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La composition émotionnelle de Larry Fink

Larry Fink est un photographe passionnant, mais je le connais plus comme un éducateur fascinant. Les fulgurances de ces réflexions et sa pratique de la photographie avec une attention particulière à son côté kinesthésique, aux atmosphères ou au langage du corps, donne une matière infinie à la réflexion et à la poursuite de photographiques qui soient plus “physiques”, qui vous rendront plus présent dans vos photos.

Si cette introduction est trop cryptique, le mieux est de laisser la parole au maître Larry Fink, dans un texte issu de son livre On composition and improvisation, que je vous recommande vivement si vous lisez l’anglais.

La composition émotionnelle

Une fois que vous arrivez à un endroit et que vous comprenez ce que vous ressentez à l’intérieur, comment vous vous y connectez, comment traduisez-vous cela dans votre photographie ? La photographie est composée de bien plus que seulement le sujet. Elle se construit avec l’esthétique et avec les outils techniques de l’appareil photo, qui vous permettent de créer, sous la forme physique d’une photographie, un chemin scintillant vers la communication de ce qui est essentiellement et entièrement dans votre tête, dans votre pensée.
Bien que la mise au point, la profondeur de champ et la vitesse d’obturation soient des termes techniques, ils sont également à votre disposition pour des raisons émotionnelles. Vous les utilisez souvent, en travaillant la mise au point ou la profondeur de champ tour à tour, pour voir combien de façons différentes vous pouvez interpréter la nature sensorielle de l’expérience qui se place devant vous.
Si je pensais d’une femme que je photographiais, “C’est la femme la plus sensuelle que j’aie jamais vue de ma vie, et tout ce que je veux faire, c’est donner l’impression qu’il n’y a pas de frontière entre nous, qu’il n’y a pas d’interruption”, j’utiliserais une profondeur de champ très courte pour que l’arrière-plan disparaisse et qu’il n’y ait rien de net à part elle. La photo montrerait cet amour que je ressens.
— Larry Fink

Une photographie est le reflet de l’âme du photographe, autant que l’interprétation d’un sujet. Une photographie en dira toujours beaucoup plus que vous ne croyez sur votre état d’âme, sur ce que vous pensez du sujet que vous photographiez. On photographie qui on est.

Mary, New York City 1958 - Photo Larry Fink

Cependant, si je pensais que cette femme était une intellectuelle menaçante et que je n’avais avec rien d’autre qu’un désir d’information didactique, je dirais: “Oh, laissez-moi la rendre complexe et pédante dans certaines parties du puzzle”, et j’utiliserais une plus longue profondeur de champ, mettant davantage l’arrière-plan au point.
Je trouverais un moyen d’incorporer différents types de structures rythmiques et arythmiques dans le cadre afin qu’elle ne devienne rien d’autre qu’une partie d’un événement menaçant. Dans ce cas, j’utilise la mise au point, ainsi que la composition et la profondeur de champ, comme un outil émotionnel.
— Larry Fink

Ce que vous mettez ou ignorez dans le cadre a un sens, participe de l’émotion générale que transmet votre photographie. Utilisez les propriétés représentatives de la photographie comme le focus, l’instant, le cadre et la planéité, pour transmettre du sens ou un message.

Aga, Thierry Mugler Haute Couture, Paris Jan 1998 - Photo Larry Fink

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La photographie est l'expression d'un désir

Alors que j'étais en train de préparer le dernier module de formation du programme L'Étincelle, je tombe dans mes recherches deux fois sur la notion de désir en photographie, à quelques heures d'intervalle dans "On Composition and Improvisation" de Larry Fink et "How I Take Photographs" de Daido Moriyama.

Ces deux passages m'ont intéressé, chacun à leur manière. C'est donc l'occasion pour moi de vous les retranscrire et de partager quelques photos des deux remarquables photographes qui en sont les auteurs.

Larry Fink et l'immédiateté du désir

J'aime m'approcher, donner un sentiment d'intimité. Ce n'est pas seulement à quel point je suis proche de mon sujet, mais aussi à quel point je me sens proche. Le critique John Berger écrivait ceci dans son essai à propos de Caravage. Il suggère que son travail est à propos de l'immédiateté du désir, et je dirais que cela est également vrai dans mon travail. L'appareil photo peut faire ressortir un antagonisme ou le narcissisme intense du sujet. Le sujet peut faire l'amour à la caméra. Le sujet peut faire la haine à la caméra. Ils peuvent lui faire nombre de choses.

Ce que j'essaye de faire est de percer ce qui est hostile ou harmonieux dans notre relation et d'aller au cœur de ce qui crée cette énergie. Ceci implique d'être connecté à l'émotion ou à la sensualité. Je ne parle pas de sensualité comme un désir sexuel ou d'une répulsion à un niveau superficiel. Je parle des sens - tous les sens - du bout des doigts jusqu'au bout de la langue.

Larry Fink

Daido Moriyama dans ce monde inconnu et étranger

Quelles capacités sont les plus utiles à un Photographe de rue, dans ce monde inconnu et étranger ? [...] Bien sûr un œil aiguisé est fondamental. Et bien sûr vous devez être vigilant, sensible, réactif, à l'aise dans votre corps, pour pouvoir répondre aux stimuli autour de vous immédiatement.

Mais au-dessus de tout, vous devrez avoir du désir. Ce désir que le photographe doit sentir au moment où il déclenche. Si vous n'avez pas de désir, vous ne verrez pas ce qui est devant vous. Je parle du désir que l'on ressent au moment qui vous pousse à déclencher. Le désir est tout autour de nous, il y en a une quantité disponible gigantesque, infinie.

Il est important d'être vrai vis-à-vis de ce désir. Pour prendre une photographie qui est digne de tout cet intérêt et pleine de sens, vous devez devenir un avec ce désir quand vous déclenchez.

Daido Moriyama


Que serait la photographie, si elle n'était pas l'expression d'un désir de son auteur ?

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