5 leçons sur la photographie de rue avec Elliot Erwitt
Elliot Erwitt est un photographe mondialement connu basé à New York mais constamment en voyage. Il est membre de l'agence Magnum depuis 1958, sa carrière continue depuis plus de 60 ans et il a été exposé dans de nombreux musées prestigieux. Elliott Erwitt est une sommité de la photographie et un grand maître de la photographie de rue.
Ces enseignements seront souvent illustrés par des photographies issues du livre Elliott Erwitt's NEW YORK dont je prends conscience à l'instant en commençant cet article que je possède un exemplaire signé. Je pense en avoir fait l'acquisition lors de l'une de ses expositions à Paris, mais rien n'est moins sûr. Je suis en tout cas un fan absolu du travail d'Elliott Erwitt, de son regard et de sa drôlerie, je ne peux pas imaginer présenter certains grands maîtres de la photographie de rue sans Elliott. Il représente une de mes inspirations majeures en photographie.
Eloge de la sérendipité
La sérendipité est la conjonction du hasard heureux qui permet au chercheur de faire une découverte inattendue d'importance ou d'intérêt supérieurs à l'objet de sa recherche initiale, et de l'aptitude de ce même chercheur à saisir et à exploiter cette « chance ». (Wikipédia)
Les photos d'Elliott Erwitt sont un éloge de la sérendipité, un hymne au hasard heureux et à la chance provoquée. La photographie de rue est une pratique qui est pleine de petits moments anodins, intéressants, curieux. La curiosité, voilà, c'est la qualité du photographe de rue. Et notre curiosité, notre soif de voir est étanchée par la sérendipité qui ne manquera pas d'arriver, si et seulement si nous sortons de chez nous pour faire des photos.
Photo Elliott Erwitt
USA. New York City. 1949.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1968.
Déambuler sans direction ou plan
Que vous soyez en train de découvrir une nouvelle ville ou que vous exploriez en bas de chez vous, laissez-vous porter par l'instinct, ne faites aucun plan. Elliott Erwitt explique régulièrement ne faire aucun plan quand il explore une ville, je crois que c'est la meilleure manière de pratiquer la photo de rue.
Trop souvent j'ai une idée pré-conçue de là où je souhaite aller, de ce que je voudrais voir ou photographier. Mais chaque fois que je décide d'aller photographier et d'avancer sans but ni trajectoire je découvre des scènes merveilleuses, une lumière incroyable ou un sujet inattendu. Ne soyez pas un touriste, restez un explorateur.
Quand j'emmène des groupes à New York, j'aime improviser en fonction de la météo, d'un ferry raté qui me fait aller dans une autre direction, d'envies soudaines ou d'inspirations sur des lieux photographiés par certains que j'admire. Je laisse toujours une place à l'inattendu, je crois que la photographie de rue devrait toujours être pratiquée ainsi.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1953.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York. 1954.
Ne pas se soucier de la technique
Certaines des photos du livre Elliott Erwitt's New York ne sont tout bonnement pas justes techniquement. Mise au point approximative, notamment sur la photo de couverture ! Flou avec une vitesse qui pourrait paraître trop lente. Les exemples sont nombreux et ne posent aucun problème.
L'émotion passe devant la technique, le moment est plus important que la photo elle-même. C'est une leçon d'humilité et de curiosité, regardons avant de déclencher, observons plutôt que de régler. Et ne regardons pas nos photos quand nous sommes dehors, nous pourrions laisser passer un moment merveilleux.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Travailler toute sa vie
Tous les moments sont bons, même lors de commandes et de travaux qui peuvent paraître inintéressants. On retrouve dans Elliott Erwitt's New York quantité de clichés issus de son activité de photographe professionnel, des photos qui sont clairement des commandes. Et on trouve des moments de tendresse de son quotidien, des moments de vie de tous les jours. La photographie peut être tellement personnelle, intime, simple et profondément subtile en même temps. La photographie ne s'arrête jamais. C'est pourquoi je croie que pour devenir un meilleur photographe il faut se servir de son appareil tout le temps, toute sa vie.
Elliott Erwitt travaillera littéralement toute sa vie, aussi. Lors d'une interview en 2017 il explique alors à l'âge de 88 ans que ses 4 ex-femmes et 6 enfants ne lui laisseront jamais le temps d'une retraite pourtant bien méritée. Je me sens totalement concerné par cette observation, j'ai commencé bien trop tard et je ne mets jamais d'argent de côté, je sais que j'irai au bout et travaillerai tout ce que je pourrai. Ce qui ne me pose aucun problème, à part de ne pas pouvoir travailler en permanence sur des projets personnels. Mais les commandes sont aussi des occasions de voir autrement et différent.
Photo Elliott Erwitt
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1954. Jazz alto saxophonist Paul DESMOND.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1950.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York, New York. 1954. Third Avenue El.
Ne pas se prendre au sérieux
Les livres d'Elliott Erwitt sont pleins de drôlerie, de moments facétieux. Ces photos ne sont jamais des situations inconfortables ou honteuses, juste une pointe d'amusement souvent mêlée à une infinie tendresse. Ou parfois simplement un chien qui a une sacrée gueule.
Je partage avec Elliott un amour infini des chiens, dont nous sommes les meilleurs amis (et pas l'inverse). Je lui dois également la popularisation du 'Dogview', principe de prise de vues où le photographe se met à la hauteur d'yeux du chien.
La photographie n'est pas une question de vie ou de mort, c'est bien plus sérieux que ça ! Travailler sérieusement sans se prendre au sérieux, voilà un mantra fabuleux à garder des photos d'Elliott Erwitt.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York City. 1977.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.
Photo Elliott Erwitt - USA. New York.