Au-delà des apparences

La vie rêvée, Marie Lemeland - Photo Genaro Bardy

Voir vient avant le verbe. Il sera toujours plus rapide et instantané d'expérimenter une photographie que de réfléchir, comprendre et verbaliser ce qu'elle signifie. Une photo transmet plus rapidement son message qu'un texte. Pourtant, il y a des choses qu'une photo ne peut pas faire, il y a des choses qu'une photo ne peut pas dire.

Comme photographe, nous essayons de mettre autant de sens et de symbolique que possible dans nos photographies. Si une photo contient toute une histoire, elle peut la raconter sans notre aide, sans légende. Mais il y a toujours un monde plus grand au delà d'une photo. Nous mettons un cadre autour d'un petit espace-temps, et ce cadre parle aussi de ce qu'il ne contient pas. Le mieux qu'une photographie puisse faire est de suggérer ce qu'il y a au-delà.

Si vous pratiquez le portrait, interviewer les personnes que vous photographiez donnera toujours plus de profondeur à votre pratique. En connaissant mieux celui ou celle qui vous donne de son temps, votre regard changera, vos directions ou vos intuitions seront mieux inspirées.

Je me souviens de cette période si particulière où je ne souhaitais qu'une chose : photographier toujours plus, toujours mieux. Parce que je voulais mieux connaître la pratique du portrait, je commençai en me donnant un objectif, qui était autant un projet qu'une performance ou un défi : j'allais photographier une personne par jour pendant un mois.

30 portraits / 30 entretiens

Invariablement, je proposais de passer au moins 30 minutes ensemble. J'estime avoir besoin d'au moins 20 minutes pour réaliser un portrait convenable, pour établir cette relation si particulière du déclenchement que nous partageons alors.

Mes 10 premières minutes étaient consacrées à l'histoire de la personne qui allait être photographiée. Je lui demandais de définir ou d'expliquer sa "vie rêvée", et j'enregistrais notre conversation et mes questions qui me permettaient de mieux comprendre comment cette personne se projetait dans l'avenir ou appréciait son présent.

C'était passionnant. Quelqu'un me racontait son métier de rêve, une autre me disait apprécier ce qu'elle avait. Tellement d'histoires, tellement de belles rencontres. De nos conversations, j'essayais d'extraire une phrase qui soit la plus fidèle à ce que j'avais entendu et vu. Ces conversations me permettaient aussi de toujours avoir des idées de mise en scène, de cadrage ou simplement d'essayer de voir un regard qui soit au plus près de nos échanges.

Bien sûr, la vie rêvée pour moi, c'était justement de faire ce photos, de mener ce projet. Ce projet n'est jamais allé au bout, au sens où je ne l'ai jamais publié ni même complété. Mais j'ai tellement appris pendant ce mois de portraits, sur les autres et sur moi-même.

De cette expérience, j'ai compris que je voudrai toujours essayer de montrer plus qu'une photo, en donnant de la voix à un portrait, en utilisant un contexte pour donner du sens à une attitude ou un regard. L'apparence est essentielle en portrait, c'est une évidence. Elle sera toujours sublimée si vous arrivez à aller au delà. Et le seul moyen d'y arriver, c'est d'essayer.

Brieuc et Sandra - Photo Genaro Bardy

Jérémy - Photo Genaro Bardy

Pierre - Photo Genaro Bardy

Gaëlle - Photo Genaro Bardy

Damien - Photo Genaro Bardy

Marie - Photo Genaro Bardy

Précédent
Précédent

Je sais que je ne sais rien

Suivant
Suivant

5 Leçons de Photographie de rue avec Andre D. Wagner