Le Ricoh GR II est le meilleur appareil pour la photo de rue
Je sais que je ne devrais pas parler de matériel. Un autre appareil photo que celui que vous avez déjà ne vous rendra pas un.e meilleur.e photographe. Mais chaque appareil présente tout de même quelques avantages, et je n'ai pas trouvé mieux que le Ricoh GR II pour la photographie de rue.
J'ai essayé un grand nombre d'appareils pour la photographie de rue, des réflex, des hybrides, des compacts, des moyen-format, des télémètres, avec mise au point manuelle ou automatique. J'ai eu un Leica M8 avant qu'il ne plante et prenne la poussière parce que sa réparation coûte la moitié de sa valeur. J'ai essayé dans la rue tous les appareils que j'ai eu la chance d'avoir entre les mains, et rien n'atteint le plaisir que je prends en photographie de rue avec le Ricoh GR.
Voici 5 raisons qui en font pour moi le meilleur appareil photo que vous puissiez trouver pour la photo de rue :
Discret
C'est une évidence, l'appareil a été conçu pour cela. Mais quel plaisir d'avoir une telle performance et vitesse d'exécution dans un appareil aussi petit, et donc discret. Le Ricoh GR II tient littéralement dans la main et il est conçu pour n'être opéré que d'une main. Le pouce et l'index de la main droite suffisent pour tout régler, c'est un régal.
Si vous cherchez à être invisible en photographie de rue, le Ricoh GR est l'appareil idéal. Il s'allume plus vite que vous y pensez et Ricoh a intégré un système merveilleux pour la photographie de rue : le mode "Snap Focus". Le principe est de régler à l'avance une distance de mise au point, par exemple de 1m50 que j'utilise beaucoup, si vous déclenchez en appuyant sur le bouton de déclenchement au maximum l'appareil se mettra au point directement à la distance prédéfinie.
En d'autres termes vous avez un autofocus performant, et quand vous le souhaitez vous pouvez passer en "Zone Focus". C'est redoutable, tellement malin et sacrément utile en photographie de rue. Je me surprends à décider de déclencher plus tardivement sur certaines scènes, je suis plus réactif et j'ai accès à plus de photos qu'auparavant.
Attention, mon but n'est pas de vous dire de pratiquer la photo de rue comme un ninja (quoique l'idée me plait déjà) et de vous cacher. Je montre toujours que je suis en train de faire de la photo, j'ai une dragonne autour du cou ou du poignet, je garde le sourire et discute quand je suis repéré. Je suis juste beaucoup moins repéré qu'avec un autre appareil.
Le Ricoh GR II est pour moi le meilleur 2ème appareil photo. Je l'appelle 2ème parce que je ne pourrais pas travailler en commande avec, mais en réalité c'est vraiment le 1er parce que je l'ai TOUT LE TEMPS avec moi.
Photo Genaro Bardy - New York, 2019
Photo Genaro Bardy - New York, 2019
Photo Genaro Bardy - New York, 2019
Focale fixe de 28mm
Je suis un amoureux du Fujifilm X100 qui a une focale de 35mm. J'ai longtemps pesté contre Sony qui ne proposait pas d'équivalent sur A7 à l'optique 35mm F2.0 du Sony RX1R. Ils ont réparé cette offense depuis avec le 35mm F1.8 qui est une merveille (je l'ai essayé à Photoplus), mais l'optique seule est quasiment au prix du Ricoh GRIII...
Et puis je me suis rendu compte en sortant quelques exemples pour un article que toutes mes photographies de rue préférées depuis 2 ans étaient toutes réalisées au 28mm, focale que j'utilise sur mon Sony A7. Je croyais l'angle trop large pour mon goût mais en réalité j'arrive à faire plus et mieux avec cette focale. La plupart du temps j'ai juste besoin d'un pas en avant si je suis trop large.
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Qualité d'Image
Seuls 2 éléments sont à prendre en compte pour la qualité d'image : le capteur et l'optique. L'optique du Ricoh GR II est remarquable, le résultat est pour moi excellent. Quant au capteur il est de taille APS-C, ce qui est notable pour un appareil si compact.
J'avais peur en arrivant d'un Sony A7R de manquer de pixels, le capteur du Ricoh GR II n'en proposant que 16M. Alors oui ça se ressent sur la plage dynamique et la capacité à ajuster le développement, mais ce n'est pas fondamental pour moi. Et en réalité je ne recadre ni plus ni moins avec le Ricoh GR.quand j'ai besoin de recadrer j'essaye de toute façon d'éviter de dépasser 15-20% de la taille de l'image, 16M de pixels sont largement suffisants.
Enfin les profils colorimétriques pour les fichiers Jpeg sont excellents. J'adore les différents noir et blanc, je passe des journées entières avec le "High Contrast Black and White". Le profil "Positive" ressemble à une pellicule Portra et j'ai apprécié jouer avec le "Bleach Bypass" (ce qui m'a permis au passage de découvrir cette technique créative de développement, dont le profil s'inspire). Vous pouvez de toute façon ajuster chaque "pellicule" selon votre goût, pour beaucoup de photos récentes je n'utilise que le Jpeg.
Si vous ressentez le besoin de pixels, vous avez toujours le Ricoh GR III qui est sorti l'année dernière avec 24M de pixels et une nouvelle optique.
Flash
J'ai longtemps pris le flash pour une bête curieuse en photographie, surtout parce que j'étais un idiot. La vérité c'est que le flash rend tout plus beau. Ou différent hein, je vais pas me battre avec les goûts de chiotte. Et en photographie de rue le flash me permet de conserver des réglages fixes quand je veux m'approcher très près de mes sujets.
C'est un style différent, mais le flash intégré du Ricoh GR II est parfait, lui aussi très discret. Il suce un peu plus la batterie qui est déjà très juste, mais de toute façon il est recommandé d'avoir une seconde batterie sur soi en permanence, la taille du Ricoh GR ne permet pas les longues sorties.
Si vous avez vos yeux sur le Ricoh GR III, pour ses 24M de pixels, le stabilisateur d'image ou le nettoyeur de poussières (un reproche récurrent du GR II), vous devez savoir qu'il n'a pas de flash. Et personnellement j'adore le flash.
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Nouvelles perspectives
Entre la discrétion extrême et le flash, j'ai déjà beaucoup de choses avec lesquelles jouer sur le Ricoh GR II. Mais le mode qui m'a le plus surpris est le mode Macro. Il est maintenant tout le temps enclenché et je n'hésite plus à m'approcher de manière indécente de tout ce que je peux trouver de curieux dans la ville. Le terrain de jeu est immense et j'ai l'impression de découvrir un pan entier de la photographie de rue auquel je n'avais jamais eu accès.
Le premier modèle de GR était un argentique et avait été conçu avec l'aide de Daido Moriyama. Quand on connait son travail et son goût de l'étrange dans la ville, on comprend mieux pourquoi le mode Macro devait lui paraître indispensable. C'est mon cas maintenant, je ne pourrais plus m'en passer. Le mode Macro ouvre de nouvelles perspectives, et c'est drôlement amusant.
Photo Genaro Bardy - Salvador de Bahia, 2020
Ce que j’ai appris de Joel Meyerowitz et Garry Winogrand
Tous ces enseignements sont issus du dernier chapitre du livre ByStander de Colin Westerbeck et Joel Meyerowitz. ByStander est le meilleur ouvrage sur la photographie de rue qu'il m'ait été donné de lire, bien que le point de vue soit très américain. Ce dernier chapitre est une discussion entre Colin Westerbeck (conservateur, auteur et enseignant de l'histoire de la photographie) et Joel Meyerowitz, immense photographe que j'admire dans chacune de ses entreprises. Joël Meyerowitz retrace son parcours au début des années 60 et notamment sa relation particulière avec Garry Winogrand, un autre grand photographe de rue.
Joel Meyerowitz et Garry Winogrand se sont rencontrés dans le métro depuis Manhattan en direction du Bronx alors que Winogrand travaillait sur son premier livre "The Animals" et que Meyerowitz rentrait chez lui. Puis ils se sont croisés à plusieurs reprises dans les rues de Manhattan. S'en suivit une amitié qui laisse rêveur tout amoureux de la photo, deux des plus grands photographes de New York arpentaient les rues et photographiaient la plupart du temps ensemble.
Voici les enseignements que j'ai trouvé les plus inspirants de cette relation :
[NDLA : tout est traduit par mes soins]
Les photos de rue doivent être « dures »
Les photos de rue doivent être dures à réaliser. Les scènes doivent être dures à trouver. Si j'augmente la difficulté dans mes prises de vues, je limite le nombre de personnes qui pourront en réaliser des similaires, j'aurai moins de concurrence et serai plus facilement original. Surtout en augmentant la difficulté j'obtiens des photos qui ont une connexion émotionnelle forte avec celui qui regarde les photos. Une photo difficile est reconnue comme telle par celui qui la voit, son pouvoir de fascination est d'autant plus élevé. C'est aussi un bon moyen de lutter contre l'ennui et la répétition de situations tout le temps similaires ou banales.
Quelques exemples de photos difficiles à réaliser :
S’approcher très près. Voire trop près.
Composer en triangle. Essayer de toujours avoir 3 « scènes » ou sujets évidents sur une même photo sans qu’ils se chevauchent.
Le moment parfait. Je n’aime plus beaucoup l’instant décisif, j’ai maintenant beaucoup de mal avec cette notion, bien qu’elle m’ait fasciné pendant des années. On laisse passer en permanence des moments qui pourraient être plus beaux, plus intéressants, il faut apprendre à les abandonner. Un moment n’est pas décisif parce que vous avez su le capter, pour moi une photo est le meilleur élément d’un travail, d’une performance du photographe. Le moment est parfait parce que tout s’aligne comme vous l’avez espéré, attendu ou vu, et parce que la scène dit quelque chose de l'endroit où vous êtes ou du sujet que vous suivez.
Phrase de Joël Meyerowitz - ByStander
Photo Joel Meyerowitz
Photo Joel Meyerowitz
Photo Garry Winogrand
Photo Garry Winogrand
Mes photographies ont une humeur
Le travail de Garry Winogrand ressemblait à la vie qui passait en fuyant et ce gars l'attrapait au vol. Ses photos étaient drôles, drôles et folles. [...]
Garry Winogrand avait une hyper-personnalité. Il donnait un tempo tellement fort dans la rue qu'il était impossible à suivre. Vous aviez juste à adopter son mouvement. Quand j'étais avec lui, je ne le regardais pas, nous regardions chacun l'action autour de nous, mais je n'ai jamais vraiment adopté sa manière de travailler et de photographier. Vous pouviez le voir dans ses photos. Elles étaient tellement chargées, en les voyant vous commenciez à comprendre sa manière physique de prendre des photos. Elles vous montraient directement qu'elles étaient une réponse sans aucune hésitation.
Joël Meyerowitz - ByStander
C'est en travaillant de manière répétée à New York que je me suis rendu compte que mon humeur changeante pouvait influencer grandement mes photos. Si je traverse une étape difficile de ma vie, ma physicalité dans la rue sera différente, mes interactions seront différentes, et mes photos reflèteront mes émotions.
Au contraire si je suis joyeux, déterminé à sortir des photos, je repousserai des limites et irai chercher ce que je n'aurais jamais soupçonner pouvoir réaliser. Mon style photographique est avant toute chose représenté par mon humeur, et par un regard que je peux poser sur ce qui m'entoure. Pas uniquement un regard graphique, mais une énergie, que ce soit une curiosité ou une drôlerie, qui reflètera mes émotions les plus profondes.
Photo Garry Winogrand
Photo Garry Winogrand
Photo Joel Meyerowitz
Photo Joel Meyerowitz
Les manifestations sont d'excellentes occasions
Nous allions à chaque manifestation, chaque marche, tous les rassemblements à Central Park ou Times Square ; quand il y avait des marches, nous y allions tous. Nous nous y rendions vraiment pour deux raisons. Déjà parce qu'on prêtait notre corps à une bonne cause, parce que c'était juste, mais aussi parce que c'était un endroit parfait pour faire des photographies. C'était chaotique, il y avait des foules énormes, et puis il y avait les médias. [...] Tout le monde se tournait vers les camions de télévisions, et puis la police arrivait, les manifestants arrivaient, et bam, confrontation. Et puis les lumières de NBC s'allumaient à un autre endroit et ça bougeait le long de la rue. C'était comme un flipper.
Joël Meyerowitz - ByStander
Quand je commençais mon activité professionnelle à Paris, je passais chaque week-end à arpenter les manifestations qui ne manquaient pas d'arriver pour une raison ou une autre. Je choisissais bien sûr plutôt les causes que je défendais, n'étant pas en commande.
Aujourd'hui je vis à Salvador de Bahia, cette ville est plutôt réputée pour ses processions religieuses catholiques et Candomblé. Si je le peux, je suis présent à chacune d'elle. Les manifestations sont des endroits rêvés pour la photographie de rue, pour observer la vie quotidienne et les habitudes locales, et pour trouver des scènes extra-ordinaires qui seront parfaites pour des photos.
Photo Joel Meyerowitz
Photo Joel Meyerowitz
Photo Garry Winogrand
Photo Garry Winogrand
Trouver un camarade de jeu
Joël Meyerowitz dit de leur relation avec Garry Winogrand qu'ils étaient comme "deux gavroches" dans les rues du Bronx. Deux enfants essayant de capter la vie autant et aussi bien qu'ils pouvaient.
Garry aimait avoir de la compagnie. Il avait besoin d'être dehors dans les rues, et il avait besoin de compagnie avec lui tout le temps. C'était irrésistible, il était irrésistible. Il disait tout le temps "Allons-y ! Allons-y !" dès le début de notre relation, il m'appelait le matin et disait : "écoute, je te retrouve au Greasy Spoon au croisement d'Amsterdam et de la 96e. Nous prendrons un café, puis on sort et on photographie." Je sortais dans les rues intensément entre 1962 et 1965, avec ce gars, cette boule de nerfs inarrêtable.
Joël Meyerowitz - ByStander
Mes principaux camarades de jeu sont maintenant les participants à mes voyages-photo, où ceux à qui j'enseigne dans les rues de Salvador. Je me crois plus proche de Garry Winogrand sur cette aspect, j'aime avoir quelqu'un à qui montrer mes photos, discuter photographie ou des scènes que nous croisons, ou politique, ou quoi que ce soit en fait. La photographie, c'est mieux à plusieurs.
Et pour progresser j'ai adoré coller aux basques des grands photographes que j'ai trouvé sur ma route, merci à eux de m'avoir supporté. Trouvez un mentor et posez-lui toutes les questions que vous pouvez, ce sera toujours utile, et follement amusant.
Photo Garry Winogrand
Photo Garry Winogrand
Photo Joel Meyerowitz
Photo Joel Meyerowitz
La photographie est une méditation
Timing, intuition. C'est ce sixième sens que vous ne pouvez pas vraiment décrire à quelqu'un d'autre. Je ne voudrais pas aller de manière trop lourde sur cette partie mystique de la photographie, mais si vous êtes à un endroit suffisamment longtemps, que vous soyez en canoë le long du Grand Canyon ou si vous marchez le long de la 5ème avenue, vous commencez à apprendre le cours de la rivière ou des rues et à comprendre le comportement des gens. Si vous voyez une anomalie dans la foule, ou sentez un changement de densité de la foule, à 15 ou 20 mètres, vous allez vous préparer et essayer d'observer ce qui s'y passe, ce qui va arriver. Vous commencez à prévoir et à vous projeter en position et alors peut être que ça viendra de votre côté.
Joël Meyerowitz - ByStander
Rentrer dans cette zone si particulière de concentration n'arrive pas instantanément, ça se décide. Quand je commence à chercher des photos autour de moi, ma concentration grandit peu à peu. Une lumière étonnante, un détail amusant, puis tiens une scène qui correspond à ma focale, comment pourrais-je l'attraper. Et si j'allais là ? Mais pourquoi a-t-il l'air triste. Oh un beau rouge qui sort d'une zone d'ombre. Mais qu'est-ce que c'est que ce chapeau, haha ça n'a l'air de rien.
Quand je lève le nez il peut s'être passé 20 minutes, surtout si je n'ai personne avec moi. Rentrer dans la zone commence par une méditation, mon appareil, un réglage, ok je commence autour de moi, puis plus loin et je scanne, zone après zone. Et je recommence.
Photo Joel Meyerowitz
Photo Joel Meyerowitz
Photo Garry Winogrand
Photo Garry Winogrand
1200 ISO et être là
Nous travaillions de manière totalement différente de Robert Franck. C'est une différence de métabolisme, mais c'est aussi une différence technique. Avec Garry Winogrand nous utilisions de la pellicule Tri-X 400 que nous poussions à 1200 ASA [NDLE équivalent 1200 ISO si vous utilisez un appareil photo numérique]. La raison est que cela nous permettait d'avoir une vitesse au 1/1000e de seconde autant que possible, parce que si vous faites de la photo de rue au 1/125e de seconde, les photos sont floues. Si vous êtes en train de bouger vers quelque chose ou si votre sujet est en mouvement, l'un des deux mouvements ruinerait la photo. Je m'en suis rendu compte en observant le travail de Garry. Pousser le film comme ça était l'innovation de Garry.
Joël Meyerowitz - ByStander
Pendant des années j'ai photographié dans les rues ou en reportage en mode priorité vitesse au 1/250e de seconde, avec une sensibilité de 200, 400 ou 800 ISO selon les conditions de lumière. Mais avec le temps je reviens à plus de simplicité : Mode P et 1200 ISO minimum pour que la vitesse soit suffisamment élevée.
Moins je pense à mes réglages, plus je passe de temps à composer et à chercher des photos "dures" à réaliser. Le dicton populaire en photographie de rue est "F8 and be there" - "F8 et soyez-là". Mais je crois que "ISO 1200 et soyez-là" est encore plus pertinent.
L'ennui en photographie de rue
Il est facile de s'ennuyer en regardant de la photographie de rue. L'offre est devenue pléthorique avec l'explosion du nombre incalculable de photographes que l'on peut suivre, que ce soit sur Flickr, 500px ou maintenant Instagram. Mais ce sont surtout des photographes moyens ou en cours de progrès qui publient leur photos. Croyez bien que je m'inclus dans ce phénomène. J'ai commencé la photographie avec l'avénement des réseaux sociaux et trop longtemps j'ai partagé des photos que je trouve maintenant médiocres.
L'objet ici n'est pas de vous faire prendre conscience de la médiocrité ambiante, c'est une évidence. Ce dont il faut à mon avis prendre conscience et qui peut vous faire gagner un peu de temps et progresser :
On ne sait pas à quel point
on est un mauvais photographe
tant qu'on a pas progressé.
Heureusement en photographie vous n'aurez pas de ceinture jaune, rouge ou bleue, vous n'aurez pas de division 1, de district ou de compétition régionale. C'est notamment pour cette raison que je ne recommande absolument pas de participer à un club photo local qui ne vous permettra jamais de dépasser le niveau de ceux qui l'animent. À la limite si c'est pour vous donner des occasions de sorties et des thèmes pourquoi pas, mais s'il vous plait ne participez pas à des concours jugés par des photographes médiocres. VOUS devez être le seul juge de vos progrès, en vous comparant aux grands maîtres dont les travaux sont accessibles notamment par leurs livres.
Si vous vous donnez pour objectif de progresser, vous verrez les progrès, mais seulement au bout du chemin... Vous ne verrez vos défauts actuels qu'après avoir franchit un cap.
Pourquoi l'ennui
L'ennui en photographie de rue est si vite arrivé, il peut avoir différentes raisons :
- un passant qui marche de dos dans un lieu touristique.
- un cadrage mal maîtrisé.
- un sujet totalement banal.
- le cliché exotique pendant un voyage.
- un geste interrompu au mauvais moment. Certaines démarches fonctionnent, d'autres non, apprenez à les reconnaitre.
- un développement extrême ou à l'inverse extrêmement simple et sans relief. (je vous ai dit pour les profils colorimétriques ?).
- Une scène que vous êtes le/la seul.e à voir. Ne confondez pas le moment que vous avez passé avec la photo qui en est le résultat.
Les exemples sont sans fin. Il me parait essentiel de toujours se demander comment améliorer une photo, tout comme dans le doute il vaut mieux ne pas publier.
Développez un regard personnel
Nous avons tous un message important, mais uniquement s'il vient du fond du coeur. Plusieurs éléments peuvent vous permettre de progresser vers une photographie plus personnelle, qui sera toujours le meilleur moyen de lutter contre l'ennui du spectateur :
- Apprenez le langage visuel. Comment se transmet un message dans une image ? Quel est le signifié (ce que vous voulez dire) de votre signifiant (votre photo).
- Verbalisez vos photos pour les étudier. Commencez par les décrire dans le moindre détail, puis à en expliquez le sens, et enfin ce que vous ressentez en la voyant. Je vous recommande de parler à voix haute, comme si vous parliez à un ami, pour vous forcer à mettre des mots sur vos photos.
- Étudiez la symbolique. De quoi cette photo est-elle le symbole ? Comment feriez-vous si vous deviez photographier la séparation ? Le deuil ? Comment s'exprime la joie en dehors d'un sourire ? Exercice : choisissez un Emoji et essayez d'en faire une photo.
- Montrez vos photos à vos proches. Par exemple entre deux photos qui auraient un sens similaire, mais une composition légèrement différente, demandez-leur celle qu'ils préfèrent, et surtout demandez-leur pourquoi. Une personne ne fera pas de différence, vous resterez le/la seul.e juge, mais vous verrez le chemin que fait votre photo ou plutôt son sens chez quelqu'un d'autre.
- Ne sortez pas "pour faire des photos de [centre de la ville]", plutôt essayez de suivre un sujet. Quelques exemples pour commencer :
- Quelqu’un dans l’eau
- Quelqu’un d’intimidant
- Quelqu’un d’irritant
- Quelque chose de furtif
- Quelque chose d’intemporel
- Quelque chose que vous ne comprenez pas
- Quand vous revenez de votre shooting, demandez-vous ce que vous avez vraiment envie de photographier. Cela n'a pas besoin d'être profondément intellectuel ou compliqué.
- N'oubliez pas que le/la photographe de rue est avant tout un.e sociologue.
5 leçons sur la photographie de rue avec Elliot Erwitt
Elliot Erwitt est un photographe mondialement connu basé à New York mais constamment en voyage. Il est membre de l'agence Magnum depuis 1958, sa carrière continue depuis plus de 60 ans et il a été exposé dans de nombreux musées prestigieux. Elliott Erwitt est une sommité de la photographie et un grand maître de la photographie de rue.
Ces enseignements seront souvent illustrés par des photographies issues du livre Elliott Erwitt's NEW YORK dont je prends conscience à l'instant en commençant cet article que je possède un exemplaire signé. Je pense en avoir fait l'acquisition lors de l'une de ses expositions à Paris, mais rien n'est moins sûr. Je suis en tout cas un fan absolu du travail d'Elliott Erwitt, de son regard et de sa drôlerie, je ne peux pas imaginer présenter certains grands maîtres de la photographie de rue sans Elliott. Il représente une de mes inspirations majeures en photographie.
Eloge de la sérendipité
La sérendipité est la conjonction du hasard heureux qui permet au chercheur de faire une découverte inattendue d'importance ou d'intérêt supérieurs à l'objet de sa recherche initiale, et de l'aptitude de ce même chercheur à saisir et à exploiter cette « chance ». (Wikipédia)
Les photos d'Elliott Erwitt sont un éloge de la sérendipité, un hymne au hasard heureux et à la chance provoquée. La photographie de rue est une pratique qui est pleine de petits moments anodins, intéressants, curieux. La curiosité, voilà, c'est la qualité du photographe de rue. Et notre curiosité, notre soif de voir est étanchée par la sérendipité qui ne manquera pas d'arriver, si et seulement si nous sortons de chez nous pour faire des photos.
Photo Elliott Erwitt
USA. New York City. 1949.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1968.
Déambuler sans direction ou plan
Que vous soyez en train de découvrir une nouvelle ville ou que vous exploriez en bas de chez vous, laissez-vous porter par l'instinct, ne faites aucun plan. Elliott Erwitt explique régulièrement ne faire aucun plan quand il explore une ville, je crois que c'est la meilleure manière de pratiquer la photo de rue.
Trop souvent j'ai une idée pré-conçue de là où je souhaite aller, de ce que je voudrais voir ou photographier. Mais chaque fois que je décide d'aller photographier et d'avancer sans but ni trajectoire je découvre des scènes merveilleuses, une lumière incroyable ou un sujet inattendu. Ne soyez pas un touriste, restez un explorateur.
Quand j'emmène des groupes à New York, j'aime improviser en fonction de la météo, d'un ferry raté qui me fait aller dans une autre direction, d'envies soudaines ou d'inspirations sur des lieux photographiés par certains que j'admire. Je laisse toujours une place à l'inattendu, je crois que la photographie de rue devrait toujours être pratiquée ainsi.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1953.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1954.
Ne pas se soucier de la technique
Certaines des photos du livre Elliott Erwitt's New York ne sont tout bonnement pas justes techniquement. Mise au point approximative, notamment sur la photo de couverture ! Flou avec une vitesse qui pourrait paraître trop lente. Les exemples sont nombreux et ne posent aucun problème.
L'émotion passe devant la technique, le moment est plus important que la photo elle-même. C'est une leçon d'humilité et de curiosité, regardons avant de déclencher, observons plutôt que de régler. Et ne regardons pas nos photos quand nous sommes dehors, nous pourrions laisser passer un moment merveilleux.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Travailler toute sa vie
Tous les moments sont bons, même lors de commandes et de travaux qui peuvent paraître inintéressants. On retrouve dans Elliott Erwitt's New York quantité de clichés issus de son activité de photographe professionnel, des photos qui sont clairement des commandes. Et on trouve des moments de tendresse de son quotidien, des moments de vie de tous les jours. La photographie peut être tellement personnelle, intime, simple et profondément subtile en même temps. La photographie ne s'arrête jamais. C'est pourquoi je croie que pour devenir un meilleur photographe il faut se servir de son appareil tout le temps, toute sa vie.
Elliott Erwitt travaillera littéralement toute sa vie, aussi. Lors d'une interview en 2017 il explique alors à l'âge de 88 ans que ses 4 ex-femmes et 6 enfants ne lui laisseront jamais le temps d'une retraite pourtant bien méritée. Je me sens totalement concerné par cette observation, j'ai commencé bien trop tard et je ne mets jamais d'argent de côté, je sais que j'irai au bout et travaillerai tout ce que je pourrai. Ce qui ne me pose aucun problème, à part de ne pas pouvoir travailler en permanence sur des projets personnels. Mais les commandes sont aussi des occasions de voir autrement et différent.
Photo Elliott Erwitt
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1954. Jazz alto saxophonist Paul DESMOND.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York, New York. 1954. Third Avenue El.
Ne pas se prendre au sérieux
Les livres d'Elliott Erwitt sont pleins de drôlerie, de moments facétieux. Ces photos ne sont jamais des situations inconfortables ou honteuses, juste une pointe d'amusement souvent mêlée à une infinie tendresse. Ou parfois simplement un chien qui a une sacrée gueule.
Je partage avec Elliott un amour infini des chiens, dont nous sommes les meilleurs amis (et pas l'inverse). Je lui dois également la popularisation du 'Dogview', principe de prise de vues où le photographe se met à la hauteur d'yeux du chien.
La photographie n'est pas une question de vie ou de mort, c'est bien plus sérieux que ça ! Travailler sérieusement sans se prendre au sérieux, voilà un mantra fabuleux à garder des photos d'Elliott Erwitt.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1977.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo de rue et droit à l'image - Peut-on photographier des inconnus sans demander la permission ?
Oui, tant que c'est dans un espace public.
C'est la principale question de débutants dans mes workshops et certainement la question la plus posée à propos de la photographie de rue : Peut-on photographier des inconnus sans demander la permission ? Alors attaquons cette réponse en essayant d'être le plus concis possible, c'est à dire un peu plus qu'un "oui" qui devrait pourtant suffire. Les informations présentées ici sont issus d'articles et interviews de Manuel Dournes et Joëlle Verbrugge, juristes spécialisés et reconnus sur la question.
Le droit à l’image est régi par plusieurs textes :
Règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, Droit à l'effacement (article 17)
Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 - Informatique et libertés - Article 110
Code civil : articles 7 à 15, respect de la vie privée (article 9)
Code pénal : articles 226-1 à 226-7, Atteinte à la vie privée
Code pénal : articles 226-8 à 226-9, Atteinte à la représentation de la personne
Code de procédure civile : articles 484 à 492-1
Ces textes ne contiennent pas d'élément qui encadre directement le droit à l’image, c’est donc par jurisprudence que les désaccords sont réglés. En pratique le droit à l’image est en conflit avec le droit d’auteur, le droit qu’a le photographe de s’exprimer par la photographie. En cas de plainte, c’est donc au magistrat de décider s’il faut donner la priorité au droit d’auteur du photographe ou au droit à l’image de la personne photographiée.
Le droit à l'image n'intervient qu'à la publication
Sur le principe, on ne peut pas empêcher la prise de vue. Le droit à l’image intervient à la publication. À ce titre, Joëlle Verbrugge conseille de toujours déclencher d'abord, puis de se poser la question du droit de publication. La question du droit de la diffusion ne vient que dans un deuxième temps. C’est là qu’il est intéressant de garder un contact ou l'autorisation de ceux que l’on a pris en photo, surtout si le cliché est polémique.
En réalité à part dans le cas d'une diffusion qui amène un préjudice à la personne photographiée, vous avez tout à fait le droit également de diffuser les images sur Internet si vous n'êtes pas photo-journaliste ou photographe professionnel.
Légalement, les personnes photographiées ne peuvent obliger à effacer une photo sur le boitier
Selon Manuel Dournes des poursuites ne peuvent être engagées que s’il y a diffusion ou publication effectives. La prise de vue n’est pas en soi illicite, tant que les images ne circulent pas aucune poursuite ne peut être engagée. Les personnes qui s’estiment lésées doivent démontrer l’intention coupable de celui qui diffuse les images sauf en matière de diffamation où la charge de la preuve est renversée.
Ainsi selon Joëlle Verbrugge le photographe doit faire preuve de bon sens, si la personne photographiée est dans une situation peu enviable elle peut s'opposer à la diffusion de l'image. Son argument est alors que la photo porte atteinte à sa dignité, ce cas est protégé par le droit à l’image.
Ainsi on ne peut pas interdire l’acte de photographier lorsqu’il se déroule dans un lieu public. C’est la diffusion qui nécessite l’autorisation, pas la prise de vue tant que vous ne pénétrez pas dans un espace privé. Vous pouvez toujours expliquer à quelqu’un votre bon droit de prendre une photo, dont seule la diffusion nécessiterait (éventuellement) son accord.
Si le droit à l’image des personnes semble complexe, c’est parce qu’il est à la fois mal défini et protégé en France. Sa première apparition remonte à 1803 avec l’inscription de l’article 9 au Code civil : “Chacun a droit au respect de sa vie privée.” Toute personne physique a donc le droit d'autoriser ou non la diffusion des photos et vidéos sur lesquelles elle figure.
En deux siècles, la juridiction a autant évolué que les modes de diffusion des images. Ainsi, depuis 2008, pour que quelqu’un réussisse à faire interdire une publication, il faut qu’il prouve ce qui lui porte préjudice. Le simple fait de se reconnaître sur une image ne suffit pas.
Au-delà de cette jurisprudence, plusieurs cas de figure tempèrent l’article 9 depuis longtemps. Si la personne est non reconnaissable – lorsqu’un individu est flou, de dos, dans une foule, ou encore à contre-jour... –, l’autorisation n’est pas nécessaire. Il ne suffit pas que quelqu’un se reconnaisse sur une image parce qu’il se savait présent sur les lieux, par exemple ; il faut qu’il puisse être clairement identifiable par un tiers.
Les photographes de rue ont le droit de diffuser et vendre les photos
Joëlle Verbrugge l’explique également en citant le verdict d’un procès, la personne photographiée peut faire condamner la diffusion d'une photo :
quand l’image de la personne est contraire à sa dignité
quand la personne démontre que la diffusion lui cause « des conséquences d’une particulière gravité »
Elle donne un exemple : si vous photographiez un couple qui s’embrasse, mais qu’il s’agit d’un homme et de sa maitresse. La femme s'identifie sur votre cliché et demande le divorce à son mari. Ce dernier peut porter plainte pour préjudice moral et éventuellement financier.
S’il n’y a aucun préjudice, aucune conséquence sur la personne photographiée, le photographe est dans son droit. La liberté d’expression artistique prime sur le simple désir d’une personne qui ne souhaite pas voir son image diffusée.
Ce même droit d’expression artistique nous autorise également à vendre nos photos et les tirages, à les exposer, à éditer et vendre un livre photographique.
Connaissez votre droit
Il me parait crucial en photographie de rue de bien connaître ces éléments pour pouvoir réagir à certaines situations qui peuvent être un peu tendues quand une personne vous identifie en train de la prendre en photo. Le droit à l'image est systématiquement évoqué et si vous pratiquez la photo de rue suffisamment proche de vos sujets ces discussions finiront par arriver.
Gardez le sourire, présentez votre travail, demandez la permission de garder la photo ou de réaliser des portraits. Mais connaissez votre droit, vous avez le droit de garder cette photo.
Si vous voyagez, un droit différent s'applique dans chaque pays bien que ces principes soient largement partagés, la prise de photos dans un lieu public est très rarement interdite. Tout de même, renseignez-vous avant de partir en voyage.
Pour aller plus loin :
Comment choisir les bonnes photos
Avec le temps, ma sélection de photos est en train d'évoluer. Pendant mes premières années de photographie professionnelle, je dirais qu'un bon 80% de mes choix de photos, à la prise de vue comme à l'édition, correspondait à ce que je pensais ou croyais être "les bonnes photos". Je photographiais pour mes clients plus que pour moi. Je laissais la commande ou ce que j'imaginais être les photos qui fonctionnaient prendre le dessus sur mon envie, mon intuition, ma volonté créative. Je crois que je me suis perdu pendant quelques temps, en oubliant les premières photos qui m'ont donné envie de faire de la photo mon métier.
Je comprends maintenant que la liberté de voir est totale, absolue, infinie. Je suis le seul à me mettre ces barrières, alors que je sais au fond quelles photos je voudrais voir, quelles photos je voudrais choisir de prendre ou choisir de montrer. Certaines photos rejetées sont toujours là, je peux toujours retourner les voir et recommencer ma sélection.
Laissez le temps faire son oeuvre
La plus importante des méthodes de sélection des photos est de laisser du temps entre la prise de vue et l'édition. Nous avons tous des photos à envoyer vite, pour un client, un ami ou la famille, mais pour celles qui sont les plus importantes, je vous propose l'exercice : laissez passer une semaine, pourquoi pas un mois, avant de commencer à éditer les photos.
Vous aurez un oeil neuf, frais, détaché de l'émotion de la prise de vue. Vous expérimenterez aussi le plaisir incomparable de redécouvrir des instants que vous aurez oublié.
Underdogs - New York
Collectionnez les outsiders
Pour chaque projet, pour chaque voyage, je crée une collection de photos qui ont peu de chances de passer la sélection ou d'être publiées, mais pour lesquelles j'ai de l'affection. J'oublie toute règle ou convention, tous les principes de composition ou d'exposition. Ce sont simplement les images que j'aime. Elles sont toujours classées par thématique, par projet ou événement, mais elles sont à côté. Les outsiders. Les underdogs.
Souvenez-vous qu'en sport on aura toujours tendance à vouloir que le petit poucet gagne. Les belles victoires sont gagnées par ceux qui n'avaient aucune chance. Et puis quand vous en aurez suffisamment dans cette collection, posez vous la question : et si je devais publier uniquement les outsiders, ça donnerait quoi ? Si vous deviez choisir les meilleures des "pas assez bonnes", est-ce que vous pourriez encore raconter cette histoire ? Parfois oui. Et quand ça marche... c'est une belle victoire.
Underdogs - Paris
Commencez plus de projets que vous ne pourrez jamais publier
Les meilleurs projets photographiques devraient finir dans un livre, une exposition, un film... un ensemble cohérent qui devient plus que la somme de ses photos.
Pour trouver les projets qui vous parlent, qui vous font avancer, qui vous prennent au tripes, ça ne viendra pas du premier coup. On ne commence pas par écrire un roman du premier coup. On commence par la grammaire et le vocabulaire, la syntaxe et une rédaction. Puis une nouvelle, des dialogues, et enfin une histoire. Est-ce que la première histoire est la bonne ? On peut avoir cette impression parce que c'est un aboutissement, la somme de travail en amont est vertigineuse. En réalité créer un projet est une démarche en elle-même que je vous conseille de pratiquer également. Faites des erreurs, écrivez plus d'idées de projets que vous ne pourrez jamais en réaliser.
Travailler sur un projet photographique est un travail d'auteur. Multipliez les projets, commencez par voir des similitudes dans des photos qui n'ont rien à voir, cherchez des histoires à raconter dans les photos que vous avez déjà. Et commencez à assembler des collections de photos sur une intuition, sur une intention créative similaire, écrivez tous les titres de projets que vous pourrez imaginez.
De temps en temps vous aurez un projet que vous ne pourrez plus lâcher, parce qu'il vous parle ou parle de vous. Aussi parce que vous en aurez raté ou abandonné des dizaines avant.
My Soul so Cool from the Bath of Light
My Soul so Cool from the Bath of Light
Horizons New York
Horizons Paris
2 projets commencés, un seul ira au bout
Passez en miniatures
Les photos fortes sont toujours fortes quand elles sont toutes petites. Sur votre logiciel d'édition, affichez votre shooting en miniature et identifiez les meilleures très rapidement en regardant l'ensemble de loin. Cela ne vous dispense pas d'un vrai travail d'édition. Mais vous verrez parfois des photos que vous avez laissé de côté pour de mauvaises raisons.
Cette méthode fonctionne également avec une collection de photos dont le volume est trop important, où vous avez peut être le sentiment qu'elles fonctionnent toutes. Effectuez un tri parmi une collection de photos que vous trouvez réussies et ne gardez que celles qui fonctionnent en miniature.
Les meilleures photos fonctionnent toujours en miniature
Séparez la couleur du noir et blanc
La couleur et le noir et blanc sont tout à fait compatibles. Mais je les crois tellement différents dans leur principe que je vous recommanderai de les séparer pour la sélection de photos. Le noir et blanc donne des sentiments radicaux. La couleur vous plongera dans des émotions tellement variées.
Les mélanger me semblerait être un voyage en montagnes russes, trop d'infos contradictoires, trop d'éléments dissemblables qui ne se répondent plus.
Personnellement sur un projet ou un événement, je commence par l'un des deux, généralement la couleur. Puis j'ai une deuxième phase d'édition avec un ensemble très large de photos, y compris certaines rejetées en couleur. Je les passe toutes en noir et blanc avec un pré-réglage et je recommence l'édition en noir et blanc. La sélection est très souvent différente, et ne partage pas les mêmes émotions ou informations.
Ma sélection finale sera parfois en noir et blanc, parfois en couleur, parfois les deux. Mais le travail d'édition je le réalise dans l'une puis l'autre.
Même salle, deux ambiances
Même photo, pas la même photo
Refusez de choisir deux photos similaires
Trop souvent sur des séries ou des événements j'ai tendances à choisir des photos qui se ressemblent dans les premières étapes. Tout simplement sur un moment précis magnifique ou un cadrage que l'on voit fonctionner on le répète pour essaye de l'améliorer. La photographie numérique nous permet cette recherche et ce perfectionnement, j'en profite souvent.
Mais au moment de la sélection finale, je refuse d'avoir deux photos similaires ou proches dans l'intention, l'idée ou l'information que les photos transmettent.
C'est parfois dur, parce que j'aime franchement plusieurs photos dans ces moments-là. Mais je me l'impose pour surtout éviter la monotonie qui peut venir si vite sur une série de photo. Et puis les rejetées à ce moment là, elles vont garnir mon dossier d'outsiders. Avec un peu de temps, elles referont peut être surface et gagneront le droit d'être publiées.
9 techniques de composition en photographie de rue
Je voudrais vous dire qu'il n'y a pas de règles en composition, mais que l'on peut tout de même trouver quelques méthodes ou techniques qui fonctionnent bien et régulièrement. Ce ne sont pas des règles, mais des outils.
Votre objectif en photographie de rue doit être de constituer un "arsenal" de compositions avec lesquelles vous êtes à l'aise parce que vous les avez répétées des dizaines et des dizaines de fois. Vous pourrez ainsi les utiliser dans toutes les situations qui se présentent à vous en photographie.
Voici 9 techniques de composition en photographie de rue que je pratique régulièrement, toutes illustrées à New York ces derniers mois :
Cherchez les reflets
Quand il pleut à New York je sais que je vais trouver des reflets partout. Et si la drache est forte, j'ai des parapluies à disposition à toutes les sorties de métro pour 5$. La pluie est une bénédiction :)
Fonctionne aussi avec les miroirs, devantures en verre, tout ce que vous pouvez trouver vraiment.
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Approchez vous autant que possible
Plus vous serez proche de votre sujet, plus la connexion et l'empathie par celui qui verra votre photo sera forte.
Si vous avez peur d'y aller, dites-vous que c'est tout à fait normal. Un photographe de rue compose avec cette peur, on s'y habitue mais elle ne part jamais vraiment.
Et si vous avez besoin de mes petits trucs pour vous approcher, c'est par ici.
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse New York, 2018
Isolez votre sujet
Il peut parfois être difficile de n'avoir qu'un seul personnage sur sa photo dans une grande ville. Trouvez un cadre intéressant ou graphique et attendez qu'une seule personne passe dans votre cadre.
J'aurais pu aussi vous proposer l'exact inverse : attendez qu'il y ait plus de monde ;)
Photo Genaro Bardy - New York, Dec 2018
Photo Genaro Bardy - New York, Dec 2018
Changez de perspective
Mettez vous au sol et passez en "dogview". Levez votre appareil au dessus de votre tête à bout de bras. Inclinez votre appareil. Plongée, contre-plongée... Ne vous limitez pas aux photos droites et à hauteur d'yeux.
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2018
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Proposez des portraits
La photographie de rue devrait être absolument naturelle, "non posée" ? Quel est l'imbécile qui a sorti ça ? Frick the rules. Pardon mais zut et flute.
Demandez des portraits à ceux que vous rencontrez et pratiquez dans des conditions difficiles. Demandez-vous comment améliorer vos cadrages, comment obtenir de meilleurs arrière-plans, comment vous servir de la lumière naturelle, comment être fidèle à la personne devant vous ?
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2016
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Sept 2018
Cherchez les contrastes
La photographie est littéralement de la "peinture avec la lumière". Si la lumière vous semble trop faible, c'est parfois bon signe. Cherchez des contrastes forts, ils sont toujours agréables à l'oeil.
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Identifiez des lignes directrices
Les lignes vont guider le regard dans votre photo. Et les flèches seront suivies instinctivement.
Photo Genaro Bardy - New York, Avr 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Juxtaposez plusieurs cadres
Cherchez des "cadres dans le cadre", qui seraient délimités par des fenêtres, des portes, ou toute forme géométrique. Puis superposez plusieurs cadres dans une même photo.
Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2018
A-MU-SEZ VOUS !
La première règle en photographie de rue est qu'il n'y a pas de règles. La composition est d'abord un instinct, avec une seule constante : utilisez l'intégralité de votre cadre. Ne vous limitez pas au centre de votre appareil, c'est finalement la seule règle que l'on devrait apprendre. Au delà de ce principe, la ville est un terrain de jeu. Amusez-vous !
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019
Commencez par ce qui vous intéresse
Si vous débutez en photographie de rue, il est légitime de se demander :
"Qu'est-ce que je vais bien pouvoir photographier ?"
Je vous propose de commencer par sortir de chez vous et d'aller dans le premier lieu public qui vous vient à l'esprit. Peut-être est-ce la gare qui vous emmène au travail, le parc où vous promenez votre enfant, votre chien ou les deux, un centre commercial où vous avez besoin de faire une course. Ce que je vous propose est d'intégrer la photographie de rue dans votre vie quotidienne.
Simplement prenez votre appareil photo et donnez-vous 15 minutes, pourquoi pas 30 minutes, et commencez à photographier TOUT ce qui vous intéresse. Un visage que vous trouvez intrigant, des mains qui se tiennent, de l'architecture nouvelle ou en construction, un détail au sol. Photographiez des publicités, des lettres, des mots, des signes, des formes géométriques. Et commencez à parler avec des inconnus. Posez leur des questions étonnantes ("qu'est-ce qui vous rend fier ?") ou toutes simples, engagez la conversation et faites des portraits. Prenez les emails et envoyez les photos.
N'ayez pas peur de déclencher, la photographie numérique permet le luxe de chercher constamment, prenez ce cadeau et faites en des photos anodines, infantiles, amusantes ou terrifiantes. Vous êtes seuls avec ces photos et rien ne vous oblige à les partager ou à penser absolument à être un artiste qui connait toute l'histoire de la photographie. La photographie est simple, c'est ce qui vous plait et ce à quoi vous avez accès.
Ne cherchez pas à savoir si ce que vous faites est "de la photographie de rue" stricto sensu, ne répondez pas à des critères ou des définitions. La photographie de rue n'a aucune règle si vous le décidez.
Un seul conseil : prenez des chaussures confortables. Il se pourrait bien que vous ayez envie de recommencer.
Photo Genaro Bardy - Itaparica, Dezembro 2019
Photo Genaro Bardy - Pituba, Dezembro 2019
Photo Genaro Bardy - Lisboa, Novembro 2019
Ce que j'ai appris en photographiant comme Bruce Gilden
Depuis que j'ai découvert la photographie de rue, les photos de Bruce Gilden génèrent chez moi une fascination, elles m'obsèdent. Le seul autre photographe qui me donne ce genre de sentiment est Alex Webb, qui fera l'objet d'un autre article sur ce format.
Bruce Gilden est connu pour utiliser une méthode de prise de vues radicale, qui crée la polémique dans les commentaires sur tout ce qu'il produit : le flash à très courte distance de ses sujets, la plupart du temps sans demander la permission.
J'ai voulu pratiquer cette technique de prise de vues pour deux raisons :
on ne peut pas vraiment s'approcher plus près des sujets en photo de rue, c'est pour moi l'étape ultime de la démarche.
je voulais repousser mes limites personnelles, voir de quoi j'étais capable. Je me suis lancé ça comme un défi, une performance. Je ne savais pas à quel point j'allais apprécier le résultat.
Ce que j'ai appris en photographiant comme Bruce Gilden :
Les gens sont le plus souvent sympathiques avec un photographe
Cet homme pourrait avoir un regard qui parait sombre en fronçant les sourcils. C'est qu'il est bien curieux de voir débouler un gaillard le flash à la main pour se coller dans votre nez. Mais le moment l'a amusé, il était joyeux à à finit notre petit moment ensemble en nous bénissant. Je n'ai pas su s'il était pasteur étant parti un peu vite, mais ce monsieur représente bien mon sentiment général en photographie de rue.
Les gens que je croise sont pour une grande majorité sympathiques si vous photographiez avec le sourire et transmettez de la joie de vivre. Oui le flash à un mètre génère plus de réactions méprisantes voire agressives, mais dans l'ensemble elles restent des cas particuliers qui sont juste mis en valeur par la méthode. Ces réactions négatives ne dépassent pas 10% avec la méthode de prise de vues la plus agressive en apparence. [Faith in humanity restored]
Parisiens, 2019
Le flash résout beaucoup de problèmes techniques
Vitesse fixe à 1/160e de secondes ou au 1/200e, ouverture à F8.0 pour avoir une bonne profondeur de champ, le flash qui fige le(s) sujets. Quelques soient les conditions de lumière je peux travailler et me concentrer sur l'interaction avec les personnes que je rencontre. L'interaction est inévitable et je préfère largement être dans ces conditions et me concentrer sur la photo puis sur l'explication éventuelle de la démarche si la personne s'arrête.
Mon taux de photos "gardées" n'est pas meilleur, mais quand j'en ai une qui est forte elle me marque plus durablement. Le flash a une certaine tendance à rendre tout plus beau, mais surtout il me fait oublier les réglages de mon appareil, ou me permet de ne pas penser au sens de la lumière.
C'est extrêmement appréciable de se concentrer uniquement sur ce qui vous entoure et de rechercher le bon sujet/cadrage.
Parisiens, 2019
Impossible d'anticiper une photo
C'est peut être parce que je débute dans cette pratique, mais il m'est apparut difficile d'anticiper une photo, de savoir avant quel type de photo j'allais obtenir.
Il m'est aussi devenu impossible de savoir si j'allais être vu avant ou au moment du déclenchement, ou quel allait être le type de réaction qui serait capturé. C'est de la pure chasse, on ne peut pas composer avant de s'approcher.
C'est très nouveau pour moi et particulièrement excitant, ce doit être dû probablement à une bonne montée d'adrénaline.
Bahianos, 2019
Demander la permission marche toujours aussi bien
C'est la base en photo de rue, si vous avez peur d'y aller demandez la permission. Cela vous habituera à aller au contact, vous pourrez capter des moments naturels autour du portrait que vous aurez demandé, et enfin vous constaterez que la plupart des gens sont charmants.
Je vais pas vous mentir je ne faisais pas le fier la première fois que j'ai tenté l'expérience sur la plage de Barra, coin qui peut être réputé assez chaud à Salvador. Du coup je me suis raccroché aux bases, j'ai systématiquement demandé la permission avant de shooter. Alors oui, j'ai fait du portrait avant tout, mais je crois aussi avoir attrapé quelques beaux moments. Et puis ça m'a détendu et j'ai fini par déclencher sans demander sur la fin.
Bahianos, 2019
Se baisser au sol est utile, et difficile à maitriser
Observer Bruce Gilden travailler est maintenant facile, si vous n'avez pas peur de l'anglais : https://www.youtube.com/watch?v=ejlIgyYhlJ8
Avant de commencer cette technique du flash à un mètre je ne voyais pas bien l'intérêt de chercher à me mettre au sol. En essayant c'est apparu comme une évidence, ça permet de composer en remplissant le cadre plus facilement. Et ça donne un sentiment exacerbé en rendant le sujet "dominant" avec la contre-plongée.
Du point de vue de la réaction du sujet, si vous ne demandez pas la permission ça permet d'être vu plus souvent comme une curiosité plutôt qu'une menace.
Si j'avais un conseil, je vous dirais de faire attention à ne pas viser trop haut. La séquence passe tellement vite que l'on a vite fait d'avoir 2/3 de ciel sur sa photo, ce qui est rarement efficace sur le résultat.
New Yorkers, 2019
Continuer à arpenter les mêmes rues
Le taux de réussite est traditionnellement très bas en photographie de rue, je l'ai trouvé encore plus faible avec cette technique. Probablement qu'avec une pratique plus régulière j'arriverais à m'en sortir un peu mieux, mais combien de clichés ratés pour une photo potable ? Pfffffiiiu il faut être persévérant.
Puis àpartir d'une certaine heure, quand les conditions de lumières commencent à être faibles, les contrastes avec le flash deviennent extrêmes. C'est un style mais pas celui que je recherchais, ça m'a laissé peu de temps pour travailler.
Ainsi si je veux avoir une série de photo intéressante, il m'a semblé encore plus important de revenir encore et encore au même endroit. D'ailleurs Bruce Gilden est connu pour avoir écumé New York quasi exclusivement sur la 5ème Avenue, pour des raisons de lumière et de population rencontrée, mais je crois que c'est aussi nécessaire à cette pratique.
New Yorkers, 2019
Le résultat est radicalement différent
Avec le flash à un mètre, sans demander la permission, j'ai trouvé les photos fortes, intenses, radicales. Les prises de vues m'ont pris aux tripes comme jamais et je trouve que cela se ressent dans les photos. Peut-être que je me projette trop dans ces photos, c'est une technique nouvelle pour moi. Mais j'ai le sentiment d'être aller explorer quelque chose de nouveau chez moi et chez les personnes que j'ai croisées est bien ancré, là, et j'ai très envie d'y retourner le plus tôt possible.
Découvrir sa personnalité
Avec cette technique, le choix des sujets devient crucial. J'ai très vite compris que je ne pouvais pas photographier tout le monde que je croise (duh), le choix des sujets devient forcément personnel.
Je dois reconnaitre avoir été un peux vexé quand on m'a dit que je ne photographiait "que les vieux" avec mes premières photos sur Twitter. Je n'ai pas été jusqu'à penser qu'on allait saluer la démarche, je sais ce que ce genre de photos génèrent comme commentaires, mais je ne pensais pas être tellement accroché sur la méthode.
Bruce Gilden se décrit comme un "bulldog" dans les rues de New York, sa démarche est radicale et sa manière d'être également. Il peut paraître choquant de l'entendre dire "Je ne savais pas que la rue vous appartenait" à un passant pas content d'être flashé au milieu d'un trottoir. J'ai trouvé ça drôle, au delà du fait que c'est très vrai (la rue ne nous appartient pas).
Et je me suis surpris à défendre des clichés que je voulais garder, à refuser de les effacer alors que je le conseillerai toujours quand j'enseigne. C'est que je dois être moi aussi un bulldog.
Connaître son droit
La méthode est extrême, mais elle reste autorisée. De l'importance de bien connaître son droit, sur Twitter comme dans la rue.
Voici le texte de loi évoqué dans cette conversation : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32103
Et la réponse que je lui ai opposé : http://thomas-benezeth.fr/blog/le-droit-a-limage-en-photo-de-rue/
Je vais continuer
En conclusion je dirai que j'ai adoré cette pratique. Autant pour les photos qui en sont sorties que pour ce que ça m'a permit d'apprendre sur les autres et sur moi. Je crois que la photographie de rue est avant tout une expérience sociologique, tournée vers les autres et sur nos modes de vie. Cette pratique de la photo de rue en révèle des aspects que je ne soupçonnais pas. Et je n'ai qu'une seule hâte, y retourner.
9 techniques pour s'approcher en photo de rue
S'approcher en photographie de rue est à la fois un des meilleurs moyens de progresser en composition et ce qui pose le plus de problèmes pour tous les photographes que je rencontre.
Rendons à Capa la phrase qu'il a laissé à la photographie :
Si vos photos ne sont pas assez bonnes,
c’est parce que vous n’êtes pas assez près.
Robert Capa
Je vois deux principales raisons qui permettent de dire que vos compositions seront meilleures en vous approchant :
S'approcher permet de remplir son cadre. Il est essentiel de considérer l'intégralité de votre cadre, jusque dans ses coins. Et s'approcher est une méthode qui aura un impact différent du zoom. Je crois d'ailleurs que le zoom est un frein à la photographie de rue parce qu'il est plus menaçant, mais rien n'empêche de pratiquer avec un zoom.
La proximité crée une émotion plus grande avec le sujet, permet plus d'empathie. Je parle bien sûr pour celui qui regarde votre photo.
Enfin si vous débutez en photographie de rue, je ne vous conseillerai jamais de vous limiter à une seule pratique. Si vous refusez envers et contre tout de vous approcher vous vous privez purement et simplement de la majeure partie des photos que vous pourriez réaliser. Comment savoir quel le style qui vous correspond le mieux, si vous n'en essayez pas au moins quelques-uns ?
Mon idée ici ne sera pas de vous permettre de travailler sur vos peurs, sur ce qui vous permet probablement de justifier de ne pas vous approcher des inconnus dans la rue. Ces peurs nous les avons tous. Je me souviens comme si c'était hier de la frousse monumentale qui me saisit lors de ma première sortie photo, alors que j'étais en train de demander de faire le portrait d'un inconnu. Encore aujourd'hui quand j'essaye de nouvelles pratiques plus extrêmes, cette peur revient, c'est bien naturel.
Mon propos sera de vous donnez quelques clés pour surmonter ces peurs et commencer à vous approcher sans créer de conflit avec les personnes que vous rencontrez.
Voici 9 techniques pour s'approcher en photo de rue :
Demandez la permission
C'est la première étape en photo de rue, commencez par allez vers les autres et demandez la permission. Cela vous permettra de voir que la plupart des gens sont charmants, et vous pourrez toujours obtenir des attitudes naturelles en poursuivant la conversation tout en continuant à déclencher.
Donnez l'impression de viser ailleurs
Quand vous serez repéré en photographie de rue, parce que vous serez repéré à un moment ou un autre si vous vous approchez :), la plupart du temps les personnes croisées regarderont dans la direction de votre objectif.
Si vous ne placez pas votre sujet au centre de votre photo, et que vous continuez à regardez droit devant vous après avoir déclenché, quasiment à chaque fois votre sujet ne croira pas être pris en photo.
Cela fonctionne bien entendu beaucoup mieux avec un grand angle.
Trouvez un cadre et attendez
Placez-vous à un endroit où les passants sont obligés de vous approcher, anticipez la vitesse de vos sujets et déclenchez au bon moment.
Ayez l'air d'un touriste
Si vous aimez les vestes à poches et les gros zooms, il est probable que vous soyez repéré rapidement. Disclaimer : j'adore ma veste à 27 poches mais je la place sous ma veste quand je m'en sers.
Je n'ai aucun problème à avoir l'air d'un gros touriste, au contraire. C'est nettement moins menaçant. Il est fréquent d'avoir envie de sortir avec deux boitiers, deux zooms et tout l'équipement dans un sac, mais au delà de la fatigue c'est beaucoup plus intimidant pour les personnes que vous rencontrerez et ça génèrera des réactions beaucoup plus agressives.
De la même manière je ne cache pas mon appareil, il est en évidence autour de mon cou et si l'on me pose la question je dis que je suis photographe et j'engage la conversation. Rien de pire qu'un sniper qui part en baissant les yeux.
Accédez au programme - cliquez ici
Pour chasser en photographie de rue, tournez autour de votre sujet en essayant de ne pas être repéré. Si vous êtes remarqué, expliquez votre démarche, dites que vous êtes photographe, puis demandez si vous pouvez réaliser un portrait.
Ne regardez pas dans les yeux
C'est parfois le bruit du déclenchement qui va vous trahir. Regardez plus loin que votre sujet, sans accrocher son regard, comme si vous visiez quelque chose derrière lui. Si l'on vous pose la question, recommencez ce qui doit être une habitude : expliquez votre démarche, dites que vous pratiquez la photo de rue, montrez vos photos, proposez de les envoyer. Puis demandez un portrait :)
Ayez l'air de filmer
C'est une technique redoutable alors que le procédé relève exactement du même principe. Passez votre appareil en 'live view' et donnez l'impression de filmer une vidéo, on ne fera généralement pas attention à vous.
Faites réagir
Les réactions au photographe en photo de rue peuvent être très intéressantes. Parlez, brisez la glace, soyez présent dans votre photographie. C'est le moment de sortir votre meilleure blague ou vos plus beaux compliments.
Continuez à photographier
La photo de rue ne s'arrête pas au premier déclenchement, travaillez vos scènes et continuez à chasser le meilleur cliché, même après avoir demandé un portrait.
Bonus : ce qui est petit est mignon
La discrétion en photographie de rue est essentielle. C'est pourquoi je ne me sépare jamais d'au moins un appareil, le plus petit possible. En l'occurence un Ricoh GRII qui tient littéralement dans la poche, et qui me donne encore plus l'air d'un touriste qui photographie sans conséquence.