L'ennui en photographie de rue

Il est facile de s'ennuyer en regardant de la photographie de rue. L'offre est devenue pléthorique avec l'explosion du nombre incalculable de photographes que l'on peut suivre, que ce soit sur Flickr, 500px ou maintenant Instagram. Mais ce sont surtout des photographes moyens ou en cours de progrès qui publient leur photos. Croyez bien que je m'inclus dans ce phénomène. J'ai commencé la photographie avec l'avénement des réseaux sociaux et trop longtemps j'ai partagé des photos que je trouve maintenant médiocres.

L'objet ici n'est pas de vous faire prendre conscience de la médiocrité ambiante, c'est une évidence. Ce dont il faut à mon avis prendre conscience et qui peut vous faire gagner un peu de temps et progresser :

On ne sait pas à quel point
on est un mauvais photographe
tant qu'on a pas progressé.

Heureusement en photographie vous n'aurez pas de ceinture jaune, rouge ou bleue, vous n'aurez pas de division 1, de district ou de compétition régionale. C'est notamment pour cette raison que je ne recommande absolument pas de participer à un club photo local qui ne vous permettra jamais de dépasser le niveau de ceux qui l'animent. À la limite si c'est pour vous donner des occasions de sorties et des thèmes pourquoi pas, mais s'il vous plait ne participez pas à des concours jugés par des photographes médiocres. VOUS devez être le seul juge de vos progrès, en vous comparant aux grands maîtres dont les travaux sont accessibles notamment par leurs livres.

Si vous vous donnez pour objectif de progresser, vous verrez les progrès, mais seulement au bout du chemin... Vous ne verrez vos défauts actuels qu'après avoir franchit un cap.

Photo Genaro Bardy - Parisiens, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - Paris, Juin 2019

Photo Genaro Bardy - Parisiens, Juin 2019

Pourquoi l'ennui

L'ennui en photographie de rue est si vite arrivé, il peut avoir différentes raisons :

  • un passant qui marche de dos dans un lieu touristique.
  • un cadrage mal maîtrisé.
  • un sujet totalement banal.
  • le cliché exotique pendant un voyage.
  • un geste interrompu au mauvais moment. Certaines démarches fonctionnent, d'autres non, apprenez à les reconnaitre.
  • un développement extrême ou à l'inverse extrêmement simple et sans relief. (je vous ai dit pour les profils colorimétriques ?).
  • Une scène que vous êtes le/la seul.e à voir. Ne confondez pas le moment que vous avez passé avec la photo qui en est le résultat.

Les exemples sont sans fin. Il me parait essentiel de toujours se demander comment améliorer une photo, tout comme dans le doute il vaut mieux ne pas publier.

Photo Genaro Bardy - My soul so cool from the bath of light - Bogota, Sept 2019

Photo Genaro Bardy - My soul so cool from the bath of light - Bogota, Sept 2019

Photo Genaro Bardy - My soul so cool from the bath of light - Salvador, Sept 2019

Développez un regard personnel

Nous avons tous un message important, mais uniquement s'il vient du fond du coeur. Plusieurs éléments peuvent vous permettre de progresser vers une photographie plus personnelle, qui sera toujours le meilleur moyen de lutter contre l'ennui du spectateur :

  • Apprenez le langage visuel. Comment se transmet un message dans une image ? Quel est le signifié (ce que vous voulez dire) de votre signifiant (votre photo).
  • Verbalisez vos photos pour les étudier. Commencez par les décrire dans le moindre détail, puis à en expliquez le sens, et enfin ce que vous ressentez en la voyant. Je vous recommande de parler à voix haute, comme si vous parliez à un ami, pour vous forcer à mettre des mots sur vos photos.
  • Étudiez la symbolique. De quoi cette photo est-elle le symbole ? Comment feriez-vous si vous deviez photographier la séparation ? Le deuil ? Comment s'exprime la joie en dehors d'un sourire ? Exercice : choisissez un Emoji et essayez d'en faire une photo.
  • Montrez vos photos à vos proches. Par exemple entre deux photos qui auraient un sens similaire, mais une composition légèrement différente, demandez-leur celle qu'ils préfèrent, et surtout demandez-leur pourquoi. Une personne ne fera pas de différence, vous resterez le/la seul.e juge, mais vous verrez le chemin que fait votre photo ou plutôt son sens chez quelqu'un d'autre.
  • Ne sortez pas "pour faire des photos de [centre de la ville]", plutôt essayez de suivre un sujet. Quelques exemples pour commencer :
    • Quelqu’un dans l’eau
    • Quelqu’un d’intimidant
    • Quelqu’un d’irritant
    • Quelque chose de furtif
    • Quelque chose d’intemporel
    • Quelque chose que vous ne comprenez pas

  • Quand vous revenez de votre shooting, demandez-vous ce que vous avez vraiment envie de photographier. Cela n'a pas besoin d'être profondément intellectuel ou compliqué.
  • N'oubliez pas que le/la photographe de rue est avant tout un.e sociologue.

Photo Genaro Bardy - Parisiens, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - My soul so cool from the bath of light - Riohacha, Colombia Sept 2019

Photo Genaro Bardy - Parisiens, Nov 2019

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5 leçons sur la photographie de rue avec Elliot Erwitt

Photo Elliott Erwitt

Elliot Erwitt est un photographe mondialement connu basé à New York mais constamment en voyage. Il est membre de l'agence Magnum depuis 1958, sa carrière continue depuis plus de 60 ans et il a été exposé dans de nombreux musées prestigieux. Elliott Erwitt est une sommité de la photographie et un grand maître de la photographie de rue.

Ces enseignements seront souvent illustrés par des photographies issues du livre Elliott Erwitt's NEW YORK dont je prends conscience à l'instant en commençant cet article que je possède un exemplaire signé. Je pense en avoir fait l'acquisition lors de l'une de ses expositions à Paris, mais rien n'est moins sûr. Je suis en tout cas un fan absolu du travail d'Elliott Erwitt, de son regard et de sa drôlerie, je ne peux pas imaginer présenter certains grands maîtres de la photographie de rue sans Elliott. Il représente une de mes inspirations majeures en photographie.

Eloge de la sérendipité

La sérendipité est la conjonction du hasard heureux qui permet au chercheur de faire une découverte inattendue d'importance ou d'intérêt supérieurs à l'objet de sa recherche initiale, et de l'aptitude de ce même chercheur à saisir et à exploiter cette « chance ». (Wikipédia)

Les photos d'Elliott Erwitt sont un éloge de la sérendipité, un hymne au hasard heureux et à la chance provoquée. La photographie de rue est une pratique qui est pleine de petits moments anodins, intéressants, curieux. La curiosité, voilà, c'est la qualité du photographe de rue. Et notre curiosité, notre soif de voir est étanchée par la sérendipité qui ne manquera pas d'arriver, si et seulement si nous sortons de chez nous pour faire des photos.

Photo Elliott Erwitt

USA. New York City. 1949.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1968.

Déambuler sans direction ou plan

Que vous soyez en train de découvrir une nouvelle ville ou que vous exploriez en bas de chez vous, laissez-vous porter par l'instinct, ne faites aucun plan. Elliott Erwitt explique régulièrement ne faire aucun plan quand il explore une ville, je crois que c'est la meilleure manière de pratiquer la photo de rue.

Trop souvent j'ai une idée pré-conçue de là où je souhaite aller, de ce que je voudrais voir ou photographier. Mais chaque fois que je décide d'aller photographier et d'avancer sans but ni trajectoire je découvre des scènes merveilleuses, une lumière incroyable ou un sujet inattendu. Ne soyez pas un touriste, restez un explorateur.

Quand j'emmène des groupes à New York, j'aime improviser en fonction de la météo, d'un ferry raté qui me fait aller dans une autre direction, d'envies soudaines ou d'inspirations sur des lieux photographiés par certains que j'admire. Je laisse toujours une place à l'inattendu, je crois que la photographie de rue devrait toujours être pratiquée ainsi.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1953.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1954.

Ne pas se soucier de la technique

Certaines des photos du livre Elliott Erwitt's New York ne sont tout bonnement pas justes techniquement. Mise au point approximative, notamment sur la photo de couverture ! Flou avec une vitesse qui pourrait paraître trop lente. Les exemples sont nombreux et ne posent aucun problème.

L'émotion passe devant la technique, le moment est plus important que la photo elle-même. C'est une leçon d'humilité et de curiosité, regardons avant de déclencher, observons plutôt que de régler. Et ne regardons pas nos photos quand nous sommes dehors, nous pourrions laisser passer un moment merveilleux.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York.

Travailler toute sa vie

Tous les moments sont bons, même lors de commandes et de travaux qui peuvent paraître inintéressants. On retrouve dans Elliott Erwitt's New York quantité de clichés issus de son activité de photographe professionnel, des photos qui sont clairement des commandes. Et on trouve des moments de tendresse de son quotidien, des moments de vie de tous les jours. La photographie peut être tellement personnelle, intime, simple et profondément subtile en même temps. La photographie ne s'arrête jamais. C'est pourquoi je croie que pour devenir un meilleur photographe il faut se servir de son appareil tout le temps, toute sa vie.

Elliott Erwitt travaillera littéralement toute sa vie, aussi. Lors d'une interview en 2017 il explique alors à l'âge de 88 ans que ses 4 ex-femmes et 6 enfants ne lui laisseront jamais le temps d'une retraite pourtant bien méritée. Je me sens totalement concerné par cette observation, j'ai commencé bien trop tard et je ne mets jamais d'argent de côté, je sais que j'irai au bout et travaillerai tout ce que je pourrai. Ce qui ne me pose aucun problème, à part de ne pas pouvoir travailler en permanence sur des projets personnels. Mais les commandes sont aussi des occasions de voir autrement et différent.

Photo Elliott Erwitt

Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1954. Jazz alto saxophonist Paul DESMOND.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York, New York. 1954. Third Avenue El.

Ne pas se prendre au sérieux

Les livres d'Elliott Erwitt sont pleins de drôlerie, de moments facétieux. Ces photos ne sont jamais des situations inconfortables ou honteuses, juste une pointe d'amusement souvent mêlée à une infinie tendresse. Ou parfois simplement un chien qui a une sacrée gueule.

Je partage avec Elliott un amour infini des chiens, dont nous sommes les meilleurs amis (et pas l'inverse). Je lui dois également la popularisation du 'Dogview', principe de prise de vues où le photographe se met à la hauteur d'yeux du chien.

La photographie n'est pas une question de vie ou de mort, c'est bien plus sérieux que ça ! Travailler sérieusement sans se prendre au sérieux, voilà un mantra fabuleux à garder des photos d'Elliott Erwitt.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1977.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York.

Photo Elliott Erwitt - USA. New York.

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Photo de rue et droit à l'image - Peut-on photographier des inconnus sans demander la permission ?

Paris, juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Oui, tant que c'est dans un espace public.

C'est la principale question de débutants dans mes workshops et certainement la question la plus posée à propos de la photographie de rue : Peut-on photographier des inconnus sans demander la permission ? Alors attaquons cette réponse en essayant d'être le plus concis possible, c'est à dire un peu plus qu'un "oui" qui devrait pourtant suffire. Les informations présentées ici sont issus d'articles et interviews de Manuel Dournes et Joëlle Verbrugge, juristes spécialisés et reconnus sur la question.

Le droit à l’image est régi par plusieurs textes :

  • Règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel, Droit à l'effacement (article 17)

  • Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 - Informatique et libertés - Article 110

  • Code civil : articles 7 à 15, respect de la vie privée (article 9)

  • Code pénal : articles 226-1 à 226-7, Atteinte à la vie privée

  • Code pénal : articles 226-8 à 226-9, Atteinte à la représentation de la personne

  • Code de procédure civile : articles 484 à 492-1

Ces textes ne contiennent pas d'élément qui encadre directement le droit à l’image, c’est donc par jurisprudence que les désaccords sont réglés. En pratique le droit à l’image est en conflit avec le droit d’auteur, le droit qu’a le photographe de s’exprimer par la photographie. En cas de plainte, c’est donc au magistrat de décider s’il faut donner la priorité au droit d’auteur du photographe ou au droit à l’image de la personne photographiée.

Le droit à l'image n'intervient qu'à la publication

Sur le principe, on ne peut pas empêcher la prise de vue. Le droit à l’image intervient à la publication. À ce titre, Joëlle Verbrugge conseille de toujours déclencher d'abord, puis de se poser la question du droit de publication. La question du droit de la diffusion ne vient que dans un deuxième temps. C’est là qu’il est intéressant de garder un contact ou l'autorisation de ceux que l’on a pris en photo, surtout si le cliché est polémique.

En réalité à part dans le cas d'une diffusion qui amène un préjudice à la personne photographiée, vous avez tout à fait le droit également de diffuser les images sur Internet si vous n'êtes pas photo-journaliste ou photographe professionnel.

Légalement, les personnes photographiées ne peuvent obliger à effacer une photo sur le boitier

Selon Manuel Dournes des poursuites ne peuvent être engagées que s’il y a diffusion ou publication effectives. La prise de vue n’est pas en soi illicite, tant que les images ne circulent pas aucune poursuite ne peut être engagée. Les personnes qui s’estiment lésées doivent démontrer l’intention coupable de celui qui diffuse les images sauf en matière de diffamation où la charge de la preuve est renversée.

Ainsi selon Joëlle Verbrugge le photographe doit faire preuve de bon sens, si la personne photographiée est dans une situation peu enviable elle peut s'opposer à la diffusion de l'image. Son argument est alors que la photo porte atteinte à sa dignité, ce cas est protégé par le droit à l’image.

Ainsi on ne peut pas interdire l’acte de photographier lorsqu’il se déroule dans un lieu public. C’est la diffusion qui nécessite l’autorisation, pas la prise de vue tant que vous ne pénétrez pas dans un espace privé. Vous pouvez toujours expliquer à quelqu’un votre bon droit de prendre une photo, dont seule la diffusion nécessiterait (éventuellement) son accord.

Si le droit à l’image des personnes semble complexe, c’est parce qu’il est à la fois mal défini et protégé en France. Sa première apparition remonte à 1803 avec l’inscription de l’article 9 au Code civil : “Chacun a droit au respect de sa vie privée.” Toute personne physique a donc le droit d'autoriser ou non la diffusion des photos et vidéos sur lesquelles elle figure.

En deux siècles, la juridiction a autant évolué que les modes de diffusion des images. Ainsi, depuis 2008, pour que quelqu’un réussisse à faire interdire une publication, il faut qu’il prouve ce qui lui porte préjudice. Le simple fait de se reconnaître sur une image ne suffit pas.

Au-delà de cette jurisprudence, plusieurs cas de figure tempèrent l’article 9 depuis longtemps. Si la personne est non reconnaissable – lorsqu’un individu est flou, de dos, dans une foule, ou encore à contre-jour... –, l’autorisation n’est pas nécessaire. Il ne suffit pas que quelqu’un se reconnaisse sur une image parce qu’il se savait présent sur les lieux, par exemple ; il faut qu’il puisse être clairement identifiable par un tiers.

Les photographes de rue ont le droit de diffuser et vendre les photos

Joëlle Verbrugge l’explique également en citant le verdict d’un procès, la personne photographiée peut faire condamner la diffusion d'une photo :

  • quand l’image de la personne est contraire à sa dignité

  • quand la personne démontre que la diffusion lui cause « des conséquences d’une particulière gravité »

Elle donne un exemple : si vous photographiez un couple qui s’embrasse, mais qu’il s’agit d’un homme et de sa maitresse. La femme s'identifie sur votre cliché et demande le divorce à son mari. Ce dernier peut porter plainte pour préjudice moral et éventuellement financier.

S’il n’y a aucun préjudice, aucune conséquence sur la personne photographiée, le photographe est dans son droit. La liberté d’expression artistique prime sur le simple désir d’une personne qui ne souhaite pas voir son image diffusée.

Ce même droit d’expression artistique nous autorise également à vendre nos photos et les tirages, à les exposer, à éditer et vendre un livre photographique.

Connaissez votre droit

Il me parait crucial en photographie de rue de bien connaître ces éléments pour pouvoir réagir à certaines situations qui peuvent être un peu tendues quand une personne vous identifie en train de la prendre en photo. Le droit à l'image est systématiquement évoqué et si vous pratiquez la photo de rue suffisamment proche de vos sujets ces discussions finiront par arriver.

Gardez le sourire, présentez votre travail, demandez la permission de garder la photo ou de réaliser des portraits. Mais connaissez votre droit, vous avez le droit de garder cette photo.

Si vous voyagez, un droit différent s'applique dans chaque pays bien que ces principes soient largement partagés, la prise de photos dans un lieu public est très rarement interdite. Tout de même, renseignez-vous avant de partir en voyage.

Pour aller plus loin :

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Comment choisir les bonnes photos

Avec le temps, ma sélection de photos est en train d'évoluer. Pendant mes premières années de photographie professionnelle, je dirais qu'un bon 80% de mes choix de photos, à la prise de vue comme à l'édition, correspondait à ce que je pensais ou croyais être "les bonnes photos". Je photographiais pour mes clients plus que pour moi. Je laissais la commande ou ce que j'imaginais être les photos qui fonctionnaient prendre le dessus sur mon envie, mon intuition, ma volonté créative. Je crois que je me suis perdu pendant quelques temps, en oubliant les premières photos qui m'ont donné envie de faire de la photo mon métier.

Je comprends maintenant que la liberté de voir est totale, absolue, infinie. Je suis le seul à me mettre ces barrières, alors que je sais au fond quelles photos je voudrais voir, quelles photos je voudrais choisir de prendre ou choisir de montrer. Certaines photos rejetées sont toujours là, je peux toujours retourner les voir et recommencer ma sélection.

Laissez le temps faire son oeuvre

La plus importante des méthodes de sélection des photos est de laisser du temps entre la prise de vue et l'édition. Nous avons tous des photos à envoyer vite, pour un client, un ami ou la famille, mais pour celles qui sont les plus importantes, je vous propose l'exercice : laissez passer une semaine, pourquoi pas un mois, avant de commencer à éditer les photos.

Vous aurez un oeil neuf, frais, détaché de l'émotion de la prise de vue. Vous expérimenterez aussi le plaisir incomparable de redécouvrir des instants que vous aurez oublié.

Underdogs - New York

Collectionnez les outsiders

Pour chaque projet, pour chaque voyage, je crée une collection de photos qui ont peu de chances de passer la sélection ou d'être publiées, mais pour lesquelles j'ai de l'affection. J'oublie toute règle ou convention, tous les principes de composition ou d'exposition. Ce sont simplement les images que j'aime. Elles sont toujours classées par thématique, par projet ou événement, mais elles sont à côté. Les outsiders. Les underdogs.

Souvenez-vous qu'en sport on aura toujours tendance à vouloir que le petit poucet gagne. Les belles victoires sont gagnées par ceux qui n'avaient aucune chance. Et puis quand vous en aurez suffisamment dans cette collection, posez vous la question : et si je devais publier uniquement les outsiders, ça donnerait quoi ? Si vous deviez choisir les meilleures des "pas assez bonnes", est-ce que vous pourriez encore raconter cette histoire ? Parfois oui. Et quand ça marche... c'est une belle victoire.

Underdogs - Paris

Commencez plus de projets que vous ne pourrez jamais publier

Les meilleurs projets photographiques devraient finir dans un livre, une exposition, un film... un ensemble cohérent qui devient plus que la somme de ses photos.

Pour trouver les projets qui vous parlent, qui vous font avancer, qui vous prennent au tripes, ça ne viendra pas du premier coup. On ne commence pas par écrire un roman du premier coup. On commence par la grammaire et le vocabulaire, la syntaxe et une rédaction. Puis une nouvelle, des dialogues, et enfin une histoire. Est-ce que la première histoire est la bonne ? On peut avoir cette impression parce que c'est un aboutissement, la somme de travail en amont est vertigineuse. En réalité créer un projet est une démarche en elle-même que je vous conseille de pratiquer également. Faites des erreurs, écrivez plus d'idées de projets que vous ne pourrez jamais en réaliser.

Travailler sur un projet photographique est un travail d'auteur. Multipliez les projets, commencez par voir des similitudes dans des photos qui n'ont rien à voir, cherchez des histoires à raconter dans les photos que vous avez déjà. Et commencez à assembler des collections de photos sur une intuition, sur une intention créative similaire, écrivez tous les titres de projets que vous pourrez imaginez.

De temps en temps vous aurez un projet que vous ne pourrez plus lâcher, parce qu'il vous parle ou parle de vous. Aussi parce que vous en aurez raté ou abandonné des dizaines avant.

  • My Soul so Cool from the Bath of Light

  • My Soul so Cool from the Bath of Light

  • Horizons New York

  • Horizons Paris

2 projets commencés, un seul ira au bout

Passez en miniatures

Les photos fortes sont toujours fortes quand elles sont toutes petites. Sur votre logiciel d'édition, affichez votre shooting en miniature et identifiez les meilleures très rapidement en regardant l'ensemble de loin. Cela ne vous dispense pas d'un vrai travail d'édition. Mais vous verrez parfois des photos que vous avez laissé de côté pour de mauvaises raisons.

Cette méthode fonctionne également avec une collection de photos dont le volume est trop important, où vous avez peut être le sentiment qu'elles fonctionnent toutes. Effectuez un tri parmi une collection de photos que vous trouvez réussies et ne gardez que celles qui fonctionnent en miniature.

Les meilleures photos fonctionnent toujours en miniature

Séparez la couleur du noir et blanc

La couleur et le noir et blanc sont tout à fait compatibles. Mais je les crois tellement différents dans leur principe que je vous recommanderai de les séparer pour la sélection de photos. Le noir et blanc donne des sentiments radicaux. La couleur vous plongera dans des émotions tellement variées.

Les mélanger me semblerait être un voyage en montagnes russes, trop d'infos contradictoires, trop d'éléments dissemblables qui ne se répondent plus.

Personnellement sur un projet ou un événement, je commence par l'un des deux, généralement la couleur. Puis j'ai une deuxième phase d'édition avec un ensemble très large de photos, y compris certaines rejetées en couleur. Je les passe toutes en noir et blanc avec un pré-réglage et je recommence l'édition en noir et blanc. La sélection est très souvent différente, et ne partage pas les mêmes émotions ou informations.

Ma sélection finale sera parfois en noir et blanc, parfois en couleur, parfois les deux. Mais le travail d'édition je le réalise dans l'une puis l'autre.

Même salle, deux ambiances

Même photo, pas la même photo

Refusez de choisir deux photos similaires

Trop souvent sur des séries ou des événements j'ai tendances à choisir des photos qui se ressemblent dans les premières étapes. Tout simplement sur un moment précis magnifique ou un cadrage que l'on voit fonctionner on le répète pour essaye de l'améliorer. La photographie numérique nous permet cette recherche et ce perfectionnement, j'en profite souvent.

Mais au moment de la sélection finale, je refuse d'avoir deux photos similaires ou proches dans l'intention, l'idée ou l'information que les photos transmettent.

C'est parfois dur, parce que j'aime franchement plusieurs photos dans ces moments-là. Mais je me l'impose pour surtout éviter la monotonie qui peut venir si vite sur une série de photo. Et puis les rejetées à ce moment là, elles vont garnir mon dossier d'outsiders. Avec un peu de temps, elles referont peut être surface et gagneront le droit d'être publiées.

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9 techniques de composition en photographie de rue

Je voudrais vous dire qu'il n'y a pas de règles en composition, mais que l'on peut tout de même trouver quelques méthodes ou techniques qui fonctionnent bien et régulièrement. Ce ne sont pas des règles, mais des outils.

Votre objectif en photographie de rue doit être de constituer un "arsenal" de compositions avec lesquelles vous êtes à l'aise parce que vous les avez répétées des dizaines et des dizaines de fois. Vous pourrez ainsi les utiliser dans toutes les situations qui se présentent à vous en photographie.

Voici 9 techniques de composition en photographie de rue que je pratique régulièrement, toutes illustrées à New York ces derniers mois :

Cherchez les reflets

Quand il pleut à New York je sais que je vais trouver des reflets partout. Et si la drache est forte, j'ai des parapluies à disposition à toutes les sorties de métro pour 5$. La pluie est une bénédiction :)

Fonctionne aussi avec les miroirs, devantures en verre, tout ce que vous pouvez trouver vraiment.

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Approchez vous autant que possible

Plus vous serez proche de votre sujet, plus la connexion et l'empathie par celui qui verra votre photo sera forte.

Si vous avez peur d'y aller, dites-vous que c'est tout à fait normal. Un photographe de rue compose avec cette peur, on s'y habitue mais elle ne part jamais vraiment.

Et si vous avez besoin de mes petits trucs pour vous approcher, c'est par ici.

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse New York, 2018

Isolez votre sujet

Il peut parfois être difficile de n'avoir qu'un seul personnage sur sa photo dans une grande ville. Trouvez un cadre intéressant ou graphique et attendez qu'une seule personne passe dans votre cadre.

J'aurais pu aussi vous proposer l'exact inverse : attendez qu'il y ait plus de monde ;)

Photo Genaro Bardy - New York, Dec 2018

Photo Genaro Bardy - New York, Dec 2018

Changez de perspective

Mettez vous au sol et passez en "dogview". Levez votre appareil au dessus de votre tête à bout de bras. Inclinez votre appareil. Plongée, contre-plongée... Ne vous limitez pas aux photos droites et à hauteur d'yeux.

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2018

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Proposez des portraits

La photographie de rue devrait être absolument naturelle, "non posée" ? Quel est l'imbécile qui a sorti ça ? Frick the rules. Pardon mais zut et flute.

Demandez des portraits à ceux que vous rencontrez et pratiquez dans des conditions difficiles. Demandez-vous comment améliorer vos cadrages, comment obtenir de meilleurs arrière-plans, comment vous servir de la lumière naturelle, comment être fidèle à la personne devant vous ?

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2016

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Sept 2018

Cherchez les contrastes

La photographie est littéralement de la "peinture avec la lumière". Si la lumière vous semble trop faible, c'est parfois bon signe. Cherchez des contrastes forts, ils sont toujours agréables à l'oeil.

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Identifiez des lignes directrices

Les lignes vont guider le regard dans votre photo. Et les flèches seront suivies instinctivement.

Photo Genaro Bardy - New York, Avr 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Juxtaposez plusieurs cadres

Cherchez des "cadres dans le cadre", qui seraient délimités par des fenêtres, des portes, ou toute forme géométrique. Puis superposez plusieurs cadres dans une même photo.

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2018

A-MU-SEZ VOUS !

La première règle en photographie de rue est qu'il n'y a pas de règles. La composition est d'abord un instinct, avec une seule constante : utilisez l'intégralité de votre cadre. Ne vous limitez pas au centre de votre appareil, c'est finalement la seule règle que l'on devrait apprendre. Au delà de ce principe, la ville est un terrain de jeu. Amusez-vous !

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

Photo Genaro Bardy - New York, Nov 2019

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Commencez par ce qui vous intéresse

Si vous débutez en photographie de rue, il est légitime de se demander :

"Qu'est-ce que je vais bien pouvoir photographier ?"

Je vous propose de commencer par sortir de chez vous et d'aller dans le premier lieu public qui vous vient à l'esprit. Peut-être est-ce la gare qui vous emmène au travail, le parc où vous promenez votre enfant, votre chien ou les deux, un centre commercial où vous avez besoin de faire une course. Ce que je vous propose est d'intégrer la photographie de rue dans votre vie quotidienne.

Simplement prenez votre appareil photo et donnez-vous 15 minutes, pourquoi pas 30 minutes, et commencez à photographier TOUT ce qui vous intéresse. Un visage que vous trouvez intrigant, des mains qui se tiennent, de l'architecture nouvelle ou en construction, un détail au sol. Photographiez des publicités, des lettres, des mots, des signes, des formes géométriques. Et commencez à parler avec des inconnus. Posez leur des questions étonnantes ("qu'est-ce qui vous rend fier ?") ou toutes simples, engagez la conversation et faites des portraits. Prenez les emails et envoyez les photos.

N'ayez pas peur de déclencher, la photographie numérique permet le luxe de chercher constamment, prenez ce cadeau et faites en des photos anodines, infantiles, amusantes ou terrifiantes. Vous êtes seuls avec ces photos et rien ne vous oblige à les partager ou à penser absolument à être un artiste qui connait toute l'histoire de la photographie. La photographie est simple, c'est ce qui vous plait et ce à quoi vous avez accès.

Ne cherchez pas à savoir si ce que vous faites est "de la photographie de rue" stricto sensu, ne répondez pas à des critères ou des définitions. La photographie de rue n'a aucune règle si vous le décidez.

Un seul conseil : prenez des chaussures confortables. Il se pourrait bien que vous ayez envie de recommencer.

Photo Genaro Bardy - Itaparica, Dezembro 2019

Photo Genaro Bardy - Pituba, Dezembro 2019

Photo Genaro Bardy - Lisboa, Novembro 2019

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Ce que j'ai appris en photographiant comme Bruce Gilden

Depuis que j'ai découvert la photographie de rue, les photos de Bruce Gilden génèrent chez moi une fascination, elles m'obsèdent. Le seul autre photographe qui me donne ce genre de sentiment est Alex Webb, qui fera l'objet d'un autre article sur ce format.

Bruce Gilden est connu pour utiliser une méthode de prise de vues radicale, qui crée la polémique dans les commentaires sur tout ce qu'il produit : le flash à très courte distance de ses sujets, la plupart du temps sans demander la permission.

J'ai voulu pratiquer cette technique de prise de vues pour deux raisons :

  • on ne peut pas vraiment s'approcher plus près des sujets en photo de rue, c'est pour moi l'étape ultime de la démarche.

  • je voulais repousser mes limites personnelles, voir de quoi j'étais capable. Je me suis lancé ça comme un défi, une performance. Je ne savais pas à quel point j'allais apprécier le résultat.

Ce que j'ai appris en photographiant comme Bruce Gilden :

Les gens sont le plus souvent sympathiques avec un photographe

Cet homme pourrait avoir un regard qui parait sombre en fronçant les sourcils. C'est qu'il est bien curieux de voir débouler un gaillard le flash à la main pour se coller dans votre nez. Mais le moment l'a amusé, il était joyeux à à finit notre petit moment ensemble en nous bénissant. Je n'ai pas su s'il était pasteur étant parti un peu vite, mais ce monsieur représente bien mon sentiment général en photographie de rue.

Les gens que je croise sont pour une grande majorité sympathiques si vous photographiez avec le sourire et transmettez de la joie de vivre. Oui le flash à un mètre génère plus de réactions méprisantes voire agressives, mais dans l'ensemble elles restent des cas particuliers qui sont juste mis en valeur par la méthode. Ces réactions négatives ne dépassent pas 10% avec la méthode de prise de vues la plus agressive en apparence. [Faith in humanity restored]

Parisiens, 2019

Le flash résout beaucoup de problèmes techniques

Vitesse fixe à 1/160e de secondes ou au 1/200e, ouverture à F8.0 pour avoir une bonne profondeur de champ, le flash qui fige le(s) sujets. Quelques soient les conditions de lumière je peux travailler et me concentrer sur l'interaction avec les personnes que je rencontre. L'interaction est inévitable et je préfère largement être dans ces conditions et me concentrer sur la photo puis sur l'explication éventuelle de la démarche si la personne s'arrête.

Mon taux de photos "gardées" n'est pas meilleur, mais quand j'en ai une qui est forte elle me marque plus durablement. Le flash a une certaine tendance à rendre tout plus beau, mais surtout il me fait oublier les réglages de mon appareil, ou me permet de ne pas penser au sens de la lumière.

C'est extrêmement appréciable de se concentrer uniquement sur ce qui vous entoure et de rechercher le bon sujet/cadrage.

Parisiens, 2019

Impossible d'anticiper une photo

C'est peut être parce que je débute dans cette pratique, mais il m'est apparut difficile d'anticiper une photo, de savoir avant quel type de photo j'allais obtenir.

Il m'est aussi devenu impossible de savoir si j'allais être vu avant ou au moment du déclenchement, ou quel allait être le type de réaction qui serait capturé. C'est de la pure chasse, on ne peut pas composer avant de s'approcher.

C'est très nouveau pour moi et particulièrement excitant, ce doit être dû probablement à une bonne montée d'adrénaline.

Bahianos, 2019

Demander la permission marche toujours aussi bien

C'est la base en photo de rue, si vous avez peur d'y aller demandez la permission. Cela vous habituera à aller au contact, vous pourrez capter des moments naturels autour du portrait que vous aurez demandé, et enfin vous constaterez que la plupart des gens sont charmants.

Je vais pas vous mentir je ne faisais pas le fier la première fois que j'ai tenté l'expérience sur la plage de Barra, coin qui peut être réputé assez chaud à Salvador. Du coup je me suis raccroché aux bases, j'ai systématiquement demandé la permission avant de shooter. Alors oui, j'ai fait du portrait avant tout, mais je crois aussi avoir attrapé quelques beaux moments. Et puis ça m'a détendu et j'ai fini par déclencher sans demander sur la fin.

Bahianos, 2019

Se baisser au sol est utile, et difficile à maitriser

Observer Bruce Gilden travailler est maintenant facile, si vous n'avez pas peur de l'anglais : https://www.youtube.com/watch?v=ejlIgyYhlJ8

Avant de commencer cette technique du flash à un mètre je ne voyais pas bien l'intérêt de chercher à me mettre au sol. En essayant c'est apparu comme une évidence, ça permet de composer en remplissant le cadre plus facilement. Et ça donne un sentiment exacerbé en rendant le sujet "dominant" avec la contre-plongée.

Du point de vue de la réaction du sujet, si vous ne demandez pas la permission ça permet d'être vu plus souvent comme une curiosité plutôt qu'une menace.

Si j'avais un conseil, je vous dirais de faire attention à ne pas viser trop haut. La séquence passe tellement vite que l'on a vite fait d'avoir 2/3 de ciel sur sa photo, ce qui est rarement efficace sur le résultat.

New Yorkers, 2019

Continuer à arpenter les mêmes rues

Le taux de réussite est traditionnellement très bas en photographie de rue, je l'ai trouvé encore plus faible avec cette technique. Probablement qu'avec une pratique plus régulière j'arriverais à m'en sortir un peu mieux, mais combien de clichés ratés pour une photo potable ? Pfffffiiiu il faut être persévérant.

Puis àpartir d'une certaine heure, quand les conditions de lumières commencent à être faibles, les contrastes avec le flash deviennent extrêmes. C'est un style mais pas celui que je recherchais, ça m'a laissé peu de temps pour travailler.

Ainsi si je veux avoir une série de photo intéressante, il m'a semblé encore plus important de revenir encore et encore au même endroit. D'ailleurs Bruce Gilden est connu pour avoir écumé New York quasi exclusivement sur la 5ème Avenue, pour des raisons de lumière et de population rencontrée, mais je crois que c'est aussi nécessaire à cette pratique.

New Yorkers, 2019

Le résultat est radicalement différent

Avec le flash à un mètre, sans demander la permission, j'ai trouvé les photos fortes, intenses, radicales. Les prises de vues m'ont pris aux tripes comme jamais et je trouve que cela se ressent dans les photos. Peut-être que je me projette trop dans ces photos, c'est une technique nouvelle pour moi. Mais j'ai le sentiment d'être aller explorer quelque chose de nouveau chez moi et chez les personnes que j'ai croisées est bien ancré, là, et j'ai très envie d'y retourner le plus tôt possible.

Découvrir sa personnalité

Avec cette technique, le choix des sujets devient crucial. J'ai très vite compris que je ne pouvais pas photographier tout le monde que je croise (duh), le choix des sujets devient forcément personnel.

Je dois reconnaitre avoir été un peux vexé quand on m'a dit que je ne photographiait "que les vieux" avec mes premières photos sur Twitter. Je n'ai pas été jusqu'à penser qu'on allait saluer la démarche, je sais ce que ce genre de photos génèrent comme commentaires, mais je ne pensais pas être tellement accroché sur la méthode.

Bruce Gilden se décrit comme un "bulldog" dans les rues de New York, sa démarche est radicale et sa manière d'être également. Il peut paraître choquant de l'entendre dire "Je ne savais pas que la rue vous appartenait" à un passant pas content d'être flashé au milieu d'un trottoir. J'ai trouvé ça drôle, au delà du fait que c'est très vrai (la rue ne nous appartient pas).

Et je me suis surpris à défendre des clichés que je voulais garder, à refuser de les effacer alors que je le conseillerai toujours quand j'enseigne. C'est que je dois être moi aussi un bulldog.

Connaître son droit

La méthode est extrême, mais elle reste autorisée. De l'importance de bien connaître son droit, sur Twitter comme dans la rue.

Voici le texte de loi évoqué dans cette conversation : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32103

Et la réponse que je lui ai opposé : http://thomas-benezeth.fr/blog/le-droit-a-limage-en-photo-de-rue/

Je vais continuer

En conclusion je dirai que j'ai adoré cette pratique. Autant pour les photos qui en sont sorties que pour ce que ça m'a permit d'apprendre sur les autres et sur moi. Je crois que la photographie de rue est avant tout une expérience sociologique, tournée vers les autres et sur nos modes de vie. Cette pratique de la photo de rue en révèle des aspects que je ne soupçonnais pas. Et je n'ai qu'une seule hâte, y retourner.

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9 techniques pour s'approcher en photo de rue

S'approcher en photographie de rue est à la fois un des meilleurs moyens de progresser en composition et ce qui pose le plus de problèmes pour tous les photographes que je rencontre.

Rendons à Capa la phrase qu'il a laissé à la photographie :

Si vos photos ne sont pas assez bonnes,

c’est parce que vous n’êtes pas assez près.

Robert Capa

Je vois deux principales raisons qui permettent de dire que vos compositions seront meilleures en vous approchant :

  • S'approcher permet de remplir son cadre. Il est essentiel de considérer l'intégralité de votre cadre, jusque dans ses coins. Et s'approcher est une méthode qui aura un impact différent du zoom. Je crois d'ailleurs que le zoom est un frein à la photographie de rue parce qu'il est plus menaçant, mais rien n'empêche de pratiquer avec un zoom.

  • La proximité crée une émotion plus grande avec le sujet, permet plus d'empathie. Je parle bien sûr pour celui qui regarde votre photo.

Enfin si vous débutez en photographie de rue, je ne vous conseillerai jamais de vous limiter à une seule pratique. Si vous refusez envers et contre tout de vous approcher vous vous privez purement et simplement de la majeure partie des photos que vous pourriez réaliser. Comment savoir quel le style qui vous correspond le mieux, si vous n'en essayez pas au moins quelques-uns ?

Mon idée ici ne sera pas de vous permettre de travailler sur vos peurs, sur ce qui vous permet probablement de justifier de ne pas vous approcher des inconnus dans la rue. Ces peurs nous les avons tous. Je me souviens comme si c'était hier de la frousse monumentale qui me saisit lors de ma première sortie photo, alors que j'étais en train de demander de faire le portrait d'un inconnu. Encore aujourd'hui quand j'essaye de nouvelles pratiques plus extrêmes, cette peur revient, c'est bien naturel.

Mon propos sera de vous donnez quelques clés pour surmonter ces peurs et commencer à vous approcher sans créer de conflit avec les personnes que vous rencontrez.

Voici 9 techniques pour s'approcher en photo de rue :

Demandez la permission

C'est la première étape en photo de rue, commencez par allez vers les autres et demandez la permission. Cela vous permettra de voir que la plupart des gens sont charmants, et vous pourrez toujours obtenir des attitudes naturelles en poursuivant la conversation tout en continuant à déclencher.

Donnez l'impression de viser ailleurs

Quand vous serez repéré en photographie de rue, parce que vous serez repéré à un moment ou un autre si vous vous approchez :), la plupart du temps les personnes croisées regarderont dans la direction de votre objectif.

Si vous ne placez pas votre sujet au centre de votre photo, et que vous continuez à regardez droit devant vous après avoir déclenché, quasiment à chaque fois votre sujet ne croira pas être pris en photo.

Cela fonctionne bien entendu beaucoup mieux avec un grand angle.

Trouvez un cadre et attendez

Placez-vous à un endroit où les passants sont obligés de vous approcher, anticipez la vitesse de vos sujets et déclenchez au bon moment.

Cartagena, 2019

Ayez l'air d'un touriste

Si vous aimez les vestes à poches et les gros zooms, il est probable que vous soyez repéré rapidement. Disclaimer : j'adore ma veste à 27 poches mais je la place sous ma veste quand je m'en sers.

Je n'ai aucun problème à avoir l'air d'un gros touriste, au contraire. C'est nettement moins menaçant. Il est fréquent d'avoir envie de sortir avec deux boitiers, deux zooms et tout l'équipement dans un sac, mais au delà de la fatigue c'est beaucoup plus intimidant pour les personnes que vous rencontrerez et ça génèrera des réactions beaucoup plus agressives.

De la même manière je ne cache pas mon appareil, il est en évidence autour de mon cou et si l'on me pose la question je dis que je suis photographe et j'engage la conversation. Rien de pire qu'un sniper qui part en baissant les yeux.

Autoportrait hier VS un photographe rencontré à Salvador

 
 

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Pour chasser en photographie de rue, tournez autour de votre sujet en essayant de ne pas être repéré. Si vous êtes remarqué, expliquez votre démarche, dites que vous êtes photographe, puis demandez si vous pouvez réaliser un portrait.

Ne regardez pas dans les yeux

C'est parfois le bruit du déclenchement qui va vous trahir. Regardez plus loin que votre sujet, sans accrocher son regard, comme si vous visiez quelque chose derrière lui. Si l'on vous pose la question, recommencez ce qui doit être une habitude : expliquez votre démarche, dites que vous pratiquez la photo de rue, montrez vos photos, proposez de les envoyer. Puis demandez un portrait :)

Paris, 2019

Ayez l'air de filmer

C'est une technique redoutable alors que le procédé relève exactement du même principe. Passez votre appareil en 'live view' et donnez l'impression de filmer une vidéo, on ne fera généralement pas attention à vous.

New York, 2018

Faites réagir

Les réactions au photographe en photo de rue peuvent être très intéressantes. Parlez, brisez la glace, soyez présent dans votre photographie. C'est le moment de sortir votre meilleure blague ou vos plus beaux compliments.

Paris, 2011

Continuez à photographier

La photo de rue ne s'arrête pas au premier déclenchement, travaillez vos scènes et continuez à chasser le meilleur cliché, même après avoir demandé un portrait.

Bonus : ce qui est petit est mignon

La discrétion en photographie de rue est essentielle. C'est pourquoi je ne me sépare jamais d'au moins un appareil, le plus petit possible. En l'occurence un Ricoh GRII qui tient littéralement dans la poche, et qui me donne encore plus l'air d'un touriste qui photographie sans conséquence.

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Photo de rue à New York

Je suis de retour de mon dernier voyage photo à New York. Et je dois bien reconnaître prendre un plaisir nouveau à la photographie de rue. Concevoir la Masterclass qui arrive dans moins de deux semaines et écrire un livre pour enseigner la photographie m'a obligé à réfléchir, à étudier mon propre travail pour les illustrer. Et j'ai le sentiment d'avoir franchi un pas dans ma photo de rue.En revanche pour la cohérence, cette série n'en aura pas au-delà du lieu : New York. J'ai décidé de travailler différemment chaque jour, avec une thématique technique, de style ou de méthode de prise de vues particulière. Vous devriez reconnaitre le changement de journée assez facilement :)Je travaillerai à mon retour de Paris sur des séries cohérentes, mais je tenais à partager ici le résultat de mes recherches avec certaines des photos partagées sur les réseaux en direct, pour quasiment toutes avec le Jpeg direct sans aucune retouche, à part pour celles en noir et blanc.

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Comment débuter en photographie de rue ?

Voici le 2ème article consacré à la photographie de rue, ça avait commencé ici avec les questions Quoi ? et Pourquoi ?

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Comment ?

La question du comment va mécaniquement nous amener sur votre appareil photo. Je voudrais prendre le temps ici de parler des optiques, notamment des focales que vous utilisez en photographie de rue. Je vous conseillerai toujours d'utiliser des focales fixes, d'éviter les zooms en photographie de rue. Déjà le zoom rend paresseux, et la photographie de rue est une exigence qui demande un certain effort. Ensuite je crois sincèrement qu'il est préférable de s'habituer à voir avec un cadre, une focale précise. Le regard se développera avec un angle particulier, ira chercher certains détails ou verra des scènes sans avoir besoin de viser et de lever l'appareil. Avec une focale fixe je crois que vous verrez plus et mieux.

Arrive donc la question de savoir quelle focale est la "meilleure" pour la photographie de rue ? 3 focales sont classiquement utilisées en photographie de rue : le 28mm, le 35mm et le 50mm. Evidemment il n'y a pas de réponse toute faite, chacune possède ses avantages et inconvénients. (Notez que je fais référence à des focales 'plein format', si votre capteur est de taille APS-C les équivalents sont 18mm, 24mm et 35mm, si votre capteur est un micro 4/3 les équivalents sont 14mm, 18mm et 24mm)

Le 28mm est très large pour la photographie de rue, il déformera légèrement les visages et vous aurez parfois l'impression d'être loin de votre sujet. Ce dernier point est en réalité une bénédiction, car le 28mm vous obligera à vous rapprocher toujours plus pour remplir votre cadre et c'est une démarche à encourager en photographie. Le 28mm vous permettra également de plus facilement capturer des scènes, ce qui peut être très agréable mais aussi difficile à maîtriser. Le 28mm est la focale d'un appareil expert prisé par de nombreux photographes de rue, le Ricoh GR.

Sélection de photos réalisées au 28mm :

Le 50mm est l'optique qui se rapproche le plus de notre vision, de là où nous concentrons notre regard. C'est une optique parfaite pour les portraits mais exigente pour l'architecture ou pour apporter du contexte à une photo. C'était la focale de choix du grand maître de la photographie de rue Henri Cartier Bresson, ce ne peut pas être un mauvais choix.

Sélection de photos réalisées au 50mm :

Le 35mm est intermédiaire, vous l'aurez compris. C'est une optique qui fonctionne bien en portrait, mais déjà assez large si vous avez besoin de voir plus et d'inclure du contexte. Le 35mm est certainement la focale que je croise le plus souvent pour le reportage ou en photographie de rue, justement parce qu'elle est versatile. Le 35mm est la focale choisie pour un autre boitier classique en photographie de rue, le X100 de Fujifilm.

Personnellement j'ai une préférence pour le 35mm, mais je peux parfois trouver cette focale juste un peu trop large. Pour moi le parfait compromis pour la photographie de rue est le 40mm que j'ai adopté depuis 5 ans. Malheureusement cette focale n'existe pas dans tous les systèmes, mais elle présente également l'avantage d'être généralement très courte, sur des optiques dites 'Pancakes' qui sont discrètes (par exemple chez Canon). Et la discrétion peut être primordiale en photographie de rue si vous souhaitez capter des scènes naturelles.

Sélection de photos réalisées au 40mm :

Voilà pour le matériel. Je tiens à vous dire que j'ai cité quelques marques ou systèmes, mais qu'en réalité il n'existe pas de mauvais boitier pour la photographie de rue, tous peuvent être suffisamment discret pour pratiquer sans problème. D'une manière générale je vous inviterai toujours à pratiquer la photographie de rue avec ce que vous avez, et à éviter de vous donner des causes matérielles à votre absence de pratique.

Pour ce qui est de la prise de vue, je reviens aux grands classiques. Si vous débutez en photographie de rue. Vous aurez 2 manières principales de composer en photographie de rue :

  • Trouver un cadre et attendre

  • Trouver un sujet et le suivre

Trouver un cadre et attendre : c'est la technique la plus simple à utiliser lorsque l'on débute. Choisissez un cadre en vous servant de ce que vous avez appris en composition, puis attendez que la scène soit parfaite à vos yeux. Généralement il ne suffit pas d'attendre quelques secondes, souvent plusieurs minutes sont nécessaires pour que chaque élément soit en place.

Trouver un sujet et le suivre : c'est une technique de prise de vues beaucoup plus difficile. Mais j'espère que vous vous rendrez compte avec l'expérience qu'il n'y a rien de dramatique à suivre quelqu'un pour les besoins d'une photo, même sans prévenir, et que dans 99% des cas cela ne pose aucun problème à la personne concernée si une fois découvert vous expliquez votre démarche, montrez vos photos et commencez à échanger amicalement avec elle. J'ai longtemps dit que j'étudiais la photographie, même quand elle est devenue mon métier. Dans tous les cas l'idée est de garder le sourire, d'être transparent sur votre pratique et les raisons qui vous poussent à photographier.

Si vous avez trop de difficultés à vous lancer sans demander la permission, commencez par réaliser des portraits. Je me souviens encore de ma première sortie photo, de cette montée d'adrénaline lorsque je demandais à un parfait inconnu si je pouvais lui tirer le portrait. Il m'a répondu oui avec un grand sourire. Vous éprouverez les plus grandes difficultés à recevoir des réponses négatives. Et réaliser des portraits vous obligera à aller vers les gens que vous croisez, avec l'expérience vous pourrez commencer à prendre quelques photos avant même d'avoir demandé la permission, sans vous en rendre compte vous serez déjà passé du côté du chasseur de photos.

Qui ?

La question de 'qui ?' en photographie est essentielle, sinon centrale. Parmi les milliers de personnes que vous pouvez être amenés à croiser dans la rue, vous allez devoir choisir. Pourquoi cette personne et pas une autre ? cette réponse vous appartient et peut être que vous ne chercherez même pas à comprendre. Peut être chercherez vous des scènes particulières, des cadrages spécifiques, des moments précis, des histoires qui vous tiennent à coeur. Mais quelque soit la photographie de rue que vous pratiquerez, elle en dira beaucoup sur vous, tout autant que sur les sujets que vous choisirez.

Que vous le vouliez ou non la photographie de rue vous amènera vers les autres, et je trouve cela formidable. Je prends un plaisir immense aux discussions qui suivent une photo, qu'elles soient furtives ou sans fin. J'ai rencontré certains de mes meilleurs amis en photographiant dans les rues de Paris, en me laissant porter par l'instinct ou l'envie.

Il se trouve que ce sentiment est appuyé par la science. Des chercheurs de l'université de Chicago ont montré que parler à des inconnus était une source de bonheur sous-estimée :) C'est pour moi une des conséquences de la pratique de la photographie, une incidence heureuse qui rajoute un peu plus de plaisir à cette merveilleuse activité.

VA, Lettre à un(e) jeune photographe est un livre disponible selon le modèle "Payez ce que vous voulez".

 

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