Ce que racontent les blocs échoués
Le 2 décembre 1959, le barrage de Malpasset, construit pour irriguer les activités agricoles de la plaine, rompt. Une vague de 50 mètres inonde la Vallée Rose puis descend vers Fréjus, le quartier des Arènes, l’avenue de Verdun, le quartier de Villeneuve pour finir á Fréjus Plage. Le déferlement de 50 millions de mètres cubes d’eau entraîne 423 morts. Dans le lit du Reyran, gisent des blocs qui composaient le barrage de Malpasset.
‘Ce que racontent les blocs échoués’ est un livre de photographies qui explore le rapport des habitants et des visiteurs de Fréjus avec le lieu. Il fait le lien entre la catastrophe de Malpasset et l’histoire de la ville, comment elle s’est transformée pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui.
Ce projet est le résultat de mon travail en résidence artistique à Port Fréjus au mois d’août 2021.
Au total, le livre contient 57 photos, dont 24 seront exposées à Port-Fréjus et dans le centre-ville, du 23 juin au 26 août 2022.
Livre de 104 pages
Couverture rigide
57 photos
Livre créé, écrit, mis en page et produit par Genaro Bardy
Dimensions :
- Longueur 32,7 cm
- Hauteur 28,5 cm
- Épaisseur 1,7 cm
Le livre sera expédié le jeudi 23 juin 2022.
Il est également disponible à la Capitainerie de Port-Fréjus.
La photographie change tout
Lors de la formation L’Étincelle, j’ai parfois des participants qui m’écrivent parce qu’ils ne savent pas comment interpréter les exercices que je leur propose. Ils doutent de ce qu’ils font, se bloquent ou ne savent plus comment avancer. J’aime alors leur rappeler que la photographie doit d’abord être un plaisir, celui d’enregistrer le monde et de se créer des souvenirs.
Pour la prise de vue, quand on ne sait pas par où commencer, je pense que le mieux est d’avoir une base de travail applicable tout le temps : chercher trois valeurs de plan, plan large, plan moyen, plan serré, et tourner autour de son sujet pour chercher le meilleur angle ou la meilleure lumière.
La photographie est finalement assez simple : on photographie ce que l’on vit. Si vous voulez des photos intéressantes, vivez intéressant.
Mais je crois aussi que la photographie est beaucoup plus que simplement “enregistrer le monde”. Et c’est justement le postulat du livre “Photography Changes Everything” édité en 2012 par la fondation Aperture. Photography Changes Everything explore le fond photographique du Smithsonian Institute, avec de nombreux textes de photographes, tous plus intéressants les uns que les autres, qui commencent tous par la phrase “Photography changes…”. Je vous propose ici l’un de ces textes qui m’a particulièrement intéressé, peut-être qu’il pourra vous inspirer.
La photographie change l’histoire de nos vies
par Marvin Heiferman, traduit par mes soins.
Parfois, les photographies les plus simples sont celles qui deviennent les plus fortes. Les instantanés sont comme ça : clic, un volet s'ouvre et se ferme ; et une image réalisée en une fraction de seconde transforme un instant de la vie quotidienne en quelque chose de spécial, voire de magique. Les expériences banales se transforment en souvenirs. Ce qui était vivant devient immobile. Le présent devient le passé. Depuis l'introduction des premiers appareils photo Kodak en 1888, nous sommes tous devenus des photographes, autorisés et encouragés à enregistrer la vie non pas telle qu'elle est vécue, mais telle que nous voulons la voir représentée.
La photographie instantanée est devenue abordable au début du XXe siècle, lorsque l'envoi et la réception de cartes postales illustrées était une nouveauté, alors que les photos de stars de cinéma déclenchaient des fantasmes selon lesquels n'importe qui pouvait devenir célèbre, et que des pages de magazines remplies de publicités séduisantes montraient la vie ordinaire de personnes normales, des images parfois sensationnelles rendaient publique la vie privée de personnes connues ou ordinaires. Un débat animé s'est développé autour de toutes ces photographies - sur la façon dont la photographie accordait l'autorité à certains, la célébrité à d'autres, et la visibilité et la promesse d'immortalité à tous.
La photographie instantanée a permis aux amateurs de réaliser leurs propres images d'actualité, de publicité ou documentaires, le tout au cours de leur vie quotidienne. Des photographies d'êtres chers, d'objets précieux, d'événements spéciaux, d'expériences inédites et de lieux préférés ont été réalisées puis envoyées à des laboratoires pour être traitées. Une fois revenues, ils s'émerveillaient, parlaient, se moquaient, pleuraient. Ensuite, ces photos ont été collées dans des albums, placés dans des cadres et rangés dans des portefeuilles, des boîtes à chaussures et des sacs en papier. Examinez n'importe quel instantané d'assez près et vous vous souviendrez des défis et du plaisir de distiller les grands moments et les petites victoires de la vie en images emblématiques.
L'image suivante (provenant d'une collection d'instantanés du Smithsonian de personnes et de leurs automobiles) en est un exemple parfait et complexe : une journée ensoleillée, une femme souriante, la brise qui lui décoiffe les cheveux, une voiture impressionnante et dans l'arrière-plan une rangée de monuments de cimetière.
La qualité de la compression et la juxtaposition surréaliste de nombreux instantanés expliquent en grande partie leur signification et leur impact hors du commun. Les instantanés peuvent nous rappeler ce qui est ou était autrefois. Ils peuvent submerger la mémoire et même la logique. Les instantanés, qu'ils soient les nôtres ou qu'ils soient anonymes comme celui-ci nous excusent brièvement du présent et nous permettent de repenser au temps et à la mortalité. Les instantanés nous fascinent parce qu'ils sont incomplets ; ils exigent notre interaction. Nous les regardons à la recherche d'indices, essayant de nous souvenir ou de confirmer qui nous étions, ce qui comptait pour nous, où nous étions et ce que nous sommes devenus.
Au cours des décennies qui ont suivi la prise de cette image charmante et curieuse, notre rapport aux instantanés et à la technologie photographique a changé. Aujourd'hui, les instantanés ne sont plus des souvenirs fragiles et uniques que nous fabriquons pour documenter des occasions spéciales. Nous sommes allés au-delà de simplement prendre des photos et de poser pour des photos lors de fêtes d'anniversaire, de remises de diplômes et de voyages. Nous prenons et partageons des images numériques de tout ce que nous trouvons provocateur, étrange, amusant ou embarrassant. Aujourd'hui, la photographie n'est pas spéciale ; elle est là tout le temps. Et les instantanés ne sont plus par nature privés ; ils peuvent atteindre et atteignent parfois des publics inattendus, inimaginables et sans aucune frontière en quelques secondes.
Des clichés réalisés en 2004 par des soldats américains travaillant comme gardiens dans la prison d'Abou Ghraib en Irak ont circulé rapidement et dans le monde entier, déclenchant un scandale international. Les réseaux sociaux, les sites de rencontres et les sites de pornographie amateur encouragent la publication et la visualisation d'images à des niveaux inimaginables il y a dix ans. Au fur et à mesure que vous lisez ceci, les êtres chers, les proches, les amis, les rivaux, les familles, les employeurs potentiels, les prédateurs sexuels, les banques, les bureaux d'admission des universités, les agents des forces de l'ordre et les agents politiques explorent tous Internet pour voir comment les gens sont représentés dans leurs instantanés, dont beaucoup ont survécu ou sont devenus beaucoup plus que leur contexte d'origine et leur public cible. Les vieux clichés, eux aussi, ont de nouvelles vies et de nouveaux publics alors que les clichés papier du XXe siècle sont jetés, deviennent rares et finissent dans les collections des musées, preuve poignante de notre besoin primordial et constant d'être vus, reconnus et mémorisés.
MARVIN HEIFERMAN est conservateur indépendant, écrivain et éditeur, il a été directeur créatif Smithsonian Photography Initiative (2005-10). Ses projets de conservation et de publication incluent : Bill Wood's Business (2008), Now Is Then (2008), John Waters: Change of Life (New Museum, 2004), Paradise Now: Picturing the Genetic Revolution (2000), Fame After Photography (1999 ), Talking Pictures (1994), I'm So Happy (1991), Image World: Art and Media Culture (1989) et The Family of Man, 1954-84 (1984). Éditeur collaborateur à Art in America, Heiferman écrit également sur la culture visuelle pour des catalogues et des publications de musées, notamment Artforum, Bookforum et BOMB.
Le syndrome du bâtard
Il existe des amitiés qui transcendent la distance et la séparation, et je suis heureux de vous parler aujourd’hui de mon amie Marie. Aujourd’hui sort en librairie le livre qui est autant un récit qu’un essai intitulé Le Syndrome du Bâtard.
Dans une vie qui me semble si lointaine aujourd’hui, je rencontrai Marie dans un dîner où j’étais accompagné de mon nouveau grand amour : mon appareil photo. Marie est une des premières personnes que j’ai photographié “en essayant de faire des photos”, c’est à dire en prenant un appareil photo avec moi toute une soirée et en consacrant effectivement du temps à capturer des instants sans demander un sourire convenu.
Marie riait fort, elle était joyeuse, et quand je photographie je regarde mais surtout j’écoute. Photographier me permet de me mettre dans le trou de la serrure d’une pièce, je suis celui qui fait des photos qu’on oublie assez vite, alors j’entends tout et j’essaye d’attraper le rythme des voix. Marie avait ces cheveux blonds qu’on a besoin de ne voir qu’une fois pour s’en souvenir. Ils attirent d’autant plus l’oeil quand ils sont haut perchés. Marie était belle, alors je prenais des photos de la jolie blonde au bout de la pièce.
Quand nous nous sommes parlés, je crois que nous avons connecté instantanément. Rencontrer une amie, c’est rencontrer une âme complice. Les quatre cents coups, elle les avait déjà faits. Je m’apprêtais à les faire en quittant tout, en vivant de fêtes, de blogs et de voyages, alors nous pouvions bien rire de toutes nos futilités, passées et à venir.
Quand nous avons parlé sérieusement, je découvrais que chacun d’entre nous n’avait aucune autre limite que notre volonté. Grâce à mes patrons qui m’ouvraient les yeux et mes lectures qui m’ouvraient la voie, je me rendais compte que je pourrai vraiment faire ce que je voudrais si j’en avais l’absolue volonté. Et parce que je ne suis pas avare en prétentions, je pensais que tout le monde pouvait faire pareil. Marie me disait qu’elle aimait lire par dessus tout et qu’elle aimerait écrire : “ouvre un blog”.
En matière de projets, Marie a tout ce qui me manque : la patience de l’excellence. Quand je commence dix projets pour en terminer un, Marie met dix ans pour en rendre un seul parfait. J’exagère à peine. Car pour écrire un livre, un seul, le chemin est vertigineux, périlleux et tellement long. Marie pèse chaque mot, cuisine le moindre paragraphe, elle assemble d'allers et retours et dresse un titre comme personne. Je suis convaincu que ce livre est le début d’une carrière d’autrice sublime.
Parce que nous avons été proches tout le long de ce chemin, je sais toute la difficulté de sortir de soi cette histoire, tellement dure dans ses prémices mais tellement belle dans son déroulement. Marie a lutté chaque phrase et chaque virgule, parce que cette histoire est une tragédie qui nous concerne tous en nous renvoyant à notre identité : notre filiation, notre rapport à nos parents. Même si ces sujets ne remplissaient déjà les salles d’attente des psychanalystes, ce serait facile à comprendre : ce que nos parents font de nous, ce que nos parents disent et taisent nous définissent. Le secret tue, malgré tout.
Le livre Le syndrome du bâtard est l’aboutissement de ce chemin pris par Marie pour découvrir son histoire et révéler les conséquences de ces secrets sur les enfants illégitimes ou naturels.
Quelle drôle d’expression. Qui donc aurait le droit de déclarer un enfant illégitime ? Qui pourrait croire qu’un enfant ne soit pas naturel, pour avoir besoin de le préciser ?
Aller lire le livre de Marie, c’est tout ce que je trouve naturel dans cette histoire.
> cliquez ici pour commander le livre chez les libraires indépendants.
Les photos à suivre sont de Svend Andersen, elles participent au projet Bande de Bâtard qui recueille des témoignages d’enfants illégitimes.