. Cependant, il arrive que les gens me parlent d’abord et que je poursuive la conversation - pour finalement leur demander la permission de les photographier
— Hannah Price

Vous pouvez avoir une approche de la photographie de rue qui laisse plus de chance au hasard et à l’exploration, ou simplement prendre l’habitude comme Hannah d’aller voir les gens et de leur expliquer votre démarche. Personnellement, je fais les deux, en fonction de l’envie du moment ou de la nature de la scène.

Mais si vous refusez d’aller parler au gens ou de les prendre en photo, je crois que vous passez simplement à côté de la meilleure des expériences en photographie : les rencontres, la curiosité et l’empathie. Quelque soit le sujet qui vous occupe, on photographie toujours un peu à propos de soi, et jusqu’à preuve du contraire nous sommes des êtres humains.

Allez parler aux inconnus, vous serez surpris de la gentillesse et de l’amitié que vous rencontrerez, surtout envers des photographes ou des artistes.



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Livre Photo Genaro Bardy Livre Photo Genaro Bardy

Producteur de livres

Nouveau bureau, nouveau métier. J’aurais aimé écrire plus souvent ces dernières semaines, mais encore une fois j’ai été pris dans l’écume des jours : nous avons déménagé, j’ai commencé de nouvelles activités et depuis l’atelier Objectif Livre je suis devenu ‘producteur de livres’. Je n’ai pas trouvé meilleure appellation pour ce métier dans lequel je prends un plaisir infini.

Pour mes livres, j’ai travaillé avec une autrice, un directeur artistique ou une graphiste, j’ai aussi été accompagné pour l’édition et la sélection de photo ou pour écrire la fondation ou la prémisse d’un sujet, j’ai travaillé avec différents éditeurs. Pour moi, producteur de livre c’est un peu tout cela à la fois. Côté producteurs, je pense plus à celui en musique qui est derrière la console de mixage, plutôt que le producteur financier au cinéma. Un producteur en musique est lui aussi musicien, je me considère toujours photographe :)

En revanche, j’ai dû mettre en pause mon projet de livre personnel pour 2023. La prémisse et le plan sont écrits, mais je ne prends pas le temps de le produire, car j’ai déjà 3 livres qui sont en cours de production. J’aimerais tellement pouvoir vous montrer une avant-première et vous expliquer quelques séquences dont je suis assez fier, mais puisque ce ne sont pas mes livres je ne le peux pas. À vrai dire, pour les miens aussi j'e suis resté discret jusqu’à la publication.

C’est le côté ingrat de ce travail, je ne peux rien montrer. Mais la révélation n’en sera que plus intéressante.

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Ce que racontent les blocs échoués

Le 2 décembre 1959, le barrage de Malpasset, construit pour irriguer les activités agricoles de la plaine, rompt. Une vague de 50 mètres inonde la Vallée Rose puis descend vers Fréjus, le quartier des Arènes, l’avenue de Verdun, le quartier de Villeneuve pour finir á Fréjus Plage. Le déferlement de 50 millions de mètres cubes d’eau entraîne 423 morts. Dans le lit du Reyran, gisent des blocs qui composaient le barrage de Malpasset.

‘Ce que racontent les blocs échoués’ est un livre de photographies qui explore le rapport des habitants et des visiteurs de Fréjus avec le lieu. Il fait le lien entre la catastrophe de Malpasset et l’histoire de la ville, comment elle s’est transformée pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

Ce projet est le résultat de mon travail en résidence artistique à Port Fréjus au mois d’août 2021.

Au total, le livre contient 57 photos, dont 24 seront exposées à Port-Fréjus et dans le centre-ville, du 23 juin au 26 août 2022.

Livre de 104 pages
Couverture rigide
57 photos

Livre créé, écrit, mis en page et produit par Genaro Bardy

Dimensions :
- Longueur 32,7 cm
- Hauteur 28,5 cm
- Épaisseur 1,7 cm

Le livre sera expédié le jeudi 23 juin 2022.
Il est également disponible à la Capitainerie de Port-Fréjus.

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5 leçons, Photojournalisme Genaro Bardy 5 leçons, Photojournalisme Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Susan Meiselas

Susan Meiselas est une photographe documentaire née le 21 juin 1948 à Baltimore, dans le Maryland. Elle a notamment obtenu un diplôme “Master of Arts” en éducation visuelle de l'Université de Harvard. 

Magnum Photos est associé à Susan Meiselas depuis 1976, et elle en est membre à part entière depuis 1980. Le travail de Susan Meiselas sur les questions de droits de l'homme en Amérique latine est bien connu. Ses photographies font partie de collections nord-américaines et internationales. Ses clichés les plus connus sont ceux du Nicaragua déchiré par la guerre et des strip-teaseuses des carnavals américains des années 1970. 

Parmi les ouvrages que Meiselas a édités et auxquels elle a contribué figurent El Salvador : The Work of Thirty Photographers et Chile from Within, qui présentait des images prises par des photographes vivant sous le régime de Pinochet. Les trois films qu'elle a co-réalisés sont Living at Risk : The Story of a Nicaraguan Family, Pictures from a Revolution, dans lequel elle recherche les personnes figurant sur ses photographies dix ans après qu'elles ont été prises, et Re-Framing History, dans lequel elle retourne au Nicaragua avec 19 peintures murales pour les placer dans le paysage où elles ont été réalisées afin d'interroger à nouveau l'histoire qu'elles représentent 25 ans plus tard.

Susan a organisé une histoire photographique centenaire du Kurdistan sur une période de six ans, en incorporant son propre travail dans Kurdistan : In the Shadow of History, ainsi que le site web pionnier aka KURDISTAN, une archive en ligne de la mémoire collective et des échanges culturels.

Susan Meiselas est une photojournaliste de légende que j’ai découvert pour ses talents pédagogiques, qui ne sont pas les moindres. Je vous propose ici certaines de ses réflexions sur l’évolution du métier de photographe.

1- Trouvez votre vision unique

Certains d’entre nous se sont retrouvés dans des situations où il y a beaucoup d’autres photographes avec exactement le même cadre, et pourtant nous voyons des moments et des cadres complètement différents. Alors, qu’est-ce qui est important ? L’histoire qui est racontée ? Ou est-ce la vision de ce qu’est une histoire ?
— Susan Meiselas

Quand j’espérais travailler régulièrement pour la presse, il ne se passait pas un week-end sans que j’aille voir les manifestations à Paris. J’étais un de ces jeunes photographes morts de faim, dans tous les sens du terme. Nous étions nombreux. Très nombreux. Comme dans toute photographie, ce qui va faire une différence entre les photographes est parfois la capacité à accéder à certains contacts chez des médias ou des clients. Mais je crois sincèrement que des photos fortes et originales prennent vie et dépassent le photographe. Ce qui fait vraiment la différence est l’originalité du point de vue, la réflexion, le sens de l’histoire qui est à raconter. En d’autres termes, dix photographes au même endroit auront dix visions différentes du monde et ne produiront pas les mêmes photos.

De manière plus prosaïque, quand j’emmène des photographes dans des lieux photographiés des millions de fois chaque à New York ou à Paris, je les invite à réfléchir à une manière originale de présenter ce lieu, même si cela paraît impossible. Trouver sa vision est un travail, et si vous n’êtes pas sûr de la direction que vous prenez dans votre photographie, c’est probablement que vous avez encore besoin de la chercher.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

2- Utilisez de nouvelles formes de narration

J’ai l’impression de travailler sur plusieurs plateformes depuis longtemps, donc même si mon cœur de métier est la photographie, j’essaie toujours de trouver des formes différentes de narration. L’endroit logique pour le travail d’un photographe est la publication, mais nous y avons moins accès aujourd’hui, alors que l’environnement en ligne nous est totalement ouvert, mais cela ne crée pas nécessairement une forme, cela crée simplement une large distribution.

Je pense que le défi pour les photographes est toujours d’apporter une compréhension totale à leur travail et de lui donner une forme. Personnellement, je trouve qu’explorer le film et intégrer la photographie est tellement plus facile grâce à la technologie numérique. Il existe d’énormes possibilités d’expérimentation, même avec de très petites histoires. Il faut juste trouver suffisamment de temps et le bon projet pour trouver quelque chose d’expressif et de particulier aux nouveaux médias.
— Susan Meiselas

Le métier de photographe a toujours été dans un mouvement permanent, dans une conquête de nouvelles formes de narration qui ont parfois l’air de brûler sur leur passage les précédentes. J’ai l’impression d’avoir toujours entendu que le métier de photographe était plus doré avant. Je me souviens notamment de ces photographes qui me demandaient s’il fallait partager leur travail sur des réseaux sociaux, pendant que je vendais trois tirages de la photo du jour.

Je suis bien sûr concerné ce problème, je n’arrive pas à me résoudre aux nouveaux formats, souvent verticaux, souvent en vidéo. Pourquoi produire des Reels ? Pendant que je me pose cette question, des photographes gagnent des milliers d’abonnés et vendent sûrement plusieurs tirages sur TikTok :)

Cette réflexion ne concerne pas seulement la distribution de son travail en photo. Il est certainement encore plus important d’intégrer de nouveaux outils dans la narration elle-même. L’enjeu pour tout photographe est de créer. De créer, et aussi de transmettre, d’exprimer, et de faire comprendre, de donner du sens à ses photos. Tout comme un tableau uniquement rempli de vert ne se résume pas à sa couleur, il a un sens, un message. Avec les nouveaux médias, prendre le temps d’utiliser ses clichés et leur donner une nouvelle forme est essentiel.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

3- Inventez de nouveaux modèles

Il y a maintenant beaucoup de possibilités d’expérimentation, qui ne sont limitées que par le temps, la vision et la concentration. Bien sûr, je suis très préoccupée par les questions économiques, moins pour moi en ce moment que pour les générations futures qui ont été inspirées et qui doivent trouver de nouveaux modèles pour financer leur travail. Je n’ai pas eu besoin d’inventer un nouveau modèle quand j’avais vingt ans, j’ai travaillé d’une manière qui me convenait et des opportunités se sont présentées, comme ce sera peut-être le cas pour les générations futures. Mais il faudra qu’elles aient l’esprit d’entreprise et qu’elles soient créatives et innovantes dans leur façon de créer des communautés, qu’elles se soucient du travail qu’elles font. Elles devront avoir la conviction de ce qu’elles veulent dire.

Aujourd’hui, les histoires peuvent avoir un impact incroyable à une échelle que nous n’avons jamais connue auparavant. Il est évident que nous avons capturé des moments dans le passé qui ont été distribués internationalement et nous ont alertés d’événements importants, mais aujourd’hui ces moments sont diffusés simultanément à une communauté mondiale. Peut-être cela a-t-il commencé avec le 11 septembre, même si nous ne tweetions pas à l’époque. La technologie numérique et le nouveau paysage médiatique ont augmenté les possibilités d’impact multiple pour un ensemble d’images. Cela crée des opportunités, mais cela peut aussi être accablant.
— Susan Meiselas

Si vous ne devez retenir qu’une seule chose de cet article : ayez de la conviction. Sinon, commencez à vous en forger une. Les possibilités en photographie avec les nouveaux médias et les nouvelles formes de narration ou de distribution sont infinies. La seule chose qui nous manque est de le temps pour faire, produire les photos et exécuter les idées que nous pourrions avoir.

Vous travaillez sur des sujets qui ont vocation à avoir un impact, qui sont militantes ? Les possibilités de distribution de vos photos sont innombrables, et toutes les parties prenantes du sujet qui vous occupe sont accessibles. Allez au delà des médias, pensez aux associations, aux ONG, aux entreprises qui sont concernées par votre message.

Vous avez une démarche d’auteur et préférez travailler au long cours ? Les possibilités ouvertes par le financement participatif ont donné lieu ces dernières années à des centaines d’ouvrages qui n’auraient probablement jamais vu le jour. Et il y a sûrement de nouveaux modèles à inventer.

Pour ceux qui se considèrent avant tout comme des artistes et veulent exposer leur travail, il est indéniable que les NFT ont bouleversé le paysage et le marché artistique depuis deux ans, malgré tous les défauts inhérents à ces nouvelles formes de distribution. Et il est à peu près certain que les NFT représentent plus l’avenir que le passé de la distribution des arts numériques, dont la photographie fait partie.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

4- Adaptez-vous en permanence

Nous avions l’habitude de parler de “fatigue de la compassion”. J’évite les médias sociaux parce que c’est un défi de rester sensibilisé, afin de pouvoir ressentir ce que je ressens et agir en conséquence quand cela me semble juste... Lorsque j’ai réédité le livre sur le Nicaragua, environ 30 ans plus tard, j’avais réalisé le long métrage Pictures from a Revolution, et nous avons inséré le DVD à la fin du livre. Et j’ai adoré l’idée que cet objet linéaire fixe puisse avoir cette extension de temps incorporée en lui.

Quand Aperture a voulu publier une troisième édition du livre, ils ont dit que nous ne pouvions pas faire de DVD parce que plus personne ne les utilise. On ne prévoit pas que la technologie évolue aussi vite. Cette fois-ci, j’ai donc personnalisé, avec une équipe de développeurs, une application appelée “Look and Listen”, qui vous permet de placer votre téléphone au-dessus d’une image donnée et de déclencher le clip sonore correspondant du film, afin que vous puissiez entendre la voix des personnes présentes sur les images. Cela répond à un certain type de tempérament que nous avons aujourd’hui : personne ne veut regarder un film de 90 minutes, mais un clip de 2 à 4 minutes correspond à peu près à notre capacité d’attention.
— Susan Meiselas

Si vous êtes sérieux avec votre photographie, il n’y a qu’une seule manière d’avancer : vous devez vous ré-inventer en permanence. Je ne compte plus les virages dans mon parcours de photographe. Depuis deux ans, j’ai le bonheur de pouvoir accompagner des photographes dans ces transformations personnelles, et c’est exactement pour cela que je propose mon programme de Mentorat.

Peut-être que pour vous, cela commencera par la production d’un essai ou projet photographique personnel, auquel cas j’ai également conçu cette formation pour vous y aider.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas / Magnum Photos

5- Ce n'est pas l'objectif que vous utilisez, c'est l'objectif que vous pensez être

J’aime changer d’appareil photo, j’aime faire l’expérience de différents appareils. Il y a quelque chose dans un changement de format qui fait bouger l’œil différemment. L’Hasselblad est un appareil très immobile, parfaitement aligné, avec un horizon plat. Avec un appareil panoramique, quand vous bougez, il bouge, et vous avez donc une relation très différente avec un sujet en mouvement. Il était parfait pour un processus et un projet particulier, mais je ne l’ai plus utilisé depuis...

Le Leica était parfait pour les strip-teaseuses du carnaval, mais pas pour moi maintenant. En numérique, j’ai eu tendance à travailler avec une seule marque, Canon. Le numérique est phénoménal pour la qualité qu’il peut vous donner, mais c’est un appareil lourd... Entre un Hasselblad et un Rollei, il n’y avait peut-être pas une grande différence, parce qu’ils étaient tous deux carrés, bons pour le portrait, alors que pour le reportage, un 35 était bien.

Je ne parle pas des objectifs - c’est un autre sujet. Inévitablement, quelqu’un me demande après une conférence : “Quel objectif utilisez-vous ?” Ce à quoi j’ai répondu : ce n’est pas l’objectif que vous utilisez, c’est l’objectif que vous pensez être.
— Susan Meiselas

L’appareil photo n’est qu’un outil. J’irais même jusqu’à penser que les photos doivent devenir elles-mêmes des outils, au service d’une vision, d’un message et d’un objectif personnel.

Susan Meiselas / Magnum Photos

Susan Meiselas au Nicaragua en 1971

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Le temps d’écrire

Les apparences sont probablement trompeuses, mais j’ai régulièrement le syndrome de la page blanche. Je ne sais pas à propos de quoi écrire. Je rentre de New York, épuisé par les kilomètres et l’intensité de cette ville miraculeuse, et quand je me projette dans l’avenir j’imagine bêtement comment je pourrais avoir une chaîne Youtube. Et puis, comme toujours, je reviens à l’écrit. Je reviens à cet amour infini pour le verbe et le flux de conscience qui commence dès que je prends le clavier et me laisse porter par une intuition.

Le temps qui se présente devant moi ne sera pas consacré à des films, parce que j’aime trop écrire. Je repense à ce que je disais à une amie quand je commençais à dire qu’un jour je voudrais être photographe : “je veux faire des photos et écrire”. Dix ans plus tard, alors que je m’apprête à montrer enfin mon quatrième livre photo, produit en même temps que le troisième, je pense déjà au suivant.

Je croyais depuis l’année dernière et la reprise de mes visites à Paris que ce nouveau projet serait à propos des Parisiens. Mais comme je l’explique souvent aux photographes que j’accompagne, tout sujet peut être traité en bas de chez soi. Le problème avec les voyageurs, c’est parfois de bien comprendre où est chez soi. Pour moi, c’est maintenant un peu plus simple, chez moi c’est ma famille : Fernanda, Luna et Tom.

Ce projet, je l’ai en moi depuis un an et je veux commencer à l’écrire. En vérité, je veux encore plus l’aboutir, parce que je sais déjà ce que je veux dire, même si je crois que ça ne ressemblera à rien que je n’aie déjà vu. C’est inconnu et c’est ce qui rend ce projet tout autant excitant que vertigineux, car j’aimerais qu’il soit un peu plus vu que si je le produisais seul. Je vais donc partir en quête d’un éditeur.

Si vous voulez mener un projet, vous feriez probablement mieux de ne pas en parler avant qu’il ne soit abouti. C’est pour cela que j’en donne peu de détails. Mais si je vous dis ça, c’est un peu aussi pour me forcer à la tâche. En annonçant l’idée, je veux me donner une perspective, voire une date limite. Je veux me lancer, et ne plus regarder en arrière. Je veux écrire, enfin.

Mon nom est Personne - New York, Mai 2022

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Comment photographier en mode manuel avec la règle Sunny 16

Si vous photographiez avec d’anciens appareils argentique, vous avez probablement entendu parler de la règle “Sunny 16” (Sunny Sixteen) ou F16. Comme beaucoup de “règles” en photographie, Sunny 16 est surtout un moyen mnémotechnique pour régler votre appareil photo lorsque vous n’avez pas de mesure d’exposition, ou simplement pour savoir comment régler son appareil en mode manuel, selon les conditions météo qui s’offrent à vous.

Avant toute chose, sachez que je ne recommande pas de se forcer à régler son appareil photo en mode manuel en toute circonstance. Cela n’indique en rien la qualité du photographe et ce n’est pas du tout indispensable. En ce qui me concerne, je suis en mode manuel le plus souvent par habitude, ou parce qu’un boîtier est défaillant, comme ce fut le cas sur la mesure d’exposition de mon boîtier principal il y a peu. À vrai dire, en photographie de rue, je vous déconseille d’utiliser un mode manuel, pour éviter de louper des scènes intéressantes qui passent trop vite.

Mais connaître quelques principes de base pour régler son appareil en manuel est toujours utile, et c’est exactement ce à quoi va vous aider la règle Sunny 16.

Qu'est-ce que la règle Sunny 16 ?

À l’époque où les appareils photo ne possédaient pas encore toute la technologie dont ils sont dotés aujourd’hui, la règle Sunny 16 était un passage obligé dans l’apprentissage de la photographie, avec le principe du triangle d’exposition.

L’objectif de la règle du Sunny 16 est de trouver rapidement la bonne exposition pour une photographie, en fonction des conditions de lumière. Durant une journée ensoleillée et claire, vous utilisez :

  • une ouverture de F/16

  • une vitesse d'obturation égale à l'inverse de votre sensibilité ISO (valeur 1/ISO).

Par exemple, si votre sensibilité est réglée sur 100 ISO, vous utilisez une vitesse d'obturation de 1/100. Si votre réglage ISO est de 400, vous utilisez une vitesse d'obturation de 1/400, et ainsi de suite.

On comprend aisément que cette règle permet en argentique de trouver rapidement un réglage selon la pellicule que l’on utilise. Avec un appareil numérique, vous pouvez décider d’abord de votre vitesse, et en déduire votre sensibilité et réglage ISO. En photographie de rue, je vais préférer une vitesse de 1/200e de secondes, par conséquent je règle ici mes ISO sur 200.

Comment utiliser la règle Sunny 16 ?

Comment utiliser cette règle concrètement ?

Voici les étapes à suivre pour avoir une bonne exposition sans posemètre :

  • Évaluez la météo ou identifiez les conditions de lumière

La première étape consiste simplement à évaluer les conditions météorologiques qui vous entourent. 

Pour bien utiliser la règle du Sunny 16, choisissez l’une de ces 5 conditions météorologiques qui se rapprochent le plus de votre environnement :

  • Temps ensoleillé

  • Ciel un peu couvert

  • Ciel couvert ou nuageux

  • Ciel extrêmement couvert

  • Coucher de soleil

  • Réglez l'ouverture (F)

Chacune de ces 5 conditions météorologiques correspond à une ouverture différente du diaphragme. Réglez votre appareil photo selon cette dernière :

  • Temps ensoleillé = f/16

  • Ciel un peu couvert = f/11

  • Ciel couvert = f/8

  • Ciel extrêmement couvert = f/5.6

  • Coucher de soleil = f/4

Le seul élément compliqué ici peut être de se rappeler quelle ouverture correspond à quelle condition météorologique, notez simplement que c’est graduel entre F16 et F4, avec le ciel couvert à F8.

Règle F16 ou Sunny 16 : Réglages d’ouverture - Vitesse = 1/ISO

À titre d’exemple, si le temps est ensoleillé. Vous utilisez alors une ouverture de f/16, avec une sensibilité de 200 ISO et une vitesse d'obturation de 1/200e de secondes. Vous pouvez choisir 100 ISO et 1/100e de secondes, ou 400 et 400, et ainsi de suite. 

Si le ciel se couvre très nettement, vous n’avez qu’à changer votre ouverture sur F/5.6. En ouvrant le diaphragme à F/5.6, vous aurez plus de lumière pour compenser sa réduction sous un ciel très couvert. En fait, seule l'ouverture a changé. La sensibilité et la vitesse d'obturation restent les mêmes en toutes circonstances.

En résumé, avec une météo ensoleillée, vos réglages sont les suivants :

  • Ouverture : f/16

  • Sensibilité ISO : 200

  • Vitesse d'obturation : 1/200 sec

Et par temps très couvert, ils sont ainsi :

  • Ouverture : f/5.6

  • Sennsibilité ISO : 200

  • Vitesse d'obturation : 1/200 sec

  • Réglez la vitesse d'obturation

Une fois le diaphragme défini, vous choisissez une vitesse d'obturation. soit vous photographiez avec de la pellicule et vous réglez votre vitesse en fonction. Par exemple, si vous utilisez un film 100 ASA, comme l'Ektar 100, votre vitesse d'obturation sera alors de 1/100e de secondes.

Si cous travaillez en numérique, vous pouvez commencer par votre vitesse selon votre sujet, puis régler votre sensibilité ISO au même niveau.

Paris, avril 2022 - Photo Genaro Bardy

La règle Sunny 16 : les points à retenir

Afin de bien utiliser la règle Sunny 16, il y a plusieurs points à garder en tête :

  • Il y aura différents effets selon l'éclairage et la météo. Par temps de neige, l'ouverture doit être de l'ordre de F/22, et non de F/16. L'ouverture pour les photos de coucher de soleil doit être F/4, tandis que l'ouverture pour les ciels couverts doit être F/8.

  • Lorsque vous prenez des photos en hiver ou lorsqu'il neige, veillez aussi à suivre cette règle à la lettre. Elle permettra d'éviter que la neige paraisse grise ou sous-exposée.

  • Il ne faut pas hésiter à utiliser des ouvertures plus grandes si nécessaire. Il est possible d'adapter les conditions d'éclairage d'une scène ou d'un sujet en choisissant la bonne ouverture.

  • Ne vous limitez bien sûr pas à cette règle, ni à aucune autre ! C’est juste un moyen de ne pas se prendre la tête sur vos réglages manuels.

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Pour aller plus loin :

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5 leçons, Inspiration, Portraits, Projet Photo Genaro Bardy 5 leçons, Inspiration, Portraits, Projet Photo Genaro Bardy

5 leçons de photographie avec Bieke Depoorter

Originaire de Courtrai, en Belgique, Bieke Depoorter est née en 1986. La photographe a obtenu un master en photographie à l'Académie royale des beaux-arts de Gand en 2009. À 25 ans, elle a été nommée pour rejoindre L’agence Magnum, dont elle est devenue membre à part entière en 2016.

Ses premières photographies sont le résultat d'une approche unique : elle rencontre des gens par hasard et arrive à photographier dans leurs maisons et à capter leur intimité. Bieke Depoorter capture des moments indescriptibles, fragiles et intenses.

1- Proximité et authenticité

Tout le monde sait que je pars le lendemain matin, donc nous n’avons que quelques heures ensemble. Il est plus facile de partager des secrets avec un étranger - quelqu’un que vous savez que vous ne reverrez jamais - qu’avec un ami proche que vous voyez tous les jours. Pour moi, la nuit et les gens dans leur maison ont quelque chose de spécial. Quand il fait sombre, l’atmosphère change. Les gens sont plus réels, d’une certaine manière. Dans la rue, on fait semblant d’être quelqu’un d’autre. Je le fais moi-même. Mais quand vous rentrez chez vous, le masque tombe.
— Bieke Depoorter

Le secret de Bieke Depoorter : l’authenticité. Comment y arriver ? La proximité, l’intimité avec ses sujets… Bieke nous montre que s’immiscer dans le quotidien des gens permet de révéler qui ils sont vraiment. Chez soi, on ne porte plus de masques, il n’y a plus de prétentions, de paraître, nous pouvons être qui nous sommes réellement.

C’est probablement une démarche qui peut faire le plus peur pour des photographes, mais tout comme je vous conseillerai en photographie de rue de commencer à aller parler à des inconnus si vous voulez progresser, si vous êtes intéressés par la photographie documentaire, commencez par frapper à la porte de vos voisins et proposez leur une séance de photos chez eux ou un reportage dans leur activité professionnelle. Vous serez surpris de la facilité avec laquelle les gens acceptent.

C’est exactement la démarche que j’ai proposé à Élodie Sauvage Pieri dans mon groupe de Mentorat l’année dernière, alors que la France était sous couvre-feu, et le résultat fut remarquable.

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

2- Gagner la confiance de ses sujets

Je voulais essayer de trouver la confiance dans un endroit où il n’y a pas de confiance. J’avais vraiment l’impression que les gens protégeaient leur vie privée. Ils sont amicaux dans la rue, mais ils ne vous inviteraient pas chez eux. Nous voyagions ensemble dans de petites villes et marchions toute la journée jusqu’à ce que nous trouvions quelqu’un qui nous fasse confiance et à qui nous faisions confiance. Puis, une fois que nous étions d’accord pour que je passe la nuit sur place, elle me laissait tranquille.
— Bieke Depoorter

Toute photographie en dit autant sur le ou la photographe que sur le sujet qui est montré. En portrait, le résultat est la conséquence directe de la relation que vous allez établir avec les personnes que vous rencontrerez. Dans la grande majorité des cas, vous ne connaîtrez pas les personnes avant de commencer à les photographier.

Personnellement, pour établir la confiance, je demande simplement quelle est l’histoire de la personne, qu’est-ce qui l’a amené ici ou là, et je suis très attentif à la réponse. Je crois que la confiance se gagne par la preuve, en étant sincèrement intéressé par la personne et curieux de qui elle est. Pour bien voir, il faut parfois savoir écouter.

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

3- La réalité est plus lumineuse une fois la nuit tombée

- Quel est votre rapport à la nuit ?

“Je pense que c’est le moment de la journée où on fait ressortir sa véritable identité́. Moi y compris. Je vois le monde différemment quand le soleil est couché. D’ailleurs, je ne prends presque plus de photos le jour.”

- C’est contradictoire avec l’étymologie du mot “photographier” : “écrire avec la lumière”.

“C’est vrai. Mais pour moi la réalité est plus lumineuse une fois la nuit tombée.
— Bieke Depoorter

Rien ne remplace la nuit, d’abord pour tout ce qu’elle contient de symbolique, il va sans dire que c’est la nuit qui révèle notre part d’ombre. La lumière ne serait rien sans l’ombre qu’elle crée, de la même manière la nuit sublime toutes les sources de lumière et montre la face cachée de l’humanité. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le “monde de la nuit”.

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

4- Photographier ses émotions

- Des influences et des inspirations ?

“Ce qui est bien est que mes parents n’aiment pas l’art et que, jusqu’à l’âge de 18 ans, je n’ai jamais visité de musée. Je n’avais donc pas d’idées préconçues avant de commencer à prendre des photos. Je photographie simplement comme je le sens. Cela peut paraître cliché, mais ce sont les petites choses de la vie qui continuent de m’inspirer.
— Bieke Depoorter

Voici le meilleur conseil : écouter ses envies, ses émotions. Cela permet d’affirmer son style et de faire ressortir sa personnalité. La vie doit vous inspirer, autant que les grands maîtres de la photographie. L’inspiration vient d’abord de vous-même, car la photographie est une pratique essentiellement intuitive.

(Même si je vous conseillerai toujours de connaître l’histoire de la photographie et ceux qui sont passés avant vous ;) )

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

5- Considérer les gens comme des acteurs et non des sujets

Le projet en Égypte en 2011 m’a transformé. Le fait de photographier, moi l’Européenne, ce peuple en pleine révolution m’a fait prendre conscience du regard que je pose et qui est forcément biaisé parce que c’est le mien. Ensuite, à Sète et avec le court-métrage que j’ai réalisé́ en Norvège en 2015, j’ai fini par accepter de considérer les gens que je prenais en photo comme des acteurs, et pas comme des sujets.
— Bieke Depoorter

Depuis quelques années, je parle toujours des personnes dans mes photographies comme étant des personnages. Quel est le langage du corps ? Qu’est-ce qu’ils ont l’air de faire ou de penser ? Même si ce n’est pas conforme à la réalité de ce que je connais du sujet ou de la scène, la seule chose qui importe est ce que montre la photo et ce que ressent le spectateur en étant mis face à ce personnage.

Prendre chaque sujet comme un personnage ouvre également des possibilités infinies dans les techniques narratives pour construire une série de photographies ou un projet.

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

Photo © Bieke Depoorter

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Composition Genaro Bardy Composition Genaro Bardy

7 conseils pour débuter dans la photographie en noir et blanc

La photographie en noir et blanc est l'une des formes de photographie les plus classiques et anciennes de représentation du monde. Même si notre réalité est est perçue en couleurs, la réduire en monochrome peut faire ressortir des émotions complètement différentes. À l'origine, les photographes étaient contraints d'utiliser des pellicules noir et blanc en raison de limitations techniques, c'est aujourd’hui désormais un choix. Et pour cause, la photographie en noir et blanc présente de nombreux avantages. Il est possible et même recommandé d'être créatif en monochrome, il ne faut pas penser que la photographie en noir et blanc est une technique utilisée uniquement lorsque les couleurs ne sont pas présentes ou vives.

J’ai commencé à photographier presque exclusivement en noir et blanc, pendant les 5 premières années où je me suis mis sérieusement à la photographie. Je disais à l’époque préférer le noir et blanc, que les photographes qui m’inspiraient travaillaient exclusivement en noir et blanc. Rétrospectivement, je vois cela comme le signe que je débutais, travailler en couleur est plus difficile et demande je crois une attention différente à son environnement. J’ai d’abord basculé dans la photographie en couleur quand j’ai voulu intéresser des clients bien précis, il m’apparaissait difficile de vouloir travailler pour des agences de voyage sans vraiment maîtriser la couleur… Mon deuxième choc en couleur est arrivé quand je me suis installé à Salvador, la lumière est vraiment différente. Mais je n’ai jamais abandonné le noir et blanc, j’en ai même fait une des spécificités de mon 2ème livre, La Ville Miraculeuse.

Et j’ai encore des séquences à New York ou Paris ou je retourne à mes premières amours monochromes. Alors si vous débutez dans cette photographie, voici 7 conseils pour améliorer vos images en noir et blanc.

1- Observez la lumière

Si vous photographiez en noir et blanc, l'une de vos principales préoccupations doit être de savoir d'où vient la lumière. La lumière est toujours importante en photographie (duh!), mais l'absence de couleurs en monochrome ne lui donne que plus d’importance. Par conséquent, la lumière est l'un des principaux sujets de l'image et vous devez observez sa qualité, son intensité et sa direction pour vous en servir dans votre composition.

New York, 2019 - Photo Genaro Bardy

2- Créez des contrastes

Le meilleur moyen d’identifier la lumière dans une photo en noir et blanc, c’est par les ombres, en jouant avec les contrastes. Ce sont les contrastes qui attirent l'œil du spectateur. Pour accentuer les contrastes à la prise de vue, je vous recommande d’essayer de faire votre mesure d’exposition sur les hautes lumières, ou de sous-exposer assez nettement vos photos (jusqu’à -1 IL) pour rendre les ombres plus présentes. En post-traitement, toutes les ombres peuvent être récupérées, vous aurez plus de latitude pour créer des constastes saisissants.

3- Photographiez la nuit

Puisque la plupart des couleurs disparaissent pendant la nuit, le monochrome est parfois la meilleure façon de capturer la nuit. Vous pouvez créez des ambiances étonnantes avec le noir et blanc.

Tokyo, 2018 - Photo Genaro Bardy

4- Appréciez les lignes et les formes géométriques

Il y a du potentiel photographique dans tout ce que nous voyons chaque jour en marchant dans la rue. Si vous prenez un moment pour observer, vous pouvez cherchez des lignes et des formes géométriques à exploiter dans vos compositions.

Qu'il s'agisse d'un motif architectural ou d'une rue pavée avec son contraste naturel, ce type de scène aura parfois un impact plus intense en noir et blanc, en accentuant ces formes ou cadres de votre scène. Les escaliers, les rampes, les passages piétons, il y a un nombre infini de formes géométriques que vous pouvez exploiter pour encadrer ou pour créer une répétition.

Vous serez peut-être surpris de la différence entre le noir et blanc et la couleur dans la scène que vous avez photographiée.

5- Profitez des jours de pluie

En plus de créer de superbes textures, la prise de photos en noir et blanc par temps de pluie transmet un sentiment de calme. Les jours de pluie peuvent donner lieu à d'excellentes photos en noir et blanc si l'éclairage est approprié. Vous pouvez prendre d'étonnantes photos en noir et blanc même avant ou juste après la pluie. Vous obtiendrez des motifs et des textures qui ne se produisent pas très souvent.

6- Rien ne remplace une bonne scène

Si vous faites attention, vous trouverez toujours des scènes intéressantes. J’irais même jusqu’à dire que c’est tout ce que vous devriez chercher en photographie de rue. Une scène originale ou étonnante aura toujours une plus forte connection émotionnelle pour le spectateur, et le noir et blanc peut parfois renforcer cette connexion directe avec le sujet en simplifiant la lecture de la photo.

New York, 2018 - Photo Genaro Bardy

7- Pratiquez le portrait

Les portraits en noir et blanc soulignent les expressions. Un portrait monochrome met également en valeur d'autres caractéristiques du visage, comme les yeux par exemple. La photographie est toujours un travail sur la question d’identité, c’est naturellement encore plus vrai en portrait. Les portraits en noir et blanc ont ce “je ne sais quoi”, qui les rendent intemporels.


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