L'effet Kuleshov et ce qu'il révèle sur la photographie
L'effet Kuleshov est un principe d'édition en cinématographie, il vous permettra de comprendre l'un des outils les plus puissants pour raconter une histoire. Alors qu'il représente pourtant une caractéristique qui distingue la cinématographie d'autres arts, notamment de la photographie, nous verrons qu'il permet également d'expliquer des principes essentiels pour un projet photographique, ou même pour toute photographie.
Qu'est-ce que l'effet Kuleshov ?
Lev Kuleshov est un des premiers théoriciens du cinéma qui posa ce principe : vous trouverez une plus grande signification dans une série d'images que dans une image seule.
L'effet Kuleshov est un biais cognitif de type mnésique (effet de récence, mémoire à court terme) qui caractérise le spectateur d'un film ou d'une histoire. Je sais que j'en ai déjà perdu la moitié, mais restez avec moi vous allez comprendre par l'exemple. Sur la séquence suivante le spectateur d'un film attribuera une émotion au personnage différente en fonction de l'image qui est montrée juste après :
Selon l'image qui est montrée juste après cet homme à l'expression neutre, on lui attribuera une émotion radicalement différente. L'ensemble raconte plus que chacune de ses parties.
Ainsi l'effet Kuleshov est essentiellement utilisé au montage d'une séquence ou d'un film pour faire passer ou contrôler les émotions du spectateur. En cinématographie l'effet est utilisé au service d'une histoire, d'une narration.
Mais que nous apprend l'effet Kuleshov sur la photographie ?
Le contexte d'une photographie est essentiel
Il me semble important de comprendre qu'une photographie ne sera pas lue de la même manière selon qu'elle soit vue par exemple :
sans légende et sur internet, donc à 80% de chances sur un téléphone entre deux swipes sur des sujets qui n'ont rien à voir.
entourées des photos prises au même moment, par exemple si la séquence est chronologique.
dans le contexte d'un beau livre ou d'une exposition où le message et la qualité de tirage sont à priori maîtrisés.
Le contexte me parait crucial, mais pas uniquement sur la qualité de visionnage. Je pense à une photographie réalisée récemment pour un client lors d'un cours de boxe, sur celle-ci une jeune femme en mouvement pourrait paraitre très joyeuse, mais l'émotion est radicalement différente si le mouvement est interprété avec la symbolique du combat de boxe.
De la même manière une photo d'une maison à Provincetown de Joël Meyerowitz ne serait pas vue de la même manière si elle se retrouvait dans la brochure commerciale d'une agence immobilière plutôt qu'une galerie d'art. Ou encore la photo la plus chère du monde d'Andreas Gursky pourrait paraître banale si elle n'est pas remise dans son contexte technique - c'est une photographie du Rhin retouchée, ou dans le contexte du travail de son auteur.
Une photographie est d'abord une émotion
L'effet Kuleshov nous apprend qu'une photographie va d'abord provoquer une émotion chez celui qui la regarde, quelle que soit la manière dont elle sera produite. Vous affichez un visage neutre, l'émotion sera neutre chez celui qui l'observe, si comme nous l'avons vu le contexte ne donne pas plus d'information.
Du point de vue du photographe, il m'apparait essentiel de bien saisir la différence radicale entre l'émotion de la prise de vue, celle que vous ressentez quand vous prenez la photo, et celle qui sera transmise à son spectateur. Cette différence se constate simplement on observant le temps passé sur la photo.
Le photographe passera un temps considérable sur une photo jusqu'à sa publication, alors que nous savons tous parce que nous regardons beaucoup de photos que nous y consacrons quelques secondes à peine, à quelques rares exceptions. Je caricature parce que nous produisons plusieurs photos en même temps, y compris à la prise de vue, mais entre le moment que nous passons à la prise de vue, à l'édition et à la retouche, à la publication ou la construction d'un ensemble plus grand dans un projet photographique, nous sommes beaucoup plus investis émotionnellement dans une photo que son spectateur.
Mais cela doit nous rappeler tout de même qu'une photo sera toujours interprétée comme une émotion, même si nous passons une fraction de seconde à l'observer. Pour vous en rendre compte je vous propose l'exercice suivant : sur vos derniers travaux ou sur vos photos les plus représentatives de votre travail, essayez d'associer une émotion ou un ressenti à chaque photo, en un mot. Puis demandez à quelqu'un de votre entourage de jouer le jeu et comparez.
Certaines émotions peuvent paraitre banales sur certaines photos parce qu'elle seront avant tout descriptives, mais chaque photo est bien une émotion.
Vous pouvez contrôler les émotions par la séquence
C'est le principal enseignement de l'effet Kuleshov : l'émotion ressentie sur une photographie sera transformée par la photo qui la précède ou qui la suit.
En réalité on publie rarement, pour ne pas dire jamais, une photo seule et unique. J'irais même jusqu'à dire que si vous publiez par exemple une photo par jour sur un réseau social, celui qui vous suit assemblera de lui-même les petits cailloux pour en faire un chemin. Sans vous en rendre compte, vous publiez probablement déjà des photos en séquence, même involontairement.
Ainsi le principal enseignement est qu'il me parait indispensable de travailler en séquence ou en série photographique. Commençons pas le début, combien de photos faut-il pour avoir un bon nombre sur une série ? Combien de photos sont trop ? Je pense qu'au delà de 25 on atteint déjà le maximum et s'il n'y a pas de raison valable de poursuivre pour le spectateur (dans un livre par exemple), il n'ira pas au delà. 15 me parait être un bon chiffre.
Bien sûr pour une commande photographique vous pourrez livrer vos photos de manière chronologique et certainement plus de 15 ou 25. Mais c'est simplement parce que c'est le client qui assemble les séquences et transmet les émotions (le plus souvent "aimez-moi" est l'émotion souhaitée par le client, et les photos sont un moyen de la suggérer).
Mais assez vite vous vous rendrez compte que la séquence chronologique n'est que très rarement adoptée dans une série de photos. L'enchaînement des photos doit impérativement être pensé, comme une séquence d'émotions qui se répondent entre elles. Par exemple d'abord un plan large pour situer, puis une photo majeure qui caractérise la série, puis un détail qui donne de la profondeur. Et vous commencerez alors à regarder chaque photo individuelle différemment selon son emplacement dans la séquence.
Cette photo serait interprétée différemment selon le contexte et la séquence
Un projet photographique est une histoire
Si vous ne devez retenir qu'une seule chose de l'effet Kuleshov, c'est que si vous voulez progresser vous finirez tôt ou tard par travailler sur un projet photographique. Nous avons vu que ce projet serait le contexte que vous donnerez à vos photos, et que par la séquence chaque photo verra l'émotion qu'elle provoque transformée. C'est ainsi parce que vous ne trouverez pas de différence fondamentale entre un film et un projet photo, si ce n'est que dans ce dernier vous devrez tourner des pages ou bouger vos pieds dans une expo. Un projet photo est une histoire.
Tous les photographes ne conçoivent pas la prise de vue en fonction d'un projet, avant d'effectivement photographier. Gary Winogrand par exemple a continué toute sa vie à photographier dans les rues de New York, abandonnant le travail par projet de ses débuts. Il finit sa vie avec plus de 100 000 clichés non développés, qui ont fait le bonheur de ceux qui ont pu s'y plonger, mais tout son travail n'en reste pas moins une histoire : celle du photographe, de là où il était, de ce qu'il a vu et su capturer. La valeur documentaire de son travail est indéniable.
Ainsi même si vous décidez d'assembler des photos dans un projet photographique à partir d'une série de photos qui "se ressemblent" ou adoptent la même technique, le projet restera une histoire. À minima l'histoire racontée sera celle du photographe.
Les méthodes de narration sont innombrables et sont directement accessibles par un moyen simple : les livres photo :) Mais si vous voulez progresser en photographie, il me semble que vous ne pouvez y couper : vous devrez apprendre les méthodes de narration pour choisir celle qui convient le mieux à votre histoire.
Pour aller plus loin sur l'effet Kuleshov
Comment choisir les bonnes photos
Avec le temps, ma sélection de photos est en train d'évoluer. Pendant mes premières années de photographie professionnelle, je dirais qu'un bon 80% de mes choix de photos, à la prise de vue comme à l'édition, correspondait à ce que je pensais ou croyais être "les bonnes photos". Je photographiais pour mes clients plus que pour moi. Je laissais la commande ou ce que j'imaginais être les photos qui fonctionnaient prendre le dessus sur mon envie, mon intuition, ma volonté créative. Je crois que je me suis perdu pendant quelques temps, en oubliant les premières photos qui m'ont donné envie de faire de la photo mon métier.
Je comprends maintenant que la liberté de voir est totale, absolue, infinie. Je suis le seul à me mettre ces barrières, alors que je sais au fond quelles photos je voudrais voir, quelles photos je voudrais choisir de prendre ou choisir de montrer. Certaines photos rejetées sont toujours là, je peux toujours retourner les voir et recommencer ma sélection.
Laissez le temps faire son oeuvre
La plus importante des méthodes de sélection des photos est de laisser du temps entre la prise de vue et l'édition. Nous avons tous des photos à envoyer vite, pour un client, un ami ou la famille, mais pour celles qui sont les plus importantes, je vous propose l'exercice : laissez passer une semaine, pourquoi pas un mois, avant de commencer à éditer les photos.
Vous aurez un oeil neuf, frais, détaché de l'émotion de la prise de vue. Vous expérimenterez aussi le plaisir incomparable de redécouvrir des instants que vous aurez oublié.
Underdogs - New York
Collectionnez les outsiders
Pour chaque projet, pour chaque voyage, je crée une collection de photos qui ont peu de chances de passer la sélection ou d'être publiées, mais pour lesquelles j'ai de l'affection. J'oublie toute règle ou convention, tous les principes de composition ou d'exposition. Ce sont simplement les images que j'aime. Elles sont toujours classées par thématique, par projet ou événement, mais elles sont à côté. Les outsiders. Les underdogs.
Souvenez-vous qu'en sport on aura toujours tendance à vouloir que le petit poucet gagne. Les belles victoires sont gagnées par ceux qui n'avaient aucune chance. Et puis quand vous en aurez suffisamment dans cette collection, posez vous la question : et si je devais publier uniquement les outsiders, ça donnerait quoi ? Si vous deviez choisir les meilleures des "pas assez bonnes", est-ce que vous pourriez encore raconter cette histoire ? Parfois oui. Et quand ça marche... c'est une belle victoire.
Underdogs - Paris
Commencez plus de projets que vous ne pourrez jamais publier
Les meilleurs projets photographiques devraient finir dans un livre, une exposition, un film... un ensemble cohérent qui devient plus que la somme de ses photos.
Pour trouver les projets qui vous parlent, qui vous font avancer, qui vous prennent au tripes, ça ne viendra pas du premier coup. On ne commence pas par écrire un roman du premier coup. On commence par la grammaire et le vocabulaire, la syntaxe et une rédaction. Puis une nouvelle, des dialogues, et enfin une histoire. Est-ce que la première histoire est la bonne ? On peut avoir cette impression parce que c'est un aboutissement, la somme de travail en amont est vertigineuse. En réalité créer un projet est une démarche en elle-même que je vous conseille de pratiquer également. Faites des erreurs, écrivez plus d'idées de projets que vous ne pourrez jamais en réaliser.
Travailler sur un projet photographique est un travail d'auteur. Multipliez les projets, commencez par voir des similitudes dans des photos qui n'ont rien à voir, cherchez des histoires à raconter dans les photos que vous avez déjà. Et commencez à assembler des collections de photos sur une intuition, sur une intention créative similaire, écrivez tous les titres de projets que vous pourrez imaginez.
De temps en temps vous aurez un projet que vous ne pourrez plus lâcher, parce qu'il vous parle ou parle de vous. Aussi parce que vous en aurez raté ou abandonné des dizaines avant.
My Soul so Cool from the Bath of Light
My Soul so Cool from the Bath of Light
Horizons New York
Horizons Paris
2 projets commencés, un seul ira au bout
Passez en miniatures
Les photos fortes sont toujours fortes quand elles sont toutes petites. Sur votre logiciel d'édition, affichez votre shooting en miniature et identifiez les meilleures très rapidement en regardant l'ensemble de loin. Cela ne vous dispense pas d'un vrai travail d'édition. Mais vous verrez parfois des photos que vous avez laissé de côté pour de mauvaises raisons.
Cette méthode fonctionne également avec une collection de photos dont le volume est trop important, où vous avez peut être le sentiment qu'elles fonctionnent toutes. Effectuez un tri parmi une collection de photos que vous trouvez réussies et ne gardez que celles qui fonctionnent en miniature.
Les meilleures photos fonctionnent toujours en miniature
Séparez la couleur du noir et blanc
La couleur et le noir et blanc sont tout à fait compatibles. Mais je les crois tellement différents dans leur principe que je vous recommanderai de les séparer pour la sélection de photos. Le noir et blanc donne des sentiments radicaux. La couleur vous plongera dans des émotions tellement variées.
Les mélanger me semblerait être un voyage en montagnes russes, trop d'infos contradictoires, trop d'éléments dissemblables qui ne se répondent plus.
Personnellement sur un projet ou un événement, je commence par l'un des deux, généralement la couleur. Puis j'ai une deuxième phase d'édition avec un ensemble très large de photos, y compris certaines rejetées en couleur. Je les passe toutes en noir et blanc avec un pré-réglage et je recommence l'édition en noir et blanc. La sélection est très souvent différente, et ne partage pas les mêmes émotions ou informations.
Ma sélection finale sera parfois en noir et blanc, parfois en couleur, parfois les deux. Mais le travail d'édition je le réalise dans l'une puis l'autre.
Même salle, deux ambiances
Même photo, pas la même photo
Refusez de choisir deux photos similaires
Trop souvent sur des séries ou des événements j'ai tendances à choisir des photos qui se ressemblent dans les premières étapes. Tout simplement sur un moment précis magnifique ou un cadrage que l'on voit fonctionner on le répète pour essaye de l'améliorer. La photographie numérique nous permet cette recherche et ce perfectionnement, j'en profite souvent.
Mais au moment de la sélection finale, je refuse d'avoir deux photos similaires ou proches dans l'intention, l'idée ou l'information que les photos transmettent.
C'est parfois dur, parce que j'aime franchement plusieurs photos dans ces moments-là. Mais je me l'impose pour surtout éviter la monotonie qui peut venir si vite sur une série de photo. Et puis les rejetées à ce moment là, elles vont garnir mon dossier d'outsiders. Avec un peu de temps, elles referont peut être surface et gagneront le droit d'être publiées.
Comment éditer ses photos
Nous voici sur une des parties les plus dures de ce livre pour moi : l'édition de vos photos. Cette section est difficile parce que :
Il y aurait beaucoup à dire sur la partie technique d'un logiciel comme Lightroom, mais ce livre n'a pas du tout cette vocation.
J'ai peu enseigné sur cette question. L'édition fait partie de mes ateliers de photographie à Paris, mais sous un angle différent et pas à destination de débutants.
L'édition est une partie TRÈS importante en photographie.
Pourquoi l'édition est importante ?
Commençons par définir le terme, quand je parle d'édition c'est au sens de l'éditeur, je parle de sélection et publication de photos. Je ne parle pas du développement d'une ou plusieurs photographie, bien que le développement soit généralement intégré dans les logiciels qui vous permettront d'éditer.
L'édition est importante avant tout parce qu'elle prend un temps conséquent. Quand je parle de mon métier, à un client pour me vendre ou à un autre photographe pendant un voyage-photo, j'ai pour habitude de dire que je passe autant de temps en post-production qu'en prise de vues. Cette répartition moitié prise de vue / moitié édition n'est qu'une approximation. Avec les années de pratique je réalise que le temps d'édition est beaucoup plus important en volume, à cause du besoin de revenir encore et encore sur d'anciens travaux. Voilà pour le volume.
Mais l'édition est également cruciale pour la qualité de vos photos car c'est là que vous pourrez travailler sur des projets photographiques, et surtout pour vous qui débutez c'est devant vos anciennes photos que vous devez progressez le plus sur la qualité de vos futures photos. C'est à l'édition que votre oeil critique (de vos propres photos) doit s'exercer. Nous verrons plus tard que cet oeil critique progressera également avec la l'observation et l'analyse du travail d'autres photographes, mais l'objectif est ici d'apprendre à éditer vos photos pour que votre prochaine session de photo soit meilleure que la précédente. Vous avez la chance du débutant : celle de progresser beaucoup et vite. Mon but est ici de vous donner une méthode d'édition qui vous permettra d'éviter quelques erreurs ou pertes de temps.
Bon cette introduction est beaucoup trop longue. Je l'éditerai certainement quand je rassemblerai tout pour le livre.
Méthode simplifiée d'édition d'une session photo à l'usage des débutants en photographie
Manifestement, je dois aussi travailler mes titres.
Commençons par le début, vous revenez d'une sortie photo, ou bien d'un shooting d'un concert, d'une épreuve sportive, d'une planque pour capturer le brame du cerf, vous revenez de vacances ou de l'anniversaire de votre neveu. Bref, vous êtes devant votre ordi et vous allez vider une carte mémoire.
Les captures d'écran que je présenterai ici sont issues de Lightroom que j'utilise depuis mes débuts en photographie, mais ces principes fonctionnent avec tous les logiciels de traitement et d'édition de photos. J'ai simplement été trop paresseux (ou désintéressé du sujet) depuis des années pour effectuer ou chercher un comparatif valable entre les différents logiciels et suis resté fidèle à Lightroom.
Etape 1 - Videz la carte mémoire et classez par date
Mon conseil le plus important ici sera de vous suggérer d'importer vos photos dans un dossier qui contient la date de vos prises de vues. Pendant les 4 premières années de ma photographie j'importais par dossier thématique et le seul classement que j'ai de cette époque est un ordre alphabétique (PAS pratique du tout).
Vous pourrez classer vos photos par événement, thématique ou projet ultérieurement, grâce aux collections. C'est d'ailleurs tout l'objet du travail d'édition. Mais si vous importez par date, puis renommez votre dossier pour y inclure la thématique à la suite de la date, vous obtiendrez un deuxième classement très pratique.
Mon conseil subsidiaire serait de renseigner un maximum de mots clés génériques qui s'appliquent à toutes les photos que vous importez. Dans le cas de l'anniversaire du neveu : "anniversaire" / "nom de votre neveu" / "ville" / "année" / "soirée" etc. Vous pourrez ensuite renseigner les mots-clés photo par photo ou par sélection multiple à l'issue de votre travail d'édition. Ce sera facilité si vous renseignez un maximum de mots-clés dès l'importation.
Etape 2 - Notez tout ce qui vous intéresse
Dans le module d'édition de Lightroom, chaque photo est associée à une "note" de 1 à 5 étoiles. Ce système est utilisé de manière universelle pour classer vos photos, vous pouvez d'ailleurs noter vos photos directement sur votre appareil si ça vous chante (ou si c'est votre métier et que ça vous facilite votre travail, ou si vous avez un assistant mais là je vais commencer à être jaloux).
Je note toutes mes prises de vues sur une journée ou un événement, en regardant l'intégralité de ce que j'ai pris car je ne jette rien. Je n'efface aucune photo pendant les prises de vues de peur d'effacer une photo dont je n'aurais pas vu l'intérêt sur un tout petit écran. Les cartes mémoires modernes sont suffisantes maintenant pour ne rien jeter.
Sur mon premier passage je note TOUT ce qui m'intéresse avec un classement 1*.
Etape 3 - Editer c'est comparer
Vous vous rendrez compte avec l'expérience que c'est toujours par comparaison que vous allez décider de garder une photo plutôt qu'une autre. Quand j'ai un doute sur la première étape, je garde la photo car je sais que je reviendrai dessus. Ainsi j'ai souvent des "doublons", plusieurs versions d'une photo, ces clichés se ressemblent à quelques détails près.
Une fois ma première sélection de photos 1* faite, je trie ma bibliothèque pour n'afficher que les photos sélectionnées.
Puis je recommence, avec pour idée de ne garder que les meilleures, en les notant 2*.
C'est également à cette étape que j'applique généralement un "pré-réglage" ou "preset" sur Lightroom, pour avoir des versions des photos quasiment définitives.
Etape 4 - Créez un ensemble cohérent
Vous avez compris, je vous recommande de visionner 5 fois votre session, à chaque fois en ne gardant que les meilleures.
Lors de mon 3ème passage sur les photos, j'ai un objectif éditorial, ce sont les photos que je vais utiliser ou transmettre. C'est à ce moment que j'essaye d'éviter les doublons et de décider quelle version d'un cadrage je vais garder. C'est la phase où j'élimine plus que je ne choisis.
L'ensemble de mes photos 3 étoiles sont susceptibles d'être transmises, il ne doit rester ici que des photos qui servent l'objectif de ma session photo (pour un client ou pour moi). Ce sont les photos qui me font le plus réagir, pour lesquelles j'ai le plus d'affection.
Lors de vos premiers shootings ne soyez pas surpris de n'obtenir qu'une seule photo 3* tous les 10 clichés, voire moins. Avec les expériences qui s'accumulent vous pourrez probablement vous approcher d'1 sur 5.
Attention je parle de photos que vous POUVEZ utiliser, mais en pratique je vous conseillerais de n'utiliser que des 4 étoiles.
Etape 5 - Ne publiez que des 4*
Vous allez recommencer une 4ème fois. Puis une 5ème. A chaque étape la sélection deviendra meilleure que la précédente, comme une sorte de tournoi dans lequel serait engagées vos photos pour gagner votre coeur.
4* : Les photos remarquables, parfaites techniquement et en composition, tout à fait en ligne avec ce que vous essayez de raconter ou avec la commande qui vous est passée.
5* : les photos exceptionnelles. Ce sont celles qui me bouleversent pour une raison inexpliquée. Elles sont rares. Très rares. Certains disent qu'on en prend une sur 10 000 clichés. Je suis assez d'accord, j'ai plutôt pour habitude de dire qu'on en prend une par an, mais c'est peut être un peu plus que ça pour moi. Mais quand je débutais en photographie, avant d'être professionnel, je prenais à peu près 10 000 clichés par an. Donc tout ça me parait à peu près cohérent.
Je ne rentrerai pas ici dans le débat de ce qu'est une "bonne" photo, mais reconnaissons que certaines photos sont tout de même "meilleures" que d'autres, pour des raisons parfois objectives, parfois subjectives.
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En réalité je passe maintenant rarement 5 fois sur mes photos, du fait de l'expérience. Mais je le faisais au début. Vous verrez le bénéfice de passer plus de temps sur vos photos, de passer plus de temps à les comparer, à les évaluer, à noter les détails rédhibitoires sur des photos qui paraissaient intéressantes.
Toutes les erreurs que vous observerez vous serviront au prochain shooting. Vos décisions de déclenchements se passent souvent en une fraction de seconde, malgré tout ce que je pourrai écrire vous n'aurez jamais le temps de penser à tout, c'est votre travail antérieur, à l'édition, qui vous permettra d'obtenir de meilleur clichés.
Mon conseil est d'être dur avec vos photos, soyez intransigeant et vos prochaines photos n'en seront que meilleures. Et s'il vous plait ne publiez que des photos qui représentent votre meilleur travail. Ne partagez publiquement que des 4*, même si elles sont peu nombreuses.
Je suis le premier à me dire que je n'aurais pas dû publier telle ou telle photo parce qu'elle n'est pas parfaite ou incohérente avec ce que j'essaye de faire globalement dans ma photographie. Ne tombez pas dans le piège du like, ne publiez que vos meilleures photos.
Etape 6 - Choisir c'est renoncer
En éditant vous apprendrez à voir ces petits détails qui feront une différence, par exemple que certaines positions des jambes sont plus équilibrées que d'autres, que certains cadrages fonctionnent mieux avec quelques millimètres de différence, vous verrez des détails d'expressions sur des visages qui sont totalement incompatibles ou simplement sans intérêt.
Et vous éliminerez des photos. Beaucoup de photos. Notamment des photos qui vous semblaient intéressantes à la prise de vue, ou quand elles étaient mélangées avec des 1*. Mais vous devrez couper, souvent.
La règle en édition est que s'il y a un doute, il n'y a pas de doute : vous ne gardez pas cette photo. Une "bonne" photo est une évidence, immédiate, qu'elle soit au milieu d'autres photos ou toute seule sur un mur. Et les photos qui tiennent au mur sont rares.
Cet article est une section du livre VA - Lettre à un(e) jeune photographe.