Comment appréhender les portraits de rue ?
Les portraits de rue constituent une pratique particulière de la photographie de rue. Pour moi, les portraits ont un rôle essentiel pour raconter l'histoire d'un lieu, de communiquer une atmosphère ou de développer une idée en s’appuyant sur des personnages qui en témoignent. Les portraits de rue sont également l’occasion de rencontres inattendues, j’ai rencontré certains de mes meilleurs amis en leur proposant quelques photos. Les portraits donnent aussi l’opportunité de raconter l’histoire d’une personne, d’offrir un point de vue sur le sujet qui vous intéresse.
Cependant, bien qu'il soit incroyablement gratifiant de réaliser des portraits dans des lieux publics avec des inconnus, il n'est pas toujours facile de réussir ses images, d’abord parce que le temps disponible est souvent beaucoup plus court. En effet, il se peut que les bons sujets et les bonnes compositions ne vous viennent pas naturellement, ou que vous vous sentiez mal à l'aise de photographier les personnes que vous croisez dans la rue.
Je vous propose ici quelques conseils pour vos portraits de rue, pour être plus à l’aise et que vous soyez en mesure de créer des images intéressantes et évocatrices.
Réussir ses portraits de rue : pensez à l’arrière-plan
La plupart des photographes se focalisent sur le visage et le corps du sujet et ignorent le reste de l'environnement, c’est une erreur majeure, la plus facile à résoudre. Même si votre profondeur de champ est réduite pour isoler votre sujet, vous devez faire attention aux effets de planéité et voir dans l’arrière plan ce qui interagit avec votre sujet ou perturbe la lecture de votre photo.
Les portraits de rue ont souvent un contexte, et un bon arrière-plan peut aussi mettre en valeur le portrait en montrant l'environnement qui aide à raconter l'histoire de votre personnage.
Réfléchissez à l'endroit où vous allez placer votre sujet et d’où vient la principale source de lumière, quand vous avez choisi observez l'arrière-plan. Demandez-vous quel est le meilleur cadrage et observez comment en vous décalant légèrement vous pouvez modifier l’arrière plan et le rendre plus harmonieux.
N'ayez pas peur de demander une photo à des inconnus
Photographier les personnes de près peut être intimidant lorsque l’on débute, mais vous constaterez assez vite que la plupart des gens sont heureux d'être pris en photo. Si vous débutez dans cette pratique, commencez par demander d'abord la permission. Soyez amical et expliquez ce que vous allez faire, ça se passera souvent bien. Il suffit de demander poliment : "Est-ce que je peux vous prendre en photo ?". La plupart du temps, vous obtiendrez un sourire ou un hochement de tête en retour. Être pris en photo est souvent vu comme un compliment quand vous demandez la permission.
Le portait, dans la rue ou non, c’est d’abord la relation que vous arriverez à établir, avec vos sujets. Soyez sympathique et vous rencontrerez majoritairement des personnes qui recevront votre proposition agréablement.
Réussir ses portraits de rue : quand le naturel prime
Une fois que vous aurez pris confiance dans votre pratique du portrait de rue, en demandant systématiquement la permission, vous pourrez passer à l’étape d’après : prendre des photos sur le vif en étant très proche de vos sujets. Si vous voulez capter des instantanés étonnants et naturels, c’est certainement la meilleure méthode, mais c’est aussi celle qui paraît la plus “tête brulée”, qui fait le plus peur.
Vous pouvez tout à fait commencer par prendre des photos, même très près, et ENSUITE demander la permission et reprendre un peu plus haut la méthode. Vous demandez si vous pouvez garder la photo, vous expliquez votre démarche, toujours avec le sourire et la manière la plus sympathique qui soit. Puis vous pouvez commencer une mini-séance de portrait avec la collaboration de votre sujet.
À mon avis, l'un des meilleurs conseils pour les portraits de rue est d'expliquer ce que vous essayez d'obtenir. Dites aux intéressés que vous voulez que le portrait ait l'air aussi naturel que possible, qu'ils doivent agir comme si vous ne les preniez pas en photo. Plus ils comprendront qu'un portrait est une collaboration, mieux ils poseront. Enfin, montrez le résultat et proposez-leur de leur envoyer les meilleurs clichés.
Photographie de rue et simplicité
Restez simples lorsqu'il s'agit de portraits de rue. Isolez les sujets, faites attention aux arrière-plans et utilisez des compositions simples.
Regardez attentivement la scène avant de déclencher. Contient-elle des éléments inutiles ? Un arrière-plan simple aiderait-il votre sujet à se démarquer ? Que pensez-vous de la composition générale ? Quelle est la valeur de plan qui est utilisée et que dit-elle de votre personnage ?
Supprimez les éléments inutiles d'une composition si vous les remarquez. Dans certains cas, il suffit de faire un pas de côté pour améliorer le cadre. Dans certaines situations, il faudra se rapprocher du sujet, s'en éloigner ou prendre de la hauteur.
J’espère que ces conseils vous ont aidé, vous ont détendu par rapport à cette pratique si particulière. Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive, vous pouvez chercher des manière originales de composer vous-même vos portraits de rue.
Le syndrome du bâtard
Il existe des amitiés qui transcendent la distance et la séparation, et je suis heureux de vous parler aujourd’hui de mon amie Marie. Aujourd’hui sort en librairie le livre qui est autant un récit qu’un essai intitulé Le Syndrome du Bâtard.
Dans une vie qui me semble si lointaine aujourd’hui, je rencontrai Marie dans un dîner où j’étais accompagné de mon nouveau grand amour : mon appareil photo. Marie est une des premières personnes que j’ai photographié “en essayant de faire des photos”, c’est à dire en prenant un appareil photo avec moi toute une soirée et en consacrant effectivement du temps à capturer des instants sans demander un sourire convenu.
Marie riait fort, elle était joyeuse, et quand je photographie je regarde mais surtout j’écoute. Photographier me permet de me mettre dans le trou de la serrure d’une pièce, je suis celui qui fait des photos qu’on oublie assez vite, alors j’entends tout et j’essaye d’attraper le rythme des voix. Marie avait ces cheveux blonds qu’on a besoin de ne voir qu’une fois pour s’en souvenir. Ils attirent d’autant plus l’oeil quand ils sont haut perchés. Marie était belle, alors je prenais des photos de la jolie blonde au bout de la pièce.
Quand nous nous sommes parlés, je crois que nous avons connecté instantanément. Rencontrer une amie, c’est rencontrer une âme complice. Les quatre cents coups, elle les avait déjà faits. Je m’apprêtais à les faire en quittant tout, en vivant de fêtes, de blogs et de voyages, alors nous pouvions bien rire de toutes nos futilités, passées et à venir.
Quand nous avons parlé sérieusement, je découvrais que chacun d’entre nous n’avait aucune autre limite que notre volonté. Grâce à mes patrons qui m’ouvraient les yeux et mes lectures qui m’ouvraient la voie, je me rendais compte que je pourrai vraiment faire ce que je voudrais si j’en avais l’absolue volonté. Et parce que je ne suis pas avare en prétentions, je pensais que tout le monde pouvait faire pareil. Marie me disait qu’elle aimait lire par dessus tout et qu’elle aimerait écrire : “ouvre un blog”.
En matière de projets, Marie a tout ce qui me manque : la patience de l’excellence. Quand je commence dix projets pour en terminer un, Marie met dix ans pour en rendre un seul parfait. J’exagère à peine. Car pour écrire un livre, un seul, le chemin est vertigineux, périlleux et tellement long. Marie pèse chaque mot, cuisine le moindre paragraphe, elle assemble d'allers et retours et dresse un titre comme personne. Je suis convaincu que ce livre est le début d’une carrière d’autrice sublime.
Parce que nous avons été proches tout le long de ce chemin, je sais toute la difficulté de sortir de soi cette histoire, tellement dure dans ses prémices mais tellement belle dans son déroulement. Marie a lutté chaque phrase et chaque virgule, parce que cette histoire est une tragédie qui nous concerne tous en nous renvoyant à notre identité : notre filiation, notre rapport à nos parents. Même si ces sujets ne remplissaient déjà les salles d’attente des psychanalystes, ce serait facile à comprendre : ce que nos parents font de nous, ce que nos parents disent et taisent nous définissent. Le secret tue, malgré tout.
Le livre Le syndrome du bâtard est l’aboutissement de ce chemin pris par Marie pour découvrir son histoire et révéler les conséquences de ces secrets sur les enfants illégitimes ou naturels.
Quelle drôle d’expression. Qui donc aurait le droit de déclarer un enfant illégitime ? Qui pourrait croire qu’un enfant ne soit pas naturel, pour avoir besoin de le préciser ?
Aller lire le livre de Marie, c’est tout ce que je trouve naturel dans cette histoire.
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Les photos à suivre sont de Svend Andersen, elles participent au projet Bande de Bâtard qui recueille des témoignages d’enfants illégitimes.