Photographie de rue Genaro Bardy Photographie de rue Genaro Bardy

5 manières de combattre la peur en photographie de rue

La peur est notre principal adversaire quand on photographie dans la rue, même pour les meilleurs d'entre nous. Que ce soit la peur de gêner, la peur de rater, la peur de ne pas avoir le droit de prendre des photos, ou toutes les raisons que l’on se donne de ne pas aller faire une photo. Nous avons tous connu la peur à un moment de notre vie de photographe et cela peut être un véritable blocage qui nous empêche de progresser.

Il existe plusieurs manières de vaincre la peur, en voici quelques unes que j’apprécie particulièrement pour les avoir vu réussir chez quelques photographes.

1. Séparez la réalité de la perception

Dans la grande majorité des cas, les photographes que j’accompagne me donnent des raisons pour leur peur de photographier qui ne sont que des idées préconçues. Ces raisons sont déconnectées de la réalité, de ce qui se passe quand on va effectivement prendre ces photos au plus proche des gens.

Vous avez peur de ne pas être dans votre droit ? Si vous êtes dans un lieu public, connaissez votre droit à photographier. Vous avez peur d’être pris à partie ou d’une réaction violente de la part de vos sujets. Cela arrive, c’est incontestable, mais c’est extrêmement rare. Préparez-vous à répondre aux différentes situation qui se présentent à vous en photographie de rue en commençant par demander la permission.

La réalité de la pratique de la photographie de rue est beaucoup plus facile et agréable que ce qu’elle peut paraître, et il n’y a qu’un seul moyen de le constater : essayer.

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

2. Identifiez ce qui déclenche votre peur

Analysez et déterminez ce qui a déclenché votre peur de photographier dans une situation particulière. Apprendre à l'identifier vous aidera à la combattre.

Personnellement, je me suis retrouvé il y a peu à devoir photographier au milieu d’une plage bondée. La plage était beaucoup trop courte pour que je puisse me balader discrètement. Je n’ai pas trouver de moyen d’arrêter la peur qui était la mienne : je craignais d’avoir l’air totalement déplacé, au milieu des bains de mer et de soleil de familles et d’enfants.

J’ai tout de même pris des photos, en demandant la permission, en expliquant ma démarche et en proposant des portraits à ceux qui étaient là et que je trouvais intéressants.

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

3. Pensez à un moment réussi

Quand je photographie dans une situation où je sais pouvoir avoir peur de m’approcher, je pense à mes photos préférées, à celles que j’ai réussies parce que j’ai su apprivoiser ma peur. D’une manière assez évidente, je remarque que je génère plus de réactions positives chez ceux que je croise en photo si je suis de bonne humeur, souriant et avenant.

C’est simplement de la pensée positive et de la gratitude qui aide à transformer son état esprit. Cela aide à surmonter la peur, et généralement à passer un autre bon moment.

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

4. Créez une nouvelle association

Rappelez-vous que le moment passera, et que la peur que vous ressentez passera également. Concentrez-vous sur l'issue positive de la situation, sur la photographie que vous pourriez réaliser, plutôt que sur ce qui est effrayant.

Faites attention à vos conversations intérieures, à ce que vous vous dites quand vous photographiez. Si vous ne le diriez pas à un ami, ne le dites pas à vous-même. Parlez-vous positivement et rappelez-vous de vos points forts, pourquoi vous aimez la photographie et ce que cela vous permet d’accomplir.

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

5. Prenez ça comme un jeu

Trop souvent, j’ai pris la photographie sérieusement parce que j’ai décidé d’en faire ma vie professionnelle. Et aussi souvent, je repense à mes années de jeux-vidéo, une photo exceptionnelle est mon boss de fin de niveau et je suis dehors pour aller la chercher.

Amusez-vous, prenez simplement du plaisir à constater que le moment que vous passez et les rencontres que vous ferez en photographie de rue sont plus importantes que les photos elles-mêmes. Et cherchez des moyens de faire de meilleures photos en explorant de nouvelles manières de faire. La récompense est souvent proche quand on prend la photo comme un jeu.

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est personne - Paris, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy


Vous voulez progresser en photographie de rue, trouver le style qui vous ressemble ou simplement surmonter vos peurs et réaliser de meilleures photos ?
J’anime un atelier de photographie de rue à Paris.

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La peur est un bon signe

Place des abbesses, septembre 2008. Je m’en souviens comme si c’était hier, la peur m’a tellement marquée que je n’ai pas besoin de voir la photo pour sentir l’adrénaline monter. C’est pourtant la plus simple ou la plus idiote des anecdotes. Pour la première fois de ma vie, je m’apprêtais à demander à un jeune homme bien plus grand que moi si je pouvais le prendre en photo.

Je ne sais pas bien pourquoi je lui ai demandé à lui, spécifiquement. Il est peut-être juste passé au moment où j’ai pris mon courage à deux mains. Peut être que je le trouvais élégant ou original, peut-être avait-il un visage amical et une démarche pas trop pressée.

Il s’est arrêté, s’est retourné, a souri en répondant un simple : “si tu veux”. Dans mon souvenir, il aurait presque haussé les épaules. J’ai fait la première photo qui m’est passée devant les yeux, le coeur à cent mille. Je suis reparti surpris par tant de facilité, souriant à ce qui s’ouvrait maintenant devant moi.

Treize ans plus tard, après quelques centaines de milliers de photos, régulièrement dans la rue ou un lieu public, je peux vous dire que cette peur initiale est toujours là. Elle est amoindrie, elle est apprivoisée, je sais comment la surmonter, mais elle est toujours là. Cette peur est celle qui me souffle à l’oreille les mauvaises excuses pour ne pas aller faire ces photos : “je ne veux pas les déranger, je ne voudrais pas être vu, cette photo ne vaut pas le coup”. Je pourrais en citer deux cents autres, on trouve toujours des raisons de ne pas y aller, c’est toujours la peur qui nous freine.

C’est certainement une question de personnalité, je connais des photographes qui n’ont aucune peur apparente, ou qui se foutent éperdumment de comment les autres pourraient réagir. Pour moi, la photographie est un moyen de m’ouvrir sur les autres. Je parle, j’explique, je commente la scène, je pose des questions. Racontez-moi votre histoire, si vous avez le temps je l’aurai toujours pour vous.

Après avoir initié à la photographie de rue des centaines de photographes en voyage, dans les rues de New York, de Sienne ou de Paris, je sais que cette peur est toujours présente. La peur est le principal objet de mon travail de formateur pour les débutants en photographie de rue, quelle que soit la personnalité qu’ils adoptent une fois cette difficulté initiale franchie.

Il y a quelques semaines, au début du second jour de ma formation à Paris, j’identifiais Maria, une participante qui n’avait pas réussi à surmonter sa peur sur la première journée. Ses photos de la veille en étaient de faciles témoins. Je lui proposais de l’accompagner lors du d’ébut de notre marche, rue des petits carreaux, pour lui montrer la méthode et l’inciter à procéder elle-même juste après. Je cherchais à la débloquer, je n’ai pas été déçu.

La méthode lorsque l’on débute est toujours la même : demandez la permission de faire un portrait. Quand vous aurez demandé dix fois la permission, vous serez plus à l’aise pour passer à l’étape suivante : faire la photo PUIS demander la permission de garder la photo.

Je m’exécutais donc, Maria juste à mes côtés, je cherchais un personnage qui m’intéresse assez pour lui demander une photo. Avec l’expérience, j’ai appris à toujours aller vers celui ou celle qui me fait le plus peur. Non pas parce que la personne est menaçante, je cherche en réalité à écouter ma peur, parce qu’elle est toujours un signe.

La peur est le signe que j’ai vu une photo intéressante, que j’ai vu un personnage qui m’intrigue, pour des raisons que je n’ai même pas besoin d’analyser. J’ai peur de faire la photo justement parce que je sens qu’il y a une bonne photo à faire. Si je n’ai pas peur d’y aller, et bien c’est que je peux passer mon chemin et que le sujet ou la scène ne m’intéresse pas. Le monsieur d’un certain âge en train de boire un whisky en terrasse de la rue Montorgueil a été charmant, et je crois bien que la photo n’est pas mauvaise du tout.

La réaction de Maria a été foudroyante. Elle a commencé par aborder un couple d’américains qui lui ont signifié qu’elle pouvait photographier si elle ne les interrompait pas dans leur conversation. Une heure plus tard, je retournais chercher Maria tous les 1/4 d’heure pour qu’elle rattrape le groupe. Elle donnait ses coordonées à une jeune femme pour aller photographier un événement ou prenait le téléphone d’un basketteur dont elle avait mitraillé le match. Maria était débloquée et partait en souriant à l’aventure, quand quelques heures plus tôt elle n’osait pas lever la tête de l’appareil pour parler à des inconnus.

C’est aussi simple que ça. Une fois apprivoisée, la peur devient le signal qu’une photo qui m’intéresse se cache quelque part par là. À chaque fois que je cède à la peur, en réalité je manque une occasion d’avoir une excellente photo. Présentée ainsi, la peur est ma meilleur alliée en photographie de rue.

La peur est un bon signe.


Prochain atelier à Paris : 16-17 Avril 2022


Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

Mon nom est Personne - Parisiens, Juin 2021 - Photo Genaro Bardy

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Aurez-vous toujours peur de photographier dans la rue ?

Depuis quelques jours il est à nouveau possible en France de sortir de chez soi sans permission. Pas pour toutes les régions, dans un rayon de 100km et sous certaines conditions pour les transports publics ou les écoles. On est pas sortis des ronces.

La bonne nouvelle, c'est qu'une bonne partie d'entre vous avez maintenant la possibilité de sortir de chez vous pour photographier. Fini les séances d'auto-portraits à la fenêtre ou de lamentation sur notre appareil photo qui prend la poussière.

Est-ce que ce déconfinement amènera plein de photographes dans la rue ? Probablement pas. Et ce pour une raison très simple : la peur.

La photographie de rue est la raison d'être principale de mes formations, c'est une expertise qui est peu enseignée. Et dans cette discipline, le principal frein au progrès ou même à simplement essayer est LA PEUR. Oui, j'aime bien penser que la photographie est un sport, qu'un genre photographique est une discipline et une photo une performance. Ça ne change rien à l'histoire, c'est juste une manière de me motiver.

Je suis donc prêt à parier que nous ne verrons pas beaucoup plus de photographes de rue dans les jours à venir. Mais si je peux vous aider sur la peur, je ne vais pas me priver.

Voici 3 méthodes qui doivent vous aider sur vos peurs. Je limite à 3 pour que vous puissiez les pratiquer rapidement.

Demandez la permission

Il pourrait paraître étonnant de conseiller de demander la permission en photographie de rue. Est-ce que je ne perds pas un moment authentique en réalisant un portrait ?

Alors, déjà non. Qui a dit que la photographie de rue devait toujours être volée ? Personne. Ou j'men fous.

Et puis nous sommes là pour travailler sur la peur de photographier des inconnus. Le meilleur moyen de progresser sur la peur est de s'y confronter, d'aller vers les autres, vers quelqu'un qui vous intéresse, sans forcément lever son boitier ou lui mettre dans le nez.

Allez vers quelqu'un dont vous aimeriez une photo et dites :

  • "Bonjour, j'étudie la photographie. Est-ce que je pourrais prendre une photo de vous ?"

Ou toute autre version que vous trouvez polie et agréable. Vous avez le droit de sourire quand vous vous approchez ;)

Quand vous aurez demandé 10 fois la permission, vous verrez que la peur de photographier commencera à s'atténuer.

Pelourinho, Salvador de Bahia 2020 - Photo Genaro Bardy

Posez des questions

Passez du temps avec les personnes que vous photographiez. Vous en apprendrez plus sur eux, vous verrez plus d'attitudes et de détails dans leur comportement, tout ce que vous pourrez utiliser dans vos photos.

Posez des questions simples, comme si vous essayez de comprendre en 5 minutes qui ils sont et ce qui les intéresse. Ce sera perçu de manière amicale dans 90% des cas, et dites-vous que c'est légitime puisque vous avez déjà demandé si vous pouviez prendre des photos. Vous êtes photographe :)

Proposez toujours d'envoyer la photo plus tard, prenez les coordonnées des personnes dont vous avez le portrait. Et puis envoyez effectivement la photo ! Je suis parfois coupable sur cette partie.

L'idée ici est de vous faire travailler votre scène pour aller chercher de meilleurs clichés.

Pelourinho, Salvador de Bahia 2020 - Photo Genaro Bardy

La règles de 3

La règle de 3 est simple :

  • Quand vous voyez quelqu'un d'intéressant, vous avez 3 secondes pour faire 3 pas en avant et déclencher

Les moments intéressants en photographie de rue passent trop vite :

  • Soyez prêts sur vos réglages,
  • Observez avec toute votre attention,
  • Quand vous avez une intuition, ne réfléchissez pas,
  • Marchez en direction de votre sujet et déclenchez.

L'idée est de ne pas laisser le temps à de fausses excuses. La peur viendra toujours par des chemins de travers : "j'ai pas le bon réglage", "il avait l'air bizarre", "je suis trop loin"...

Ne laissez pas le temps à la peur de s'installer et de justifier l'abandon de cette pratique. C'est difficile, mais ça ira mieux à partir de la 3ème fois.

1 pas en avant, 2 pas en avant, 3 pas en avant, déclenchez. En 3 secondes.

Pelourinho, Salvador de Bahia 2020 - Photo Genaro Bardy

Si vous ne le faites pas pour vous, faites le pour moi

Ironie de l'histoire, alors que nous sommes à la maison depuis deux mois, le confinement strict arrive à Salvador de Bahia, dans notre quartier. Les statistiques du Covid-19 ne faiblissent pas, malgré la fermeture de tous les commerces et écoles. Je vais donc continuer à shooter à la maison...

Mais j'espère bien voir vos photos, où que vous soyez ! Vous avez un site ou un compte Instagram où vous partagez vos photographies de rue ? Laissez-le en commentaire, je serai heureux d'aller voir ça.

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Surmonter ses peurs en photographie de rue

La peur est le premier frein à la photographie de rue, commençons par vous en affranchir pour photographier plus libéré.

Toute la difficulté en photographie de rue réside dans sa pratique, dans le fait de surmonter la peur de photographier des inconnus sans leur demander la permission.

Personnellement j'ai loupé des dizaines, des centaines, probablement des milliers de photographies depuis que j'ai commencé la photographie de rue il y a 12 ans, uniquement parce que j'ai eu peur. Cela peut prendre plusieurs formes :

  • "je n'ai pas osé"

  • "je n'ai pas voulu le/la déranger"

  • "le moment est passé"

Parfois je prendrai l'excuse d'avoir à avancer parce que je suis en route vers une destination, d'autres fois parce que mon appareil photo n'est pas prêt. Toutes ces raisons sont en réalité des expressions de la peur. La peur de photographier dans la rue ne disparait jamais vraiment pour moi, j'ai juste appris à composer avec.

En d'autres termes, si vous voulez progresser en photographie de rue, vous devez avant toute chose prendre confiance en vous et surmonter vos peurs.

Connaissez vos peurs

La première étape pour surmonter ses peurs de la photographie de rue est de verbaliser ces peurs et d'effectivement les noter sur un bout de papier.

Allez-y je vous laisse 5 minutes.

Je suis sympa vous pouvez même écrire ici :

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Toutes les peurs que j’entends exprimées lors de mes workshops tournent toujours autour des mêmes éléments, qui sont des variations des mêmes peurs que voici avec mes réponses :

  • Peur d’être ridicule

Cette peur est normale, naturelle. Les photographes de rues sont des bêtes curieuses avec leur appareil qui ne sert pas aux selfies, dirigé vers les autres. Ils s'approchent et s'immiscent parfois dans la vie des gens.

Le ridicule, vraiment ? Si vous prenez deux secondes pour réfléchir au ridicule de la situation vous verrez que le ridicule est rare. Et quand bien même vous vous trouviez ridicule, vous savez que cela n'a jamais tué personne.

Quand j'entends cette peur exprimée, je sais qu'elle correspond à un(e) photographe qui a très peu pratiqué, qui débute en photographie de rue.

Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse Paris, 2011

  • Peur d’être agressé

La peur d'une réaction violente de la part des sujets en photographie me semble beaucoup plus légitime à priori. On sait instinctivement que certaines personnes ne veulent tout simplement pas être photographiés dans leur quotidien.

Mais de là à être agressé ? Non, je peux vous assurer je n'ai JAMAIS été physiquement agressé en pratiquant la photographie de rue. J'ai vécu pendant des années dans le 18ème arrondissement de Paris, pas très loin d'un quartier nommé 'La Goutte d'Or' réputé pour ses fréquentations peu recommandables. C'est le seul endroit en 12 ans où j'ai eu une réaction violente par un couple, l'homme clairement éméché ou drogué qui menaçait de me casser mon appareil. J'ai effacé la photo et passé mon chemin.

La pire des pires situations pour moi a fini en menaces. Et je peux vous assurer que de Rio de Janeiro à Johannesburg, j'ai photographié dans certaines des villes les plus dangereuses au monde. Vous pouvez rencontrer des réactions inconfortables en photographie de rue, même arriver jusqu'à une certaine forme de violence verbale.

La réalité c'est que 95% des gens que je croise ne font même pas attention à moi, ou s'ils me voient ne prennent pas le temps de s'arrêter et de me parler. Une personne me demande parfois si je l'ai prise en photo, mais la plupart du temps en continuant à marcher. Je réponds "oui" et "merci", et si la personne s'arrête j'explique ma démarche : je suis photographe et je travaille sur un projet dans la ville où nous nous trouvons. Parmi ceux qui me parlent, 95% comprennent et sont plutôt amicaux.

On me demande parfois d'envoyer la photo si elle est réussie. On me demande ce que je vais en faire, si je travaille pour la presse. Mais d'agression ? Jamais.

Photo Genaro Bardy - Parisiens, 2019

  • Peur d’importuner

On peut avoir peur de déranger la personne qui est photographiée, surtout si la distance laisse penser qu'elle pourrait être reconnaissable sur la photo. Encore une fois ceux qui seront vraiment importunés représentent à peu près 5% de ceux qui s'arrêteront, eux-même représentant 5% des personnes photographiées.

Pratiquez une séquence de discussion que vous répéterez encore et encore pour vous y habituez :

  1. Souriez en permanence.

  2. Engagez la conversation avec ceux qui viennent vers vous. Surtout ne fuyez pas en cachant votre appareil.

  3. Expliquez votre démarche : "je suis photographe" - "je suis étudiant en photographie" - "je travaille sur un projet personnel" ...

  4. Personnellement je profite de la situation pour savoir si je peux réaliser un portrait de la personne qui s'est arrêtée.

Vous avez toujours la possibilité d'effacer la photo si la personne n'est vraiment pas contente (encore une fois c'est rare). Personnellement j'essaye de ne jamais effacer mes photos, avant tout parce que j'en ai le droit, ce qui nous amène au point suivant.

  • Peur de ne pas avoir le droit

Connaissez vos droits : vous avez le droit de photographier dans un lieu public, même si les personnes sont reconnaissables sur les photos !

Pour élaborer un peu plus votre discours, je vous renvoie à cet article :

Photo de rue et droit à l’image

On peut photographier des inconnus sans demander la permission

En France vous avez le droit de prendre des personnes en photographie dans des lieux publics sans leur demander la permission. C'est aussi vrai dans la plupart des pays que j'ai pu visiter. Mais l'utilisation d'un discours sur mon bon droit est RA-RI-SSIME.

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, 2019

Commencez par demander la permission

Cela pourrait paraître paradoxal, mais demander la permission est probablement le meilleur moyen de s'habituer à ne plus la demander.

L'objectif de cette méthode est de :

  • vous habituer à aller vers des inconnus et à engager la conversation

  • vous habituer à être rejeté, à ce qu'on vous dise "non"

  • réaliser que lorsque vous ferez un portrait, vous n'êtes pas obligé de ne déclencher qu'une seule fois. Vous pouvez chercher le meilleur cliché, travailler votre scène et attraper des moments naturels.

Commencez par réaliser des portraits dans la rue. Cela vous habituera à parler à des inconnus, à vous approcher, cela vous obligera à vous lancer avec des mots avant de vous lancer avec un boitier.

Le meilleur exercice est d'essayer d'obtenir 5 OUI et 5 NON, 5 personnes qui acceptent que vous réalisiez un portrait, et 5 qui refuseront. Vous verrez que vous aurez beaucoup de mal à obtenir 5 refus :)

Photo Genaro Bardy - Bahianos, 2019

Pêcher avant de chasser

Les techniques de prises de vue en photographie de rue peuvent se classer en deux grandes catégories :

  • Trouver un cadre et attendre -> aller à la pêche

  • Trouver un sujet et le suivre -> aller à la chasse

Il va sans dire que chasser est beaucoup plus difficile parce que la peur est encore plus grande. J'y trouve personnellement une adrénaline qui participe à mon plaisir, mais ce serait un autre sujet.

Mon propos ici est de vous dire de trouver un cadre intéressant et d'attendre que des personnes traversent votre cadre. Si vous choisissez un lieu très fréquenté ce sera plus facile de vous habituer à être proche de vos sujets.

Photo Genaro Bardy - La Ville Miraculeuse Paris , 2012

Photo Genaro Bardy - Primal NYC, 2019

C'est en forgeant

C'est en photographiant dans la rue que la peur de photographier dans la rue disparait.

Le peintre Edgar Degas, bien que connu pour ses magnifiques tableaux impressionnistes de danseuses, s'est entiché brièvement de la poésie. Edgar Degas était un esprit créatif brillant, tout le potentiel pour de magnifiques poèmes à disposition, il avait de l'inspiration sans difficulté. Et pourtant vous ne trouverez pas de poèmes d'Edgar Degas. Une fameuse conversation pourrait en être l'explication. Un jour, Degas se plaignait auprès de son ami le poète Stéphane Mallarmé à propos de ses difficultés à écrire. "Je n'arrive pas à dire ce que je souhaite, et pourtant je suis plein d'idées". La réponse de Mallarmé est passée à la postérité :

"Ce n'est pas avec des idées qu'on fait des vers,

c'est avec des mots".

Alors oui, nous pouvons conceptualiser la peur en photographie de rue autant que nous le souhaitons. Mais à un moment il va falloir prendre votre appareil photo et vous y confronter, il va falloir effectivement prendre des photographies dans la rue pour que vous réalisiez que la peur existe, que ce n'est pas si grave et qu'on arrive à s'en accommoder.

Combien de fois avons nous pensé : "ça ferait une bonne idée de film", "j'aimerais écrire un livre un jour", "si je faisais plus d'efforts j'y arriverais". Et combien de livres avons-nous écrit ? Combien de ces films ont été réalisés ? Uniquement ceux qui se sont retroussés les manches peuvent en parler.

Allez photographier dans la rue. Pas demain, pas la semaine prochaine, pas quand vous n'aurez plus peur. Vous aurez toujours peur. Si vous sortez photographier maintenant je peux vous assurer que vous serez un(e) meilleur(e) photographe en revenant.

Comme le dit si bien Austin Kleon :

"Beaucoup de personnes veulent être le nom,

sans faire le verbe".

Ce n'est pas avec des intentions que l'on devient photographe de rue, c'est avec du travail.

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, 2019

Apprenez à aimer la peur

En fin de compte, vous vous intéressez probablement à la photographie de rue parce que vous êtes un(e) humaniste. Vous vous intéressez à ceux qui vous entourent ou que vous croisez, vous devez savoir que c'est une empathie particulière, pas si fréquente. Cette empathie participe bien sûr complètement à la fabrication de vos peurs. Au final vous vous mettez à la place des personnes que vous prenez en photo.

Je répèterai cette phrase autant que nécessaire : la peur ne part jamais vraiment. Avec la pratique je dirais même que la peur est un bon signe. Si j'ai peur de prendre une photo, je prends ça comme le signe qu'en réalité c'est parce que la photo est intéressante, parce que la scène vaut le déplacement. Si la scène n'était pas intéressante, il va sans dire que je n'aurais pas peur d'y aller.

Utilisez votre peur, appréhendez-la et essayez de reconnaître le positif : vous avez peur parce que vous vous apprêtez à prendre une bonne photo.

La peur est ce qui rend la photographie de rue difficile, mais c'est aussi tout son sel, toute son adrénaline. Sans la peur, vous n'y prendriez probablement aucun plaisir. Apprenez à aimer la peur.

Photo Genaro Bardy - New Yorkers, 2018

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