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Qu'est-ce qu'une grande photo ?

De temps en temps, je prends une photo qui me marque, dont le sentiment reste longtemps après la prise de vue. Cette photo m'obsède, elle reste gravée dans ma mémoire et mes pensées sans que je puisse la laisser de côté.

Qu'est-ce qu'une grande photo ? Déjà commençons par la définir, l'adjectif "grande" ne me convient pas forcément, c'est simplement le meilleur terme que j'ai trouvé pour l'instant, rien ne traduit parfaitement l'adjectif anglais "great". J'ai hésité avec une photo "forte", pour qualifier ce sentiment qui persiste, et j'ai rejeté une "bonne" photo qui pour moi va être beaucoup plus fréquente. Une bonne photo, c'est une photo que j'ai sélectionnée pour l'utiliser. Certains photographes professionnels, dont je suis, disent qu'une bonne photo est une photo vendue. Cette définition est parfaite, une bonne photo répond à un besoin de communiquer. Mais une grande photo, ou une photo forte, c'est en réalité une photo exceptionnelle, qui arrive rarement.

Je souhaite ici vous partager mes réflexions et mes lectures sur le sujet. Je ne crois pas que nous arrivions à la définition parfaite d'une grande photo, ni à déterminer comment la réaliser. Nous allons tourner autour sans l'identifier. Nous allons le voir, une grande photo est une sorte de MacGuffin de la photographie : on la cherche constamment, sans vraiment pouvoir la saisir. En réalité Hitchcock le disait très bien, un MacGuffin ce n'est rien, et pourtant tout le monde court après.

Donnez-moi une raison de me souvenir de cette photo

Commençons par l'essai de Sophie Howarth et Stephen MacLaren dans 'Street Photography Now'. Le passage est traduit par mes soins de la version anglaise, mais vous pouvez trouver le livre en Français (donc avec une autre traduction) :

Une grande photographie de rue doit susciter plus qu'un regard rapide et un moment de reconnaissance de la part du spectateur. Un sens de mystère et d'intrigue doit rester, et ce qui est caché est souvent aussi important que ce qui est montré. [...] Donnez-nous une raison de nous souvenir de cette photo. C'est la bonne question à poser, mais aussi celle à laquelle il est impossible de répondre. Comme le disait le grand photographe Robert Doisneau 'si je savais comment prendre une bonne photo, je le ferais à chaque fois'.

Sophie Howarth et Stephen MacLaren dans 'Street Photography Now'

Nous sommes en plein dedans. Une photo est exceptionnelle parce qu'elle donne au spectateur une raison de se souvenir d'elle au delà des deux secondes (deux dixièmes ?) que nous passons habituellement à regarder une photo. Puis Robert Doisneau nous dit simplement qu'une grande photo est un cadeau, et donc que la pratique photographique est une recherche parsemée d'échecs innombrables pour atteindre son but.

Virtuosité technique, composition originale et contenu captivant sont tous essentiels, même s'ils ne garantissent pas nécessairement une grande photographie de rue. Des trois, ce qui fait un contenu captivant est celui qui prête le plus à débat. [...] Parfois un photographe de rue capture quelque chose de vraiment inhabituel - un visage étonnant, un accident ou un crime. Mais plus souvent une photo de rue est remarquable parce qu'elle rend l'ordinaire extraordinaire.

Sophie Howarth et Stephen MacLaren dans 'Street Photography Now'

Voilà nos trois suspects : technique, composition et contenu. Il est évident qu'un contenu extraordinaire est le plus difficile à formaliser, à moins que vous ne pratiquiez de la pure mise-en-scène.

Mais je trouve ici une piste intéressante : rendre l'ordinaire extraordinaire. Cet aspect est intéressant car il implique fortement le spectateur, et donc aussi le photographe. Ce qui est ordinaire pour certains ne l'est pas forcément pour d'autres. On touche ici à une forme de subjectivité très utilisée en journalisme : la loi de proximité. La loi de proximité est le principe suivant lequel les informations ont plus ou moins d'importance suivant leur proximité par rapport au lecteur. Cette proximité est généralement décomposée en quatre axes : géographique, temporel, affectif et sociétal/socio-professionnel.

Je m'explique, en tête d'article cette photo de deux enfants à Salvador de Bahia n'aura pas la même résonance pour quelqu'un qui découvre Salvador en visite, pour celui qui y vit comme moi depuis presque 2 ans, ou pour quelqu'un qui y aura passé toute sa vie. Ce qui est ordinaire pour l'un est exotique pour l'autre, notamment pour celui qui n'y a jamais mis les pieds.

Si une grande photo rend l'ordinaire extraordinaire, alors ce qui la rend extraordinaire est par essence très subjectif, cela dépend fortement du spectateur.

Une grande photo doit être “dure”

J'aime particulièrement l'approche de Joël Meyerowitz, traduite ici depuis le livre Bystander :

Tant qu'il y aura la photographie, il y aura des personnes qui essaient de faire des photos "dures", comme celles que Garry Winogrand et moi essayions de faire il y a 25 ans. "Dur" est un terme que nous utilisions beaucoup. [...] "Dur" voulait dire que la photo était sans compromis. C'était quelque chose qui venait des tripes, de l'instinct, et c'était lourd d'une certaine manière, impossible de le caractériser selon les standards habituels. Donc c'était dur. Dur à aimer, dur à regarder, dur à réaliser, dur d'y trouver du sens. Ce n'était pas ce à quoi ressemblait les autres photos. [...] Vous ne pouviez pas vraiment le comprendre.

Joël Meyerowitz dans 'Bystander'

C'est à la fois limpide et parfaitement mystérieux. Une grande photo est une épreuve, la prise de vue implique le photographe et lui demande d'aller chercher, à l'extérieur et au plus profond de lui-même, en même temps.

Si une grande photo est incompréhensible, pourquoi chercher, pourquoi photographier ? Il suffirait de laisser le hasard s'en charger ? Bien sûr que non. C'est en cherchant, en composant, en racontant, que parfois les planètes, les étoiles, le soleil, les yeux et le coeur s'alignent. Pour obtenir une photo dure, il faut chercher des photos dures à réaliser. Je trouve ici un encouragement à aller photographier plus, plus souvent, à repousser mes petites limites pour aller chercher cette grande photo.

Obvie et Obtus

Poursuivons avec Roland Barthès et le passage du livre L'Obvie et L'Obtus. Essais critiques, livre qui ne traite pas seulement de la photographie mais également de la peinture ou de la musique. Dans la partie qui concerne la photographie :

Il me semble distinguer trois niveaux de sens. Un niveau informatif, ce niveau est celui de la communication.

Un niveau symbolique, et ce deuxième niveau, dans son ensemble, est celui de la signification. Est-ce tout ? Non.
Je lis, je reçois, évident, erratique et têtu, un troisième sens. Je ne sais quel est son signifié, du moins je n'arrive pas à le nommer, ce troisième niveau est celui de la signifiance.

Roland Barthès dans 'L'Obvie et L'Obtus. Essais critiques'

Roland Barthès n'évoque ici que le contenu de la photo et tente d'aller au delà du signifiant, le niveau physique et technique de la photo, ou du signifié, ce que représente effectivement la photo, pour introduire le terme de 'signifiance'. Ce n'est pas seulement la symbolique, ce que peut vouloir dire le contenu d'une photo, c'est autre chose. Peut-être à chercher du côté de l'essai plus connu de Roland Barthes, La Chambre Claire . Il y fait la distinction entre deux types de photos et leurs caractéristiques : le Studium et le Punctum :

Le Studium, c’est une photo que l'on peut lire

selon les règles du savoir courant. On la regarde, mais on ne la mémorise pas.

[...]

Le Punctum, c'est l'élément imprévisible de l'image qui touche le spectateur. Car pour décrire ce genre de photo,
celles du punctum, il faut dire "je". Le punctum c'est "ce qui me point" Le Punctum n'est pas intentionnel. Il n'est pas composé volontairement, il n'est pas analysable.

Roland Barthès dans 'La Chambre Claire'

Je ne sais pas si je suis beaucoup plus avancé. J'ai plutôt ici des confirmations de ce que je pressentais. Déjà une grande photo, à supposer que j'y associe le Punctum de Barthes, c'est "ce qui me point", ce qui me touche. C'est éminemment personnel, et donc subjectif. Ce qui sera une grande photo pour moi, ne le sera pas forcément pour les autres.

Et enfin le mystère s'épaissit puisque le Punctum ne serait pas composé volontairement, ne serait pas analysable. Il serait alors impossible à reproduire. C'est en phase avec ce que nous avons vu jusqu'à présent.

Je reconnais instantanément une grande photo

Et moi dans tout ça ? Déjà, je dois reconnaître que je sais au moment du déclenchement quand je vais avoir une photo que je trouve extraordinaire. Je vois la scène se dérouler, je suis dans la zone, dans cette recherche ou tout mon esprit est concentré vers une photo que j'espère. J'ai une sorte d'intuition, les éléments se placent de manière harmonieuse, et un incident particulier arrive qui place la scène parfaitement dans le cadre et lui donne une tournure forte.

Ainsi donc, je sais instantanément que je vais avoir une photo que je vais adorer. Cela me plonge dans un état d'excitation intense, probablement parce que je suis passionné par cette activité, j'ai l'impression d'avoir atteint un sommet.

Et pourtant je dois reconnaître que ce sentiment si particulier d'être arrivé à quelque chose d'extrêmement satisfaisant m'est arrivé également au développement, pas à la prise de vue. Mais je sais aussi que la photo concernée avait été prise le jour même et que je l'ai développée parce que j'avais l'intuition d'un bon potentiel. En fait, je crois que c'est avec l'expérience que j'arrive à reconnaître ces moments-là.

Pour moi, c'est un moment de grâce, où on reconnait que la photo que l'on a prise transcende simplement le sujet, le lieu ou l'instant qui ont été choisis. La photo est convenablement exposée, les éléments qui composent la photo semblent parfaitement alignés, tout cela est un pré-requis. Et puis il y a un petit quelque chose en plus.

Ce petit quelque chose en plus, pour moi c'est un incident. Un regard qui révèle, un geste physique caractéristique ou l'esprit du lieu qui est parfaitement représenté.

Le point de connection émotionnelle

Je conclurai cette réflexion sur la grande photo ou la photo forte par les mots de Susan Meiselas, photographe de l'agence Magnum. Elle parle bien de ce mystère, par essence subjectif, que j'appelle parfois incident ou moment de grâce, qui caractérise une grande photo. Elle parle de "point de connection émotionnelle" :

Qu’est-ce qui fait une bonne photo ? C’est une question difficile, pourtant il y a quelques principes fondamentaux - par exemple les règles de composition, le nombre d’or, les lignes directrices et ainsi de suite - même si vous exécutez une photographie à la soit disante perfection technique, il n’y a pas de garantie que cela résulte en une photo engageante.
Ce qui est souvent cité comme élément clé d’une photo réussie est un point de connection émotionnelle, en combinaison avec un puissant sens de la forme.

Susan Meiselas

Parfois, que vous photographiez dans la rue, pour un projet, pour quelqu'un ou pour vous-même, une photo touchera un point sensible. Une vibration particulière dans un cadre parfaitement composé, dans un instant qui révèle tout ce que vous vouliez exprimer. C'est ce point de connection émotionnelle qui sera reconnu par d'autres qui regardent votre photo et qui voudront encore y passer quelques secondes de plus. C'est la photo qui vous fait vous arrêter dans une expo. C'est une grande photo.

Je terminerai avec les mots de Martin Parr qui répondent parfaitement à ceux de Robert Doisneau cités plus haut :

Si je savais comment prendre une grande photo, j'arrêterais.

Martin Parr

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Ce que j’ai appris de Joel Meyerowitz et Garry Winogrand

Tous ces enseignements sont issus du dernier chapitre du livre ByStander de Colin Westerbeck et Joel Meyerowitz. ByStander est le meilleur ouvrage sur la photographie de rue qu'il m'ait été donné de lire, bien que le point de vue soit très américain. Ce dernier chapitre est une discussion entre Colin Westerbeck (conservateur, auteur et enseignant de l'histoire de la photographie) et Joel Meyerowitz, immense photographe que j'admire dans chacune de ses entreprises. Joël Meyerowitz retrace son parcours au début des années 60 et notamment sa relation particulière avec Garry Winogrand, un autre grand photographe de rue.

Joel Meyerowitz et Garry Winogrand se sont rencontrés dans le métro depuis Manhattan en direction du Bronx alors que Winogrand travaillait sur son premier livre "The Animals" et que Meyerowitz rentrait chez lui. Puis ils se sont croisés à plusieurs reprises dans les rues de Manhattan. S'en suivit une amitié qui laisse rêveur tout amoureux de la photo, deux des plus grands photographes de New York arpentaient les rues et photographiaient la plupart du temps ensemble.

Voici les enseignements que j'ai trouvé les plus inspirants de cette relation :

[NDLA : tout est traduit par mes soins]

Les photos de rue doivent être « dures »

Les photos de rue doivent être dures à réaliser. Les scènes doivent être dures à trouver. Si j'augmente la difficulté dans mes prises de vues, je limite le nombre de personnes qui pourront en réaliser des similaires, j'aurai moins de concurrence et serai plus facilement original. Surtout en augmentant la difficulté j'obtiens des photos qui ont une connexion émotionnelle forte avec celui qui regarde les photos. Une photo difficile est reconnue comme telle par celui qui la voit, son pouvoir de fascination est d'autant plus élevé. C'est aussi un bon moyen de lutter contre l'ennui et la répétition de situations tout le temps similaires ou banales.

Quelques exemples de photos difficiles à réaliser :

  • S’approcher très près. Voire trop près.

  • Composer en triangle. Essayer de toujours avoir 3 « scènes » ou sujets évidents sur une même photo sans qu’ils se chevauchent.

  • Le moment parfait. Je n’aime plus beaucoup l’instant décisif, j’ai maintenant beaucoup de mal avec cette notion, bien qu’elle m’ait fasciné pendant des années. On laisse passer en permanence des moments qui pourraient être plus beaux, plus intéressants, il faut apprendre à les abandonner. Un moment n’est pas décisif parce que vous avez su le capter, pour moi une photo est le meilleur élément d’un travail, d’une performance du photographe. Le moment est parfait parce que tout s’aligne comme vous l’avez espéré, attendu ou vu, et parce que la scène dit quelque chose de l'endroit où vous êtes ou du sujet que vous suivez.

Phrase de Joël Meyerowitz - ByStander

Photo Joel Meyerowitz

Photo Joel Meyerowitz

Photo Garry Winogrand

Photo Garry Winogrand

Mes photographies ont une humeur

Le travail de Garry Winogrand ressemblait à la vie qui passait en fuyant et ce gars l'attrapait au vol. Ses photos étaient drôles, drôles et folles. [...]

Garry Winogrand avait une hyper-personnalité. Il donnait un tempo tellement fort dans la rue qu'il était impossible à suivre. Vous aviez juste à adopter son mouvement. Quand j'étais avec lui, je ne le regardais pas, nous regardions chacun l'action autour de nous, mais je n'ai jamais vraiment adopté sa manière de travailler et de photographier. Vous pouviez le voir dans ses photos. Elles étaient tellement chargées, en les voyant vous commenciez à comprendre sa manière physique de prendre des photos. Elles vous montraient directement qu'elles étaient une réponse sans aucune hésitation.

Joël Meyerowitz - ByStander

C'est en travaillant de manière répétée à New York que je me suis rendu compte que mon humeur changeante pouvait influencer grandement mes photos. Si je traverse une étape difficile de ma vie, ma physicalité dans la rue sera différente, mes interactions seront différentes, et mes photos reflèteront mes émotions.

Au contraire si je suis joyeux, déterminé à sortir des photos, je repousserai des limites et irai chercher ce que je n'aurais jamais soupçonner pouvoir réaliser. Mon style photographique est avant toute chose représenté par mon humeur, et par un regard que je peux poser sur ce qui m'entoure. Pas uniquement un regard graphique, mais une énergie, que ce soit une curiosité ou une drôlerie, qui reflètera mes émotions les plus profondes.

Photo Garry Winogrand

Photo Garry Winogrand

Photo Joel Meyerowitz

Photo Joel Meyerowitz

Les manifestations sont d'excellentes occasions

Nous allions à chaque manifestation, chaque marche, tous les rassemblements à Central Park ou Times Square ; quand il y avait des marches, nous y allions tous. Nous nous y rendions vraiment pour deux raisons. Déjà parce qu'on prêtait notre corps à une bonne cause, parce que c'était juste, mais aussi parce que c'était un endroit parfait pour faire des photographies. C'était chaotique, il y avait des foules énormes, et puis il y avait les médias. [...] Tout le monde se tournait vers les camions de télévisions, et puis la police arrivait, les manifestants arrivaient, et bam, confrontation. Et puis les lumières de NBC s'allumaient à un autre endroit et ça bougeait le long de la rue. C'était comme un flipper.

Joël Meyerowitz - ByStander

Quand je commençais mon activité professionnelle à Paris, je passais chaque week-end à arpenter les manifestations qui ne manquaient pas d'arriver pour une raison ou une autre. Je choisissais bien sûr plutôt les causes que je défendais, n'étant pas en commande.

Aujourd'hui je vis à Salvador de Bahia, cette ville est plutôt réputée pour ses processions religieuses catholiques et Candomblé. Si je le peux, je suis présent à chacune d'elle. Les manifestations sont des endroits rêvés pour la photographie de rue, pour observer la vie quotidienne et les habitudes locales, et pour trouver des scènes extra-ordinaires qui seront parfaites pour des photos.

Photo Joel Meyerowitz

Photo Joel Meyerowitz

Photo Garry Winogrand

Photo Garry Winogrand

Trouver un camarade de jeu

Joël Meyerowitz dit de leur relation avec Garry Winogrand qu'ils étaient comme "deux gavroches" dans les rues du Bronx. Deux enfants essayant de capter la vie autant et aussi bien qu'ils pouvaient.

Garry aimait avoir de la compagnie. Il avait besoin d'être dehors dans les rues, et il avait besoin de compagnie avec lui tout le temps. C'était irrésistible, il était irrésistible. Il disait tout le temps "Allons-y ! Allons-y !" dès le début de notre relation, il m'appelait le matin et disait : "écoute, je te retrouve au Greasy Spoon au croisement d'Amsterdam et de la 96e. Nous prendrons un café, puis on sort et on photographie." Je sortais dans les rues intensément entre 1962 et 1965, avec ce gars, cette boule de nerfs inarrêtable.

Joël Meyerowitz - ByStander

Mes principaux camarades de jeu sont maintenant les participants à mes voyages-photo, où ceux à qui j'enseigne dans les rues de Salvador. Je me crois plus proche de Garry Winogrand sur cette aspect, j'aime avoir quelqu'un à qui montrer mes photos, discuter photographie ou des scènes que nous croisons, ou politique, ou quoi que ce soit en fait. La photographie, c'est mieux à plusieurs.

Et pour progresser j'ai adoré coller aux basques des grands photographes que j'ai trouvé sur ma route, merci à eux de m'avoir supporté. Trouvez un mentor et posez-lui toutes les questions que vous pouvez, ce sera toujours utile, et follement amusant.

Photo Garry Winogrand

Photo Garry Winogrand

Photo Joel Meyerowitz

Photo Joel Meyerowitz

La photographie est une méditation

Timing, intuition. C'est ce sixième sens que vous ne pouvez pas vraiment décrire à quelqu'un d'autre. Je ne voudrais pas aller de manière trop lourde sur cette partie mystique de la photographie, mais si vous êtes à un endroit suffisamment longtemps, que vous soyez en canoë le long du Grand Canyon ou si vous marchez le long de la 5ème avenue, vous commencez à apprendre le cours de la rivière ou des rues et à comprendre le comportement des gens. Si vous voyez une anomalie dans la foule, ou sentez un changement de densité de la foule, à 15 ou 20 mètres, vous allez vous préparer et essayer d'observer ce qui s'y passe, ce qui va arriver. Vous commencez à prévoir et à vous projeter en position et alors peut être que ça viendra de votre côté.

Joël Meyerowitz - ByStander

Rentrer dans cette zone si particulière de concentration n'arrive pas instantanément, ça se décide. Quand je commence à chercher des photos autour de moi, ma concentration grandit peu à peu. Une lumière étonnante, un détail amusant, puis tiens une scène qui correspond à ma focale, comment pourrais-je l'attraper. Et si j'allais là ? Mais pourquoi a-t-il l'air triste. Oh un beau rouge qui sort d'une zone d'ombre. Mais qu'est-ce que c'est que ce chapeau, haha ça n'a l'air de rien.

Quand je lève le nez il peut s'être passé 20 minutes, surtout si je n'ai personne avec moi. Rentrer dans la zone commence par une méditation, mon appareil, un réglage, ok je commence autour de moi, puis plus loin et je scanne, zone après zone. Et je recommence.

Photo Joel Meyerowitz

Photo Joel Meyerowitz

Photo Garry Winogrand

Photo Garry Winogrand

1200 ISO et être là

Nous travaillions de manière totalement différente de Robert Franck. C'est une différence de métabolisme, mais c'est aussi une différence technique. Avec Garry Winogrand nous utilisions de la pellicule Tri-X 400 que nous poussions à 1200 ASA [NDLE équivalent 1200 ISO si vous utilisez un appareil photo numérique]. La raison est que cela nous permettait d'avoir une vitesse au 1/1000e de seconde autant que possible, parce que si vous faites de la photo de rue au 1/125e de seconde, les photos sont floues. Si vous êtes en train de bouger vers quelque chose ou si votre sujet est en mouvement, l'un des deux mouvements ruinerait la photo. Je m'en suis rendu compte en observant le travail de Garry. Pousser le film comme ça était l'innovation de Garry.

Joël Meyerowitz - ByStander

Pendant des années j'ai photographié dans les rues ou en reportage en mode priorité vitesse au 1/250e de seconde, avec une sensibilité de 200, 400 ou 800 ISO selon les conditions de lumière. Mais avec le temps je reviens à plus de simplicité : Mode P et 1200 ISO minimum pour que la vitesse soit suffisamment élevée.

Moins je pense à mes réglages, plus je passe de temps à composer et à chercher des photos "dures" à réaliser. Le dicton populaire en photographie de rue est "F8 and be there" - "F8 et soyez-là". Mais je crois que "ISO 1200 et soyez-là" est encore plus pertinent.

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